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CA COLMAR (2e ch. civ.), 9 avril 2021

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (2e ch. civ.), 9 avril 2021
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 2e ch. civ.
Demande : 19/00723
Décision : 177/2021
Date : 9/04/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 31/01/2019
Numéro de la décision : 177
Référence bibliographique : 6283 (location de véhicule), 6051 (imprudence du consommateur), 5933 (L. 212-1, domaine, véhicule), 5945 (L. 212-1, domaine, téléphonie)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8895

CA COLMAR (2e ch. civ.), 9 avril 2021 : RG n° 19/00723 ; arrêt n° 177/2021

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Il est constant que le contrat de location n'a pas été signé par le gérant de l'EARL M. mais par un préposé de l'EARL M. muni du cachet de cette dernière. Ce cachet a été apposé tant sur le contrat de location que sur les conditions générales de location sous la mention manuscrite « bon pour location ». L'intimée, qui reconnaît être liée par ce contrat, dont elle admet qu'il a été conclu aux conditions tarifaires négociées par son gérant, ne peut contester l'opposabilité des conditions générales qui font partie intégrante du contrat, comme le guide des conditions générales, ainsi que cela est rappelé en préambule, ces conditions générales ayant en effet été signées par un préposé muni du cachet de l'EARL M., qui était investi, à tout le moins, d'un mandat apparent dispensant la société Rent a car de vérifier qu'il disposait effectivement d'un pouvoir pour engager l'EARL M..

Enfin, les parties étant en relations habituelles d'affaires, ainsi que cela résulte notamment d'un courrier électronique adressé par l'intimée à l'appelante le 11 mars 2016 pour réserver « 3 aménagés 7 places de mi-avril à mi-juin » et peut-être un quatrième en mai, et de deux contrats de location de véhicules utilitaires conclus le 18 avril 2016 sous les mêmes conditions générales, l'EARL M. ne peut prétendre avoir ignoré les conditions de location de l'appelante, qu'elle avait précédemment acceptées.

Le jugement entrepris sera donc approuvé en tant qu'il a retenu que les conditions générales de location étaient opposables à l'EARL M. »

2/ « Ces conditions générales comportent une clause intitulée « pannes, accidents, vols » qui prévoit en cas de vol du véhicule, l'obligation pour le preneur, dans les délais prévus au Guide des Conditions générales, de déclarer immédiatement le vol aux autorités de police et de restituer les systèmes de verrouillage et de démarrage/arrêt du véhicule. Cette clause précisant « nous vous facturerons l'intégralité du préjudice subi dans les conditions visées au Guide des Conditions générales de location. »

Ainsi que l'a retenu le premier juge, la clause « pannes, accidents, vols » imposant au locataire de restituer les clés du véhicule en cas de vol, qui a pour finalité d'éviter un détournement du véhicule et, le cas échéant, de sanctionner une négligence du locataire ayant facilité le vol de nature à priver le loueur de la garantie de son assureur, ne crée pas un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion du contrat.

L'EARL M. ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 112-4 du code des assurances dès lors que la clause litigieuse, qui figure dans les conditions générales de location, n'est pas une clause de déchéance de garantie. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 9 AVRIL 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 2 A 19/00723. Arrêt n° 177/2021. N° Portalis DBVW-V-B7D-HACZ. Décision déférée à la cour : jugement du 11 janvier 2019 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de SAVERNE.

 

APPELANTE et demanderesse :

La SA RENT A CAR

prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social [adresse], [...], représentée par la SCP C. & ASSOCIES, avocats à la cour, plaidant : Maître Rodolphe C., avocat à STRASBOURG

 

INTIMÉE et défenderesse :

L'EARL M.

prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social [adresse], [...], représentée par Maître S., avocat à la cour

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 février 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, et Madame Françoise HARRIVELLE, Conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller, Madame Françoise HARRIVELLE, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Dominique DONATH, faisant fonction

ARRÊT : Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. - signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES :

Suivant contrat de location en date du 20 avril 2016, l'EARL M. a pris en location auprès de la société Rent a car un véhicule utilitaire Mercedes sprinter immatriculé XXX pour une durée de 30 jours.

Le 27 mai 2016, l'EARL M. a informé la société Rent a car du vol du véhicule et du dépôt d'une plainte. Lors de son audition par les services de gendarmerie, le gérant de l'EARL M. a indiqué que le vol avait été commis alors que la clé de contact était restée sur le véhicule. Le 24 juin 2016, la société Rent a car a émis une facture d'un montant de 18.024 euros TTC, correspondant à la valeur du véhicule non restitué. L'EARL M. s'est acquittée d'une somme de 5.000 euros.

Par exploit du 6 février 2017, la société Rent a car a assigné l'EARL M. devant le tribunal de grande instance de Saverne en paiement de la somme de 13.024 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2016.

Par jugement du 11 janvier 2019, le tribunal a :

- dit que l'EARL M. a violé les conditions générales de location auxquelles elle était soumise,

- débouté la société Rent a car de sa demande de paiement, faute de preuve de la valeur du véhicule au moment de faits,

- débouté la société Rent a car de ses demandes plus amples, accessoires au principal,

- condamné l'EARL M. aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté l'EARL M. de sa demande sur ce fondement.

Pour se prononcer ainsi le tribunal a retenu que :

- les conditions générales de location étaient opposables à l'EARL M. pour avoir été signées par une personne qui était en possession de son cachet, et être connues de la locataire qui avait conclu de nombreux contrats de location avec la société Rent a car au cours des années précédentes,

- la clause imposant au locataire de restituer le dispositif de verrouillage du véhicule en cas de vol n'était pas abusive, faute de créer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties,

- le versement d'une somme de 5.000 euros, en l'absence de toute autre facture, pouvait être assimilé à un commencement d'exécution,

- la société Rent a car ne rapportait toutefois pas la preuve d'un préjudice, faute de justifier de la valeur du véhicule au moment des faits.

*

La société Rent a car a interjeté appel de ce jugement, le 31 janvier 2019, en ce qu'elle a été déboutée de ses demandes.

Par conclusions transmises par voie électronique le 6 juin 2019, elle en demande l'infirmation et sollicite la condamnation de l'EARL M. au paiement de la somme de 13.024 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2016, subsidiairement à titre de dommages et intérêts, ainsi que le versement d'une indemnité de procédure de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- le contrat a été signé par une personne ayant le pouvoir d'engager l'EARL M. puisqu'elle disposait de son cachet,

- elle n'avait pas à vérifier l'existence d'une délégation de pouvoir,

- l'EARL M. connaissait les conditions de location pour avoir conclu de nombreux contrats de location depuis 2009,

- la clause litigieuse n'est pas abusive, n'étant pas visée dans le décret pris en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation et ne créant aucun déséquilibre significatif, en tout état de cause, elle ne serait pas nulle mais seulement réputée non écrite,

- le locataire a commis une faute de négligence en laissant les clés sur le véhicule, le paiement de la somme de 5.000 euros valant reconnaissance de responsabilité,

- elle justifie du préjudice subi suite à la disparition du véhicule qu'elle avait acquis en mai 2014.

Subsidiairement, elle fonde sa demande sur la responsabilité dont est tenu le commettant du fait de son préposé en application de l'article 1242, alinéa 5 du code civil.

*

Par conclusions transmises par voie électronique le 1er octobre 2019, l'EARL M. conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a dit qu'elle avait violé les conditions générales de location et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée au paiement d'une indemnité de procédure sur ce fondement.

Elle demande à la cour de dire et juger que les conditions générales de la société Rent a car et le guide des conditions générales lui sont inopposables, de dire et juger que la clause « panne, accident, vol » est abusive et en conséquence, de débouter la société Rent a car de l'intégralité de ses prétentions et de la condamner au paiement d'une somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le contrat n'a pas été signé par son gérant mais par un préposé dépourvu du pouvoir d'engager l'EARL M. Si elle reconnaît la location du véhicule, à un tarif négocié par M. X., elle considère néanmoins que la société Rent a car aurait dû s'assurer que le préposé avait les pouvoirs nécessaires pour engager l'EARL M. et accepter les conditions générales qui ne lui ont pas été remises et considère qu'elles lui sont inopposables et ne sont pas entrées dans le champ contractuel. Il en est de même du guide des conditions générales.

Subsidiairement, elle considère que la clause litigieuse est nulle car abusive, en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation et de l'article L. 112-4 du code des assurances.

Elle considère que ladite clause, qui édicte une déchéance de garantie en cas de vol, est nulle car elle n'est pas rédigée de manière très apparente.

Elle considère enfin que la société Rent a car ne rapporte pas la preuve de son préjudice et ajoute qu'elle a souscrit une option franchise de vol à hauteur de 3.000 euros, cette somme devant être imputée, la clause litigieuse ne prévoyant aucune déchéance de la garantie « réduction franchise de vol ». Enfin le versement d'une somme de 5.000 euros ne peut valoir reconnaissance du bien-fondé de la créance.

[*]

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates ci-dessus spécifiées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 4 février 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

À titre liminaire, il convient de constater que l'EARL M. ne conteste pas que le contrat de location du 20 avril 2016, portant sur un véhicule utilitaire Mercedes sprinter immatriculé XXX, a été conclu pour son compte et pour les besoins de son activité, ce qu'elle a expressément reconnu tant dans son courrier électronique du 27 mai 2016 informant la société Rent a car du vol, que lors de son dépôt de plainte auprès des services de gendarmerie.

Ce contrat ayant été conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 est par conséquent soumis aux dispositions applicables antérieurement à cette ordonnance.

Il est constant que le contrat de location n'a pas été signé par le gérant de l'EARL M. mais par un préposé de l'EARL M. muni du cachet de cette dernière. Ce cachet a été apposé tant sur le contrat de location que sur les conditions générales de location sous la mention manuscrite « bon pour location ». L'intimée, qui reconnaît être liée par ce contrat, dont elle admet qu'il a été conclu aux conditions tarifaires négociées par son gérant, ne peut contester l'opposabilité des conditions générales qui font partie intégrante du contrat, comme le guide des conditions générales, ainsi que cela est rappelé en préambule, ces conditions générales ayant en effet été signées par un préposé muni du cachet de l'EARL M., qui était investi, à tout le moins, d'un mandat apparent dispensant la société Rent a car de vérifier qu'il disposait effectivement d'un pouvoir pour engager l'EARL M..

Enfin, les parties étant en relations habituelles d'affaires, ainsi que cela résulte notamment d'un courrier électronique adressé par l'intimée à l'appelante le 11 mars 2016 pour réserver « 3 aménagés 7 places de mi-avril à mi-juin » et peut-être un quatrième en mai, et de deux contrats de location de véhicules utilitaires conclus le 18 avril 2016 sous les mêmes conditions générales, l'EARL M. ne peut prétendre avoir ignoré les conditions de location de l'appelante, qu'elle avait précédemment acceptées.

Le jugement entrepris sera donc approuvé en tant qu'il a retenu que les conditions générales de location étaient opposables à l'EARL M.

Ces conditions générales comportent une clause intitulée « pannes, accidents, vols » qui prévoit en cas de vol du véhicule, l'obligation pour le preneur, dans les délais prévus au Guide des Conditions générales, de déclarer immédiatement le vol aux autorités de police et de restituer les systèmes de verrouillage et de démarrage/arrêt du véhicule. Cette clause précisant « nous vous facturerons l'intégralité du préjudice subi dans les conditions visées au Guide des Conditions générales de location. »

Ainsi que l'a retenu le premier juge, la clause « pannes, accidents, vols » imposant au locataire de restituer les clés du véhicule en cas de vol, qui a pour finalité d'éviter un détournement du véhicule et, le cas échéant, de sanctionner une négligence du locataire ayant facilité le vol de nature à priver le loueur de la garantie de son assureur, ne crée pas un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion du contrat.

L'EARL M. ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 112-4 du code des assurances dès lors que la clause litigieuse, qui figure dans les conditions générales de location, n'est pas une clause de déchéance de garantie.

Cette clause faisant supporter au locataire la réparation du préjudice subi par le loueur en cas de non-restitution du véhicule loué par suite d'une négligence fautive du locataire, n'étant pas sujette à interprétation, l'EARL M. est donc tenue d'indemniser la société Rent a car du préjudice subi du fait de la non-restitution du véhicule. Ce préjudice correspond à la valeur du véhicule dont justifie la société Rent a car, à hauteur de cour, en produisant la facture d'acquisition du véhicule en date du 5 mai 2014 au prix de 30.908,40 euros et sa valeur Argus en mai 2016, 15.020 euros hors taxes. La facture émise le 24 juin 2016 correspondant à cette valeur Argus, taxe sur la valeur ajoutée en sus, il sera fait droit à la demande de la société Rent a car.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a débouté la société Rent a car de sa demande, et l'EARL M. condamnée au paiement de la somme de 13.024 euros, après déduction de la somme de 5.000 euros versée, cette dernière ne pouvant se prévaloir du rachat partiel de la franchise en cas de vol qui n'a pas vocation à s'appliquer en cas de vol sans effraction (guide des conditions générales page 23). Les intérêts au taux légal sur cette somme seront dus à compter de la mise en demeure du 7 juin 2016.

La demande de la société Rent a car étant accueillie, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a mis les dépens de première instance à la charge de l'EARL M. et a alloué une indemnité de procédure à l'appelante. Les dépens d'appel seront également mis à la charge de l'intimée, qui succombe, sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile étant rejetée. Il sera par contre alloué à la société Rent a car, sur ce fondement, une somme de 2.000 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Saverne du 11 janvier 2019, sauf en ce qu'il a :

- dit que l'EARL M. a violé les conditions générales de location auxquelles elle était soumise,

- condamné l'EARL M. aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.000 € (mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté l'EARL M. de sa demande sur ce fondement ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

CONDAMNE l'EARL M. à payer à la SA Rent a car la somme de 13.024 euros (treize mille vingt quatre euros), outre intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2016 ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant,

CONDAMNE l'EARL M. aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SA Rent a car la somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE l'EARL M. de sa demande sur ce fondement.

LE GREFFIER                    LA PRÉSIDENTE DE CHAMBRE