CA COLMAR (1re ch. civ. A), 20 septembre 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9137
CA COLMAR (1re ch. civ. A), 20 septembre 2021 : RG n° 19/02631 ; arrêt n°479/21
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Les consorts X.-Y. sollicitent, sur le fondement de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, que les clauses contractuelles faisant référence au franc suisse, au sein des deux contrats de prêt en cause, soient déclarées abusives et en conséquence réputées non écrites.
La CCM Mulhouse Saint-Paul entend, au préalable, leur opposer l'irrecevabilité de leur demande, tout d'abord comme nouvelle, et ensuite, le cas échéant, comme prescrite.
S'agissant du grief de nouveauté, selon l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, l'article 565 du même code disposant que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement est différent, tandis qu'aux termes de l'article 566 du code précité, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, il y a lieu de relever qu'en première instance, aucune demande tendant à voir réputées non écrites des clauses arguées d'être abusives n'a été formulée par les consorts X.-Y., la validité de ces clauses n'ayant, au demeurant, pas été mise en question par les demandeurs, désormais appelants. Si, en outre, les appelants entendent conclure que leur action tendrait aux mêmes fins restitutives que leur demande en déchéance du droit aux intérêts formée en première instance, ce à quoi la banque oppose que les clauses contestées ne concerneraient pas les intérêts, leur annulation ne permettrait pas d'obtenir une déchéance des intérêts, ni l'application du taux légal, la cour retient, pour sa part, que, bien que les clauses contestées aient un objet différent, et que leur remise en cause ne soit pas susceptible d'avoir, pour l'emprunteur, une incidence identique, les demandes litigieuses tendent aux mêmes fins, dès lors qu'elles visent à s'opposer au droit de la banque d'obtenir la parfaite exécution du contrat.
Au demeurant, le premier juge a entendu lui-même relever d'office la question du caractère abusif de la clause d'indexation, cette évolution du litige justifiant de la recevabilité de la demande à hauteur d'appel, ladite demande étant, devant la cour, soumise au débat contradictoire des parties. Il convient, en conséquence, d'écarter la fin de non-recevoir de la banque à ce titre.
Et quant à la prescription de la demande, il convient de remarquer que la demande tendant à voir réputées non écrites des clauses arguées d'être abusives ne s'analyse pas comme une demande en nullité, de sorte qu'elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale, et qu'elle n'est donc pas prescrite. »
2/ « Sur le fond, les appelants, qui n'entendent pas contester que, comme le soutient la banque, la clause litigieuse se rattache à l'objet principal du contrat, réfutent, d'une part, qu'elle soit rédigée de manière claire et compréhensible, contestant, notamment, que le risque de change soit nécessairement inhérent à ce type de prêt, et affirmant qu'ils auraient dû recevoir les éléments nécessaires leur permettant d'appréhender concrètement la portée de ce risque. Et d'autre part, ils font valoir que cette clause créerait à leur détriment un déséquilibre significatif, reprochant à la banque d'avoir connu, dès 2008, les conséquences du risque de change, sans les leur avoir notifiées ni expliquées. Quant à la banque, elle soutient que non seulement la clause de change aurait été rédigée de manière claire et compréhensible, mais encore qu'aucun déséquilibre significatif ne serait caractérisé, le risque de change pesant symétriquement sur les deux parties.
Ceci rappelé, il convient de relever que le prêt est libellé en francs suisses, les remboursements devant s'effectuer dans la devise empruntée, par prélèvement sur un compte en devises, avec la possibilité pour l'emprunteur d'effectuer les remboursements en euros. Il est encore indiqué qu'en cas de provision insuffisante au jour de l'échéance, le prêteur est en droit de convertir le montant de l'échéance impayée en euros, et également qu'il est expressément convenu que l'emprunteur assume les conséquences d'un changement de parité entre la devise empruntée et l'euro, qui pourrait intervenir jusqu'au complet remboursement du prêt.
Il convient dès lors de constater que la clause litigieuse est rédigée en des termes clairs et compréhensibles, dénués d'ambiguïté, de surcroît pour les consorts X.-Y., qui soutiennent eux-mêmes qu'ils ne percevaient pas de revenus en francs suisses, ce qui impliquait que, pour eux, le risque de change était inhérent à la nature du prêt, sans qu'il n'apparaisse, pour le surplus, nécessaire de leur apporter d'informations complémentaires à cet égard.
En conséquence, les clauses litigieuses, portant sur l'objet principal des contrats de prêt, et étant rédigées en des termes clairs et compréhensibles, ne peuvent faire l'objet d'un examen de leur caractère éventuellement abusif, ceci en vertu des dispositions de l'article L. 132-1 ancien du code de la consommation. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1 A 19/02631. Arrêt n° 479/21. N° Portalis DBVW-V-B7D-HDK2. Décision déférée à la Cour : 2 avril 2019 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MULHOUSE.
APPELANTS :
Monsieur X.
[...], [...]
Madame Y.
[...], [...]
Représentés par Maître Valérie S., avocat à la Cour
INTIMÉE :
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE SAINT PAUL
prise en la personne de son représentant légal [...], [...], Représentée par Maître Laurence F., avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 22 mars 2021, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme PANETTA, Présidente de chambre, M. ROUBLOT, Conseiller, chargé du rapport,, Mme ROBERT-NICOUD, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE,
ARRÊT : - Contradictoire - rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant offre de prêt émise le 23 juillet 2009, acceptée le 5 août 2009, M. X. et Mme Y., ci-après également dénommés « les consorts X.-Y. », ont souscrit auprès de la Caisse de Crédit Mutuel (CCM) Mulhouse Saint Paul, ci-après également dénommée « la banque », un prêt immobilier d'un montant de 327.300 francs suisses (CHF) destiné à financer l'acquisition d'un appartement de 82 m² situé à Sélestat, et remboursable en 300 échéances successives moyennant un taux d'intérêt de 1,700 % l'an, variable en fonction de l'index Libor 3 Mois J/J (281 HE), et un taux effectif global du prêt (TEG) annoncé à hauteur de 2,177 % pour un taux de période de 0,181 %.
Par exploit d'huissier délivré le 17 septembre 2015, les consorts X.-Y. ont fait assigner la banque devant le tribunal de grande instance de Mulhouse mettant, notamment, en cause la validité de la clause d'indexation contenue dans l'offre de crédit immobilier, ainsi que la responsabilité de la banque au titre de divers manquements à ses obligations précontractuelle et contractuelle d'information, à son devoir de conseil, et à son devoir de mise en garde.
Par jugement rendu le 2 avril 2019, le tribunal de grande instance de Mulhouse a :
- rejeté la demande de la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Saint Paul tendant à ce que soient déclarées irrecevables et écartées des débats, les pièces non communiquées par M. X. et Mme Y., selon bordereau, et notamment les décisions judiciaires non publiées ;
- dit que l'action en nullité de la clause d'indexation formée à titre principal par M. X. et Mme Y. était irrecevable pour être prescrite ;
En conséquence,
- rejeté la demande tendant à ce qu'il soit dit et jugé que l'indice Libor 3 Mois ne présentait aucune relation directe avec l'objet du prêt souscrit suivant offre de prêt émise le 23 juillet 2009 ;
- dit que l'action en responsabilité formée à titre principal par M. X. et Mme Y. au titre d'un manquement de la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Saint Paul à ses devoirs d'information, de conseil ou de mise en garde était irrecevable pour être prescrite ;
En conséquence,
- rejeté la demande de conversion du capital emprunté en euros au jour de la conclusion de l'offre de prêt et de compensation de la différence entre le capital restant dû et celui qui aurait dû l'être et d'imputation à la banque de la somme en résultant ;
- rejeté la demande de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros, au titre du préjudice moral ;
- rejeté la demande tendant à ce qu'il soit dit et jugé que le crédit litigieux comportait un risque sous-jacent de « monnaie de compte » qui avait été dissimulé aux emprunteurs ;
- rejeté la demande tendant à ce qu'il soit ordonné à la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Saint Paul de verser un état précis de l'imputation des paiements dans la monnaie de compte contractuelle ;
- dit que la demande subsidiaire tendant à l'application de l'index Libor 3 Mois selon les stipulations de l'offre de prêt émise le 23 juillet 2009 et acceptée le 5 août 2009 n'était pas prescrite et était donc recevable ;
- condamné la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Saint Paul à recalculer le taux d'intérêt du prêt immobilier de 327.300 CHF en considération de l'évolution réelle de l'index Libor CHF 3 mois J/J conformément aux dispositions de l'offre de prêt acceptée le 5 août 2009, et ce, à compter de l'échéance de mars 2015 ;
- condamné la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Saint Paul, après recalcul du taux d'intérêts, à restituer à M. X. et à Mme Y. les intérêts indûment perçus ;
- rejeté la demande de dommages et intérêts formée à hauteur de 10.000 euros par M. X. et Mme Y. au titre d'un préjudice moral ;
- rejeté la demande formée à titre subsidiaire par M. X. et Mme Y., tendant à ce qu'il soit dit et jugé non prescrite, leur réclamation se rapportant aux intérêts non échus et ceux acquittés dans le terme et les suivants de cinq années précédant l'introduction de l'instance ;
En conséquence,
- rejeté la demande tendant à voir ordonner la réouverture des débats avec injonction à la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Saint Paul de produire un décompte des intérêts dont la déchéance a été prononcée, et de verser aux débats un tableau d'amortissement rémunérant les échéances couvertes par les emprunteurs dans les cinq années précédant l'introduction de l'instance, au taux de l'intérêt légal en vigueur à la date de la décision à intervenir, et à dire que les paiements effectués s'imputeraient sur le capital emprunté ;
- dit que l'action en nullité des stipulations d'intérêts conventionnels incluses dans l'offre de prêt acceptée le 5 août 2009, formée en tout état de cause au titre d'irrégularités affectant le TEG, était irrecevable pour être prescrite ;
- dit que l'action en déchéance du droit de la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Saint Paul aux intérêts conventionnels, formée en tout état de cause au titre d'irrégularités affectant le TEG, était irrecevable pour être prescrite ;
En conséquence,
- rejeté la demande tendant à ce qu'il soit dit et jugé que le TEG annoncé par la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Saint Paul n'était pas proportionnel au taux de période ;
- rejeté la demande tendant à ce qu'il soit dit et jugé que le TEG annoncé par la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Saint Paul était erroné ;
- rejeté la demande de substitution au taux contractuel du taux de l'intérêt légal en vigueur à la date d'introduction de l'instance ou à la date de la présente décision ;
- rejeté la demande tendant à la réouverture des débats avec injonction à la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Saint Paul de produire un tableau d'amortissement du crédit rémunéré au taux d'intérêt légal et à ce qu'il soit dit que les paiements effectués s'imputeraient sur le capital emprunté ;
- rejeté la demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels formée en tout état de cause sur le fondement de l'article L. 312-14-2 du code de la consommation ;
- rejeté la demande tendant à ce qu'il soit ordonné la substitution au taux contractuel, du taux de l'intérêt légal en vigueur a la date d'introduction de l'instance ou à celle de la décision à intervenir ;
- condamné la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Saint Paul à supporter la moitié des dépens de l'instance ;
- condamné in solidum M. X. et Mme Y. à supporter la moitié des dépens de l'instance ;
- rejeté les demandes des parties formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
Le premier juge a, ainsi, notamment retenu que :
- il n'y avait pas lieu d'écarter des débats les pièces produites par les demandeurs, qu'il s'agisse des décisions de jurisprudence, s'agissant d'une source de droit qu'il appartiendrait au tribunal, en tout état de cause, de connaître et, le cas échéant, d'appliquer, ou du surplus des pièces en l'absence d'incohérence relevée dans le bordereau récapitulatif quant à leur numérotation,
- l'action en nullité de la clause d'indexation était prescrite, les demandeurs ayant pu, dès la lecture de l'offre de prêt et au plus tard à la date d'acceptation de celle-ci, constater que le taux d'intérêt du prêt était indexé sur le Libor, la demande tendant à ce qu'il soit dit et jugé que l'indice Libor 3 Mois ne présentait aucune relation directe avec l'objet du prêt litigieux, devant, consécutivement, être rejetée,
- l'action en responsabilité de la banque était également prescrite, dès lors que les consorts X.-Y. étaient en mesure d'apprécier les conséquences de l'éventuel manquement de la banque à son devoir d'information, de conseil ou de mise en garde, dès le 5 août 2009, date d'acceptation de l'offre de prêt, et au plus tard, au 5 octobre 2009, date de prélèvement de la première mensualité,
- devaient, consécutivement, être rejetées la demande de conversion du capital emprunté en euros au jour de la conclusion de l'offre de prêt et de compensation de la différence entre le capital restant dû et celui qui aurait dû l'être et d'imputation à la banque de la somme en résultant, ainsi que la demande de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros, au titre du préjudice moral, que les demandeurs liaient directement aux manquements allégués de la banque à ses obligations précontractuelles, de même que la demande tendant à ce qu'il soit dit que le crédit litigieux comportait un risque sous-jacent de monnaie de compte, qui leur aurait été « dissimulé », à défaut de sollicitation d'aucune sanction spécifique et l'usage du terme « dissimulé » laissant à penser que cette demande était liée à l'action prescrite en responsabilité de la banque, la demande tendant à voir ordonner au Crédit Mutuel qu'il verse un état précis de l'imputation des paiements dans la monnaie de compte contractuelle devant également être rejetée,
- la demande des consorts X.-Y. tendant à ce que soit dite non prescrite leur réclamation portant sur les intérêts conventionnels dont le terme n'est pas encore survenu, non étayée, n'était pas fondée, la déchéance du droit aux intérêts sanctionnant une irrégularité dans l'offre de prêt ne pouvant, du reste, relever des dispositions relatives aux actions en paiement d'une dette payable par termes successifs, la demande tendant à voir ordonner la réouverture des débats avec injonction au Crédit Mutuel de produire un décompte des intérêts dont la déchéance avait été prononcée, et de verser aux débats un tableau d'amortissement rémunérant les échéances couvertes par les emprunteurs dans les cinq années précédant l'introduction de l'instance, au taux de l'intérêt légal en vigueur à la date de la décision à intervenir, et à dire que les paiements effectués s'imputeraient sur le capital emprunté, devant également être rejetée,
- les actions formées, en tout état de cause, au titre d'irrégularités affectant le TEG étaient irrecevables comme prescrites, qu'il s'agisse des actions en nullité de la stipulation d'intérêt et en déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels, sans qu'il n'y ait lieu d'examiner le bien-fondé de leur cumul, les demandes en découlant devant être rejetées,
- sur l'application de l'index Libor 3 Mois J/J, le Crédit Mutuel le Crédit Mutuel, s'il avait bien pris en compte dans la fixation du taux d'intérêt, la baisse de l'indice Libor, ne l'avait pas fait en totalité, et avait, ce faisant, contrevenu aux dispositions contractuelles, et devra, après recalcul des intérêts, restituer aux consorts X.-Y. les sommes indûment perçues,
- les demandeurs invoquaient, au titre de l'application du Libor, un préjudice moral qui n'était pas caractérisé, d'autant qu'il apparaissait, au regard des explications et pièces fournies, que l'irrégularité contractuelle commise par la banque avait été décelée rapidement par les emprunteurs,
- la demande formée au titre de l'information annuelle des emprunteurs lorsque le taux est variable devait être rejetée, en l'absence de sanction spécifique prévue par la loi, outre qu'il était justifié de cette information.
M. X. et Mme Y. ont interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 5 juin 2019.
[*]
Dans leurs dernières conclusions en date du 24 août 2020, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, ils demandent à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué par la voie de l'appel, de statuer à nouveau et :
« 1. les demandes en déclaration de clauses non écrites :
- rappeler que la demande en déclaration de clause non écrite n'est pas une demande en annulation, et n'est pas enserrée dans des délais particuliers, le déséquilibre causé au préjudice du consommateur étant actuel en se plaçant au moment auquel le tribunal a été saisi,
- juger que les informations données à l'emprunteur sur le coût total de la dette par l'offre de crédit immobilier critiquée devant la cour, sont incomplètes, incompréhensibles et ambiguës, créant un déséquilibre significatif au détriment d'un consommateur profane normalement vigilant et que, privé par conséquent d'informations adéquates sur les caractéristiques essentielles de l'opération de crédit proposée, il n'a pas valablement consenti au coût global du prêt ni à l'obligation la dette,
- juger spécialement que les stipulations de l'article 7.2, alinéas 2 et 15 (…) créent un déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur et seront réputées non écrites,
- juger que n'ayant pas lié l'emprunteur, les effets de ces stipulations ne produiront aucun effet contraignant envers les appelants, et qu'en conséquence les paiements passés et futurs opérés ou restant à opérer en Euro par les emprunteurs auront à être comptés pour la valeur de 1,5182 € contre 1 CHF,
- ordonner l'émission d'un nouveau tableau d'amortissement des sommes mise à la disposition de l'emprunteur, sur la durée conventionnelle de l'amortissement, expurgé des conséquences des stipulations abusives, et condamner le prêteur à restituer les sommes qu'il aurait reçues en sus de l'application du retour à un change fixe de 1,5182 € contre 1 CHF,
2. les demandes en déchéance, dans la proportion que fixera le juge, sans retour à l'intérêt au taux légal :
- déchoir partiellement le prêteur de son droit aux intérêts à hauteur de 0,30 % ou dans la proportion que fixera le juge, et sans retour à l'intérêt légal,
- juger que le taux des intérêts à appliquer tant pour les opérations passées que futures sera à réduire de 1/12 de 0,30 % pour chaque échéance, et condamner le prêteur à restituer les sommes qu'il aurait reçues en sus de l'application de cette décision, et à émettre un nouveau tableau d'amortissement pour les échéances futures, dans le mois de la signification de l'arrêt à intervenir,
- condamner en tout état de cause la banque à leur payer une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers frais et dépens. »
À l'appui de leurs prétentions, ils entendent, notamment, invoquer :
- l'irrecevabilité des moyens adverses en irrecevabilité, comme non présentés avant toute demande au fond,
- subsidiairement, l'absence de nouveauté et de prescription de la demande à fin de déclaration de clause non écrite,
- sur le fond, la rédaction ni claire, ni compréhensible de la clause de risque de change, objet principal du contrat, ainsi que l'existence d'un déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur, et partant son caractère abusif,
- le calcul erroné du TEG, en l'absence d'intégration des postes d'assurance non-vie dans ce calcul.
[*]
La CCM Mulhouse Europe s'est constituée intimée le 24 juin 2019.
Dans ses dernières écritures déposées le 8 septembre 2020, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, elle conclut à la confirmation du jugement entrepris, entendant voir la cour déclarer les prétentions de M. X. et Mme Y. irrecevables, en tous les cas mal fondées, et subsidiairement à la limitation de la déchéance du droit aux intérêts, ainsi qu'à la condamnation des appelants aux dépens, ainsi qu'à lui payer une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour sa part, elle invoque, notamment et en substance :
- la prescription de la demande en nullité de l'indice Libor 3 mois, subsidiairement la licéité de cet indice en rapport avec l'activité de la banque, et s'agissant de sa mise en œuvre, l'intervention de la restitution du trop-perçu ordonnée par le premier juge,
- la prescription de l'action en responsabilité, et subsidiairement, l'absence de manquement de la concluante à ses obligations d'information ou de mise en garde, l'offre de crédit comme l'acte notarié contenant toutes explications au sujet de l'indice,
- l'absence de caractère abusif de clauses du contrat, relevé d'office et sans contradiction, notamment sur la prescription, par le premier juge, qui en a cependant justement retenu la licéité,
- l'irrecevabilité des demandes adverses à ce titre en déclaration de clause non écrite à hauteur de cour, comme nouvelles et ne tendant pas aux mêmes fins que les prétentions d'origine des appelants, et comme prescrites,
- la recevabilité de ses fins de non-recevoir, pouvant être présentées en tout état de cause et non nécessairement avant toute défense au fond,
- la licéité du prêt en devise, et son intérêt pour les emprunteurs au regard du différentiel de taux d'intérêt,
- l'absence de caractère abusif de clauses relevant de l'objet principal du contrat, et rédigées de façon claire et compréhensible pour les emprunteurs,
- subsidiairement, l'absence de déséquilibre significatif créé par ces clauses au détriment des emprunteurs, le risque de change comme la variation de l'indice Libor pesant sur les emprunteurs comme sur la banque,
- plus subsidiairement, la seule possibilité de sanction de la nullité des clauses abusives par l'annulation du contrat,
- sur le TEG, à titre principal, la prescription de la demande en déchéance et en nullité, les appelants disposant depuis l'origine de tous les éléments leur permettant de déceler les prétendues erreurs, et la recevabilité de la fin de non-recevoir présentée par la concluante à ce titre, au demeurant avant toute défense au fond sur ce point,
- à titre subsidiaire sur cette question, l'absence d'intégration du coût des assurances complémentaires, librement choisies par les emprunteurs, et plus subsidiairement, le caractère limité de la déchéance du droit aux intérêts encourue, compte tenu de la différence infime entre le TEG communiqué et le TEG allégué, de l'absence d'erreur des emprunteurs sur la portée de leur engagement et de l'absence totale de préjudice.
[*]
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.
La clôture de la procédure a été prononcée le 27 janvier 2021, et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 22 mars 2021.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la recevabilité des fins de non-recevoir soulevées par la CCM Mulhouse Saint Paul :
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfixe, la chose jugée, l'article 123 du même code, dans sa version applicable au litige, disposant, pour sa part, que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause.
En l'espèce, la cour relève que, si les appelants entendent contester, dans leurs dernières écritures, la recevabilité des fins de non-recevoir adverse, aucune demande n'est formulée, à ce titre, dans la partie dispositive de leurs conclusions, de sorte que la cour n'est pas formellement saisie d'une prétention en ce sens.
Au demeurant, au regard du droit applicable tel qu'il vient d'être rappelé, le Crédit Mutuel apparaît recevable en ses fins de non-recevoir, lesquelles n'ont, en tout état de cause, pas été présentées avant toute défense au fond quant aux questions qu'elles visent.
Sur les actions en responsabilité et en nullité de l'indice Libor 3 Mois :
La CCM Mulhouse Saint Paul entend contester la recevabilité de ces actions pour prescription, et subsidiairement, leur bien-fondé.
Sur ce point, il convient, cependant, d'observer que les appelants, tout en concluant à l'infirmation intégrale du jugement entrepris, ne formulent, à hauteur d'appel, aucune prétention se rattachant aux actions précitées, pas davantage qu'ils ne critiquent la motivation du premier juge sur ces points. Il en résulte que l'examen de la recevabilité de ces actions, comme du reste de leur bien-fondé, apparaît sans objet, le jugement entrepris devant être confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité, et rejeté la demande tendant à voir dire que l'indice Libor 3 mois ne présentait aucune relation directe avec l'objet du prêt.
Sur la demande en déclaration de clause réputée non écrite :
Les consorts X.-Y. sollicitent, sur le fondement de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, que les clauses contractuelles faisant référence au franc suisse, au sein des deux contrats de prêt en cause, soient déclarées abusives et en conséquence réputées non écrites.
La CCM Mulhouse Saint-Paul entend, au préalable, leur opposer l'irrecevabilité de leur demande, tout d'abord comme nouvelle, et ensuite, le cas échéant, comme prescrite.
S'agissant du grief de nouveauté, selon l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, l'article 565 du même code disposant que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement est différent, tandis qu'aux termes de l'article 566 du code précité, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, il y a lieu de relever qu'en première instance, aucune demande tendant à voir réputées non écrites des clauses arguées d'être abusives n'a été formulée par les consorts X.-Y., la validité de ces clauses n'ayant, au demeurant, pas été mise en question par les demandeurs, désormais appelants. Si, en outre, les appelants entendent conclure que leur action tendrait aux mêmes fins restitutives que leur demande en déchéance du droit aux intérêts formée en première instance, ce à quoi la banque oppose que les clauses contestées ne concerneraient pas les intérêts, leur annulation ne permettrait pas d'obtenir une déchéance des intérêts, ni l'application du taux légal, la cour retient, pour sa part, que, bien que les clauses contestées aient un objet différent, et que leur remise en cause ne soit pas susceptible d'avoir, pour l'emprunteur, une incidence identique, les demandes litigieuses tendent aux mêmes fins, dès lors qu'elles visent à s'opposer au droit de la banque d'obtenir la parfaite exécution du contrat.
Au demeurant, le premier juge a entendu lui-même relever d'office la question du caractère abusif de la clause d'indexation, cette évolution du litige justifiant de la recevabilité de la demande à hauteur d'appel, ladite demande étant, devant la cour, soumise au débat contradictoire des parties.
Il convient, en conséquence, d'écarter la fin de non-recevoir de la banque à ce titre.
Et quant à la prescription de la demande, il convient de remarquer que la demande tendant à voir réputées non écrites des clauses arguées d'être abusives ne s'analyse pas comme une demande en nullité, de sorte qu'elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale, et qu'elle n'est donc pas prescrite.
Sur le fond, les appelants, qui n'entendent pas contester que, comme le soutient la banque, la clause litigieuse se rattache à l'objet principal du contrat, réfutent, d'une part, qu'elle soit rédigée de manière claire et compréhensible, contestant, notamment, que le risque de change soit nécessairement inhérent à ce type de prêt, et affirmant qu'ils auraient dû recevoir les éléments nécessaires leur permettant d'appréhender concrètement la portée de ce risque. Et d'autre part, ils font valoir que cette clause créerait à leur détriment un déséquilibre significatif, reprochant à la banque d'avoir connu, dès 2008, les conséquences du risque de change, sans les leur avoir notifiées ni expliquées. Quant à la banque, elle soutient que non seulement la clause de change aurait été rédigée de manière claire et compréhensible, mais encore qu'aucun déséquilibre significatif ne serait caractérisé, le risque de change pesant symétriquement sur les deux parties.
Ceci rappelé, il convient de relever que le prêt est libellé en francs suisses, les remboursements devant s'effectuer dans la devise empruntée, par prélèvement sur un compte en devises, avec la possibilité pour l'emprunteur d'effectuer les remboursements en euros. Il est encore indiqué qu'en cas de provision insuffisante au jour de l'échéance, le prêteur est en droit de convertir le montant de l'échéance impayée en euros, et également qu'il est expressément convenu que l'emprunteur assume les conséquences d'un changement de parité entre la devise empruntée et l'euro, qui pourrait intervenir jusqu'au complet remboursement du prêt.
Il convient dès lors de constater que la clause litigieuse est rédigée en des termes clairs et compréhensibles, dénués d'ambiguïté, de surcroît pour les consorts X.-Y., qui soutiennent eux-mêmes qu'ils ne percevaient pas de revenus en francs suisses, ce qui impliquait que, pour eux, le risque de change était inhérent à la nature du prêt, sans qu'il n'apparaisse, pour le surplus, nécessaire de leur apporter d'informations complémentaires à cet égard.
En conséquence, les clauses litigieuses, portant sur l'objet principal des contrats de prêt, et étant rédigées en des termes clairs et compréhensibles, ne peuvent faire l'objet d'un examen de leur caractère éventuellement abusif, ceci en vertu des dispositions de l'article L. 132-1 ancien du code de la consommation.
Partant, les demandes subséquentes, tendant à voir « juger que n'ayant pas lié l'emprunteur, les effets de ces stipulations ne produiront aucun effet contraignant envers les appelants, et qu'en conséquence les paiements passés et futurs opérés ou restant à opérer en Euro par les emprunteurs auront à être comptés pour la valeur de 1,5182 € contre 1 CHF », et « ordonner l'émission d'un nouveau tableau d'amortissement des sommes mise à la disposition de l'emprunteur, sur la durée conventionnelle de l'amortissement, expurgé des conséquences des stipulations abusives, et condamner le prêteur à restituer les sommes qu'il aurait reçues en sus de l'application du retour à un change fixe de 1,5182 € contre 1 CHF », apparaissent dépourvues d'objet et doivent être rejetées, sans qu'il n'apparaisse nécessaire d'examiner la question de leur éventuelle prescription, telle que discutée par la banque.
Sur la demande en déchéance du droit aux intérêts :
Les appelants font, à ce titre, valoir que le calcul du TEG serait erroné, à défaut de prise en compte des postes d'assurance « non-vie » dans son calcul, alors que les postes « PTIA » et « ITT » auraient également été exigés, au moyen de formulaires pré-remplis ne leur laissant aucun choix, au moment de la souscription du prêt, et auraient, d'ailleurs, précédé l'émission de l'offre, comme celle-ci le rappellerait.
La banque, pour sa part, conclut à la confirmation, de ce chef, du jugement entrepris, en ce qu'il a retenu la prescription de la demande.
Cela étant, la cour relève, à l'instar du premier juge, que la seule lecture de l'offre de prêt mettait à même les emprunteurs de se convaincre de l'erreur qu'ils allèguent, dès lors que la rubrique « coût du crédit » distingue la cotisation assurance décès obligatoire de la cotisation « assurance options facultatives », et ce alors que les requérants soutiennent avoir souscrit les assurances litigieuses antérieurement à l'émission de l'offre.
Dans ces conditions, la cour considère que c'est par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter que le premier juge a retenu, à bon droit, la prescription de la demande, le jugement dont appel devant ainsi être confirmé de ce chef.
Le jugement sera également confirmé pour le surplus des chefs de demandes, à défaut de contestation des motifs du jugement de ces chefs, sous réserve de l'examen ci-après des demandes relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
M. X. et Mme Y., succombant pour l'essentiel seront tenus, in solidum, des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.
L'équité commande en outre de mettre à la charge des appelants une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 3.000 euros au profit de l'intimée, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Mulhouse,
Y ajoutant, Déclare M. X. et Mme Y. recevables en leur demande en déclaration de réputé non écrit, Les en déboute, ainsi que des demandes consécutives tendant à voir :
- juger que n'ayant pas lié l'emprunteur, les effets de ces stipulations ne produiront aucun effet contraignant envers les appelants, et qu'en conséquence les paiements passés et futurs opérés ou restant à opérer en Euro par les emprunteurs auront à être comptés pour la valeur de 1,5182 euros contre 1 CHF,
- ordonner l'émission d'un nouveau tableau d'amortissement des sommes mise à la disposition de l'emprunteur, sur la durée conventionnelle de l'amortissement, expurgé des conséquences des stipulations abusives, et condamner le prêteur à restituer les sommes qu'il aurait reçues en sus de l'application du retour à un change fixe de 1,5182 euros contre 1 CHF,
Condamne in solidum M. X. et Mme Y. aux dépens de l'appel,
Condamne in solidum M. X. et Mme Y. à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Saint Paul la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. X. et Mme Y.
La Greffière : la Présidente :
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