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CA LYON (6e ch.), 5 août 2021

Nature : Décision
Titre : CA LYON (6e ch.), 5 août 2021
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 6e ch.
Demande : 21/00951
Date : 5/08/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 10/02/2021
Référence bibliographique : 5820 (L. 17 mars 2014, application dans le temps), 5850 (consommateur personne physique), 5862 (L. 218-2, prescription, exclusion des non-professionnels)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9100

CA LYON (6e ch.), 5 août 2021 : RG n° 21/00951

Publication : Jurica

 

Extrait (rappel des faits) : « La Banque Rhône-Alpes est créancière de la SCI Charlotte en vertu d'un prêt consenti par acte notarié du 26 octobre 2010 pour l'acquisition d'un bien immobilier situé [adresse], cadastré sur cette commune section XX au [...]. »

Extrait (motifs) : « La jurisprudence invoquée par les appelants se rapporte effectivement, non à la qualité de consommateur, mais à la qualité de non professionnel de la personne morale qui se prévaut du caractère abusif de clauses contenues dans un contrat n'ayant pas de rapport direct avec son activité professionnelle. Elle est sans application au présent litige.

L'article préliminaire du code de la consommation, qui réserve la qualité de consommateur aux personnes physiques, exclut nécessairement la qualité de consommateur d'une personne morale, quelle que soit son activité.

En conséquence, le contrat est soumis à la prescription quinquennale de droit commun ainsi que l'a exactement retenu le premier juge. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

SIXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 5 AOÛT 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/00951. N° Portalis DBVX-V-B7F-NMQ5. Décision du Juge de l'exécution du TJ de Lyon du 12 janvier 2021 : R.G. n° 20/00070.

 

APPELANTE :

SCI CHARLOTTE

[...], [...], Représentée par Maître Nathalie R., avocat au barreau de LYON, toque : 1106, Assisté de Maître Raoudha M., avocat au barreau de LYON, toque : 973

 

INTIMÉE :

LA BANQUE RHONE-ALPES

[...], [...], Représentée par Maître Pierre-Yves C. de la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocat au barreau de LYON, toque : 768

 

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 juin 2021

Date de mise à disposition : 5 août 2021

Audience tenue par Dominique BOISSELET, président, et Evelyne ALLAIS, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistés pendant les débats de Sylvie GIREL, greffier. A l'audience, Dominique BOISSELET a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré : - Dominique BOISSELET, président, - Evelyne ALLAIS, conseiller, - Magali DELABY, conseiller

Arrêt : Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Sylvie GIREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

La Banque Rhône-Alpes est créancière de la SCI Charlotte en vertu d'un prêt consenti par acte notarié du 26 octobre 2010 pour l'acquisition d'un bien immobilier situé [adresse], cadastré sur cette commune section XX au [...].

Par acte d'huissier de justice du 3 mars 2020, la Banque Rhône-Alpes a fait délivrer à la SCI Charlotte un commandement aux fins de saisie immobilière portant sur le bien financé, pour paiement de la somme de 40.422,40 euros.

A défaut de paiement de la somme réclamée, ce commandement a été publié le 4 juin 2020 à la Conservation des hypothèques de Lyon 1er bureau sous la référence 2020 YY.

Par acte d'huissier de justice du 27 juillet 2020, la Banque Rhône-Alpes a fait assigner la SCI Charlotte à comparaître à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon.

L'assignation et le cahier des conditions de la vente ont été déposés au greffe le 31 juillet 2020.

A l'audience d'orientation du 8 décembre 2020, le créancier poursuivant a requis la vente forcée du bien saisi tandis que l'emprunteuse a soulevé la prescription de son action.

Par jugement en date du 12 janvier 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon a notamment :

- dit que l'action de la Banque Rhône-Alpes n'est pas prescrite,

- déclaré sa demande recevable,

- fixé la créance de la Banque Rhône-Alpes à la somme de 38.783,45 euros, selon décompte arrêté au 21 juillet 2020, outre intérêts postérieurs,

- ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers saisis sur la mise à prix de 15.000 euros,

- fixé la date d'adjudication au 29 avril 2021 à 13h30 au tribunal judiciaire de Lyon,

- fixé la date et les modalités de visite du bien saisi, ainsi que les modalités de publicité de la vente.

La SCI Charlotte a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 10 février 2021.

Sur la requête de l'appelante déposée au greffe de la Cour le 12 février 2021, le président de la 6ème chambre civile, agissant par délégation du premier président de la cour d'appel, statuant par ordonnance du 16 février 2021, l'a autorisée à faire assigner le créancier poursuivant à jour fixe pour l'audience du 21 juin 2021 à 13h30.

L'assignation a été délivrée au créancier poursuivant par acte d'huissier de justice du 23 février 2021, régulièrement déposé au greffe.

Par message électronique du 12 avril 2021, le greffier a informé les conseils des parties du report de l'affaire à l'audience du 22 juin 2021 à 13h30.

[*]

En ses dernières conclusions du 5 mai 2021, la SCI Charlotte demande ce qui suit, au visa des articles 1186 et 1187, du code civil dans sa version issue de l'ordonnance du n° 2016-131 du 10 février 2016, 2219, 2224 du code civil dans la version issue de la Loi n° 2008-651 du 17 juin 2008, L. 131-2 et L. 137-2 (devenu L. 218-2) du code de la consommation et 125 du code de procédure civile :

- juger recevable et fondé l'appel interjeté par la SCI Charlotte à l'encontre du jugement rendu par le juge de l'exécution le 18 janvier 2021 en ce qu'il a :

- dit que l'action de la SA Banque Rhône-Alpes n'est pas prescrite,

- déclaré la demande de la SA Banque Rhône Alpes recevable,

- fixé la créance de la SA Banque Rhône-Alpes à la somme de 38.783,45 euros selon décompte arrêté au 21 juillet 2020 outre intérêts postérieurs,

- ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers appartenant à la SCI Charlotte figurant au commandement aux fins de saisie et plus amplement décrits dans le cahier des conditions de vente, sur la mise à prix de 15.000 euros,

- fixé la date d'adjudication au jeudi 29 avril 2021 à 13h30 salle A,

- dit que la visite des biens saisis aura lieu le mercredi 21 avril 2021 de 10 h à 12 h,

- désigné l'étude M. V., huissier de Justice à Lyon, pour faire exécuter le jugement d'orientation,

- autorisé la SA Banque Rhône-Alpes à compléter l'avis prévus à l'article R. 322-31 du code des procédures civiles d'exécution par une photographie du bien à vendre et les avis simplifiés prévus à l'article R. 322-32 du même code par une désignation sommaire des biens mis en vente, et l'indication du nom de l'avocat poursuivant,

- autorisé la SA Banque Rhône-Alpes à accomplir la publicité par un autre mode de communication à travers l'annonce de la vente sur un site national internet : www.info-encheres.com

- dit que cette annonce sera similaire à l'avis prévu à l'article R. 322-31 précité et qu'y sera adjoint le cahier des conditions de la vente, en prenant soin de retirer de cet acte les coordonnées de la partie saisie, ainsi qu'une photographie,

- dit que les dépens d'ores et déjà exposés seront compris dans les frais soumis à taxe,

- ordonné la mention du présent jugement en marge de la publication du commandement susvisé et sa transcription par le greffe à la suite du cahier des conditions de vente,

- l'infirmer de ces chefs,

y faisant droit et statuant à nouveau,

- juger que la SCI Charlotte peut prétendre au bénéfice des dispositions protectrices du consommateur dans les conditions établies par la jurisprudence de la Cour de cassation,

- juger en conséquence que la prescription était acquise dès le 5 juillet 2015,

- constater que le protocole d'accord intervenu les 4 et 10 avril 2017 entre les parties a été dénoncé par le conseil de la Banque le 26 décembre 2017 avec pour conséquence son inexistence rétroactive, et qu'aucune de ses clauses ne peut lui survivre en tant que la réduction de la dette était indissociablement liée à l'exécution des règlements par la SCI Charlotte,

- le dire caduc rétroactivement au 10 avril 2017,

en conséquence, et à défaut de prescription au titre de l'action principale,

- dire que la caducité constatée de l'accord a pour conséquence directe la prescription de l'action à compter du 10 avril 2019,

en tout état de cause,

- débouter la Banque Rhône-Alpes de l'intégralité de ses demandes comme irrecevables avec toutes les conséquences de droit,

- condamner la Banque Rhône-Alpes en tous les frais et dépens de l'instance tant de première instance que d'appel, dont recouvrement direct au profit de Maître Raoudha M., avocat sur son affirmation de droit.

[*]

Par conclusions du 26 avril 2021, la Banque Rhône-Alpes demande à la Cour de statuer comme suit, vu les articles R. 322-4 et suivants du code des procédures civiles d'exécution :

- confirmer le jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon du 12 janvier 2021 en son intégralité,

- débouter la SCI Charlotte de l'ensemble de ses prétentions,

condamner la SCI Charlotte à payer à la Banque Rhône-Alpes une somme de 2.500 euros, le recours exercé n'ayant manifestement vocation qu'à lui permettre de gagner du temps.

- condamner la SCI Charlotte à payer à la Banque Rhône-Alpes une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le délai de prescription :

L'article L. 137-2 ancien (devenue L.218-2) du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date du contrat, prévoit que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

L'appelante soutient que la créance est soumise au délai de prescription biennal de 2 ans résultant de l'article L. 137-2 précité qui court à compter de la déchéance du terme du 5 juillet 2013, de sorte que la créance serait prescrite au jour du commandement de saisie immobilière du 3 mars 2020.

Elle fait valoir qu'elle est une société civile sans activité commerciale et peut donc être considérée comme une professionnelle.

Le Crédit Lyonnais répond que la SCI Charlotte se prévaut d'une jurisprudence relative à la qualité de professionnel pour l'application de l'article 132-1 du code de la consommation mais que l'article préliminaire du même code définit le consommateur comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commercial, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. »

Il soutient qu'une SCI ne peut, en tant que personne morale, se voir reconnaître la qualité de consommateur et prétendre bénéficier de la courte prescription de l'article 137-2.

[*]

La jurisprudence invoquée par les appelants se rapporte effectivement, non à la qualité de consommateur, mais à la qualité de non professionnel de la personne morale qui se prévaut du caractère abusif de clauses contenues dans un contrat n'ayant pas de rapport direct avec son activité professionnelle. Elle est sans application au présent litige.

L'article préliminaire du code de la consommation, qui réserve la qualité de consommateur aux personnes physiques, exclut nécessairement la qualité de consommateur d'une personne morale, quelle que soit son activité.

En conséquence, le contrat est soumis à la prescription quinquennale de droit commun ainsi que l'a exactement retenu le premier juge.

 

Sur le protocole d'accord :

Le commandement de saisie immobilière a été délivré le 3 mars 2020, plus de 5 ans avant la déchéance du terme du 5 juillet 2013, point de départ de la prescription de l'action du créancier.

Cependant, les parties ont conclu le 10 avril 2017 un protocole d'accord contenant reconnaissance expresse de la dette par la SCI Charlotte, interruptif du cours de la prescription en vertu de l'article 2240 du code civil.

L'appelante fait valoir que cet accord a été dénoncé par la Banque Rhône-Alpes, ce qui l'a rendu caduc et l'a privé de son effet interruptif de prescription.

Mais la banque rappelle que l'accord des parties contient, en l'article 7 du protocole, une disposition par laquelle le non-respect des termes du protocole d'accord par l'emprunteur est seulement sanctionné par la déchéance du bénéfice de la réduction de dette accordée par le prêteur, la reconnaissance par la SCI Charlotte de sa dette d'un montant de 191.304,18 euros arrêtée au 3 février 2021 à l'égard de la Banque Rhône-Alpes restant valide.

Contrairement à ce que soutient la SCI Charlotte, les parties ont expressément convenu que la dénonciation du protocole par la banque n'entrainait pas la caducité de la totalité de l'acte et n'aurait pas pour effet d'anéantir la reconnaissance de dette et, partant, son effet interruptif de la prescription.

Vainement, la SCI Charlotte soutient que les termes d'un courrier officiel du conseil de la banque du 26 décembre 2017 sont explicites sur la caducité du protocole alors que les rapports des parties sont régis par leur engagement contractuel contenu dans la clause précitée.

Au surplus, la SCI Charlotte, persévérant en son application erronée de la prescription biennale, reconnait que la banque disposait pour agir partant du 10 avril 2017 et expirant au 10 avril 2019, soit 2 ans 'après l'effet rétroactif de la caducité'. L'application de la prescription quinquennale met à néant son argumentaire.

Le délai de prescription quinquennale a bien couru à compter du 10 avril 2017 et n'était pas achevé au jour de la délivrance du commandement de saisie immobilière le 3 mars 2020.

 

Sur les autres demandes :

Le jugement doit être confirmé, ses autres dispositions n'étant contestées qu'en suite de la fin de non-recevoir de prescription soutenue par la SCI Charlotte.

Si l'action de la SCI Charlotte est manifestement dilatoire, la Banque Rhône-Alpes ne justifie pas d'un préjudice particulier, autre que le retard apporté au recouvrement de sa créance qui est indemnisé par les intérêts moratoires.

La SCI Charlotte, partie perdante, supporte les dépens d'appel, conserve la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés et doit indemniser la Banque Rhône-Alpes de ses frais à concurrence de 2.500 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 12 janvier 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon,

Renvoie les parties devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon pour la poursuite de la procédure,

Condamne la SCI Charlotte à payer à la Banque Rhône-Alpes la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Charlotte aux dépens d'appel,

Rejette le surplus des demandes.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT