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CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 9 septembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 9 septembre 2021
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 8e ch. sect. 1
Demande : 19/01110
Décision : 21/873
Date : 9/09/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 21/02/2019
Numéro de la décision : 873
Référence bibliographique : 5997 (indice, recommandation), 5823 (crédit, application dans le temps), 5734 (clause réputée non écrite)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9120

CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 9 septembre 2021 : RG n° 19/01110 ; arrêt n° 21/873 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Les textes du code de la consommation mentionnés dans l'arrêt sont les textes dans leur version en vigueur à la date des contrats litigieux ».

2/ « L'offre de prêt contient une clause qui stipule que « durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours. »

Il y a lieu de rappeler que le caractère abusif d'une clause n'est pas sanctionné par la nullité de la clause ; l'article L. 132-1 du code de la consommation prévoit que les clauses abusives sont « réputées non écrites ». De plus, sont abusives, au sens de ce texte, les clauses qui, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Il convient de relever que la recommandation de la Commission des clauses abusives évoquée par l'appelant concerne les clauses de calcul d'intérêts insérées dans les conventions de comptes bancaires, en application desquelles les intérêts sont calculés quotidiennement, et non pas les crédits immobiliers de sorte qu'elle ne saurait faire présumer le caractère abusif de la clause d'intérêts conventionnels du contrat litigieux.

Pour apprécier le caractère abusif de cette clause, il y a lieu d'apprécier ses effets sur le coût du crédit.

S'agissant d'un prêt remboursé à échéances constantes et selon une périodicité mensuelle, le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours rapportée à 30 jours, soit un douzième d'année par mois, revient arithmétiquement à un résultat équivalent au calcul des intérêts effectué sur la base d'une année civile de 365 jours rapportée au mois normalisé de 30,41666, permis par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation. Par exemple, un calcul effectué sur la base du mois normalisé de 30,41666 sur une année de 365 jours appliqué aux échéances exigibles au 5 mai 2014 et au 5 octobre 2016, utilisées à titre d'exemple dans l'analyse financière communiquée par les emprunteurs, permet en effet d'obtenir le même montant d'intérêts que le calcul réalisé sur la base d'une année de 360 jours et d'un mois de 30 jours, et correspondant au montant d'intérêts indiqué dans le tableau d'amortissement. Le mode de calcul retenu par l'expert sur la base d'une année civile appliquée à un mois de 30 jours n'est pas pertinent pour révéler une erreur dans le calcul des intérêts, étant relevé que ce mode appliqué aux mois de 31 jours revient à retenir un montant d'intérêts supérieurs à ceux réclamés par la banque de sorte que la méthode proposée n'est pas systématiquement en faveur de l'emprunteur.

Si, comme le font valoir les appelants, le calcul sur la base d'une année de 360 jours rapportée à 30 jours entraîne une majoration d'intérêts pour les échéances « rompues » (ne correspondant pas à un mois d'intérêts) les emprunteurs ne viennent pas démontrer qu'en l'espèce le calcul aurait entraîné une majoration et que celle-ci serait telle qu'il pourrait être admis que la clause entraîne un déséquilibre au sens de l'article L. 137-2 du code de la consommation. Elle ne saurait donc être considérée comme abusive et son application écartée en application de ce texte. […]

En l'espèce, les emprunteurs n'évaluent pas le surcoût d'intérêts qui aurait résulté du calcul des intérêts effectués par la banque, en vertu de l'offre ou de son avenant, et a fortiori de son impact sur le niveau du TEG, l'analyse financière ne propose d'ailleurs pas de TEG rectifié à raison d'un calcul d'intérêts faussé.

En conséquence le moyen tiré de l'insertion dans l'offre de prêt d'une clause de calcul d'intérêts sur la base d'une année de 360 jours, à raison de son caractère abusif ou de son impact sur le TEG, doit être écarté. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

HUITIÈME CHAMBRE PREMIERE SECTION

ARRÊT DU9 SEPTEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/01110. Arrêt n° 21/873. N° Portalis DBVT-V-B7D-SFUD. Jugement (R.G. n° 17/072019) rendu le 11 janvier 2019 par la cour d'appel de Lille

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville] - de nationalité française, [...], [...]

Madame Y.

née le [date] à [ville] - de nationalité française, [...], [...],

Représentés par Maître Jérémie B., avocat au barreau de Douai

 

INTIMÉE :

SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France venant aux droits de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Nord France Europe

agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège. [...], [...], Représentée par Maître Francis D., avocat au barreau de Lille

 

DÉBATS à l'audience publique du 26 mai 2021 tenue par Pauline Mimiague magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Dominique Duperrier, président de chambre, Madame Pauline Mimiague, conseiller, Madame Catherine Menegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 9 septembre 2021 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Duperrier, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 11 mai 2021

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant offre de prêt immobilier acceptée le 2 février 2014, la société Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe, aujourd'hui dénommée Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France (ci-après « la Caisse d'épargne »), a consenti à M. X. et Mme Y., son épouse, un prêt immobilier d'un montant de 168.000 euros remboursable, après une période de préfinancement pouvant aller jusqu'à vingt-quatre mois, en 294 mensualités de 927,60 euros, assurance comprise, assorti d'un taux contractuel de 3,750 % l'an. L'offre mentionne un taux effectif global (TEG) de 4,45 %.

Selon un avenant accepté le 23 janvier 2015, les conditions de financement ont été modifiées, le taux du prêt étant désormais fixé à 2,50 % et le prêt remboursable en 240 mensualités de 948,84 euros, assurance comprise.

Reprochant à la banque un calcul d'intérêts sur la base d'une année autre que l'année civile et une erreur dans l'évaluation du TEG, les emprunteurs l'ont assignée devant le tribunal de grande instance de Lille par acte du 26 septembre 2017 aux fins de voir annuler la stipulation du taux conventionnel, substituer le taux légal au taux conventionnel et obtenir remboursement d'un trop versé d'intérêts.

Par jugement contradictoire du 11 janvier 2019 le tribunal a débouté M. X. et Mme Y. de l'ensemble de leurs demandes, les a condamnés in solidum aux dépens et à payer à la banque la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté la Caisse d'épargne du surplus de ses demandes.

[*]

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 21 février 2019 M. X. et Mme Y. ont relevé appel du jugement sauf en ce qu'il a débouté la Caisse d'épargne du surplus de ses demandes.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 mars 2021 ils demandent à la cour de :

- déclarer l'appel recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes et condamnés aux dépens et à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial,

- enjoindre à la Caisse d'épargne d'établir de nouveaux tableaux d'amortissement tenant compte de cette substitution depuis la date de souscription du prêt, des éventuels avenants, les échéances restant à courir sur le prêt jusqu'à son terme devant porter intérêts au taux légal année par année, le cas échéant trimestre par trimestre,

- condamner la Caisse d'épargne à leur restituer le trop-perçu correspondant à l'écart entre les intérêts au taux conventionnel du prêt initial et les intérêts au taux légal, et notamment :

- la somme de 5.928,06 euros arrêtée au 21 septembre 2017 au titre du prêt initial,

- la somme de 6.488,37 euros arrêtée au 21 septembre 2017 au titre de l'avenant,

- dire et juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- dire et juger que lesdites sommes devront être actualisées au regard des tableaux d'amortissement qui seront établis par la Caisse d'épargne, au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre, depuis la date de la souscription du contrat,

- subsidiairement, prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêt et de son avenant,

en tout état de cause :

- condamner la Caisse d'épargne à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter toutes demandes et prétentions contraires de la Caisse d'épargne,

- la condamner aux dépens de première instance et d'appel.

Les emprunteurs sollicitent la substitution du taux d'intérêt contractuel par le taux légal, résultant de la nullité de la stipulation d'intérêts qui trouve à s'appliquer en vertu des articles L. 313-1 du code de la consommation et 1907 du code civil en cas d'anomalie affectant les modalités de calcul des intérêts ou de mention d'un TEG erroné. Ils sollicitent subsidiairement la déchéance du droit aux intérêts, considérant néanmoins qu'une telle sanction est contraire au droit de l'Union européenne qui exige une sanction effective, proportionnée et dissuasive, et que dès lors que l'existence même du consentement et son intégrité sont en cause, indépendamment du respect du formalisme informatif exigé par telles règles spéciales du droit de la consommation, la nullité s'impose.

Ils reprochent en premier lieu à la banque d'avoir calculé les intérêts sur la base d'une année de 360 jours, pratique prohibée dès lors qu'elle entraîne une majoration des intérêts calculés sur les échéances ne portant pas sur un mois entier (échéances « rompues »). Ils estiment que la présence d'une clause dans l'offre de prêt prévoyant le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours fait présumer que ce calcul a été appliqué, qu'il appartient dès lors à la banque de rapporter la preuve contraire, et ils considèrent qu'une telle clause est abusive et suffit à déclencher la substitution du taux légal au taux conventionnel, indépendamment de toute autre constatation concernant le TEG.

En second lieu, ils font valoir que le TEG mentionné dans l'offre est erroné parce que n'a pas été pris en compte dans son évaluation le coût de la période de préfinancement, en violation des dispositions des articles L. 313-2 et L. 313-1 du code de la consommation ; il y avait lieu, selon eux, d'intégrer le coût maximal des intérêts pour l'hypothèse de la durée la plus longue de préfinancement sur la base d'un capital libéré immédiatement et en une seule fois. Ils exposent qu'ils communiquent un rapport d'expertise mettant en évidence un TEG réel supérieur de plus d'une décimale au TEG mentionné dans l'offre, précisant toutefois que l'exigence d'une décimale ne résulte pas de l'article R. 313-1 du code de la consommation qui ne fixe pas une marge d'erreur admissible mais une règle d'arrondi. Par ailleurs, ils font valoir que l'offre ne procède pas à une liquidation du coût maximal des intérêts intercalaires et de la prime d'assurance pendant la période de préfinancement de sorte que le coût du crédit n'est pas mentionné dans l'offre, qu'en conséquence la clause d'intérêts doit être annulée pour absence de consentement de l'emprunteur sur le fondement des règles du droit commun des contrats.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique la Caisse d'épargne demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

- débouter M. X. et Mme Y. de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- les condamner solidairement à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner in solidum aux dépens, y compris ceux d'appel, dont distraction au profit de Maître Francis D. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La banque conclut à titre principal au rejet des demandes à raison de l'inopposabilité du rapport d'expertise communiqué par les appelants, considérant que le juge ne peut se fonder sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande d'une seule partie, et partant non contradictoire, la simple communication en cours d'instance ne permettant pas d'assurer le respect du principe du contradictoire.

Subsidiairement, la banque fait valoir qu'il appartient aux emprunteurs de rapporter la preuve que le calcul sur la base d'une année civile a entraîné un écart dans l'évaluation du TEG supérieure à une décimale, la stipulation de la clause critiquée étant insuffisante pour l'établir, qu'en tout état de cause ladite clause est une clause d'équivalence financière qui, pour un prêt remboursable par échéances mensuelles et constantes a les mêmes effets qu'un calcul sur la base d'un mois normalisé de 30,41666 jours pour une année de 365 jours, admis par l'annexe de l'article R. 313-1 du code de la consommation et applicable aux prêts immobiliers. Plus subsidiairement, elle fait valoir que la seule sanction applicable est la déchéance du droit aux intérêts prévue à l'article L. 312-33 du code de la consommation, à la discrétion du juge et selon notamment le préjudice subi par l'emprunteur et dont il n'est pas justifié en l'espèce.

Elle soutient par ailleurs que les frais de la période de préfinancement, n'avaient pas à être pris en compte dans le calcul du TEG dès lors qu'ils n'étaient pas déterminables, les dates des déblocages des fonds, initiés par l'emprunteur, n'étant pas connu au moment de la signature de l'offre, et l'emprunteur étant expressément informé que le coût total du crédit et le TEG ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, prime de raccordement d'assurance et primes d'assurances de la phase de préfinancement, qu'en tout état de cause, l'intégration des intérêts et frais liés à la période de préfinancement conduit, à raison de l'allongement de la durée de remboursement afférente, à une minoration du TEG.

[*]

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé du surplus de leurs moyens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 mai 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 26 mai suivant.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Les textes du code de la consommation mentionnés dans l'arrêt sont les textes dans leur version en vigueur à la date des contrats litigieux.

 

Sur le rapport d'expertise communiqué par les appelants :

L'analyse financière communiquée par les appelants est contradictoire au sens de l'article 16 du code de procédure civile dès lors qu'elle a été soumise au débat contradictoire des parties et son caractère probant ne peut être écarté au seul motif qu'elle a été établie à l'initiative d'une seule partie, d'autant plus que, s'agissant d'une analyse procédant à des calculs mathématiques, les parties sont à même d'apprécier la pertinence des méthodes utilisées et des résultats obtenus, et par-là, sa force probante, comme le fait la banque en communiquant sa propres analyse, établie également à sa seule demande, et en présentant ses propres calculs dans ses conclusions.

Il peut être relevé en outre que les appelants soulèvent en cause d'appel d'autres moyens non liés au calcul du TEG ou au mode de calcul des intérêts et non concernés par l'analyse financière litigieuse.

Les demandes ne sauraient en conséquence être écartées au seul motif que les appelants s'appuient sur une analyse réalisée de manière unilatérale.

 

Sur la clause de calcul des intérêts :

L'offre de prêt contient une clause qui stipule que « durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours. »

Il y a lieu de rappeler que le caractère abusif d'une clause n'est pas sanctionné par la nullité de la clause ; l'article L. 132-1 du code de la consommation prévoit que les clauses abusives sont « réputées non écrites ». De plus, sont abusives, au sens de ce texte, les clauses qui, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Il convient de relever que la recommandation de la Commission des clauses abusives évoquée par l'appelant concerne les clauses de calcul d'intérêts insérées dans les conventions de comptes bancaires, en application desquelles les intérêts sont calculés quotidiennement, et non pas les crédits immobiliers de sorte qu'elle ne saurait faire présumer le caractère abusif de la clause d'intérêts conventionnels du contrat litigieux.

Pour apprécier le caractère abusif de cette clause, il y a lieu d'apprécier ses effets sur le coût du crédit.

S'agissant d'un prêt remboursé à échéances constantes et selon une périodicité mensuelle, le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours rapportée à 30 jours, soit un douzième d'année par mois, revient arithmétiquement à un résultat équivalent au calcul des intérêts effectué sur la base d'une année civile de 365 jours rapportée au mois normalisé de 30,41666, permis par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation. Par exemple, un calcul effectué sur la base du mois normalisé de 30,41666 sur une année de 365 jours appliqué aux échéances exigibles au 5 mai 2014 et au 5 octobre 2016, utilisées à titre d'exemple dans l'analyse financière communiquée par les emprunteurs, permet en effet d'obtenir le même montant d'intérêts que le calcul réalisé sur la base d'une année de 360 jours et d'un mois de 30 jours, et correspondant au montant d'intérêts indiqué dans le tableau d'amortissement. Le mode de calcul retenu par l'expert sur la base d'une année civile appliquée à un mois de 30 jours n'est pas pertinent pour révéler une erreur dans le calcul des intérêts, étant relevé que ce mode appliqué aux mois de 31 jours revient à retenir un montant d'intérêts supérieurs à ceux réclamés par la banque de sorte que la méthode proposée n'est pas systématiquement en faveur de l'emprunteur.

Si, comme le font valoir les appelants, le calcul sur la base d'une année de 360 jours rapportée à 30 jours entraîne une majoration d'intérêts pour les échéances « rompues » (ne correspondant pas à un mois d'intérêts) les emprunteurs ne viennent pas démontrer qu'en l'espèce le calcul aurait entraîné une majoration et que celle-ci serait telle qu'il pourrait être admis que la clause entraîne un déséquilibre au sens de l'article L. 137-2 du code de la consommation. Elle ne saurait donc être considérée comme abusive et son application écartée en application de ce texte.

Par ailleurs, le calcul des intérêts sur la base d'une année autre que l'année civile peut être sanctionné s'il génère un surcoût entraînant une erreur dans l'évaluation du TEG, lequel doit être calculé en tenant compte, notamment, des intérêts.

L'erreur affectant le TEG, qui doit être mentionné dans l'offre de prêt en application des dispositions de l'article L. 312-8 3° du code de la consommation, est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, en application de l'article L. 312-33 du même code qui prévoit une règle spéciale en matière de prêt immobilier exclusive de l'article 1907 du code, et non par la nullité de la stipulation d'intérêts. La sanction prévue par ce texte ne paraît pas moins proportionnée ou dénuée de tout caractère dissuasif puisqu'elle peut conduire, comme l'annulation de la clause de stipulation d'intérêts, et si les circonstances le justifient, à priver la banque de tous les intérêts contractuellement prévus.

La déchéance du droit aux intérêts ne trouve à s'appliquer, compte tenu des dispositions de l'article R. 313-1 du code de la consommation qui dispose que le TEG est calculé par rapport au taux de période avec une précision d'au moins une décimale, que lorsque l'écart entre le taux réel et le taux mentionné dans le contrat de crédit est supérieur ou égal à une décimale, inexactitude qu'il appartient à celui qui s'en prévaut de démontrer, en application de l'article 9 du code de procédure civile (en ce sens, par exemple : Civ. 1re, 5 juin 2019, pourvoi n° 18-11.459, 18-23.497, Civ. 1re, 11 mars 2020, pourvoi n° 19-10.875).

En l'espèce, les emprunteurs n'évaluent pas le surcoût d'intérêts qui aurait résulté du calcul des intérêts effectués par la banque, en vertu de l'offre ou de son avenant, et a fortiori de son impact sur le niveau du TEG, l'analyse financière ne propose d'ailleurs pas de TEG rectifié à raison d'un calcul d'intérêts faussé.

En conséquence le moyen tiré de l'insertion dans l'offre de prêt d'une clause de calcul d'intérêts sur la base d'une année de 360 jours, à raison de son caractère abusif ou de son impact sur le TEG, doit être écarté.

 

Sur les frais liés à la période de préfinancement :

Outre le TEG, l'article L. 312-8 3° prévoit que l'offre doit indiquer le coût total du crédit. Comme pour le défaut de mention du TEG ou la mention d'un TEG erroné, en l'absence de mention du coût total du crédit, l'article L. 312-33, qui prévoit que le bailleur qui ne respecte pas l'une des obligations prévues à l'article L. 312-8 est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, trouve à s'appliquer, et les emprunteurs ne peuvent réclamer la nullité de la clause d'intérêts au motif que l'omission de cette mention reviendrait à une absence de consentement au contrat de crédit. La demande de substitution du taux d'intérêt en conséquence de la nullité doit donc être rejetée.

Il est acquis que le TEG n'a pas été calculé en tenant compte des frais liés à la période de préfinancement, l'offre l'indiquant expressément que 'le coût total du crédit et le taux effectif global ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d'assurance et le cas échéant des primes d'assurances de la phase de préfinancement'.

Selon l'article L. 312-1 du code de la consommation :

Dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

Toutefois, pour l'application des articles L. 312-4 à L. 312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat.

Les intérêts et frais de la période de préfinancement sont liés à l'octroi du prêt et doivent être intégrés dans l'assiette de calcul du TEG.

Le contrat de prêt précise la durée de la période de préfinancement (durée maximale de 24 mois) les intérêts s'y rapportant (taux annuel de 3,750 %) ainsi que le montant mensuel de l'assurance (53,20 euros) ; le montant de ces frais était dont déterminable lors de la signature de l'offre, et il importe peu que la durée maximale de la période ne soit que théorique.

Le TEG mentionné dans l'offre litigieuse est donc nécessairement erroné puisque la base de calcul est fausse. Toutefois l'analyse financière communiqué par les appelants, qui propose un taux rectifié à hauteur de 5,29 % du fait de l'intégration de ces frais, ne présente pas la méthode de calcul utilisée, ni ne précise la durée du prêt prise en compte, laquelle doit, dès lors que l'on intègre les frais liés à la période de préfinancement, être augmentée de la durée de ladite période. Ainsi il n'est pas établi que le calcul proposé par les appelants serait correct et que le TEG proposé dans l'analyse corresponde au TEG réel, étant relevé que la banque communique une analyse mathématique, qui mentionne de manière précise la méthode utilisée et parvient à un TEG rectifié 4,379 %, inférieur au TEG affiché dans l'offre.

S'il n'est pas rapporté la preuve d'un TEG réel supérieur d'au moins une décimale, il n'en reste pas moins que l'offre de prêt n'est pas conforme aux exigences de l'article L. 312-8 puisqu'elle ne mentionne pas le coût total du crédit qui devrait intégrer les intérêts et frais liés à la période de préfinancement. La sanction de la déchéance du droit aux intérêts trouve donc à s'appliquer ; elle peut être totale ou partielle dans la proportion fixée par le juge et doit, en tout état de cause, constituer une sanction effective, dissuasive et proportionnée.

Au regard des conditions du prêt, notamment de son taux d'intérêt, de la durée d'application de celles-ci jusqu'à l'avenant du 23 janvier 2015, de la gravité du manquement de la banque qui doit être relativisé dès lors que l'offre mentionne les éléments permettant d'évaluer le coût lié à la période de préfinancement et informe ainsi les emprunteurs de l'existence de ce coût, et alors qu'ils ne prétendent pas que cette irrégularité les aurait trompés sur les conséquences de leur engagement, il convient de déchoir la banque de ses intérêts en vertu de l'offre du 2 février 2014 à hauteur de 2.000 euros et de condamner la banque à rembourser cette somme qui portera intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

 

Sur les demandes accessoires :

Il convient d'infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

La demande des appelants étant partiellement accueillie, il convient de mettre les dépens de première instance et d'appel à la charge de la Caisse d'épargne et d'allouer à M. X. et Mme Y., pour l'ensemble de la procédure, la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, par arrêt contradictoire :

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. X. et Mme Y. de leurs demandes de substitution du taux légal au taux conventionnel prévu dans l'offre de prêt du 2 février 2014 et dans l'avenant du 23 janvier 2015 et de restitution de l'intégralité des intérêts payés ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déchoit la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France de son droit aux intérêts en vertu de l'offre de prêt du 2 février 2014 à hauteur de 2.000 euros et condamne en conséquence la banque à restituer à M. X. et Mme Y., ensemble, cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2017 ;

Condamne la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France à payer à M. X. et Mme Y., ensemble, la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier,                                        Le président,

G. Przedlacki                                    D. Duperrier