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CA VERSAILLES (16e ch.), 28 janvier 2021

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (16e ch.), 28 janvier 2021
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 16e ch.
Demande : 19/03234
Date : 28/01/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 2/05/2019
Référence bibliographique : 9742 (prêt en francs suisses), 6009 (indices, appréciation globale), 5705 (imprescriptibilité de l’action), 5735 (différence avec la nullité), 9742 (prêt en francs suisses)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8773

CA VERSAILLES (16e ch.), 28 janvier 2021 : RG n° 19/03234

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Mais attendu que, comme les appelants le font valoir, la sanction de la clause « réputée non écrite », visée à l'article L. 132-1 du code de la consommation et, par conséquent qui est tenue pour n'avoir jamais été stipulée, n'est pas soumise à la prescription extinctive de droit commun dès lors que la demande ne s'analyse pas en une demande en nullité mais en une sanction autonome susceptible d'être recherchée sans qu'aucun texte n'enferme l'action à cette fin dans un délai, ainsi que cela résulte d'ailleurs de la doctrine de la Cour de cassation mettant un terme à des divergences d'appréciation des juridictions de fond sur cette question (Cass. civ. 1ère, 13 mars 2019, pourvoi n° 17-23169, publié au bulletin) ;

Que la banque ne peut valablement poursuivre la confirmation du jugement sur ce point en se prévalant de diverses décisions plus anciennes rendues par des juridictions de fond ou affirmer, comme elle le fait qu'en tout état de cause l'action est prescrite dès lors qu'il s'agit en réalité d'une action en nullité ;

Qu'il en résulte que le jugement doit être infirmé en ce que, faisant application des dispositions de l'article 2224 du code civil et fixant le point de départ de ce délai au plus tard au 31 décembre 2009, il a accueilli la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la banque en disant n'y avoir lieu à examen des moyens articulés au fond ».

2/ « Qu'il est d'abord constant que l'appréciation du caractère abusif des clauses, au sens de cet article, ne porte pas sur l'objet principal du contrat, sauf à démontrer que leur rédaction n'est pas claire et compréhensible ;

Qu'à cet égard, le Crédit Mutuel se réclame à juste titre de la jurisprudence de la CJUE interprétant la directive 93/13 qui a dit pour droit « que la notion « l'objet principal du contrat », au sens de cette disposition, couvre une clause contractuelle (…) insérée dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère, n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle et selon laquelle le prêt doit être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté, dès lors que cette clause fixe une prestation essentielle caractérisant ce contrat. Par conséquent, cette clause ne peut pas être considérée comme étant abusive, pour autant qu'elle soit rédigée de façon claire et compréhensible » (CJUE, 20 sept 2017, Ruxandra Paula A. e.a. / Banca Romaneâsca SA, C-186/16)

Qu'en l'espèce, les clauses litigieuses stipulées aux conditions particulières, en ce qu'elles prévoient le prélèvement des échéances sur un compte libellé dans la devise du prêt, à savoir en francs suisses, définit clairement et sans équivoque possible l'objet principal des contrats de crédit immobilier dont les époux X., agissant dans le cadre d'une opération plus complexe de défiscalisation, ont demandé, dès l'origine et avec l'assistance d'un conseil en investissement, qu'ils soient consentis dans cette devise ;

Que ces clauses précisent les modalités de l'amortissement de ces deux prêts, le paiement en euros se faisant par la conversion selon un taux de change et le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (auquel se réfère pertinemment l'établissement bancaire intimé), a pu connaître, du fait de leur clarté et intelligibilité, la possibilité de hausse ou de dépréciation de la devise et évaluer les conséquences économiques sur ses obligations financières ; que le changement de parité entre la devise empruntée et l'euro jusqu'au complet remboursement du prêt, stipulé à l'article 1l.4 des conditions générales, est, en outre, entré dans le champ contractuel sans que les époux X. puissent raisonnablement se prévaloir de son obscurité ;

Qu'ils ne peuvent, au surplus, valablement prétendre que le risque de change et de variation du taux d'intérêts leur est demeuré incompréhensible en se prévalant du caractère abstrait et général de l'attestation que la banque leur a demandé de signer le 22 février 2008 alors que son examen permet de considérer que leur attention a été attirée par la banque sur les points particuliers de cette convention et notamment sur « les risques d'évolution d'un capital placé sur un support spéculatif » ou sur les « risques de change liés au cours du franc suisse » dont ils ont déclaré avoir pris connaissance ;

Qu'eu égard à leur niveau intellectuel, ils ne sauraient non plus soutenir que l'ensemble des informations fournies leur était inaccessible et ne leur permettait pas d'apprécier la nature et la portée de leurs engagements pas plus que de mesurer les risques encourus en cas de dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse ainsi que les conséquences induites sur leurs obligations financières ;

Que les appelants ne sont donc pas fondés à prétendre qu'au moment de la conclusion du contrat les clauses litigieuses portant sur l'objet du contrat n'étaient ni claires ni compréhensibles ».

3/ « Qu'en second lieu et s'agissant de la question de savoir si les clauses litigieuses ont créé, au détriment des consommateurs « un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », il convient ici de rechercher les mentions de l'offre préalable qui permettraient au prêteur de décider unilatéralement et sans contrepartie de l'application d'un taux fixe variable sans indiquer un indice de référence ;

Que dès lors que l'existence d'un déséquilibre significatif doit être apprécié au regard du seul contrat en cause, est inopérante l'argumentation des appelants selon laquelle la banque, bien qu'exposée comme eux au risque financier, se trouve détentrice des outils financiers ci-avant énumérés qui lui permettent de couvrir le risque de change lié aux prêts en devises alors qu'ils n'en disposent pas ;

Qu'en revanche la banque oppose pertinemment à ce grief un risque de change qui leur est commun dans la mesure où elle-même est soumise à l'aléa du taux de change, la stipulation relative à ce taux ne mettant pas à la charge des seuls emprunteurs toute variation le concernant et son évolution ne dépendant pas de la volonté d'une des parties au contrat ;

Qu'en faisant valoir que la contrepartie du prêt en devise réside dans le bénéfice d'un taux d'intérêt particulièrement attractif (qui n'est pas un taux d'appel) en ce qu'il est indexé sur une devise étrangère mais comporte comme corollaire le risque de variabilité de cette parité entre les monnaies, que les stipulations de l'article 11.4 précité étaient contrebalancées par la faculté offerte à l'emprunteur de se délier du contrat (comme le prévoient les articles 11 et 14) ou de demander la conversion du prêt en euros, la banque est fondée à prétendre que les époux X. ne peuvent arguer d'un déséquilibre significatif résultant des stipulations contractuelles ».

4/ « Qu'une question préjudicielle en interprétation peut être présentée en tout état de cause, même à titre subsidiaire, de sorte qu'elle doit être déclarée recevable ;

Que, sur le bien-fondé de cette demande, il y a lieu de relever que la directive 93/13 CEE du Conseil du 05 avril 1993 a déjà fait l'objet de multiples questions par les juridictions nationales de l'Union et ont été intégrées dans sa jurisprudence par la Cour de cassation reprenant, notamment, in extenso, dans un arrêt de sa première chambre rendu le 24 octobre 2019 (pourvoi n° 18-18047), ce que la CJUE a dit pour droit (arrêt du 20 septembre 2017, A. e.a. C-186/16) relativement à un prêt devant être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté et, fixant une prestation essentielle du contrat, se devant de décrire de façon claire et précise le risque de variation du taux de change et par conséquent son influence sur la durée du prêt et la charge totale du remboursement ; qu'en conséquence, diverses questions posées dans le présent litige, ci-dessus reprises, se révèlent inutiles ;

Qu'il est, par ailleurs, constant que la CJUE a été saisie par les juridictions françaises de plusieurs renvois préjudiciels en interprétation, le Crédit Mutuel observant à cet égard que les appelants citent d'ailleurs à diverses reprises dans leur argumentation plusieurs de ces décisions (notamment rendues le 30 avril 2014 et le 20 septembre 2017) ;

Que force est de constater que les époux X. qui se bornent à insérer l'entier dispositif de leurs conclusions dans la discussion ne démontrent de nulle façon, à la faveur d'un travail de recherche et d'analyse, que les questions qu'ils entendent soumettre à la Cour de justice de l'Union européenne, dans le cadre du présent litige, ne se trouvent pas privées de cause du fait de l'autorité attachée aux décisions rendues par cette juridiction ;

Qu'ils n'explicitent pas davantage en quoi leur question préjudicielle serait nécessaire pour trancher le présent litige, en méconnaissance des exigences de l'article 267 du Traité ;

Que cette demande étant présentée devant la cour d'appel et, par conséquent, soumise aux exigences procédurales de l'article 954 du code de procédure civile, il convient de juger qu'en l'absence de présentation d'un quelconque moyen au soutien de cette demande, ainsi qu'observé par la cour lors des plaidoiries sans avis pertinent des appelants sur ce point, il n'y a pas lieu à statuer sur cette demande ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

SEIZIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 28 JANVIER 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/03234. N° Portalis DBV3-V-B7D-TFR6. Code nac : 53A. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 4 avril 2019 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES : R.G. n° 17/05789.

LE VINGT HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTS : - en présence de Mme Nathalie L. épouse R.

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, [...], [...]

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville], de nationalité Française, [...], [...]

Représentant : Maître Katia D. de la SELARL D., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 541

 

INTIMÉE :

CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE

Association coopérative inscrite à responsabilité limitée auprès du Tribunal de Mulhouse, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège N° SIRET : XXX, [...], [...], Représentant : Maître Pascale R.-G. de la SCP H. et Associés, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 - N° du dossier 1700710, Représentant : Maître Serge P. de la SELARL ORION AVOCATS & CONSEILS, Plaidant, avocat au barreau de STRASBOURG, vestiaire : 44, substitué par Maître Marion DE R., avocat au barreau de STRASBOURG

 

Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 décembre 2020, Madame Sylvie NEROT, Président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de : Madame Sylvie NEROT, Président, Madame Fabienne PAGES, Président, Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Monsieur Antoine DEL BOCCIO

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre acceptée le 15 mars 2008, réitérée devant notaire le 25 mars 2008 et à la suite de la réception d'un récapitulatif des principales caractéristiques du crédit établi par la banque ainsi que de la signature par les emprunteurs, le 22 février 2008, d'un document relatif aux informations reçues, la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe (ci-après : le Crédit Mutuel), a consenti aux époux X., entrés en relation avec elle par l'entremise d'un conseiller financier, deux prêts immobiliers destinés à financer, à des fins locatives, l'acquisition d'un appartement situé à [ville J.] (Aude), s'agissant d'une vente en état futur d'achèvement sous un régime de défiscalisation, à savoir :

- un prêt au montant initial de 318.000 CHF, remboursable in fine en une échéance payable au 30 juin 2029, les intérêts au taux indexé sur le Libor en CHF 3 mois, initialement de 4,00 % l'an, étant payables le 31 décembre de chaque année,

- un prêt au montant initial de 53.000 CHF, remboursable in fine en une échéance payable au 30 juin 2029, les intérêts au taux indexé sur le Libor en CHF 3 mois, initialement de 4,00 % l'an, étant payables le 31 décembre de chaque année, ce prêt n'ayant été débloqué qu'à hauteur de 30.380 CHF.

Cette offre comportait pour chacun de ces prêts, les stipulations suivantes, objet du litige :

- remboursement du crédit (conditions particulières)

article 5.3 : « Tous remboursements en capital, paiement des intérêts et des commissions et cotisations d'assurance auront lieu dans la devise empruntée.

Les échéances seront débitées sur tout compte en devises (ou le cas échéant en euros) ouvert au nom de l'un quelconque des emprunteurs dans les livres du prêteur ».

article 6.3 : « La monnaie de paiement est l'euro, l'emprunteur ayant toujours la faculté de rembourser en euros les échéances au moment de leur prélèvement »

- dispositions propres aux crédits en devises (conditions générales communes)

article 11.4 : « Il est expressément convenu que l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l'euro qui pourrait intervenir jusqu'au complet remboursement du prêt ».

Exposant que le franc suisse a connu une « envolée » à la suite d'une décision de la Banque Centrale Helvète en janvier 2015, estimant que les prêts consentis contenaient une clause abusive, à savoir la clause 11.4, et que, par ailleurs, la banque n'a pas respecté son devoir de mise en garde, les époux X. l'ont assignée au fond, par acte du 8 août 2017, à l'effet de voir juger que la clause de l'article 11.4 afférente au risque de change doit être déclarée non écrite et de voir, de plus, la banque condamnée à leur verser des dommages-intérêts à hauteur de la somme de 150.000 euros.

Etant observé que le grief a été étendu en cause d'appel aux articles 5.3 et 6.3 précités.

Par jugement contradictoire rendu le 4 avril 2019 le tribunal de grande instance de Versailles a :

- rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'action en inopposabilité de la clause abusive,

- déclaré irrecevables comme prescrites les actions fondées sur le caractère abusif d'une clause et sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde,

- débouté monsieur X. et madame Y. épouse X. de toutes leurs demandes,

- condamné solidairement monsieur X. et madame Y. épouse X. aux dépens,

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire,

[*]

Par dernières conclusions (n° 3) notifiées le 3 décembre 2020 monsieur X. et madame Y., son épouse, appelants de ce jugement selon déclaration reçue au greffe le 2 mai 2019, demandent à la cour, au visa des articles 1147 du code civil, L. 132-1 et L. 212-1 du code de la consommation, 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de la directive 93/13CEE du 05 avril 1993, d'infirmer le jugement (entrepris) en toutes ses dispositions, en conséquence, statuant à nouveau :

à titre principal

- de déclarer l'action recevable,

- de juger que les clauses 5.3 et 6.3 (remboursement du crédit) et 11.4 afférentes au risque de change de l'acte de prêt du 25 mars 2008 sont abusives et sont réputées non écrites,

- de juger, s'agissant du prêt de 318.000 CHF que le montant du capital à rembourser s'élève à 201.011 euros,

- de juger, s'agissant du prêt de 53.000 CHF débloqué à hauteur de 30.380 CHF que le montant du capital à rembourser s'élève à 19.203 euros,

- de condamner la Caisse de Crédit mutuel de Mulhouse Europe à établir deux nouveaux tableaux d'amortissement, l'un pour le prêt de 201.011 euros (318.000 CHF) et l'autre pour le prêt de 33.501 euros (53.000 CHF) débloqué à hauteur de 19.203 euros (30.380 CHF) au même taux et sur la même durée avec substitution de l'euro au franc suisse, déduction faite des intérêts déjà versés réactualisés au cours de change à la date du déblocage du prêt, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

à titre subsidiaire

- de juger la demande afin de soumettre à la Cour de justice de l'Union européenne en vue de l'interprétation des Traités européens les questions préjudicielles recevable et bien fondée,

- de soumettre à la Cour de justice de l'Union européenne en vue de l'interprétation des Traités européens les questions préjudicielles suivantes ou toute autre question qui lui semblera pertinente :

1- « Le caractère clair et compréhensible d'une clause contractuelle visé par la directive 93/13 doit-il s'entendre en ce sens que la banque est tenue de préciser explicitement par une clause l'existence d'une variation permanente du taux de change, notamment lorsque les emprunteurs sont en zone euro et que cette variation a pour conséquence de créer au détriment du consommateur un risque illimité de change et que ce risque de change a pour conséquence de faire varier de manière illimitée le capital à rembourser ainsi que la valeur de ses remboursements ou la description du mécanisme contractuel conduisant à ces effets, comme c'est le cas en l'espèce ?

2- « Le caractère clair et compréhensible d'une clause contractuelle visé par la directive 93/13 doit-il s'entendre en ce sens que le juge national se limite à contrôler formellement la rédaction des clauses du contrat, comme en l'espèce, sans s'assurer qu'une clause rende concret et explicite et puisse évaluer les conséquences économiques du risque de change lui-même ?

3- « Le caractère clair et compréhensible d'une clause contractuelle visé par la directive 93/13 est-il compatible avec l'absence d'information chiffrée sur l'évolution du capital à rembourser, des mensualités, ou encore de la durée du crédit, afin de permettre au consommateur de comprendre concrètement son exposition au risque de change, notamment en l'absence d'une clause explicitant l'existence d'un risque de change ?

4- « Le caractère clair et compréhensible d'une clause contractuelle visé par la directive 93/13 n'impose-t-il pas au banquier d'attirer l'attention du consommateur sur le risque d'un déplafonnement sans limite des mensualités, ou revient-t-il au consommateur de déduire ce déplafonnement des autres clauses du contrat ?

5- « Le caractère clair et compréhensible d'une clause contractuelle visé par la directive 93/13 n'impose-t-il pas au banquier de rendre explicite et concret par une clause les modalités de réalisation et de paiement du risque de change, en l'espèce par l'augmentation du capital sans limite et un déplafonnement sans limite des mensualités de remboursement ?

6- « Le caractère clair et compréhensible d'une clause contractuelle visé par la directive 93/13 n'impose-t-il pas au banquier d'attirer l'attention du consommateur sur le risque de pouvoir rembourser un tel crédit lorsque le capital augmente du fait de la réalisation du risque de change et devient sans rapport avec la valeur du bien immobilier financé en France par le biais d'un prêt en devise ?

7- « Le caractère clair et compréhensible d'une clause contractuelle ainsi que l'exigence de bonne foi visés par la directive 93/13 n'imposent-ils pas au juge national de s'assurer que le professionnel a bien informé le consommateur sur les anticipations du marché, ou les propres anticipations de la banque en matière de taux de change, spécialement lorsque le crédit est commercialisé en période de crise économique telle que celles des subprimes comme en l'espèce, et partant a bien informé sur les perspectives d'exécution du contrat, notamment sur la réalisation du risque de change ' A l'inverse, revient-il au consommateur, notamment lorsqu'il est situé en zone euro, de se documenter sur l'évolution du risque de change ?

8- « L'existence d'un déséquilibre significatif peut-il être caractérisé dans un contrat tel que celui en cause au principal dans lequel les deux parties subissent un risque de change, dès lors que le professionnel dispose de moyens supérieurs au consommateur pour anticiper le risque de change ? »

- de prononcer un sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur lesdites questions,

en tout état de cause

- de juger que la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe a manqué à son obligation de mise en garde à l'égard des époux X.,

- de juger que les époux X. ont subi un préjudice résultant de la perte de chance d'avoir conclu un contrat de prêt immobilier à des conditions plus avantageuses,

- de condamner la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe à verser aux époux X. la somme de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son manquement au devoir de mise en garde,

- de condamner la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe à payer la somme de 8.000 euros aux époux X. au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe aux entiers dépens.

[*]

Par dernières conclusions (n° 4) notifiées le 07 décembre 2020 la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe, visant les articles 2222, 2224, 1134, 1147 du code civil, 122 du code de procédure civile, L. 314-1, R. 314 et suivants du code de la consommation et L. 112-2 du code monétaire et financier, prie la cour :

à titre principal sur l'appel principal des époux X.

- à titre principal de juger les époux X. mal fondés en leurs demandes,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté (les époux X.) de toutes leur demandes, condamné (les époux X.) aux dépens, débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- de débouter, en conséquence, les époux X. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire si la cour jugeait que l'action n'est pas prescrite

- de juger que les clauses 5.3, 6.3 et 11.4 du contrat de prêt ne créent aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,

- de juger en conséquence que les clauses 5.3, 6.3 et 11.4 du contrat de prêt ne sont pas abusives,

- de débouter les époux X. de leur demande tendant à ce que la cour transmette à la CJUE 8 questions préjudicielles,

- de débouter en conséquence les époux X. tendant à ce que soit prononcé le sursis à statuer dans l'attente que la CJUE se prononce sur ces 8 questions,

- de juger que la CCM de Mulhouse Europe n'a commis aucune faute,

- de juger que les époux X. ont été avertis des risques induits par le contrat litigieux,

- de juger que les époux X. n'ont subi aucun préjudice,

- de débouter en conséquence les époux X. de leurs demandes d'indemnisation au titre des préjudices subis,

à titre subsidiaire, sur l'appel incident formé par la CCM Mulhouse Europe

- de recevoir la CCM dans son appel incident et de le dire bien fondé,

- de juger que le caractère abusif des clauses 5.3 et 6.3 (remboursement du crédit) et 11.4 relatives au risque de change ne peut être examiné dans la mesure où elles constituent l'objet principal du contrat et « est rédigée » de manière claire et compréhensible,

en tout état de cause

- de condamner les époux X. à verser à la CCM Mulhouse Europe la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner les époux X. aux entiers frais et dépens de la procédure.

[*]

Après révocation d'une première ordonnance de clôture du fait de la tardive demande de transmission de huit questions préjudicielles formulées par les appelants dans leurs conclusions n° 3 précitées, l'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée à l'action fondée sur la stipulation de clauses abusives :

Attendu que les époux X. poursuivent l'infirmation du jugement qui a déclaré irrecevable comme prescrite leur action à ce titre en énonçant, motifs notamment pris de l'insécurité juridique excessive que ferait courir une action imprescriptible et de l'esprit d'uniformisation présidant à l'adoption de la loi du 17 juin 2008, qu'elle devait être soumise au même régime que l'action en nullité et que son point de départ devait être fixé non point au 15 décembre 2015 (date à laquelle la Banque Centrale Helvète a abandonné le taux plancher) mais au moment où les époux X. ont pu prendre conscience des risques de change, soit, ponctuellement, en 2008 et, en tout cas, au plus tard le 31 décembre 2009, conduisant, par conséquent, le tribunal à considérer que l'action introduite le 08 août 2017 excédait le délai quinquennal de 5 ans pour agir ;

Mais attendu que, comme les appelants le font valoir, la sanction de la clause « réputée non écrite », visée à l'article L. 132-1 du code de la consommation et, par conséquent qui est tenue pour n'avoir jamais été stipulée, n'est pas soumise à la prescription extinctive de droit commun dès lors que la demande ne s'analyse pas en une demande en nullité mais en une sanction autonome susceptible d'être recherchée sans qu'aucun texte n'enferme l'action à cette fin dans un délai, ainsi que cela résulte d'ailleurs de la doctrine de la Cour de cassation mettant un terme à des divergences d'appréciation des juridictions de fond sur cette question (Cass. civ. 1ère, 13 mars 2019, pourvoi n° 17-23169, publié au bulletin) ;

Que la banque ne peut valablement poursuivre la confirmation du jugement sur ce point en se prévalant de diverses décisions plus anciennes rendues par des juridictions de fond ou affirmer, comme elle le fait qu'en tout état de cause l'action est prescrite dès lors qu'il s'agit en réalité d'une action en nullité ;

Qu'il en résulte que le jugement doit être infirmé en ce que, faisant application des dispositions de l'article 2224 du code civil et fixant le point de départ de ce délai au plus tard au 31 décembre 2009, il a accueilli la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la banque en disant n'y avoir lieu à examen des moyens articulés au fond ;

 

Sur l'action tendant à voir réputer non écrites les clauses litigieuses :

Attendu que les époux X., rappelant, d'abondance, diverses jurisprudences communautaires (ainsi que le principe de primauté et d'effectivité de ce droit) et nationales, outre un avis n° 13-01 de la Commission des clauses abusives, pour en tirer des critères d'appréciation de la clause abusive, soutiennent que, ni claires ni compréhensibles, les clauses stipulées en l'espèce, ci-avant reproduites, sont manifestement abusives en ce qu'elles ne renseignent pas suffisamment sur les conséquences et risques concrets des remboursements dans la devise empruntée et créent ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;

Qu'ils font valoir que la banque n'a nullement expliqué, de manière concrète et simple, les risques liés aux disparités de change, l'impact sur le paiement des intérêts n'étant indiqué nulle part, pas plus que n'est déterminé le cours de change ; que l'analyse financière à laquelle s'est livré monsieur J. mandaté, permet de dégager un surcoût d'intérêts de 7.125,60 euros et de 680,73 euros depuis la souscription des deux prêts, de même qu'une augmentation du capital, soit 91.409,56 euros et 8.728,18 euros au 22 mars 2017 ;

Que la banque ne leur a fourni aucune information pertinente leur permettant d'évaluer les conséquences économiques de la clause sur leurs obligations financières, aucun document ou simulation sur celles-ci afin de leur permettre d'anticiper la situation en cas de variation alors qu'ingénieur en informatique et éducatrice, ils sont profanes en la matière, ce que n'est pas le professionnel qu'est la banque, à même d'anticiper sur un « décrochage » de l'euro, disposant d'outils financiers, tels des produits de couverture, des swaps de devise, la détention de contrats à terme et options de change, et, par conséquent, de se prémunir du risque de change ; que les clauses incriminées créent donc, à leur sens, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;

Qu'ils réfutent, enfin, point par point, l'argumentation adverse tenant à l'amalgame qu'ils feraient entre la licéité du prêt en francs suisses et le caractère abusif de certaines clauses alors qu'ils ne remettent pas en cause cette licéité, tenant ensuite au fait qu'ils ont exécuté le contrat pendant plusieurs années et que les clauses étaient parfaitement intelligibles alors qu'un défaut d'exécution les exposait à la déchéance du terme, que les conséquences et incidences du taux de change ne leur ont pas été données, que l'attestation qu'ils ont rédigée était abstraite et générale et ne leur permettait pas d'apprécier, tout comme la notice remise, le risque de change et qu'aucune simulation ne leur a été remise, et tenant enfin à la dénégation d'un défaut d'explication du fonctionnement du mécanisme de conversion des devises rendant la clause inintelligible alors que ce mécanisme de remboursement (appréhendé dans les clauses 5.3 et 6.3) n'est pas précisé clairement ;

Que, semblablement, ils contestent l'argumentation adverse relative à l'absence de déséquilibre significatif ; que celui-ci n'est, à leur sens, que prétendu dès lors que la qualité de professionnel de la finance de la banque lui permettait d'anticiper un événement lié à des politiques monétaires, que les deux parties au contrat ne sont pas soumises au même aléa, qu'est inopérante l'invocation du taux attractif des prêts, de l'indivisibilité et de l'interdépendance entre la valeur monnaie étrangère et la stipulation d'intérêts dès lors que n'est pas faite la démonstration d'une absence de déséquilibre lié au risque de change et que la banque ne peut se prévaloir de la faculté offerte au consommateur de se délier du contrat par la conversion en euros venant contrebalancer le risque de change alors que la conversion est actuellement défavorable au consommateur et requiert l'accord de la banque ;

[*]

Attendu, ceci étant exposé, qu'il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L. 132-1 alinéa 1er applicable (devenu L. 212-1) du code de la consommation « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ;

Qu'il est d'abord constant que l'appréciation du caractère abusif des clauses, au sens de cet article, ne porte pas sur l'objet principal du contrat, sauf à démontrer que leur rédaction n'est pas claire et compréhensible ;

Qu'à cet égard, le Crédit Mutuel se réclame à juste titre de la jurisprudence de la CJUE interprétant la directive 93/13 qui a dit pour droit « que la notion « l'objet principal du contrat », au sens de cette disposition, couvre une clause contractuelle (…) insérée dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère, n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle et selon laquelle le prêt doit être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté, dès lors que cette clause fixe une prestation essentielle caractérisant ce contrat. Par conséquent, cette clause ne peut pas être considérée comme étant abusive, pour autant qu'elle soit rédigée de façon claire et compréhensible » (CJUE, 20 sept 2017, Ruxandra Paula A. e.a. / Banca Romaneâsca SA, C-186/16)

Qu'en l'espèce, les clauses litigieuses stipulées aux conditions particulières, en ce qu'elles prévoient le prélèvement des échéances sur un compte libellé dans la devise du prêt, à savoir en francs suisses, définit clairement et sans équivoque possible l'objet principal des contrats de crédit immobilier dont les époux X., agissant dans le cadre d'une opération plus complexe de défiscalisation, ont demandé, dès l'origine et avec l'assistance d'un conseil en investissement, qu'ils soient consentis dans cette devise ;

Que ces clauses précisent les modalités de l'amortissement de ces deux prêts, le paiement en euros se faisant par la conversion selon un taux de change et le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (auquel se réfère pertinemment l'établissement bancaire intimé), a pu connaître, du fait de leur clarté et intelligibilité, la possibilité de hausse ou de dépréciation de la devise et évaluer les conséquences économiques sur ses obligations financières ; que le changement de parité entre la devise empruntée et l'euro jusqu'au complet remboursement du prêt, stipulé à l'article 1l.4 des conditions générales, est, en outre, entré dans le champ contractuel sans que les époux X. puissent raisonnablement se prévaloir de son obscurité ;

Qu'ils ne peuvent, au surplus, valablement prétendre que le risque de change et de variation du taux d'intérêts leur est demeuré incompréhensible en se prévalant du caractère abstrait et général de l'attestation que la banque leur a demandé de signer le 22 février 2008 alors que son examen permet de considérer que leur attention a été attirée par la banque sur les points particuliers de cette convention et notamment sur « les risques d'évolution d'un capital placé sur un support spéculatif » ou sur les « risques de change liés au cours du franc suisse » dont ils ont déclaré avoir pris connaissance ;

Qu'eu égard à leur niveau intellectuel, ils ne sauraient non plus soutenir que l'ensemble des informations fournies leur était inaccessible et ne leur permettait pas d'apprécier la nature et la portée de leurs engagements pas plus que de mesurer les risques encourus en cas de dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse ainsi que les conséquences induites sur leurs obligations financières ;

Que les appelants ne sont donc pas fondés à prétendre qu'au moment de la conclusion du contrat les clauses litigieuses portant sur l'objet du contrat n'étaient ni claires ni compréhensibles ;

Qu'en second lieu et s'agissant de la question de savoir si les clauses litigieuses ont créé, au détriment des consommateurs « un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », il convient ici de rechercher les mentions de l'offre préalable qui permettraient au prêteur de décider unilatéralement et sans contrepartie de l'application d'un taux fixe variable sans indiquer un indice de référence ;

Que dès lors que l'existence d'un déséquilibre significatif doit être apprécié au regard du seul contrat en cause, est inopérante l'argumentation des appelants selon laquelle la banque, bien qu'exposée comme eux au risque financier, se trouve détentrice des outils financiers ci-avant énumérés qui lui permettent de couvrir le risque de change lié aux prêts en devises alors qu'ils n'en disposent pas ;

Qu'en revanche la banque oppose pertinemment à ce grief un risque de change qui leur est commun dans la mesure où elle-même est soumise à l'aléa du taux de change, la stipulation relative à ce taux ne mettant pas à la charge des seuls emprunteurs toute variation le concernant et son évolution ne dépendant pas de la volonté d'une des parties au contrat ;

Qu'en faisant valoir que la contrepartie du prêt en devise réside dans le bénéfice d'un taux d'intérêt particulièrement attractif (qui n'est pas un taux d'appel) en ce qu'il est indexé sur une devise étrangère mais comporte comme corollaire le risque de variabilité de cette parité entre les monnaies, que les stipulations de l'article 11.4 précité étaient contrebalancées par la faculté offerte à l'emprunteur de se délier du contrat (comme le prévoient les articles 11 et 14) ou de demander la conversion du prêt en euros, la banque est fondée à prétendre que les époux X. ne peuvent arguer d'un déséquilibre significatif résultant des stipulations contractuelles ;

Qu'il résulte de tout ce qui précède que les époux X. doivent être déboutés de leur demande tendant à voir juger que les clauses du contrat qu'ils incriminent sont abusives, partant non écrites, ainsi qu'en leur demande de condamnation subséquente d'établissement de nouveaux tableaux d'amortissement ;

 

Sur la question préjudicielle dont la cour est saisie à titre plus subsidiaire :

Attendu que, formulée seize mois après leur déclaration d'appel et à cinq jours d'une première date de clôture de l'instruction de l'affaire, les époux X. saisissent la cour d'une demande en interprétation d'un texte communautaire, selon huit questions préjudicielles reprises in extenso ci-avant ;

Qu'une question préjudicielle en interprétation peut être présentée en tout état de cause, même à titre subsidiaire, de sorte qu'elle doit être déclarée recevable ;

Que, sur le bien-fondé de cette demande, il y a lieu de relever que la directive 93/13 CEE du Conseil du 05 avril 1993 a déjà fait l'objet de multiples questions par les juridictions nationales de l'Union et ont été intégrées dans sa jurisprudence par la Cour de cassation reprenant, notamment, in extenso, dans un arrêt de sa première chambre rendu le 24 octobre 2019 (pourvoi n° 18-18047), ce que la CJUE a dit pour droit (arrêt du 20 septembre 2017, A. e.a. C-186/16) relativement à un prêt devant être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté et, fixant une prestation essentielle du contrat, se devant de décrire de façon claire et précise le risque de variation du taux de change et par conséquent son influence sur la durée du prêt et la charge totale du remboursement ; qu'en conséquence, diverses questions posées dans le présent litige, ci-dessus reprises, se révèlent inutiles ;

Qu'il est, par ailleurs, constant que la CJUE a été saisie par les juridictions françaises de plusieurs renvois préjudiciels en interprétation, le Crédit Mutuel observant à cet égard que les appelants citent d'ailleurs à diverses reprises dans leur argumentation plusieurs de ces décisions (notamment rendues le 30 avril 2014 et le 20 septembre 2017) ;

Que force est de constater que les époux X. qui se bornent à insérer l'entier dispositif de leurs conclusions dans la discussion ne démontrent de nulle façon, à la faveur d'un travail de recherche et d'analyse, que les questions qu'ils entendent soumettre à la Cour de justice de l'Union européenne, dans le cadre du présent litige, ne se trouvent pas privées de cause du fait de l'autorité attachée aux décisions rendues par cette juridiction ;

Qu'ils n'explicitent pas davantage en quoi leur question préjudicielle serait nécessaire pour trancher le présent litige, en méconnaissance des exigences de l'article 267 du Traité ;

Que cette demande étant présentée devant la cour d'appel et, par conséquent, soumise aux exigences procédurales de l'article 954 du code de procédure civile, il convient de juger qu'en l'absence de présentation d'un quelconque moyen au soutien de cette demande, ainsi qu'observé par la cour lors des plaidoiries sans avis pertinent des appelants sur ce point, il n'y a pas lieu à statuer sur cette demande ;

 

Sur la demande indemnitaire fondée sur le manquement de la banque à son obligation de mise en garde :

Attendu que se prévalant de cette faute précise à l'origine d'un préjudice dont ils demandent réparation à hauteur de la somme de 150.000 euros, les appelants poursuivent l'infirmation du jugement qui, appliquant la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil, énonce qu'il s'agit d'une action fondée sur le non-respect par la banque de son obligation pré-contractuelle de mise en garde, que le dommage résultant d'une telle violation consiste dans la perte de chance de ne pas contracter et se manifeste dès la conclusion du contrat, qu'ils ont pris connaissance des risques de change en signant l'attestation du 22 février 2008 et que la date où ils en ont concrètement pris connaissance doit être fixée au plus tard lorsqu'il est apparu sans équivoque que le taux du franc suisse avait évolué en leur défaveur, soit le 31 mars 2009, ceci pour conclure que la prescription extinctive était acquise lorsqu'ils ont introduit leur action ;

Que, citant à nouveau une foisonnante jurisprudence sur le devoir de mise en garde, outre les engagements de bonne pratique des établissements bancaires du 22 mai 2008, la recommandation du comité européen du risque systémique du 21 septembre 2011 et les mesures prises par l'autorité de contrôle selon une recommandation 2012-R-01 publiée le 06 avril 2012, ceci afin de dessiner les contours de cette obligation, les époux X. soutiennent que ne saurait leur être opposée la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

Qu'il font valoir que celle-ci ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime et qu'en l'espèce, cette date ne peut être fixée au jour de la conclusion des contrats pas plus que le 31 décembre 2009 (date à laquelle ils ne pouvaient déterminer si la variation du montant des intérêts était due à celle de l'indice Libor 3 mois ou au taux de change et n'avaient pas conscience du risque de change sur le capital) mais au 27 février 2015 (date de courriers d'information de la banque sur le montant du capital restant dû et sur le taux de change de la devise) ;

Attendu, ceci étant exposé, qu'il convient préalablement de relever que les époux X. qui se prévalent uniquement d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde, lequel oblige le dispensateur de crédit à se renseigner sur les capacités financières de l'emprunteur afin de ne pas l'exposer à un endettement excessif, critiquent en réalité la banque en ce qu'elle ne les a pas informés sur le risque de change et poursuivent, ce faisant, la sanction d'un manquement au devoir d'information ;

Qu'ainsi que justement énoncé par le tribunal, la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'a pu légitimement en avoir connaissance précédemment : que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation d'information consiste en une perte de chance de ne pas contracter (sanction que les appelants ne contestent pas) et se manifeste, par principe, dès l'octroi des crédits ;

Que force est de considérer que bien qu'entendant voir fixer au 27 février 2015 le point de départ de la prescription, ils ne font état, dans leurs écritures, que des fautes de la banque commises au moment de la souscription du contrat ; qu'il font en effet valoir que l'emprunteur ne les a pas clairement avertis que le taux de change pouvait évoluer à tout moment et qu'alors qu'ils percevaient des rémunérations en euros pour acquérir un bien en France, la banque les a conduits à accepter l'offre en cause sans leur avoir fourni d'informations sur les conséquences économiques de leur choix, en particulier sur l'évolution des taux de change ou au moyen d'une simulation chiffrée du prêt prenant concrètement en compte l'évolution du taux de change ;

Qu'ainsi, la chance perdue de ne pas contracter ou de contracter dans les conditions moins onéreuses sur le marché se situe, de leur propre aveu, au moment de la signature de ces contrats ;

Que les offres de prêt litigieuses ayant été acceptées le 15 mars 2008, il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'est prescrite l'action qu'ils ont introduite en juillet 2017 ;

 

Sur les demandes accessoires :

Attendu que l'équité conduit à condamner les époux X. à verser à la société intimée la somme complémentaire de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que, déboutés de ce dernier chef de réclamation, les époux X. qui succombent supporteront les dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

REJETTE la demande de transmission à la Cour de justice de l'Union européenne, aux fins d'interprétation, des huit questions préjudicielles formulées par monsieur X. et madame Y., son épouse ;

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action des requérants fondée sur le caractère abusif des clauses contenues aux articles 5.3, 6.3 et 11.4 des conventions litigieuses liant les parties et, statuant à nouveau en y ajoutant ;

DÉCLARE monsieur X. et madame Y., son épouse, recevables mais mal fondés en leur action fondée sur le caractère abusif des clauses contenues aux articles 5.3, 6.3 et 11.4 des conventions les liant à la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe et, statuant à nouveau en y ajoutant ;

DÉBOUTE monsieur X. et madame Y., son épouse, de leurs entières demandes ;

CONDAMNE monsieur X. et madame Y., son épouse à verser à la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Sylvie NEROT, Président et par Monsieur Antoine DEL BOCCIO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,                           Le Président,