CA RENNES (2e ch.), 11 juin 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8988
CA RENNES (2e ch.), 11 juin 2021 : RG n° 18/01657 ; arrêt n° 355
Publication : Jurica
Extrait : « M. Y., personne physique non commerçante, a cependant été démarché à son domicile personnel en vue de faire réaliser une installation photovoltaïque sur la toiture de celui-ci, et il sera observé que, ni l'offre de crédit affecté, ni aucun autre document contractuel, ne fait mention que cette installation avait une destination professionnelle, le bon de commande comme l'offre de prêt se référant au surplus au code de la consommation. Il n'est en outre nullement démontré que M. Y. et Mme X. destinaient la totalité de l'électricité produite à la revente, l'installation n'ayant jamais été raccordée et, partant, le contrat de rachat de l'électricité produite par EDF jamais régularisé. Il s'en évince qu'à supposer même qu'une partie de l'électricité produite devait être revendue à EDF, cette circonstance ne faisait pas perdre aux appelants leur qualité de consommateur et qu'il doivent donc bénéficier des règles protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.
Au surplus, il résulte de l'article L. 121-21, III devenu L. 221-3 du code de la consommation que l'application des dispositions de ce code applicables aux relations entre professionnels et consommateurs est étendue aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
La société Cofidis soutient par ailleurs que les irrégularités du bon de commande ne seraient sanctionnées que par une nullité relative que l'acquéreur aurait renoncé à invoquer en acceptant de régulariser le contrat de prêt et de signer l'attestation de fin de travaux caractérisant sa volonté de les recevoir.
Le premier juge a à cet égard rappelé que les dispositions du code de la consommation formalisant les contrats de vente et de fourniture de services conclus à l'occasion d'une commercialisation hors établissement résultent de la transposition de la directive n° 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, que ces règles font parties, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), de l'ordre public de direction et ont pour objet d'encadrer le fonctionnement du marché, et que la nullité sanctionnant leur violation est absolue, le consommateur ne pouvant en tous cas y renoncer.
Quoiqu'il en soit, à supposer même la nullité relative, la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l'époque à laquelle celle-ci pouvait être valablement confirmée.
Or, en l'occurrence, aucun acte ne révèle qu'entre la conclusion et l'exécution du contrat, M. Y. et Mme X. ont eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation, l'exemplaire du bon de commande conclu avec la société R & V Développement, qui a été produit par la société Cofidis elle-même puisque les consommateurs ne s'étaient vus remettre qu'un bon de commande de la société Sungold, ne comportant pas la reproduction des dispositions de l'article L. 121-18-1 et L. 121-17 du code de la consommation relatives à l'indication des caractéristiques essentielles du produit ou de la prestation fournie.
En outre, si M. Y. a signé le bon de commande en déclarant avoir été informé des dispositions des articles L. 121-21 et L. 121-26 relatives à son droit de rétractation, la CJUE a dit pour droit que, reconnaître le plein effet d'une telle clause type entraînerait un renversement de la charge de la preuve de l'exécution des obligations du prêteur de nature à compromettre l'effectivité du droit européen des contrats conclus avec des consommateurs.
D'autre part, la régularisation d'un contrat de prêt concomitamment au contrat de vente, par l'intermédiaire du même démarcheur, ne saurait caractériser une confirmation en connaissance de cause de l'acte irrégulier.
Enfin, la circonstance que M. Y. et Mme X. aient laissé le contrat de fourniture d'installation photovoltaïque s'exécuter partiellement ne constitue qu'une manifestation de confirmation de l'acte nul ambigue, dès lors que le raccordement au réseau public en vue de la revente de l'électricité produite à EDF n'a jamais été réalisé, le Consuel n'ayant pas pu être obtenu, et que les acquéreurs se sont toujours plaints de la mauvaise exécution de la prestation de la société R & V Développement ainsi que cela résulte de la déclaration de créance de janvier 2017 au passif de la liquidation judiciaire de la société Sungold qu'ils croyaient être leur cocontractant, de l'assignation celle-ci en annulation et résolution du contrat de février 2017, puis de le leur dépôt de plainte pénale contre la société R & V Développement d'octobre 2017.
Il convient donc d'écarter le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier et de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat conclu avec la société R & V Développement. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 11 JUIN 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/01657. Arrêt n° 355. N° Portalis DBVL-V-B7C-OVUD.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre, rédacteur,
Assesseur : Madame Marie-Odile GELOT-BARBIER, Conseillère,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER : Madame Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Monsieur Régis ZIEGLER, lors du prononcé,
DÉBATS : A l'audience publique du 6 avril 2021
ARRÊT : Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 11 juin 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANTS :
Madame X.
née le [date] à [ville], [adresse], [...]
Monsieur Y.
né le [date] à [ville], [adresse], [...], [...]
Représentés par Maître Arnaud D., avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
Maître Lucille J. ès-qualités de liquidateur judiciaire de le société R ET V DEVELOPPEMENT (France Eco Renov)
[...], [...] , Assignée par acte d'huissier en date du 6 juin 2018, délivré à personne morale, n'ayant pas constitué
LA SA COFIDIS venant aux droits de la SA GROUPE SOFEMO
Dont le siège social est [adresse], [...], [...], Représentée par Maître Éric D. de la SCP G., D. & L., postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentée par Maître Olivier H. de la SELARL H. K. H. H., PLAIDANT, avocat au barreau d'ESSONNE
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
À la suite d'un démarchage à domicile, M. Y. a commandé le 22 mars 2016 la fourniture et l'installation de panneaux photovoltaïques moyennant le prix de 21.500 euros TTC.
En vue de financer cette opération, la société Cofidis, exerçant sous la dénomination commerciale « Sofemo », a, selon offre acceptée le même jour, consenti à M. Y. et Mme X. un prêt de 21.500 euros au taux de 5,68 % l'an, remboursable en 120 mensualités de 249,52 euros hors assurance emprunteur, après un différé de remboursement de 11 mois.
Prétendant que le bon de commande qui leur a été remis avait été régularisé avec la société Sungold, exerçant sous la dénomination commerciale « Institut des nouvelles énergies », que ce contrat était irrégulier et que l'installation n'avait jamais été raccordée au réseau en vue de la revente de l'électricité produite, M. Y. et Mme X. ont, par actes des 28 février et 1er mars 2017, fait assigner devant le tribunal d'instance de Rennes la société Cofidis ainsi que M. J., ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Sungold dont la procédure collective avait été ouverte par jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 6 septembre 2016, en annulation ou résolution des contrats de vente et de prêt.
Puis, la société Cofidis ayant produit un autre bon de commande du même jour régularisé avec la société R & V Développement, exerçant sous la dénomination commerciale « France Eco Rénov », ils ont, par acte du 13 octobre 2017, appelé à la cause Mme J., ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société R & V Développement dont la procédure collective avait été ouverte par jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 mai 2017.
Par un premier jugement du 5 octobre 2017, le premier juge a ordonné la suspension de l'exécution du contrat de crédit.
Puis, par un second jugement du 29 janvier 2018, il a :
- déclaré les demandes formées contre la société Sungold irrecevables,
- constaté l'existence d'un contrat de vente et de fourniture de services conclu entre M. Y. et Mme X. et la société R & V Développement,
- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Cofidis au profit du tribunal de commerce,
- déclaré irrecevable la demande en paiement de dommages-intérêts formée par M. Y. et Mme X. contre Mme J., ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société R & V Développement,
- prononcé l'annulation du contrat de vente et de fourniture de services conclu avec la société R & V Développement,
- constaté en conséquence l'annulation du contrat de crédit conclu avec la société Cofidis,
- condamné M. Y. et Mme X. à rembourser à la société Cofidis la somme de 21.500 euros au titre de la restitution du capital emprunté,
- condamné la société Cofidis à rembourser à M. Y. et Mme X. les échéances et frais perçus au titre du contrat de crédit annulé,
- condamné la société Cofidis au paiement d'une somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts,
- dit que les créances réciproques se compenseront et que les intérêts sur la somme résiduelle courront à compter du jugement,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné in solidum la société Cofidis et Mme J., ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société R & V Développement, au paiement d'une indemnité de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Cofidis de sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- partagé les dépens à hauteur de 50 % à la charge de M. Y. et Mme X. et de 50 % à la charge de la société Cofidis,
- ordonné l'exécution provisoire.
[*]
M. Y. et Mme X. ont relevé appel de cette décision le 7 mars 2018, pour demander la cour de :
- à titre principal, confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, excepté s'agissant des conséquences financières de l'annulation du contrat de crédit,
- juger que la société Cofidis doit, compte tenu de sa faute, être privée de la restitution du capital emprunté,
- à titre subsidiaire, prononcer la résolution du contrat de démarchage conclu avec la société R & V Développement,
- juger que la société Cofidis doit, compte tenu de sa faute commise, être privée de la restitution du capital emprunté,
- confirmer le jugement attaqué pour le surplus, excepté s'agissant des conséquences financières de la résolution du contrat de crédit,
- en tout état de cause, condamner la société Cofidis à rembourser à Mme X. et M. Y. la somme de 13.500 euros versée au titre de l'exécution provisoire du jugement attaqué,
- débouter la société Cofidis de ses demandes,
- condamner la société Cofidis au paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
[*]
La société Cofidis demande quant à elle à la cour de :
- dire que l'appel de M. Y. et Mme X. est irrecevable,
- débouter M. Y. et Mme X. de leurs demandes,
- rejeter des débats les pièces adverses numérotées 1 à 30 faute d'avoir été signifiées régulièrement,
- dire n'y avoir lieu à nullité du contrat de vente et du bon de commande et encore moins du contrat de crédit,
- condamner solidairement Mme X. et M. Y. à reprendre le paiement des échéances mensuelles du prêt et de payer toutes les mensualités impayées depuis le prononcé du jugement dans les 15 jours du présent arrêt, sous peine de déchéance du terme,
- subsidiairement, pour le cas où la cour venait à prononcer la nullité ou la résolution du contrat de crédit par suite de la nullité ou la résolution du contrat de vente, condamner solidairement Mme X. et M. Y. à rembourser le capital emprunté de 21.500 euros,
- condamner les appelants au paiement d'une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts,
- condamner solidairement Mme X. et M. Y. aux dépens de première instance et d'appel.
[*]
M. J., ès-qualités de liquidateur de la société Sungold, n'a pas été intimé devant la cour.
[*]
Mme J., ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société R & V Développement, a quant à elle été intimé devant la cour mais n'a pas constitué avocat.
[*]
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour M. Y. et Mme X. le 3 février 2021 et pour la société Cofidis le 16 novembre 2018, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 11 février 2021.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Sur la communication de pièces :
La société Cofidis demande à la cour de rejeter les pièces adverses numérotées 1à 30, seules les pièces nouvelles numérotées 31 à 38 ayant été communiquées simultanément à la signification de leurs conclusions d'appel.
Il est à cet égard exact que l'avocat de M. Y. et Mme X. n'a en premier lieu communiqué à celui de la société Cofidis, avec ses conclusions notifiées le 9 juillet 2018, que les pièces nouvelles invoquées en cause d'appel, à l'exclusions de celles précédemment communiquées en première instance, alors que l'article 132 du code de procédure civile, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2011, lui faisait obligation de communiquer ou recommuniquer spontanément l'ensemble des pièces invoquées devant la cour sans que la partie adverse ait à les réclamer.
Toutefois, ces pièces numérotées 1 à 30 ont fini par être communiquées le 24 septembre 2018, avec le second jeu de conclusions de M. Y. et Mme X.
La société Cofidis fait grief aux appelants de ne pas les avoir communiquées simultanément à leurs premières conclusions conformément à l'article 906 du code de procédure civile, mais il est de principe que, dès lors que les pièces contestées ont été communiquées en première instance puis à nouveau en appel avant l'ordonnance de clôture, en sorte que la partie adverse a été mise en temps utile en mesure de les examiner et de les discuter, elle peuvent être regardées comme acquises aux débats.
Dès lors, il n'y a pas lieu de rejeter les pièces numérotées 1 à 30 communiquées par M. Y. et Mme X. le 24 septembre 2018 et auxquelles la société Cofidis a eu tout loisir de répondre dans ses dernières conclusions du 16 novembre 2018, avant l'ordonnance de clôture du 11 février 2021.
Sur la nullité du contrat principal :
Aux termes des articles L. 121-18-1 et L. 121-17 devenus L. 221-9, L. 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
- le nom du professionnel, ou la dénomination sociale et la forme juridique de l'entreprise, l'adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique,
- le cas échéant, son numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,
- les informations relatives à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte,
- son éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, ainsi que les coordonnées de l'assureur ou du garant,
- les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du bien ou service concerné,
- le prix du bien ou du service,
- les modalités de paiement,
- en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,
- les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations,
- s'il y a lieu, les informations relatives à la garantie légale de conformité, à la garantie des vices cachés de la chose vendue ainsi que, le cas échéant, à la garantie commerciale et au service après-vente,
- la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation,
- lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit, ainsi que le formulaire type de rétractation.
M. Y. et Mme X., qui ne contestent plus devant la cour être liés contractuellement avec la société R & V Développement et non avec la société Sungold, font valoir avec raison que le bon de commande régularisé avec cette entreprise ne comporte pas de bordereau de rétractation, et qu'il ne mentionne pas la marque et le modèle des panneaux photovoltaïques installés.
Pourtant, s'agissant d'une installation à haut niveau de développement technologique destinée à produire de l'énergie, la marque, dont la fonction est de garantir l'origine d'un produit commercialisé, est une caractéristique essentielle pour le consommateur démarche qui doit ainsi pouvoir identifier le fabricant garant de la qualité, de la pérennité et de la sécurité de ses produits, et qui doit aussi pouvoir procéder utilement à des comparaisons de prix tenant compte de la technologie mise en œuvre durant le délai de rétractation qui lui est ouvert par la loi.
Pour contester l'application à la cause de ces dispositions du code de la consommation, la société Cofidis soutient que M. Y. et Mme X., qui contractaient en vue de produire de l'électricité et de la revendre, ne sauraient être qualifiés de consommateurs.
M. Y., personne physique non commerçante, a cependant été démarché à son domicile personnel en vue de faire réaliser une installation photovoltaïque sur la toiture de celui-ci, et il sera observé que, ni l'offre de crédit affecté, ni aucun autre document contractuel, ne fait mention que cette installation avait une destination professionnelle, le bon de commande comme l'offre de prêt se référant au surplus au code de la consommation.
Il n'est en outre nullement démontré que M. Y. et Mme X. destinaient la totalité de l'électricité produite à la revente, l'installation n'ayant jamais été raccordée et, partant, le contrat de rachat de l'électricité produite par EDF jamais régularisé.
Il s'en évince qu'à supposer même qu'une partie de l'électricité produite devait être revendue à EDF, cette circonstance ne faisait pas perdre aux appelants leur qualité de consommateur et qu'il doivent donc bénéficier des règles protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.
Au surplus, il résulte de l'article L. 121-21, III devenu L. 221-3 du code de la consommation que l'application des dispositions de ce code applicables aux relations entre professionnels et consommateurs est étendue aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
La société Cofidis soutient par ailleurs que les irrégularités du bon de commande ne seraient sanctionnées que par une nullité relative que l'acquéreur aurait renoncé à invoquer en acceptant de régulariser le contrat de prêt et de signer l'attestation de fin de travaux caractérisant sa volonté de les recevoir.
Le premier juge a à cet égard rappelé que les dispositions du code de la consommation formalisant les contrats de vente et de fourniture de services conclus à l'occasion d'une commercialisation hors établissement résultent de la transposition de la directive n° 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, que ces règles font parties, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), de l'ordre public de direction et ont pour objet d'encadrer le fonctionnement du marché, et que la nullité sanctionnant leur violation est absolue, le consommateur ne pouvant en tous cas y renoncer.
Quoiqu'il en soit, à supposer même la nullité relative, la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l'époque à laquelle celle-ci pouvait être valablement confirmée.
Or, en l'occurrence, aucun acte ne révèle qu'entre la conclusion et l'exécution du contrat, M. Y. et Mme X. ont eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation, l'exemplaire du bon de commande conclu avec la société R & V Développement, qui a été produit par la société Cofidis elle-même puisque les consommateurs ne s'étaient vus remettre qu'un bon de commande de la société Sungold, ne comportant pas la reproduction des dispositions de l'article L. 121-18-1 et L. 121-17 du code de la consommation relatives à l'indication des caractéristiques essentielles du produit ou de la prestation fournie.
En outre, si M. Y. a signé le bon de commande en déclarant avoir été informé des dispositions des articles L. 121-21 et L. 121-26 relatives à son droit de rétractation, la CJUE a dit pour droit que, reconnaître le plein effet d'une telle clause type entraînerait un renversement de la charge de la preuve de l'exécution des obligations du prêteur de nature à compromettre l'effectivité du droit européen des contrats conclus avec des consommateurs.
D'autre part, la régularisation d'un contrat de prêt concomitamment au contrat de vente, par l'intermédiaire du même démarcheur, ne saurait caractériser une confirmation en connaissance de cause de l'acte irrégulier.
Enfin, la circonstance que M. Y. et Mme X. aient laissé le contrat de fourniture d'installation photovoltaïque s'exécuter partiellement ne constitue qu'une manifestation de confirmation de l'acte nul ambigue, dès lors que le raccordement au réseau public en vue de la revente de l'électricité produite à EDF n'a jamais été réalisé, le Consuel n'ayant pas pu être obtenu, et que les acquéreurs se sont toujours plaints de la mauvaise exécution de la prestation de la société R & V Développement ainsi que cela résulte de la déclaration de créance de janvier 2017 au passif de la liquidation judiciaire de la société Sungold qu'ils croyaient être leur cocontractant, de l'assignation celle-ci en annulation et résolution du contrat de février 2017, puis de le leur dépôt de plainte pénale contre la société R & V Développement d'octobre 2017.
Il convient donc d'écarter le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier et de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat conclu avec la société R & V Développement.
Sur la nullité du contrat de prêt :
Aux termes des dispositions de l'article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Il n'est pas contesté que le crédit consenti par la société Cofidis est un crédit accessoire à une vente ou à une prestation de services.
En raison de l'interdépendance des deux contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société R & V Développement emporte donc annulation de plein droit du contrat accessoire de crédit conclu avec la société Cofidis.
La nullité du prêt a donc en premier lieu pour conséquence de rendre inopérante la demande de la société Cofidis de condamnation des emprunteurs à reprendre l'exécution de ce contrat.
En outre, la nullité du prêt a aussi en principe pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu'elle doit, sauf faute du prêteur, entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre.
M. Y. et Mme X. demandent à cet égard à la cour d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il ne les a dispensés de restituer le capital emprunté de 21.500 euros qu'à hauteur de 8.000 euros en dépit de diverses fautes du prêteur, lequel se serait fautivement dessaisi des fonds au vu d'un bon de commande irrégulier et d'un certificat de livraison falsifié et laconique, alors que l'installation n'était pas achevée et le raccordement au réseau pas effectué.
La société Cofidis soutient de son côté qu'il n'appartenait pas au prêteur de contrôler l'exécution totale de la prestation du fournisseur, alors qu'elle s'est dessaisie du capital prêté au vu d'un certificat de livraison par lequel M. Y. et Mme X. reconnaissaient que le contrat principal avait été exécuté et lui donnaient l'ordre de débloquer les fonds.
Le prêteur, qui n'a pas à assister les emprunteurs lors de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, ne commet pas de faute lorsqu'il libère les fonds au vu d'une attestation de livraison qui lui permet de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal.
Or, en l'occurrence, l'attestation de livraison du 22 mars 2016, dont la signature est attribuée à M. Y., faisait ressortir sans ambiguïté que celui-ci avait obtenu et accepté sans réserve la livraison des marchandises commandées, attesté que tous les travaux et prestations accessoires avaient été pleinement réalisés, et demandé à la société Cofidis de procéder au décaissement du crédit et de le verser directement entre les mains de la société R & V Développement.
Les appelants arguent ce document de faux, mais il ressort de la comparaison des signatures apposées sur celui-ci avec celles apposées sur l'offre de crédit et la fiche de dialogue que la falsification, à la supposée avérée, n'était pas raisonnablement décelable pour le prêteur, de sorte que, la signature étant ressemblante et non, comme prétendue, grossièrement imitée, il ne peut être reproché à la société Cofidis, qui, en l'absence d'anomalie apparente, n'avait pas à se livrer à une vérification poussée d'écriture, de ne pas avoir su la déceler.
En revanche, il est de principe que le prêteur commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté lorsqu'il libère la totalité des fonds, alors qu'à la simple lecture du contrat de vente il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.
Or, il a été précédemment relevé que le bon de commande conclu avec la société R & V Développement, par l'intermédiaire de laquelle la société Cofidis faisait présenter ses offres de crédit, comportait des irrégularités formelles apparentes qui auraient dû conduire le prêteur, professionnel des opérations de crédit affecté, à ne pas libérer les fonds entre les mains du fournisseur avant d'avoir à tout le moins vérifié auprès de M. Y. et Mme X. qu'ils entendaient confirmer sans équivoque l'acte irrégulier.
Le prêteur n'avait certes pas à assister les emprunteurs lors de la conclusion du contrat principal, mais il lui appartenait néanmoins de relever les anomalies apparentes du bon de commande, ce dont il résulte qu'en versant les fonds entre les mains du fournisseur, sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle de ce bon de commande, la société Cofidis a commis une faute la privant du droit d'obtenir le remboursement du capital emprunté.
La dispense de remboursement du crédit par les emprunteurs étant fondée sur la faute du prêteur, la contestation relative à leur préjudice, lequel résulte précisément de l'obligation de restitution des prestations reçues de part et d'autre du fait de l'annulation du contrat de prêt en dehors de toute faute de leur part et, au surplus, sans perspective d'obtenir la restitution du prix par le fournisseur en liquidation judiciaire et sans bénéficier en contrepartie de la livraison par le vendeur de panneaux photovoltaïques d'une installation conforme aux règles de l'art permettant d'obtenir la production d'électricité attendue en vue de sa revente, est sans fondement.
En effet, il ressort de l'attestation de la société Breiz Helios que le type d'installation mis en œuvre chez M. Y. et Mme X. n'est pas adaptée à leur toiture-terrasse et peut présenter à moyen terme un risque d'atteinte à l'étanchéité de celle-ci par une compression excessive de l'ouvrage, qu'en outre la quasi-horizontalité des panneaux, déconseillée par les fabricants, va provoquer leur encrassement et une contrainte de nettoyage annuel, que des fixations de panneaux présentent un risque d'arrachement et, partant, de dégâts à des tiers.
Il résulte en outre d'une seconde attestation de la société Breiz Helios que l'installation photovoltaïque, mal orientée à l'est et sous l'ombrage de l'acrotère, ne bénéficie pas du Consuel et n'a jamais été mise en service du fait du non-raccordement au réseau public d'électricité et de l'impossibilité de conclure un contrat de revente de l'électricité produite.
Il convient donc de réformer le jugement attaqué sur ce point, et de rejeter la demande de remboursement du capital emprunté formée par la société Cofidis.
Il n'y a à cet égard pas lieu à statuer sur la demande de restitution de la somme de 13.500 euros versée au titre de l'exécution provisoire du jugement, le présent arrêt de réformation valant titre de restitution.
En revanche, la disposition du jugement attaqué ayant condamné la société Cofidis à restituer aux emprunteurs, qui n'ont commis aucune faute, les échéances de remboursement du prêt qu'ils ont réglées sera confirmée.
Sur les frais irrépétibles :
Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de M. Y. et Mme X. l'intégralité des frais exposés par eux à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte que la société Cofidis sera condamnée à leur payer une indemnité de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Dit n'y avoir lieu de rejeter les pièces numérotées 1 à 30 communiquées par M. Y. et Mme X. ;
Infirme le jugement rendu le 29 janvier 2018 par le tribunal d'instance de Rennes en ce qu'il a condamné M. Y. et Mme X. à rembourser à la société Cofidis la somme de 21.500 euros au titre de la restitution du capital emprunté, condamné la société Cofidis au paiement d'une somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts et dit que les créances réciproques se compenseront et que les intérêts sur la somme résiduelle courront à compter du jugement ;
Déboute la société Cofidis de sa demande de remboursement du capital de 21 500 euros ;
Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ;
Condamne la société Cofidis à payer aux M. Y. et Mme X. une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Cofidis aux dépens d'appel ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5826 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Principe
- 5828 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : renonciation après la conclusion du contrat
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5925 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Immeubles - Contrats d’installation de panneaux photovoltaïques