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CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 8 avril 2021

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 8 avril 2021
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 18/05237
Date : 8/04/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 10/03/2018
Référence bibliographique : 5721 (L. 212-1, obligation de relever d’office), 5716 (crédit à la consommation, obligation de relever d’office), 5725 (R. 632-1, relevé d’office, prescription)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8925

CA PARIS (pôle 4 ch. 9 A), 8 avril 2021 : RG n° 18/05237 

Publication : Jurica

 

Extrait : « En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat. Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive ; en revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai. C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 311-6 à L. 311-13 anciens dans leur rédaction applicable au litige. Le moyen tiré de la prescription est donc rejeté. »

2/ « La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce qu'en raison d'une clause-type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par cette directive. Elle précise qu'une clause-type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite du document concerné, qu'une telle clause constitue un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents et que le consommateur doit toujours être en mesure de faire valoir qu'il n'a pas été destinataire de ce document ou que celui-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations lui incombant.

En l'espèce, il est constant que les emprunteurs ont porté leur signature immédiatement à côté de la clause mentionnant qu'ils avaient reçu et conservé la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées. Alors qu'elle n'avait pas produit la fiche elle-même devant le premier juge, la société Cofidis verse aux débats devant la cour les pages 1, 4, 5, 6 et 14 de l'original du contrat, signées par les emprunteurs et qui portent la mention « à renvoyer » et un document non signé intitulé « informations européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs » qui porte la mention « à conserver » ; il faut observer par ailleurs que cette pièce se présente sur un papier très différent du papier qui supporte les signatures originales des emprunteurs alors même que la pagination suggère qu'il faisait partie intégrante du même contrat.

Ces éléments de fait tendent à infirmer la réalité d'une remise effective de la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées aux emprunteurs et, à tout le moins, ne corroborent pas la clause-type signée par eux. Partant, la société Cofidis ne justifiant pas de l'exécution de son obligation, la déchéance de droit aux intérêts prononcée par le premier juge est confirmée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9 A

ARRÊT DU 8 AVRIL 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/05237 (5 pages). N° Portalis 35L7-V-B7C-B5H54. Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 janvier 2018 - Tribunal d'Instance d'IVRY-SUR-SEINE : RG n° 11-17-001753.

 

APPELANTE :

La société COFIDIS

société à directoire et conseil de surveillance agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège N° SIRET : XXX, [...], [...], représentée par Maître Olivier H. de la SELARL H.-K.-H.-H., avocat au barreau de l'ESSONNE

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], [...], [...], DÉFAILLANT

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville], [...], [...], DÉFAILLANTE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 mars 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, Mme Agnès BISCH, Conseillère.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT : - DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 26 décembre 2011, la société Cofidis a consenti à M. X. et Mme Y. épouse X. un prêt personnel d'un montant de 32.000 euros remboursable en 120 mensualités au taux d'intérêt nominal de 9,36 % l'an et destiné à rembourser des crédits antérieurs.

Saisi par la société Cofidis d'une action tendant à la condamnation des emprunteurs au paiement du solde restant dû après déchéance du terme, le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine, par un jugement réputé contradictoire rendu le 26 janvier 2018 auquel il convient de se reporter, a :

- dit la société Cofidis recevable en ses demandes,

- prononcé la déchéance du droit de la banque de percevoir les intérêts au taux contractuel,

- condamné solidairement M. et Mme X. à payer à la société Cofidis la somme de 16.423,29 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2016,

- dit que ces intérêts au taux légal ne pourront faire l'objet d'une majoration de cinq points deux mois après le caractère exécutoire du jugement,

- rejeté toutes autres demandes de la société Cofidis,

- condamné in solidum M. et Mme X. aux dépens.

Après avoir vérifié la recevabilité de l'action du prêteur, le tribunal a principalement retenu que le prêteur ne justifiait pas avoir remis aux emprunteurs la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées ; il a ajouté au visa de l'article 1231-6 du code civil, que la déchéance du droit aux intérêts ne serait pas une sanction effective de ce manquement si l'intérêt légal était majoré de cinq points à défaut d'exécution du jugement.

Par déclaration du 10 mars 2018, la société Cofidis a interjeté appel de cette décision.

[*]

Aux termes de ses conclusions remises le 10 mai 2018 et signifiées le 17 mai 2018, la société Cofidis demande à la cour :

- d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts, minoré sa créance et rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de dire n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts,

- de condamner solidairement M. et Mme X. à lui payer la somme de 33.147,86 euros outre intérêts au taux de 9,36 % l'an à compter du 24 mars 2016,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts,

- de condamner in solidum M. et Mme X. aux dépens et à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante soutient au visa de l'article L. 110-1 du code de commerce que le moyen tiré de l'irrégularité formelle du contrat ne pouvait être soulevé plus de cinq années après la conclusion de celui-ci.

Elle fait valoir que la preuve de la remise de la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées est rapportée par la clause signée par les emprunteurs et par la production de la fiche.

[*]

Régulièrement assignés par des actes d'huissier délivrés le 17 mai 2018 conformément à l'article 659 du code de procédure civile, M. et Mme X. n'ont pas constitué avocat.

[*]

L'instruction de l'affaire a été close le 26 janvier 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

En application de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation résultant de la loi n° 2010-737 promulguée le 1er juillet 2010 qui transcrit en droit interne les dispositions de la Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 (désormais articles L. 312-1 et suivants du même code).

* * *

En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive ; en revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 311-6 à L. 311-13 anciens dans leur rédaction applicable au litige.

Le moyen tiré de la prescription est donc rejeté.

* * *

Selon l'article L. 311-6 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, « I. -Préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement. Un décret en Conseil d'Etat fixe la liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d'informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation. Cette fiche d'informations comporte, en caractères lisibles, la mention visée au dernier alinéa de l'article L. 311-5. »

La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce qu'en raison d'une clause-type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par cette directive.

Elle précise qu'une clause-type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite du document concerné, qu'une telle clause constitue un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents et que le consommateur doit toujours être en mesure de faire valoir qu'il n'a pas été destinataire de ce document ou que celui-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations lui incombant.

En l'espèce, il est constant que les emprunteurs ont porté leur signature immédiatement à côté de la clause mentionnant qu'ils avaient reçu et conservé la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées.

Alors qu'elle n'avait pas produit la fiche elle-même devant le premier juge, la société Cofidis verse aux débats devant la cour les pages 1, 4, 5, 6 et 14 de l'original du contrat, signées par les emprunteurs et qui portent la mention « à renvoyer » et un document non signé intitulé « informations européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs » qui porte la mention « à conserver » ; il faut observer par ailleurs que cette pièce se présente sur un papier très différent du papier qui supporte les signatures originales des emprunteurs alors même que la pagination suggère qu'il faisait partie intégrante du même contrat.

Ces éléments de fait tendent à infirmer la réalité d'une remise effective de la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées aux emprunteurs et, à tout le moins, ne corroborent pas la clause-type signée par eux.

Partant, la société Cofidis ne justifiant pas de l'exécution de son obligation, la déchéance de droit aux intérêts prononcée par le premier juge est confirmée.

* * *

Le décompte des sommes effectivement acquittées par les emprunteurs et qui s'imputent sur le capital n'étant pas contesté, le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné solidairement M. et Mme X. à payer à la société Cofidis la somme de 16.423,29 euros augmentée des intérêts au taux légal sauf à faire courir ces intérêts à compter du 23 mai 2016, date de la déchéance du terme et non pas du 21 octobre 2016.

Les dispositions de l'article L. 311-48 du code de la consommation applicables au contrat font obstacle à la capitalisation des intérêts.

* * *

En l'absence d'autres critiques du jugement dont appel par la société Cofidis qui limite sa demande d'infirmation au prononcé de la déchéance du terme à la minoration de sa créance et au rejet de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, les autres dispositions du jugement sont définitives.

Succombant dans ses prétentions, la société Cofidis supporte les dépens d'appel.

Il n'y a lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut mis à disposition au greffe,

- Rejette le moyen tiré de la prescription du contrôle de la régularité formelle du contrat au regard des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction applicable au litige ;

- Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions critiquées sauf à faire courir les intérêts au taux légal sur la somme de 16.423,29 euros à compter du 23 mai 2016 et non pas du 21 octobre 2016 ;

- Condamne la société Cofidis aux dépens d'appel ;

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière                           La présidente