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CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 19 février 2021

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 19 février 2021
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 11
Demande : 18/28021
Date : 19/02/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 14/12/2018
Référence bibliographique : 6174 (L. 442-6, ordre logique des sanctions), 6151 (1171, application dans le temps), 6389 (opposabilité des CGV)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8821

CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 19 février 2021 : RG n° 18/28021

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Ces éléments factuels qui ne sont pas discutés sont donc tenus pour avérés. Au regard de la date de souscription du contrat de service de téléphonie mobile, il est fait application des dispositions du code civil dans leurs rédactions antérieures à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations ».

2/ « Contrairement à ce que prétend la société Bouygues Telecom, il ne saurait être déduit de la production par la société AMER d'exemplaires de conditions générales et particulières de Bouygues Telecom, que celles-ci lui ont été remises lors de la souscription du contrat de téléphonie ; en effet, d'une part ces conditions ne sont revêtues d'aucun paraphe émanant du représentant de la société AMER et d'autre, cette dernière, page 7 de ses écritures fait état de la difficulté à déterminer les conditions générales applicables aux relations contractuelles, faisant remarquer que sur les deux dernières années près d'une dizaine de versions différentes des conditions générales à destination des professionnels ont été mises en ligne, ce que ne contredit pas la société Bouygues Telecom. […] Le contrat de téléphonie n'ayant pas été produit, il n'y a pas de possibilité d'inférer de celui-ci la remise de ces documents.

Par ailleurs, la circonstance non démontrée en l'espèce qu'étaient accessibles, lors de la souscription du contrat et sur le site internet de la société Bouygues Telecom, les conditions générales et particulières correspondant aux forfaits souscrits, à défaut pour celle-ci de justifier y avoir invité la société AMER, ne démontre pas davantage qu'elle a satisfait à son obligation d'information qui pesait sur elle.

C'est donc de façon erronée que les premiers juges ont retenu que « le demandeur, avant de souscrire son forfait a reçu de B. une information relative au contenu de son engagement : prix mensuel forfaitaire, communication et volume internet inclus dans le forfait pour une utilisation en France. Il confirme cette réception dans ses conclusions ». »

3/ « Les demandes de la société AMER étant accueillies sur le fondement de la responsabilité du droit commun des contrats, il n'y a pas lieu de les examiner sur le fondement du droit spécial de l'ancien article L. 442-6 du code de commerce. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 11

ARRÊT DU 19 FÉVRIER 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/28021 (8 pages). N° Portalis 35L7-V-B7C-B65BG. Décision déférée à la Cour : Jugement du 7 novembre 2018 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2016047266.

 

APPELANTE :

SARL AMER - ASSISTANCE MAINTENANCE ENERGIES RENOUVELABLES

prise en la personne de ses représentants légaux [...], [...], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d'ALENCON sous le n° XXX, représentée par Maître Sandra O. de l'AARPI O. Z. Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050, assistée de Maître François D., avocat au barreau de PARIS, toque : P0501,substitué par Maître Anne-Lise F., avocat au barreau de PARIS, toque : B0873

 

INTIMÉE :

SA BOUYGUES TELECOM

prise en la personne de ses représentants légaux [...], [...], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n° YYY, représentée par Maître François D. de la SCP H. et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : B0873

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 décembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre, M. Denis ARDISSON, Président de la chambre, Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, - signé par Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre, et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société AMER qui a une activité d'installation et de maintenance d'équipements thermiques et de climatisation avait souscrit auprès de la société Bouygues Telecom un contrat de téléphonie mobile prévoyant la mise à disposition de plusieurs lignes de téléphonie mobile. Après un voyage de son gérant à l'Ile Maurice, elle a reçu dans le courant des d'avril et mai 2016 deux factures émises par la société Bouygues Telecom aux montants respectifs de 63.466,59 € TTC et 11.450,52 € TTC.

La société AMER ayant protesté à la réception de ces factures, la discussion entamée pour parvenir à un accord, a échoué ; la société AMER a alors attrait, par acte d'huissier du 21 juin 2016, la société Bouygues Telecom en résiliation du contrat de téléphonie et en paiement de dommages et intérêts devant se compenser avec les montants réclamés par cette dernière qui formait à titre reconventionnelle une demande en paiement de ces factures.

Par jugement du 7 novembre 2018 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a selon le dispositif de ce jugement pour l'essentiel :

- condamné la société AMER à payer à la société Bouygues Telecom la somme de 74.917,11 €, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamné la société AMER à payer à la société Bouygues Telecom la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de l'instance.

La société AMER a relevé appel de ce jugement par déclaration du 14 décembre 2018.

[*]

Aux termes de ses dernières écritures remises le 12 mars 2019, la société AMER au visa des articles 1134, 1135, 1147, 1382 anciens du code civil, de l'article L.442-6 I 1°) et 2°) du code de commerce, demande à la cour de :

- Dire et juger que la société Bouygues Telecom a fait preuve d'un comportement déloyal tant avant qu'après l'exécution du contrat, en ne respectant pas ses obligations d'information précontractuelle et son obligation de conseil et d'information durant son exécution,

- Dire et juger que la société Bouygues Telecom a rompu fautivement l'équilibre du contrat conclu et soumis abusivement la demanderesse à des obligations manifestement disproportionnées sans contrepartie acceptable,

En conséquence :

- Réformer le jugement rendu le 7 novembre 2018 par le Tribunal de Commerce de Paris,

- Condamner la société Bouygues Telecom à payer à la demanderesse une somme égale à celle réclamée en raison des consommation réalisées à l'étranger et facturées,

- Ordonner la compensation avec la somme facturée abusivement, et le cas échéant, la répétition de l'indu si la demanderesse s'est vu prélever d'une somme au titre de la créance contestée,

- Condamner la société Bouygues Telecom au paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral occasionné.

- Prononcer la résiliation judiciaire sans indemnité du contrat de téléphonie, à date d'effet de la facture contestée.

- Condamner la société Bouygues Telecom au paiement d'une somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile,

- Dire et juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir, et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du Décret du 8 mars 2001 portant modification du Décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la société Bouygues Telecom, en sus de l'indemnité.

[*]

Aux termes de ses dernières écritures remises le 11 juin 2019, la société Bouygues Telecom demande à la cour de :

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de PARIS le 7 novembre 2018,

Par conséquent :

- Débouter la société A.M.E.R de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Bouygues Telecom,

- Condamner la société A.M.E.R à payer la société Bouygues Telecom la somme de 74.917,11 € TTC, outre les intérêts légaux à compter de l'assignation,

- Condamner la société A.M.E.R au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

 

Sur les moyens des parties :

Après avoir rappelé l'évolution de la réglementation européenne pour prévenir les frais d'itinérance (ou roaming) facturés par les opérateurs de téléphonie et pour fixer un prix maximum par Gigaoctet vendu dans l'Union Européenne, ayant été ainsi révélé que les opérateurs de téléphonie n'avaient jamais supporté des frais justifiant les facturations qu'ils pratiquaient, la société AMER reproche à la société Bouygues Telecom sa déloyauté, cette dernière ayant manqué à son obligation d'information précontractuelle, en ne lui ayant fourni une information sur les services de téléphonie que pour une utilisation en France ; elle dénonce l'opacité des conditions générales de vente de la société Bouygues Telecom du fait de la multiplicité de leurs versions rendant incertaine la détermination de celles applicables, de leurs longueurs rendant difficile l'appréhension des informations réellement utiles ; elle soutient qu'un profane en matière de téléphonie n'était pas en mesure de saisir la portée de certains services secondaires qui n'étaient jamais mis en avant lors des campagnes publicitaires et qui étaient exprimés en des termes obscurs.

La société AMER stigmatise une carence d'information de la part société Bouygues Telecom pendant l'exécution du contrat.

Au visa de l'article 1135 ancien du code civil, relevant l'écart entre le montant de son forfait téléphonique et celui des facturations litigieuses, elle reproche à la société Bouygues Telecom un défaut de coopération, celle-ci n'ayant pas « exécuté utilement le contrat », en s'étant abstenue de lui délivrer une information sur le montant qui allait lui être facturé alors qu'elle savait que cette information était déterminante pour la société AMER

Elle précise que cette information devait être personnalisée et en rapport avec les attentes réelles du client, faisant remarquer que les mails ou courriels ne contenaient aucune information sur les conséquences financières du volume de données échangées alors que la société Bouygues Telecom qui disposait des moyens humains, techniques et informatiques en connaissait les conséquences. Elle relève que la version des conditions générales supposées applicables permettaient à la société Bouygues Telecom de se dédouaner de toute responsabilité concernant l'usage d'internet de ses clients à l'étranger alors que d'autres versions de ses conditions générales montrent qu'elle est à même d'envoyer des SMS d'alerte dès que les consommations atteignent un volume de 4 mégaoctets, de bloquer lesdites communications et de préciser à son client le coût exact des communications déjà effectuées. Elle prend pour exemple les dispositifs d'alerte ou de blocage prévues par différents concurrents de Bouygues Telecom.

Sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, relevant que la société Bouygues Telecom se targue d'être le partenaire commercial de ses clients, elle reproche à cette dernière de l'avoir soumis à des obligations créant un déséquilibre significatif en ayant fixé unilatéralement les conditions générales, sans aucune possibilité pour elle de les négocier, de sorte qu'elle s'est trouvée destinataire d'une facture de plusieurs dizaines de milliers d'euros, montant qui ne reflète en rien le coût réel du service que celle-ci a supporté auprès des opérateurs locaux, modifiant de surcroît unilatéralement le contenu de la zone géographique dite spéciale à laquelle elle applique les tarifs les plus élevés, pour faire entrer ou sortir au grès de ses opportunités les pays qui en relèvent.

[*]

La société Bouygues Telecom pour sa part fait valoir que :

- la société AMER a reçu une information précontractuelle par le moyen du guide des tarifs et des conditions générales et particulières des services qui lui ont été remis lors de la souscription du contrat de téléphonie, cette dernière reconnaissant aux termes de ses écritures avoir été informée du contenu de son forfait et donc a contrario de ce qui n'était pas compris dans ce forfait, à savoir l'ensemble des consommations effectuées depuis l'étranger comme l'indique le guide des tarifs ;

- la société AMER n'a pas activé l'option gratuite lui permettant de surveiller sa consommation qui peut l'être à tout moment en se rendant sur le site de Bouygues Telecom ou même par téléphone ;

- les conditions particulières du service stipulent que s'agissant des échanges Data à l'international, sauf demande écrite du client, le dépassement d'un seuil d'échanges de données ne donnera lieu à aucune information ni suspension automatique du service, n'étant pas contesté que la société AMER n'a pas formé une telle demande ;

- pour sa part, elle affirme avoir informé la société AMER à son arrivée à l'Ile Maurice, par un SMS d'accueil sur chacune des trois lignes concernées, des tarifications pratiquées en vigueur s'agissant des consommations émises et reçues depuis ledit pays (voix, SMS, internet…) et pour chacune des lignes, par des SMS, en cas du dépassement des seuils de consommation en mégaoctet et pour une des lignes en gigaoctet ;

- si elle avait elle-même désactivé les lignes, elle aurait engagé sa responsabilité à l'égard de la société AMER qui n'aurait pas manqué de se plaindre d'un préjudice professionnel ;

- la société AMER disposait de nombreuses alternatives pour éviter les facturations litigieuses, via une connexion Wifi lui permettant de bénéficier de tarifs modérés de connexion internet, via l'achat de cartes SIM prépayées sans engagement auprès d'un opérateur local ou d'une carte SIM internationale ;

- la société AMER a fait montre d'une négligence coupable ou à tout le moins d'une légèreté blâmable à l'origine de la facturation litigieuse, ayant conservé la faculté de limiter sa consommation ;

- la société AMER ne peut pas se prévaloir d'une relation durable que suppose l'article L. 442-6 du code de commerce au regard de la date de souscription des services de téléphonie ;

- pour sa part, elle n'a jamais eu la volonté de soumettre la société AMER à des obligations créant un déséquilibre significatif, rappelant que cette dernière pouvait changer à tout moment d'opérateur et disposait d'alternatives et que cette notion de déséquilibre économique s'inscrit le plus souvent dans un contexte de dépendance économique qui fait défaut en l'occurrence ;

- l'existence de différentes zones géographiques aux conditions tarifaire différentes s'explique par les tarifs que lui appliquent les opérateurs locaux et qui diffèrent selon les pays de sorte que la facturation querellée n'est aucunement abusive ;

- la société AMER est défaillante dans l'administration de la preuve qui lui incombe en application de l'article 9 du code de procédure civile de l'existence d'une faute précontractuelle ou contractuelle commise par la société Bouygues Telecom, au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat alors même que pour sa part, elle était prête à lui consentir un geste commercial de 5.000 € ;

- la facturation querellée étant justifiée, la société AMER ne saurait se prévaloir de l'existence d'un préjudice moral causé par cette facturation ;

- sa demande en paiement est fondée sur le principe de la force obligatoire des conventions qui découle des articles 1134 et 1135 anciens du code civil applicables à l'espèce au regard de la date de souscription du contrat.

[*]

Comme l'y autorise l'article 455 du code de procédure civile, la cour se reporte aux dernières écritures susvisées des parties pour un plus ample exposé des faits et de leurs moyens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Le litige porte sur les frais d'itinérance ou roaming relatifs au transfert de données qui ont été facturés à la société AMER à l'occasion du déplacement de son gérant à l'Ile Maurice dans le courant du mois d'avril 2016.

Si aucune des parties ne produit le contrat de service de téléphonie souscrit par la société AMER auprès de la société Bouygues Telecom, la société AMER expose qu'il mettait à sa disposition quatre lignes téléphoniques pour un montant total de 146,50 € par mois, information que corrobore la société Bouygues Telecom qui précise que ce contrat portait sur trois lignes relevant du forfait « Néodata itl D » d'un montant 39 € TTC et sur une ligne relevant du forfait « mob Neo AS D » d'un montant de 29,50 € TTC par mois ; elle précise que ce contrat a été souscrit au mois de septembre 2014.

Ces éléments factuels qui ne sont pas discutés sont donc tenus pour avérés. Au regard de la date de souscription du contrat de service de téléphonie mobile, il est fait application des dispositions du code civil dans leurs rédactions antérieures à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Il pèse sur le vendeur professionnel une obligation d'information précontractuelle à l'égard du consommateur mais aussi du professionnel d'une spécialité différente de la sienne ; cette obligation doit permettre au client éventuel de souscrire un contrat correspondant à ses besoins et d'être informé de l'étendue de ses obligations. La charge de la preuve de l'exécution de cette obligation pèse sur le débiteur de celle-ci. La société AMER, entreprise intervenant dans le secteur des installations thermiques et climatiques n'est pas spécialisée en matière de téléphonie de sorte qu'elle était créancière de cette obligation d'information que devait lui dispenser la société Bouygues Telecom.

Contrairement à ce que prétend la société Bouygues Telecom, il ne saurait être déduit de la production par la société AMER d'exemplaires de conditions générales et particulières de Bouygues Telecom, que celles-ci lui ont été remises lors de la souscription du contrat de téléphonie ; en effet, d'une part ces conditions ne sont revêtues d'aucun paraphe émanant du représentant de la société AMER et d'autre, cette dernière, page 7 de ses écritures fait état de la difficulté à déterminer les conditions générales applicables aux relations contractuelles, faisant remarquer que sur les deux dernières années près d'une dizaine de versions différentes des conditions générales à destination des professionnels ont été mises en ligne, ce que ne contredit pas la société Bouygues Telecom.

Si la société AMER produit en pièce 9 un document qui s'intitule « conditions générales solutions mobile-fixe-internet-réseaux et cloud » et en pièce 12 un document que la société Bouygues Telecom désigne comme étant un guide des tarifs, cette production n'établit nullement que ces documents ont été remis à la société AMER préalablement ou à tout le moins au moment de la souscription du contrat. En effet, la pièce 9 date du mois de novembre 2015, soit une date postérieure de plus d'un an à celle de la souscription du contrat de téléphonie ; de même, la pièce 12 est du mois de mai 2016 ; ces datations postérieures à la date de souscription du contrat rendent impossible la remise de ces documents lors de celle-ci ; ces pièces sont donc impropres à établir que la société Bouygues Telecom a satisfait à son obligation d'information qui pesait sur elle en tant que vendeur professionnel à l'égard de la société AMER profane en la matière lors de la souscription du contrat.

La pièce 9 produite par la société AMER est un document qui s'intitule « conditions générales solutions mobile-fixe-internet-réseaux et cloud » et sa pièce 12 un document que la société Bouygues Telecom désigne comme étant un guide des tarifs ; la pièce 9 date du mois de novembre 2015, soit une date postérieure de plus d'un an à celle de la souscription du contrat de téléphonie ; de même, la pièce 12 est du mois de mai 2016 ; ces datations postérieures à la date de souscription du contrat contredit la remise de ces documents lors de celle-ci ; ces pièces sont donc impropres à établir que la société Bouygues Telecom a satisfait à son obligation d'information précontractuelle qui pesait sur elle en tant que vendeur professionnel à l'égard de la société AMER profane en la matière lors de la souscription du contrat.

Le contrat de téléphonie n'ayant pas été produit, il n'y a pas de possibilité d'inférer de celui-ci la remise de ces documents.

Par ailleurs, la circonstance non démontrée en l'espèce qu'étaient accessibles, lors de la souscription du contrat et sur le site internet de la société Bouygues Telecom, les conditions générales et particulières correspondant aux forfaits souscrits, à défaut pour celle-ci de justifier y avoir invité la société AMER, ne démontre pas davantage qu'elle a satisfait à son obligation d'information qui pesait sur elle.

C'est donc de façon erronée que les premiers juges ont retenu que « le demandeur, avant de souscrire son forfait a reçu de B. une information relative au contenu de son engagement : prix mensuel forfaitaire, communication et volume internet inclus dans le forfait pour une utilisation en France. Il confirme cette réception dans ses conclusions ».

Contrairement à ce qu'affirme la société Bouygues Telecom, elle ne justifie nullement avoir adressé sur chacune des lignes un SMS d'accueil informant la société AMER, dès son arrivée à l'Ile Maurice des tarifs en vigueur sur les consommations émises et reçues depuis ce pays. En effet, les messages SMS qu'elle produit en pièce n°3, ne portent que les quantités de consommation et sont rédigés comme suit « Info Bouygues Telecom : vous avez consommé 1 GO [ou 250 Mo, 500 Mo, 500 Mo, 3Go, 50 Mo] de communications Internet Mobile (Internet, mail MMS) à l'étranger ce mois-ci ». Elle ne produit pas davantage de mail faisant part à la société AMER des tarifs qu'elle applique pour les consommations (voix, messages, internet) à l'Ile Maurice.

Les messages concernant les quantités de consommation ne contiennent aucune mention sur les conséquences financières qui peuvent en résulter ; ils n'avertissent donc pas l'utilisateur sur le risque de se voir facturer des sommes hors de proportion avec celles qui résultent de la tarification forfaitaire.

Alors que la société Bouygues Telecom indique sans toutefois en justifier que dans le cadre des forfaits ou services souscrits une option pouvait être activée permettant de surveiller sa consommation, la cour relève que les messages SMS dont elle se prévaut, ne contiennent aucune information sur cette option qui aurait pourtant été utile à sa cliente. Elle ne justifie pas davantage avoir invité la société AMER à consulter son site internet et a fortiori de l'avoir renseignée sur chemin informatique qu'il lui aurait alors fallu parcourir pour arriver à l'information idoine lui permettant de contenir le coût de ses consommations reçues ou émises depuis l'Ile Maurice. Les références que la société Bouygues Telecom fait à ses conditions particulières de services selon lesquelles le dépassement d'un seuil d'échanges de données ne donnera lieu à aucune suspension automatique du service, sont toutes aussi vaines puisqu'elle ne justifie pas de leur remise, voire même de leur diffusion, à la société AMER et d'avoir ainsi satisfait à son obligation d'information.

La société Bouygues Telecom a, ainsi, comme le soutient à juste titre la société AMER manqué à son devoir d'information à l'égard de sa cliente dont elle se targue pourtant d'être le partenaire dans le cadre de sa communication commerciale quant aux conséquences financières de consommation de données depuis l'Ile Maurice qui sont sans aucune mesure par rapport aux autres conditions financières du contrat alors même que la délivrance de ces informations ne se heurtaient à aucune difficulté technique puisqu'elle reconnaît pouvoir proposer ces services.

Ces manquements de la société Bouygues Telecom à son devoir d'information ne retirent pas toutefois toute responsabilité de la société AMER qui a reçu plusieurs SMS sur les trois lignes dont elle a fait usage à l'Ile Maurice l'informant des quantités consommées de sorte qu'elle a manqué de prudence en s'abstenant de s'en soucier.

Les manquements de la société Bouygues Telecom à son devoir d'information sont ainsi directement à l'origine des facturations litigieuses dans la proportion de dix fois le montant mensuel des forfaits cumulés, soit la somme de 1.465 €.

Les demandes de la société AMER étant accueillies sur le fondement de la responsabilité du droit commun des contrats, il n'y a pas lieu de les examiner sur le fondement du droit spécial de l'ancien article L. 442-6 du code de commerce.

Partant, réformant le jugement entrepris, il convient d'allouer à la société AMER des dommages et intérêts d'un montant 73.452,11 €, cette somme se compensant de plein droit avec la somme de 74.917,11 € à laquelle la société AMER a été condamnée par les premiers juges, ce chef de condamnation étant confirmé en l'absence de demande d'infirmation.

Le manquement de la société Bouygues Telecom à ses obligations contractuelles justifient le prononcé du contrat de téléphonique à ses torts à compter de la dernière facturation litigieuse.

La société AMER qui ne justifie pas de l'existence d'un préjudice moral distinct du préjudice matériel indemnisé, est déboutée de sa demande de ce chef.

La solution apportée au litige conduit ordonner le partage des dépens de première instance et d'appel et à ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties tant devant le tribunal de commerce que devant la cour ; la condamnation prononcée de ce chef par le jugement est en conséquence infirmée.

L'exécution provisoire étant poursuivie aux risques du créancier en application de l'article L.111-10 du code des procédures civiles d'exécution, il appartient le cas échéant à la société Bouygues Telecom de rétablir la société AMER dans ses droits, sans qu'il n'y ait lieu de spécialement statuer sur une demande déjà réglée par le seul effet de la loi.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Réforme le jugement en l'ensemble de ces chefs à l'exception de celui ayant condamné la société AMER à payer à la société Bouygues Telecom la somme de 74.917,11 € ;

statuant à nouveau :

Condamne la société Bouygues Telecom à payer à la société AMER la somme de 73.452,11 € à titre de dommages et intérêts ;

Dit que la compensation s'opère de plein droit ;

Prononce à la date de la dernière facturation la résiliation du contrat de téléphonie passé dans le courant du mois de septembre 2014 entre la société Bouygues Telecom et la société AMER portant sur trois lignes au forfait « Neodata itl D » et une ligne au forfait « mob Neo AS D » aux torts de la société Bouygues Telecom ;

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile devant le tribunal et la cour ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel sont partagés par moitié entre la société AMER et la société Bouygues Telecom et condamne le cas échéant la partie qui n'en aurait pas supporté la moité à payer à l'autre la somme nécessaire pour aboutir à ce qu'elles supportent toutes deux une somme égale.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT