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CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 7 octobre 2021

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 7 octobre 2021
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 20/01048
Date : 7/10/2021
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 3/01/2020
Référence bibliographique : 5823 (crédit, application dans le temps), 5721 (L. 212-1, obligation de relever d’office), 5716 (crédit à la consommation, obligation de relever d’office)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9164

CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 7 octobre 2021 : RG n° 20/01048 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Par ailleurs, au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui a porté ratification de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil.

Il a été dit pour droit par la Cour de justice de l'Union européenne que les articles 8 et 23 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à une juridiction nationale d'examiner d'office l'existence d'une violation de l'obligation précontractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur, prévue à l'article 8 de cette directive et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d'une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences dudit article 23.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat à l'article L. 311-8 et la société Creatis est mal fondée à invoquer la prescription du moyen discuté. »

2/ « Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et d'établir qu'il a satisfait aux formalités d'ordre public prescrites par le code de la consommation. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9-A

ARRÊT DU 7 OCTOBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/01048 (7 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CBJFR. Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 novembre 2019 - Tribunal d'Instance de LAGNY SUR MARNE - RG n° 11-19-001293.

 

APPELANTE :                                                                                    

La société CREATIS

société anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège N° SIRET : XXX, [...], [...],[...], représentée par Maître Olivier H. de la SELARL H. K. H. H., avocat au barreau de l'ESSONNE 

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

né le [date] à [...], [...], [...], DÉFAILLANT

Madame Y. épouse X.

née le  [date] à [...], [...], [...], DÉFAILLANTE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 septembre 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT : - DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par acte du 1er septembre 2011, la société Creatis a consenti à M. X. et Mme Y. un prêt personnel d'un montant de 15.700 euros destiné à regrouper et solder des crédits antérieurs, remboursable au TEG de 8,1 % l'an, le tout suivant l'offre d'un pareil prêt en date du 1er septembre 2011.

Saisi par la société Creatis d'une demande tendant principalement à la condamnation des emprunteurs au paiement du solde restant dû, le tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne, par un jugement réputé contradictoire rendu le 4 novembre 2019 auquel il convient de se reporter, a notamment :

- condamné solidairement M. et Mme X. à payer à la société Creatis la somme de 2.940 euros sans intérêt au taux légal ;

- débouté la société Creatis du surplus de ses demandes ;

- autorisé M. et Mme X. à payer leur dette en 24 mois au moyen de versements mensuels de 122 euros le 15 de chaque mois, étant rappelé que la vingt-quatrième mensualité doit impérativement apurer le solde de la dette ;

- dit que le non-respect d'une seule échéance prévue rendra la créance immédiatement exigible dans sa totalité.

Le tribunal a principalement retenu que le prêteur ne prouvait pas avoir mis en œuvre son devoir d'explication résultant de la combinaison des articles L. 311-6 et L. 311-8 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause.

[*]

Par une déclaration en date du 3 janvier 2020, la société Creatis a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises le 17 mars 2020, elle demande notamment à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts, a rejeté les demandes de capitalisation des intérêts et de l'article 700 du code de procédure civile, et a accordé des délais de paiement,

- de condamner solidairement M. et Mme X. à lui payer la somme de 10.554,90 euros avec intérêts au taux contractuel de 6,25 % l'an à compter des mises en demeures du 20 février 2019,

- d'ordonner la capitalisation annuelle des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil.

L'appelante soutient que toute contestation relative à la régularité de l'offre de prêt est soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article L. 110-4 du code de commerce, de sorte que ce moyen soulevé d'office par le premier juge à l'audience du 7 octobre 2019 était prescrit.

Sur interrogation du conseiller de la mise en état, elle précise que l'action n'est pas forclose.

À titre subsidiaire, l'appelante conteste encourir la déchéance du droit aux intérêts en remarquant que le code de la consommation ne mentionne aucun autre document que la fiche d'informations prévue à l'article L. 312-14 permettant de satisfaire à l'exigence d'information. Elle souligne avoir sollicité l'ensemble des documents requis par l'article D. 312-8 du code de la consommation, avoir consulté le fichier des incidents de paiement, avoir remis la fiche d'informations précontractuelles et avoir signé la fiche de dialogue. Elle considère que l'ensemble de ces diligences permet d'établir qu'elle a accompli son devoir d'explication, les dispositions du code de la consommation étant d'application restrictive.

Elle considère que le premier juge a manifestement ajouté aux textes en exigeant que soient expliquées les informations chiffrées, alors même que les emprunteurs étaient parfaitement capables, de sorte que la déchéance de son droit aux intérêts a été prononcée sans fondement valable.

Elle précise enfin que le tribunal a outrepassé les dispositions de l'article 1343-5 du code civil en octroyant des délais de paiement qui n'étaient pas requis par des défendeurs n'ayant jamais comparu.

[*]

Régulièrement assignés par acte d'huissier délivré le 18 mars 2020 conformément aux dispositions des articles 656 et 658 du code de procédure civile, les intimés n'ont pas constitué avocat.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aux termes de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s'en approprier les motifs.

Au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation résultant de la loi n° 2010-737 promulguée le 1er juillet 2010 qui transcrit en droit interne les dispositions de la Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 (désormais articles L. 312-1 et suivants du même code).

Les pièces versées aux débats établissent que la société Creatis a agi dans le délai biennal, conformément à l'article L. 311-52 devenu R. 312-35 du code de la consommation. Son action est par conséquent recevable.

 

Sur la prescription :

En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Par ailleurs, au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui a porté ratification de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil.

Il a été dit pour droit par la Cour de justice de l'Union européenne que les articles 8 et 23 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à une juridiction nationale d'examiner d'office l'existence d'une violation de l'obligation précontractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur, prévue à l'article 8 de cette directive et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d'une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences dudit article 23.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat à l'article L. 311-8 et la société Creatis est mal fondée à invoquer la prescription du moyen discuté.

 

Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et d'établir qu'il a satisfait aux formalités d'ordre public prescrites par le code de la consommation.

Le contrat litigieux intitulé « contrat de regroupement de crédits » contient l'ensemble des dispositions imposées par la loi précitée et la société Creatis verse aux débats la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées, la notice d'information sur l'assurance, la fiche de dialogue comportant les éléments relatifs aux ressources et charges de l'emprunteur et les justificatifs du remboursement des crédits précédemment souscrits auprès d'autres organismes.

L'article L. 311- 48 (désormais L. 341-1 et L. 341-2) du code de la consommation dispose que le prêteur est déchu du droit aux intérêts, lorsqu'il ne satisfait pas aux conditions d'informations précontractuelles prévues par les articles énumérés et contenues dans le code de la consommation.

L'article L. 311-6 (désormais L. 312-12) du code de la consommation dispose que : « Préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement. Cette fiche d'informations comporte, en caractères lisibles, la mention visée au dernier alinéa de l'article L. 311-5. Lorsque le consommateur sollicite la conclusion d'un contrat de crédit sur le lieu de vente, le prêteur veille à ce que la fiche d'informations mentionnées au I lui soit remise sur le lieu de vente ».

Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts, le premier juge a estimé que la société Creatis ne rapportait pas la preuve qu'elle a mis en œuvre son devoir d'explication vis à vis des emprunteurs et que la fiche d'informations précontractuelles ne suffisait pas à elle-seule car l'obligation supposait également la délivrance d'informations personnalisées et l'explication des données chiffrées figurant au contrat.

Néanmoins, l'appelante verse aux débats la FIPEN qui comporte les explications et les informations requises. Elle produit également la fiche dialogue comportant les explications concernant les cinq prêts rachetés, les deux créances du Trésor public et le nouveau prêt accordé d'un montant de 2 047,65 euros.

Il se déduit donc de ces pièces que le premier juge a ajouté au texte et que l'article susvisé a été respecté quant à l'obligation d'information renforcée. Le jugement est par conséquent infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels.

 

Sur la demande en paiement :

La société Creatis verse à l'appui de sa demande le contrat de regroupement de crédits signé, la fiche d'informations précontractuelles, la fiche dialogue, le tableau d'amortissement, la notice d'information sur l'assurance, les justificatifs de solvabilité et l'interrogation du FICP.

Elle produit la lettre du 14 janvier 2019 par laquelle elle a mis les emprunteurs en demeure de payer les échéances échues du mois de janvier 2018 au mois de novembre 2018 dans un délai de 30 jours à peine de déchéance du terme et la lettre du 20 février 2019 par laquelle elle a prononcé la déchéance du terme.

Au 20 février 2019, sa créance s'établit de la façon suivante :

- échéances échues et impayées : 2.188,01 euros

- capital restant dû : 7.523,64 euros

soit la somme totale de 9.711,65 euros.

M. et Mme X. sont en conséquence solidairement condamnés à payer cette somme augmentée des intérêts au taux contractuel de 6,25 % à compter du 20 février 2019.

La société Creatis sollicite en outre la somme de 718,31 euros au titre de l'indemnité de résiliation qui constitue une clause pénale.

Dès lors qu'elle s'ajoute au cours d'intérêts à un taux élevé relativement aux pratiques bancaires des dernières années, cette indemnité, qui dépasse l'indemnité contractuellement prévue de 8 % du capital restant dû, présente un caractère manifestement excessif qui conduit à en réduire le montant à 200 euros.

En conséquence, M. et Mme X. sont solidairement condamnés à payer à la société Creatis la somme de 200 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter 20 février 2019.

Enfin, il n'y a pas lieu à capitalisation des intérêts au regard de l'article L. 311-30 du code de la consommation dans sa version applicable au contrat qui limite strictement les sommes dues par l'emprunteur défaillant.

 

Sur les délais de paiement :

Le premier juge a spontanément accordé des délais de paiement aux emprunteurs, lesquels n'ont pas comparu à l'audience et n'ont pas été représentés de sorte que le premier juge ne disposait d'aucun des éléments d'information sur la situation des débiteurs nécessaires à la mise en œuvre de l'article 1343-5 du code civil.

Au demeurant, les intéressés n'ont manifestement pas fait usage de ces délais.

En l'absence de tout justificatif et au regard de l'ancienneté de la dette, cette disposition du jugement est donc infirmée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut mis à disposition au greffe,

- Infirme le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau ;

- Déclare la société Creatis recevable à agir ;

- Condamne solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société Creatis la somme de 9.711,65 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 6,25 % à compter du 20 février 2019 et la somme de 200 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter 20 février 2019 ;

- Déboute la société Creatis du surplus de ses demandes ;

- Condamne in solidum M. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens de la première instance et d'appel et à payer à la société Creatis la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière                                       La présidente