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CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 17 juin 2021

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 17 juin 2021
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 18/22198
Date : 17/06/2021
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 12/10/2018
Référence bibliographique : 5823 (crédit, application dans le temps), 5721 (L. 212-1, obligation de relever d’office), 5716 (crédit à la consommation, obligation de relever d’office), 5725 (R. 632-1, relevé d’office, prescription)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9090

CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 17 juin 2021 : RG n° 18/22198 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation résultant de la loi n° 2010-737 promulguée le 1er juillet 2010 qui transcrit en droit interne les dispositions de la Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 (désormais articles L. 312-1 et suivants du même code).

En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat. Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive ; en revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

Par ailleurs il est admis que si elle est applicable aux prétentions formées par voie d'action ou par voie d'exception, la prescription extinctive est inopérante s'agissant de l'expression d'un moyen de défense au fond.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 311-6 à L. 311-13 dans leur rédaction applicable au litige. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9-A

ARRÊT DU 17 JUIN 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/22198 (6 pages). N° Portalis 35L7-V-B7C-B6QXA. Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 juillet 2018 - Tribunal d'Instance de SAINT-OUEN – R.G. n° 11-18-000044.

 

APPELANTE :

La société SOGEFINANCEMENT

société par actions simplifiée prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés ès-qualités audit siège, N° SIRET : XXX, [...], [...], [...], représentée et assistée de Maître Sébastien M. G. de la SELARL C. & M.-G., avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

 

INTIMÉES :

Madame X.

née le [date] à [ville], [adresse], [...], représentée par Maître Sophie S., avocat au barreau de PARIS (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

Madame Y.

née le [date] à [ville], [adresse], DÉFAILLANTE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 mai 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT : - DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 14 mai 2011, la société Sogefinancement a consenti à Mme X. un prêt personnel étudiant d'un montant de 25.000 euros remboursable en 84 mensualités dont 36 mois de franchise partielle au taux d'intérêt nominal de 4,30 % l'an.

Le 14 mai 2011, Mme Y., mère de l'intéressée s'est constituée caution solidaire des engagements de l'emprunteuse.

Saisi par la société Sogefinancement d'une action tendant à la condamnation de l'emprunteuse et de la caution au paiement du solde restant dû après déchéance du terme, le tribunal d'instance de Saint Ouen, par un jugement contradictoire rendu le 10 juillet 2018 auquel il convient de se reporter, a :

- déclaré recevable l'action de la société Sogefinancement,

- prononcé la déchéance du droit de la banque de percevoir les intérêts au taux contractuel,

- condamné solidairement Mme X. et Mme Y. à payer à la société Sogefinancement la somme de 10.392,99 euros majorée des intérêts au taux légal non majoré à compter du 24 août 2016,

- accordé aux débitrices des délais de paiement,

- débouté la société Sogefinancement de sa demande au titre de l'indemnité contractuelle,

- condamné solidairement Mmes X. et Y. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Après avoir vérifié la recevabilité de l'action du prêteur, le tribunal a principalement retenu que le prêteur n'avait pas porté le montant des cotisations mensuelles d'assurance dans l'encadré prévu par l'article L. 312-28 du code de procédure civile et que l'effectivité de la sanction constituée par la déchéance du droit aux intérêts imposait d'exclure l'application de l'article 1153 du code civil et de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Par déclaration du 12 octobre 2018, la société Sogefinancement a interjeté appel de cette décision.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 14 janvier 2019 et signifiées le 16 janvier 2019 à Mme Y., la société Sogefinancement demande à la cour :

- d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- de déclarer prescrits et donc irrecevables les moyens relatifs au formalisme précontractuel et contractuel sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts,

- de constater que la déchéance du terme a été prononcée, subsidiairement de prononcer la résiliation du contrat à effet au 20 mai 2016,

- de condamner solidairement Mme X. et Mme Y. à lui payer la somme de 18.778,29 euros outre intérêts au taux de 4,30 % l'an à compter du 21 mai 2016 sur la somme de 17.393,76 euros et intérêts au taux légal sur le surplus ; subsidiairement de condamner solidairement Mme X. et Mme Y. à lui payer la somme de 11.966,49 euros outre intérêts au taux légal à compter du 24 août 2018, date de la mise en demeure,

- de prévoir une clause de déchéance du terme si des délais de paiement étaient accordés,

- de condamner in solidum Mme X. et Mme Y. à lui payer la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Rappelant que le délai quinquennal de prescription est applicable au litige, l'appelante soutient que ni les intimées, ni le tribunal n'étaient recevables à contester le formalisme de l'offre de crédit.

Elle soutient que les articles L. 311-18 et R. 311-5 du code de la consommation dans leur rédaction applicable au litige n'imposent pas la mention du coût de l'assurance facultative dans l'encadré inséré en début de contrat et que l'offre de crédit est conforme aux dispositions légales.

Elle détaille le montant de sa créance.

[*]

Par des conclusions remises le 1er avril 2019, Mme X. demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de prononcer la mainlevée de l'inscription au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, de débouter la société Sogefinancement de toutes ses demandes et de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme X. soutient que le point de départ du délai de prescription est le moment où l'emprunteur a eu connaissance de l'irrégularité, soit en l'espèce à la date de l'audience.

Sous le visa de l'article L. 312-28 et de l'article R. 312-10 du code de la consommation selon la numérotation actuelle, elle fait valoir que le montant de la cotisation mensuelle d'assurance devait figurer dans l'encadré en début de contrat ; elle indique que la déchéance du droit aux intérêts exclut le paiement des cotisations d'assurance et que le premier juge a légitimement écarté l'application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Elle ajoute qu'elle a intégralement soldé sa dette.

[*]

Régulièrement assignée par un acte d'huissier délivré le 14 décembre 2018 conformément aux articles 656 et 658 du code de procédure civile, Mme Y. n'a pas constitué avocat.

[*]

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens.

L'instruction de l'affaire a été close le 23 mars 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation résultant de la loi n° 2010-737 promulguée le 1er juillet 2010 qui transcrit en droit interne les dispositions de la Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 (désormais articles L. 312-1 et suivants du même code).

En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive ; en revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

Par ailleurs il est admis que si elle est applicable aux prétentions formées par voie d'action ou par voie d'exception, la prescription extinctive est inopérante s'agissant de l'expression d'un moyen de défense au fond.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 311-6 à L. 311-13 dans leur rédaction applicable au litige.

* * *

L'article L. 311-18 du code de la consommation (désormais L. 312-28) dispose qu'un encadré, inséré au début du contrat, informe l'emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit.

L'article R. 311-5 (désormais R. 312-10) précise que l'encadré mentionné à l'article L. 311-18 indique en caractères plus apparents que le reste du contrat, dans l'ordre choisi par le prêteur et à l'exclusion de toute autre information :

a) Le type de crédit ;

b) Le montant total du crédit et les conditions de mise à disposition des fonds ;

c) La durée du contrat de crédit ;

d) Le montant, le nombre et la périodicité des échéances que l'emprunteur doit verser et, le cas échéant, l'ordre dans lequel les échéances seront affectées aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement. Pour les découverts, il est indiqué le montant et la durée de l'autorisation que l'emprunteur doit rembourser ;

e) Le taux débiteur, les conditions applicables à ce taux, le cas échéant tout indice ou taux de référence qui se rapporte au taux débiteur initial, ainsi que les périodes, conditions et procédures d'adaptation du taux. Si différents taux débiteurs s'appliquent en fonction des circonstances, ces informations portent sur tous les taux applicables ;

f) Le taux annuel effectif global et le montant total dû par l'emprunteur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit. Toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux sont mentionnées ;

g) Tous les frais liés à l'exécution du contrat de crédit, dont, le cas échéant, les frais de tenue d'un ou plusieurs comptes destinés à la mise à disposition des fonds ou au paiement des échéances de crédit et les frais liés à l'utilisation d'un instrument de paiement déterminé, ainsi que les conditions dans lesquelles ces frais peuvent être modifiés ;

h) Les sûretés et les assurances exigées, le cas échéant.

Dès lors que l'assurance n'est pas exigée par le prêteur, ces dispositions légales et réglementaires n'imposent pas que le coût mensuel de l'assurance soit indiqué dans cet encadré.

C'est donc en ajoutant aux textes précités que le premier juge a retenu que la banque encourrait la déchéance du droit aux intérêts pour n'avoir pas mentionné le coût de l'assurance facultative dans l'encadré prévu par l'article L. 311-18.

En conséquence, le prêteur n'encourt pas la déchéance du droit aux intérêts ; le jugement dont appel est infirmé.

* * *

La société Sogefinancement produit les lettres des 24 août 2016 et 20 juillet 2017 par lesquelles Mme X. et Mme Y. en qualité de caution ont été mises en demeure de payer le solde restant dû sur le prêt, le dossier ayant été préalablement transmis au service contentieux au mois de mai 2016. Il ressort des termes du jugement dont appel que les débitrices n'ont pas contesté le prononcé de la déchéance du terme qui doit être retenu au 24 août 2016 ni le montant de leur dette.

A cette date, la créance de la société Sogefinancement était la suivante :

- échéances échues et impayées : 2.602,45 euros

- intérêts de retard sur les échéances échues : 16,09 euros

- capital devenu exigible : 14.791,31 euros

- indemnité de résiliation sur le capital devenu exigible : 1.183,30 euros

soit la somme totale de 18.583,15 euros.

Mme X. et Mme Y. sont en conséquence condamnées solidairement à payer cette somme augmentée, à compter du 24 août 2016, des intérêts au taux contractuel de 4,30 % l'an sur la somme de 17.393,76 euros et des intérêts au taux légal sur le surplus mais dont il conviendra de déduire les paiements faits par les intéressées depuis lors.

La dette n'étant pas soldée dans son intégralité, il n'y a pas lieu d'ordonner la levée de l'inscription de Mme X. au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.

Il n'appartient pas à la cour de statuer sur la majoration de ce taux d'intérêt en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier qui, relatif à un éventuel défaut d'exécution du présent arrêt relève des seules attributions du juge de l'exécution.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut mis à disposition au greffe,

- Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société Sogefinancement et a statué sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

- Condamne solidairement Mme X. et Mme Y., celle-ci en qualité de caution à payer à la société Sogefinancement la somme de 18.583,15 euros augmentée, à compter du 24 août 2016, des intérêts au taux contractuel 4,30 % l'an sur la somme de 17.393,76 euros et des intérêts au taux légal sur le surplus, mais dont il conviendra de déduire les paiements faits par les intéressées depuis lors ;

- Déboute les parties de toutes autres demandes ;

- Condamne in solidum Mme X. et Mme Y. aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SELARL C. & M.-G. en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

- Condamne in solidum Mme X. et Mme Y. à payer à la société Sogefinancement la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière                                       La présidente