CA NANCY (2e ch. civ.), 21 octobre 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9205
CA NANCY (2e ch. civ.), 21 octobre 2021 : RG n° 20/02508
Publication : Jurica
Extrait : « Aussi, dès lors qu'il est considéré qu'une clause contractuelle relative au mode de calcul des intérêts conventionnels n'est pas rédigée de manière claire et compréhensible, il y a lieu d'examiner si cette clause est abusive.
En l'espèce, les époux X. sollicitent dans le dispositif de leurs conclusions de voir « déclarer la stipulation figurant page 43/96 de l'offre de crédit émise le 9 mars 2011, abusive et, partant, non écrite ».
Force est de constater que les cinq pièces versées aux débats, qui ne correspondent d'ailleurs pas à celles visées au bordereau de pièces (comportant trois pièces portant sur des offres de crédit du 11 octobre 2020, 20 octobre 2020 et 3 août 2011), ne contiennent pas la clause telle qu'énoncée, le jugement précisant qu'elle figure à l'article 2 du Titre I des conditions générales.
Or, la pièce n°1 devant comporter aux termes de sa première page « les conditions particulières des prêts, l'échéancier des amortissements (...), les conditions réglementaires le cas échéant, les conditions générales, la page de clôture » comprend en dernier lieu les conditions réglementaires s'arrêtant à la page 38. Pour autant, il y a lieu de constater d'une part, que la clause figurant aux conditions générales est reproduite au jugement, et d'autre part, que les époux X. reprennent à leur compte la motivation du premier juge à ce titre, s'appliquant manifestement aux deux contrats dénommés Foncier Avantage et Pas Liberté, aux termes de laquelle « la clause litigieuse, en ce qu'elle mentionne un calcul du taux effectif global et du taux de période « sur une année bancaire de 360 jours » sans préciser qu'il s'agit du dénominateur appliqué à une fraction dans laquelle le numérateur retenu serait de 30 jours (le cas échéant), apparaît insuffisamment compréhensible, et donc susceptible de recevoir la qualification de clause abusive telle que définie à l'article L.132-1 du Code de la consommation ».
Dans ces conditions, il n'est pas contesté que la clause contractuelle relative au mode de calcul des intérêts conventionnels reproduite n'est pas rédigée de manière claire et compréhensible, de sorte qu'il est nécessaire d'examiner si elle est abusive.
Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Il en résulte que pour examiner le caractère abusif d'une clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d'une année de trois cent soixante jours, d'un semestre de cent quatre-vingts jours, d'un trimestre de quatre-vingt-dix jours et d'un mois de trente jours, il convient d'apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit, afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Or, si le recours à la clause de calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours est admis lorsque son application ne vient pas au détriment de l'emprunteur, ce qui est notamment le cas lorsque le remboursement du prêt est strictement mensuel, en revanche, un tel recours est condamnable lorsque les intérêts sont calculés journellement, sauf pour l'emprunteur à démontrer que le calcul prohibé a généré à son détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale.
En effet, dans l'hypothèse d'un prêt à remboursement strictement mensuel, l'emprunteur ne subit aucune majoration du montant des intérêts conventionnels, dès lors que le quotient 30 /360 jours équivaut à celui de 30,41666 (mois normalisé) /365 jours.
En l'espèce, […] Or, il ressort de ces tableaux prévisionnels une première période de deux mois appelée « phase de pré-financement » au cours de laquelle les époux X. devront payer une somme au titre des intérêts (18,85 euros pour le contrat n°48YY58 et 408,48 euros pour le contrat n°48ZZ59 calculés sur une durée de 29 jours courant du 7 mai 2011 au 5 juin 2011) à l'échéance du 5 juin 2011, préalable à la période d'amortissement prévue conformément aux tableaux d'amortissement figurant aux conditions particulières desdits contrats s'agissant du montant des intérêts conventionnels.
Il en résulte que le calcul du montant des intérêts conventionnels à payer à l'échéance du 5 juin 2011, période non prévue au contrat appelée « phase de pré-financement », n'a pas eu d'incidence sur le calcul du montant des intérêts conventionnels prévus aux tableaux d'amortissement figurant aux conditions particulières, et résultant de la stipulation d'intérêts prévue au contrat, telle que reprise dans le cadre des tableaux d'amortissement émis au 6 mai 2011 sur les durées contractuelles de 120 mois et 360 mois.
Aussi, les époux X. ne peuvent utilement soutenir que les intérêts journaliers payés sur la base d'une année de 360 jours à l'échéance du 5 juin 2011, dont il est rappelé qu'il ne s'agit pas d'une échéance de franchise prévue aux contrats, ont été évalués par application de la clause de calcul des intérêts conventionnels de sorte qu'ils auraient une incidence sur l'amortissement du capital restant dû.
Or, les tableaux d'amortissement figurant aux conditions particulières des deux contrats prévoient des remboursements strictement mensuels.
Ainsi, le rapport mensuel d'une année normalisée de 0,0833 (30,41667/365) est identique à celui du rapport mensuel d'une année « lombarde » de 360 jours (30/360), de sorte que les intérêts inclus dans chaque mensualité sont toujours calculés sur la base d'un douzième d'année.
Dans ces conditions, il en résulte que la clause de calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours n'ayant eu aucun effet sur le coût du crédit ne vient pas au détriment de l'emprunteur.
Dès lors, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux X. de leur demande en déclaration de clause abusive ou non écrite. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/02508. N° Portalis DBVR-V-B7E-EVVO. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de NANCY, R.G. n° 17/03089, en date du 18 septembre 2020.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], Représenté par Maître Hervé B., avocat au barreau de NANCY
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], demeurant [adresse], Représentée par Maître Hervé B., avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE
ayant son siège social [adresse] inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro XXX, régulièrement saisie par exploit d'huissier en date du 26 janvier 2021 à personne habilitée et n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 23 septembre 2021, en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Francis MARTIN Président de chambre, Madame Nathalie ABEL, Conseillère, Madame Fabienne GIRARDOT, Conseillère, qui a fait le rapport, qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2021, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : réputé contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 21 octobre 2021, par Madame Emilie ABAD, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Francis MARTIN, Président de chambre et par Madame Emilie ABAD, Greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant offre préalable émise le 9 mars 2011 et acceptée le 21 mars 2011, la SA Crédit Foncier de France a consenti à M. X. et Mme Y. épouse Y. les prêts suivants, ayant pour objet l'acquisition de leur résidence principale :
- un prêt à taux zéro (PTZ) n° XX d'un montant de 30.165,40 euros remboursable en 360 mensualités, au TEG de 0,54 % et au taux de période de 0,04 % par mois,
- un prêt « Foncier Avantage » n° 48YY58 d'un montant de 15.600 euros remboursable en 120 mensualités au taux fixe de 1,50% l'an et au TEG de 2,02%, avec un taux de période de 0,17% par mois,
- un prêt « Pass Liberté » n° 48ZZ59 d'un montant de 110.234 euros remboursable en 360 mensualités au taux fixe de 4,60 % l'an et au TEG de 4,79 % avec un taux de période de 0,40 % par mois.
* * *
Par acte d'huissier en date du 4 septembre 2017, M. X. et Mme Y. épouse Y. ont fait assigner la SA Crédit Foncier de France devant le tribunal de grande instance de Nancy en se prévalant du caractère abusif de la clause de stipulation d'intérêts, de la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels et de la déchéance du droit du prêteur à percevoir les intérêts conventionnels, résultant du calcul des intérêts conventionnels sur une année de 360 jours.
Par jugement en date du 18 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Nancy a :
- débouté M. X. et Mme Y. épouse Y. de leur demande en déclaration de clause abusive ou non écrite,
- débouté M. X. et Mme Y. épouse Y. de leur demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels,
- déclaré sans objet la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action aux fins de nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels,
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels formée par M. X. et Mme Y. épouse Y. en ce qu'elle est fondée sur l'absence de prise en compte dans le calcul du taux effectif global du coût de l'assurance « décès-invalidité », ainsi que sur le défaut de communication de la durée de la période,
- déclaré recevable l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels formée par M. X. et Mme Y. épouse Y. en ce qu'elle est fondée sur le recours à l'année bancaire de 360 jours pour le calcul des intérêts conventionnels,
- débouté M. X. Mme Y. épouse Y. de leur demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels,
- condamné M. X. et Mme Y. épouse Y. aux dépens, dont distraction au profit de Maître Sandrine A., avocat aux offres de droit,
- dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande relative aux droits proportionnels de recouvrement et d'encaissement,
- condamné M. X. et Mme Y. épouse Y. à payer au la SA Crédit Foncier de France la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les premiers juges ont indiqué que dans la mesure où le calcul des intérêts mensuels est le même, que l'on utilise le rapport 30,41666 /365 ou le rapport 30/360, et que les emprunteurs ne démontrent pas que la clause critiquée a eu une incidence à leur détriment sur le montant des intérêts conventionnels calculés par la banque ou sur le montant du taux effectif global, ceux-ci ne sont pas fondés en leur demande en déclaration de clause abusive ou non écrite.
Ils ont ajouté que l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels, introduite le 4 septembre 2017, n'est pas prescrite en ce qu'elle est fondée sur le recours à l'année de 360 jours pour le calcul des intérêts conventionnels.
Sur le fond, les premiers juges ont indiqué que les prescriptions de l'article R. 313-1 du code de la consommation, relatives aux modalités de calcul du taux effectif global, ont bien été respectées, et qu'en l'absence de toute erreur dans le calcul des intérêts, la seule référence dans l'offre de prêts à une année de 360 jours ne constitue pas une cause de déchéance du droit aux intérêts.
* * *
Par déclaration reçue le 10 décembre 2020, M. X. et Mme Y. épouse Y. ont interjeté appel du jugement du 18 septembre 2020 tendant à son infirmation en tous ses chefs critiqués, à l'exception de ceux ayant déclaré recevable leur action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels en ce qu'elle est fondée sur le recours à l'année bancaire de 360 jours pour le calcul des intérêts conventionnels et ayant dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande relative aux droits proportionnels de recouvrement et d'encaissement.
Dans leurs dernières conclusions transmises le 25 janvier 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. X. et Mme Y. épouse Y., appelants, demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- de rappeler que la demande en déclaration de clause non écrite n'est pas une demande en annulation, et n'est pas enserrée dans des délais particuliers, le déséquilibre causé au préjudice du consommateur étant actuel en se plaçant au moment auquel le tribunal a été saisi,
- de juger que les informations données à l'emprunteur sur le coût total de la dette par l'offre préalable de crédit émise le 9 mars 2011 par la SA Crédit Foncier de France, sont incompréhensibles et particulièrement ambiguës, et comme créant un déséquilibre significatif au détriment d'un consommateur profane normalement vigilant, sont abusives,
- de juger que privé d'information adéquates sur les caractéristiques essentielles de l'opération de crédit proposée, il n'a pas valablement consenti au coût global du prêt,
- de juger spécialement que le recours à un diviseur de marchés financiers de 360 jours pour calculer les intérêts produits par l'amortissement crée un déséquilibre manifeste au détriment du consommateur, puisqu'il renchérit le coût du crédit à l'insu de l'emprunteur, ce qu'il n'aurait raisonnablement pas accepté dans le contexte d'une négociation individuelle des conditions du crédit,
- de déclarer la stipulation figurant page 43/96 de l'offre de crédit émise le 9 mars 2011, abusive et, partant, non écrite,
- d'ordonner comme conséquence de la déclaration de clause abusive que l'effet restitutoire siégera sur la totalité des intérêts versés au prêteur, en tenant compte de l'intérêt légal,
- d'ordonner pour l'avenir l'émission d'un nouveau tableau d'amortissement des sommes mises à la disposition de l'emprunteur, sur la durée conventionnelle de l'amortissement restant à courir, expurgé des conséquences des stipulations abusives et calculées sur l'intérêt légal de l'année de l'acceptation de l'offre de crédit,
- de juger en tout état de cause que la stipulation d'intérêts conventionnelle est nulle, et que l'emprunteur, qui ne pouvait se rendre compte par lui-même, à la seule lecture de l'offre, des vices dont elle était affectée, est parfaitement recevable en ses demandes,
- d'ordonner le retour à l'intérêt légal applicable pour l'année de l'acceptation de l'offre depuis l'origine de l'amortissement,
- de condamner la SA Crédit Foncier de France à restituer à l'emprunteur les intérêts déjà perçus excédant l'intérêt légal applicable pour l'année de l'acceptation de l'offre,
- d'ordonner subsidiairement la déchéance des intérêts dans la proportion fixée par le juge et le retour à l'intérêt légal applicable pour l'année de l'acceptation de l'offre,
- de condamner 'l'appelante' (sic) à payer une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs demandes, M. X. et Mme Y. épouse Y. font valoir en substance :
- qu'ils ne soutiennent plus de moyens tendant à « l'annulation de la convention de calcul des intérêts » au regard de l'évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation ;
- que la clause de stipulation d'intérêts conventionnels, insuffisamment compréhensible, est abusive par application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, et a pour effet d'entraîner un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat à leur détriment, pris en leur qualité de consommateur, portant sur le coût du crédit ; que le mode de calcul des intérêts conventionnels sur 360 jours permet au prêteur de communiquer un taux d'intérêt à l'emprunteur moins élevé que le taux d'intérêt réel, puisque ces deux taux ne s'appliquent pas sur la même durée ; qu'en outre, le TEG opéré sur une base de 360 jours est artificiellement réduit, décimale ou pas ;
- que cette clause créé un déséquilibre non insignifiant en ce que l'information donnée aux emprunteurs sur les taux réellement appliqués sur l'année civile est tronquée, et qu'elle augmente la charge financière de ces derniers lorsque l'échéance est comptée en jours ;
- que la demande tendant à voir déclarer non écrites les clauses litigieuses ne s'analyse pas en une demande en nullité, de sorte qu'elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale.
* * *
La SA Crédit Foncier de France, régulièrement assignée par acte d'huissier délivré à personne se déclarant habilitée à le recevoir, n'est pas représentée.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 juin 2021.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Au préalable, il convient de constater que dans le cadre de leurs conclusions versées aux débats, M. X. et Mme Y. épouse Y. indiquent qu'il « n'est plus utile de soutenir de moyens tendant à l'annulation de la convention de calcul des intérêts », et qu'ils « entendent en revanche approfondir leur moyen appuyant leur appel principal, tendant à faire déclarer que cette clause est abusive, qu'elle ne les lie pas, avec les conséquences de droit ».
Sur le caractère abusif de la clause de stipulation d'intérêts conventionnels :
S'agissant de la recevabilité de la demande tendant à voir réputer non écrite une clause, il y a lieu de confirmer que dans la mesure où elle ne s'analyse pas en une demande en nullité, elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale.
L'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dispose que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. (...) Les clauses abusives sont réputées non écrites. L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses. Les dispositions du présent article sont d'ordre public ».
Aux termes de ce texte, l'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Aussi, dès lors qu'il est considéré qu'une clause contractuelle relative au mode de calcul des intérêts conventionnels n'est pas rédigée de manière claire et compréhensible, il y a lieu d'examiner si cette clause est abusive.
En l'espèce, les époux X. sollicitent dans le dispositif de leurs conclusions de voir « déclarer la stipulation figurant page 43/96 de l'offre de crédit émise le 9 mars 2011, abusive et, partant, non écrite ».
Force est de constater que les cinq pièces versées aux débats, qui ne correspondent d'ailleurs pas à celles visées au bordereau de pièces (comportant trois pièces portant sur des offres de crédit du 11 octobre 2020, 20 octobre 2020 et 3 août 2011), ne contiennent pas la clause telle qu'énoncée, le jugement précisant qu'elle figure à l'article 2 du Titre I des conditions générales.
Or, la pièce n°1 devant comporter aux termes de sa première page « les conditions particulières des prêts, l'échéancier des amortissements (...), les conditions réglementaires le cas échéant, les conditions générales, la page de clôture » comprend en dernier lieu les conditions réglementaires s'arrêtant à la page 38.
Pour autant, il y a lieu de constater d'une part, que la clause figurant aux conditions générales est reproduite au jugement, et d'autre part, que les époux X. reprennent à leur compte la motivation du premier juge à ce titre, s'appliquant manifestement aux deux contrats dénommés Foncier Avantage et Pas Liberté, aux termes de laquelle « la clause litigieuse, en ce qu'elle mentionne un calcul du taux effectif global et du taux de période « sur une année bancaire de 360 jours » sans préciser qu'il s'agit du dénominateur appliqué à une fraction dans laquelle le numérateur retenu serait de 30 jours (le cas échéant), apparaît insuffisamment compréhensible, et donc susceptible de recevoir la qualification de clause abusive telle que définie à l'article L.132-1 du Code de la consommation ».
Dans ces conditions, il n'est pas contesté que la clause contractuelle relative au mode de calcul des intérêts conventionnels reproduite n'est pas rédigée de manière claire et compréhensible, de sorte qu'il est nécessaire d'examiner si elle est abusive.
Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Il en résulte que pour examiner le caractère abusif d'une clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d'une année de trois cent soixante jours, d'un semestre de cent quatre-vingts jours, d'un trimestre de quatre-vingt-dix jours et d'un mois de trente jours, il convient d'apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit, afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Or, si le recours à la clause de calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours est admis lorsque son application ne vient pas au détriment de l'emprunteur, ce qui est notamment le cas lorsque le remboursement du prêt est strictement mensuel, en revanche, un tel recours est condamnable lorsque les intérêts sont calculés journellement, sauf pour l'emprunteur à démontrer que le calcul prohibé a généré à son détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale.
En effet, dans l'hypothèse d'un prêt à remboursement strictement mensuel, l'emprunteur ne subit aucune majoration du montant des intérêts conventionnels, dès lors que le quotient 30 /360 jours équivaut à celui de 30,41666 (mois normalisé) /365 jours.
En l'espèce, il ressort des conditions particulières des contrats « Foncier Avantage » (n°48YY58) et « Pas Liberté » (n°48ZZ59) qu'ils ont pour objet le financement d'un logement existant sans travaux constituant la résidence principale des époux X. aux prix de 165.400 euros, au moyen d'un apport personnel de 12 500 euros et des trois prêts litigieux, dont le premier (n°48XX57) n'est pas concerné par le litige s'agissant d'un prêt à taux zéro.
Il convient de constater que les tableaux d'amortissement prévus aux contrats n°48YY58 et n°48ZZ59 ne font pas état d'une période de « pré-financement » ou de franchise.
Par suite, par courriers du 7 mai 2011, le prêteur a fait parvenir aux époux X. un chèque de la totalité de chacun des prêts concernés, déclarés comme « correspondant à l'état d'avancement des travaux », ainsi que les tableaux d'amortissement prévisionnel à la date du 6 mai 2011.
Or, il ressort de ces tableaux prévisionnels une première période de deux mois appelée « phase de pré-financement » au cours de laquelle les époux X. devront payer une somme au titre des intérêts (18,85 euros pour le contrat n°48YY58 et 408,48 euros pour le contrat n°48ZZ59 calculés sur une durée de 29 jours courant du 7 mai 2011 au 5 juin 2011) à l'échéance du 5 juin 2011, préalable à la période d'amortissement prévue conformément aux tableaux d'amortissement figurant aux conditions particulières desdits contrats s'agissant du montant des intérêts conventionnels.
Il en résulte que le calcul du montant des intérêts conventionnels à payer à l'échéance du 5 juin 2011, période non prévue au contrat appelée « phase de pré-financement », n'a pas eu d'incidence sur le calcul du montant des intérêts conventionnels prévus aux tableaux d'amortissement figurant aux conditions particulières, et résultant de la stipulation d'intérêts prévue au contrat, telle que reprise dans le cadre des tableaux d'amortissement émis au 6 mai 2011 sur les durées contractuelles de 120 mois et 360 mois.
Aussi, les époux X. ne peuvent utilement soutenir que les intérêts journaliers payés sur la base d'une année de 360 jours à l'échéance du 5 juin 2011, dont il est rappelé qu'il ne s'agit pas d'une échéance de franchise prévue aux contrats, ont été évalués par application de la clause de calcul des intérêts conventionnels de sorte qu'ils auraient une incidence sur l'amortissement du capital restant dû.
Or, les tableaux d'amortissement figurant aux conditions particulières des deux contrats prévoient des remboursements strictement mensuels.
Ainsi, le rapport mensuel d'une année normalisée de 0,0833 (30,41667/365) est identique à celui du rapport mensuel d'une année « lombarde » de 360 jours (30/360), de sorte que les intérêts inclus dans chaque mensualité sont toujours calculés sur la base d'un douzième d'année.
Dans ces conditions, il en résulte que la clause de calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours n'ayant eu aucun effet sur le coût du crédit ne vient pas au détriment de l'emprunteur.
Dès lors, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux X. de leur demande en déclaration de clause abusive ou non écrite.
Sur la déchéance du droit aux intérêts :
Il ressort des dispositions combinées des articles 1907 du code civil, L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation, que le taux de l'intérêt conventionnel mentionné dans un prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l'année civile, laquelle comporte 365 ou 366 jours.
Toutefois, comme indiqué plus avant, le recours à la clause de calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours est admis lorsque son application ne vient pas au détriment de l'emprunteur, caractérisé par surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévu à l'article R. 313-1, devenu R. 314-2 du code de la consommation.
En l'espèce, s'il est constant que la clause de stipulation d'intérêts conventionnels fait référence à l'année « lombarde » (360 jours), en revanche, les tableaux d'amortissement figurant aux conditions particulières des deux contrats prévoient des remboursements strictement mensuels, repris dans les tableaux d'amortissement établis à la date de libération des fonds au 6 mai 2011, tel que démontré plus avant.
En effet, il a été constaté que la période non contractuelle appelée de « pré-financement » figurant aux tableaux d'amortissement établis le 6 mai 2011, ayant donné lieu à la facturation d'intérêts conventionnels au travers d'une échéance au 5 juin 2011, n'a pas eu d'incidence sur les modalités de calcul des intérêts conventionnels stipulés aux tableaux d'amortissement figurant aux contrats.
Dans ces conditions, il en résulte que les intérêts conventionnels ont bien été calculés conformément aux prescriptions réglementaires.
Dès lors, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux X. de leur demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
Sur les demandes accessoires :
Les appelants qui succombent à hauteur de cour seront condamnés in solidum au paiement des dépens d'appel et de première instance, et seront déboutés de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles.
Eu égard à la situation respective des parties, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et à hauteur de cour.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME partiellement le jugement déféré en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et, statuant à nouveau,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
DEBOUTE M. X. et Mme Y. épouse Y. de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. X. et Mme Y. épouse Y. in solidum aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par M. Francis MARTIN, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame Emilie ABAD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en huit pages.
- 6017 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Notion d’objet principal
- 6018 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Exceptions : clauses obscures
- 9744 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier – Année civile et lombarde