CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 28 octobre 2021

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 28 octobre 2021
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 1 - 9
Demande : 20/11255
Décision : 2021/758
Date : 28/10/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 17/11/2020
Numéro de la décision : 758
Référence bibliographique : 5705 (L. 212-1, imprescriptibilité), 9742 (prêt en francs suisses)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 9227

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 28 octobre 2021 : RG n° 20/11255 ; arrêt n° 2021/758 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Ainsi, dès la remise de l'offre, les emprunteurs disposaient d'informations libellées en termes clairs et explicites, leur permettant de connaître le mécanisme du taux variable, le coût total du prêt, et les risques pris au regard de son caractère multidevises et des possibilités accordées à la banque en cas de dépassement de la limite de facilité sterling.

Comme l'a justement relevé le premier juge, la variation possible du taux de change Eur/CHF et ses conséquences sur le prêt, étaient induites par ces mentions et la conversion du prêt en euros par la banque en application des dispositions conventionnelles n'a eu pour effet que de révéler les conséquences de la hausse du franc suisse sur le montant de leur endettement, mais n'a eu aucun effet sur le vice qu'ils invoquent et qui leur était connu dès l'offre de prêt et la conclusion des contrats de prêt par acte notarié du 7 décembre 2007.

La demande de nullité du taux d'intérêt variable du contrat conclu le 27 octobre 2017 aurait donc dû être formulée avant le 27 octobre 2012 ; elle était ainsi prescrite au moment où elle a été formulée par conclusions du 29 avril 2019, comme celle subséquente de déchéance totale du droit aux intérêts et le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il les a déclarées irrecevables sur ce fondement. »

2/ « Les appelants prétendent que le caractère multidevises du prêt, stipulé dans l'article 2 du contrat, est abusif, en ce qu'il a pour effet de faire supporter le risque de change exclusivement sur l'emprunteur.

S'il appartient au juge d'examiner le caractère abusif ou non d'une telle clause, il n'en demeure pas moins que toute action relative à un contrat de crédit immobilier, autre qu'une action en nullité, est soumise à la prescription tirée de l'article L. 110-4 du code de commerce. Or, ainsi qu'il a été rappelé par le premier juge, la loi n° 2008-561 portant réforme de la prescription en matière civile, a réduit à cinq ans le délai de prescription de l'article L. 110-4 du code de commerce.

Conformément aux dispositions de l'article 26 de cette loi, codifiée dans l'article 2222 alinéa 2 du code civil, en cas de réduction de la durée du délai de prescription ce nouveau délai court à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.La durée du délai de prescription de l'action à l'encontre du prêteur était de dix ans, conformément à l'article L.110-4 du code de commerce dans sa version antérieure à la loi de 2008, la loi du 17 juin 2008 a donc réduit la durée de prescription à cinq ans. En application des dispositions transitoires, le point de départ de la prescription, initialement fixé au 7 janvier 2008, doit ainsi être reporté au 19 juin 2008.

Il résulte des termes du contrat de prêt que le prêt est un prêt multidevises d'un million d'euros ou équivalent à la date du tirage du prêt dans l'une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonais. Il est constant qu'à la demande des emprunteurs, le prêt a été libéré en francs suisses ; le 5 décembre 2007, ils ont reçu la somme de 1.649.900 CHF correspondant à la contrevaleur en francs suisses, à la date de tirage du prêt d'un million d'euros. En outre, par courrier du 13 janvier 2011 la banque a attiré l'attention des emprunteurs sur la volatilité du marché de change et de la parité CHF/EUR et les a informés qu'en cas de poursuite de l'augmentation de la valeur du franc suisse par rapport à l'euro, elle serait dans l'obligation de convertir le prêt libéré en francs suisses en euros.

Les emprunteurs ayant opté pour un tirage de leur prêt en francs suisses, ils ont nécessairement pris connaissance de la dite clause, de sorte que le point de départ de la prescription ne peut être que la date du contrat de prêt ou au plus tard la date de libération du prêt, d'autant qu'une éventuelle méconnaissance des conséquences financières de leur engagement lors de la signature du contrat ne pouvait persister postérieurement à l'information précitée délivrée par la banque, laquelle n'a, au demeurant, entraîné aucune action en contestation de leur part.

Monsieur X. et madame Y. qui avaient l'opportunité de formuler leur demande au titre du caractère abusif de la clause de choix de monnaie de compte, depuis la date de conclusion du contrat de prêt du 27 octobre 2007, sont du fait de cette prescription, irrecevables en une telle demande formée par conclusions en date du 17 octobre 2019 et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef. »

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-9

ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/11255. Arrêt n° 2021/758. N° Portalis DBVB-V-B7E-BGQ7D. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de GRASSE en date du 1er octobre 2020 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 19/00028.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], demeurant [adresse]

Madame Y.

née le [date] à [ville], demeurant [adresse]

Tous deux représentés par Maître Maud D.-G. de la SCP C. G. M. D. G., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistés de Maître Christophe N., avocat au barreau de NICE

 

INTIMÉS :

Monsieur le COMPTABLE DU PÔLE DE RECOUVREMENT SPÉCIALISÉ

assigné à personne habilitée le 06/01/2021 demeurant [adresse], défaillant

Monsieur le COMPTABLE DU SERVICE DES IMPÔTS DES ENTREPRISE

assigné à personne habilitée le 18/12/2020, [adresse], défaillant

Monsieur le COMPTABLE DU SERVICE DES IMPÔTS

assigné à étude d’huissier le 10/12/2020, [adresse], défaillant

Société JYSKE BANK A/S

immatriculée au Registre du Commerce Danois sous le numéro XXX, dont Jyske Bank Private Banking Copenhagen est la Succursale, siège social [adresse], prise en son établissement en France immatriculé au RCS de NICE sous le n° YYY, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [...], Assignée en son établissement de Nice à étude d'huissier le 10/12/2020, représentée par Maître Renaud E. de la SELARL CABINET E., avocat au barreau de GRASSE, plaidant par Maître Aurélie B. de L'AARPI Ngo, Jung & Partners, avocat au barreau de PARIS, substituée par Maître Alice A., avocat au barreau de PARIS

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 juin 2021 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Evelyne THOMASSIN, Président, et Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseiller.

Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Evelyne THOMASSIN, Président, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2021, puis prorogé au 28 octobre 2021.

ARRÊT : Défaut, Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 octobre 2021. Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits, procédure et prétentions des parties :

La banque danoise Jyske Bank A/S poursuit à l'encontre de monsieur X. et de madame Y., suivant commandement signifié le 30 octobre 2018, la vente de biens et droits immobiliers leur appartenant situés [...], pour avoir paiement d'une somme de 1.209.432,82 euros en principal et intérêts en vertu de la copie exécutoire d'un acte de prêt multidevises de 1.000.000 euros ou « l'équivalent, à la date de tirage du prêt, dans l'une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonais » reçu le 7 décembre 2007 par maître A., notaire à Nice.

Ce commandement, publié le 5 décembre 2018, étant demeuré sans effet, la Jyske Bank A/S a fait assigner les débiteurs à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Grasse qui par jugement du 1er octobre 2020 a, notamment :

- reçu le créancier poursuivant en ses fins de non-recevoir tirées de la prescription des demandes,

- déclaré irrecevables comme prescrites la demande en nullité de la clause d'intérêts, de déchéance totale des intérêts, la demande relative au caractère prétendument abusif de la clause d'indexation, les demandes formées par la partie saisie dans des conclusions signifiées le 7 mars 2019, réitérées dans des conclusions signifiées le 3 juillet 2019 étant prescrites ;

- débouté monsieur X. et madame Y. de leurs demandes de communication de pièces et de sursis à statuer,

- dit que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code de procédure civile sont réunies et que le créancier poursuivant a satisfait au respect des dispositions susvisées,

- dit que la Jyske Bank A/S poursuit la saisie immobilière au préjudice de monsieur X. et madame Y. pour une créance liquide et exigible, d'un montant de 1.209.432.82 euros en principal, frais, intérêts et autres accessoires arrêtée au 29 juin 2018 au taux Jyske Bank Funding Rate + 1,50 %, sans préjudice des intérêts postérieurs jusqu'à la distribution du prix de vente à intervenir et au plus tard à la date prévue par l'article R. 334-3 du code des procédures civiles d'exécution complétant l'article R. 334-2,

- ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers saisis selon les modalités du cahier des conditions de vente.

Monsieur X. et madame Y., à qui la décision a été notifiée le 2 novembre 2020, en ont relevé appel par déclaration du 17 novembre 2020, visant l'ensemble des chefs de la décision.

Par ordonnance du 25 novembre 2020 ils ont été autorisés à assigner à jour fixe et les assignations délivrées à cette fin au créancier poursuivant et aux créanciers inscrits ont été remises au greffe le 13 janvier 2021, en application de l'article 922 du code de procédure civile

[*]

Par dernières conclusions notifiées le 24 novembre 2020, les appelants demandent à la cour de :

- dire que leurs demandes ne sont pas atteintes par la prescription,

- déclarer nulle et de nul effet la clause n° 4 de stipulation d'intérêt de l'acte de prêt du 19 décembre 2007,

- dire que la Jyske Bank est déchue du droit de percevoir les intérêts au titre de ce prêt,

Par conséquent,

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré prescrites et donc irrecevables, les demandes de nullité de la clause d'intérêts et de déchéance totale des intérêts, la demande relative au caractère abusif de la clause d'indexation,

- débouter la Jyske Bank de sa demande tendant à voir constater que le montant de sa créance en principal intérêts majorés, intérêts des intérêts, accessoires, s'élève à la somme de 1.209.432,82 €,

Subsidiairement,

- dire que la clause d'indexation contenue dans le prêt est abusive,

En conséquence,

- réputer la clause non écrite,

- requalifier le contrat de prêt du 7 décembre 2007 en euro « ab initio »,

- ordonner la réintégration des concluants dans la situation dans laquelle ils auraient dû se trouver si le prêt avait été en euros dès sa conclusion et à cette fin ;

- condamner ou faire injonction à Jyske Bank de :

* déterminer à compter du jour de la conclusion du contrat les sommes dues en euros sur la base du taux de change Eur/CHF et du taux légal/Taux « 0 », l'ensemble devant être recalculé sans prendre en compte les frais de change,

* déterminer le montant du solde restant dû déduction faite des sommes payées par les emprunteurs, en euros, au titre du remboursement du crédit ainsi que des sommes versées au titre des différents frais induits par le crédit consenti,

*établir un compte entre les parties et déterminer le montant d'une éventuelle créance qu'il incombe à la cour d'arrêter dans son jugement à intervenir,

- dans l'attente ordonner le sursis à statuer,

- condamner sous astreinte à :

* produire aux débats :

. l'autorisation donnée par les concluants d'acquérir pour leur compte et avec leur argent des valeurs mobilières, actions, obligations et/ou tous autres titres,

. le détail des opérations effectuées avec lesdits fonds,

. le détail des produits ou des pertes retirés de ces opérations,

* détailler le montant des sommes réclamées dans le commandement en principal, intérêts, frais et accessoires, conformément aux dispositions de l'article R. 321-3 du Code des procédures civiles d'exécution,

A défaut,

- constater que les sommes commandées ne sont pas justifiées,

- dire la procédure de saisie infondée,

En tout état de cause,

- condamner la Jyske Bank au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, d'instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP C. G. M. D. G., avocats aux offres de droit.

Après rappel du contexte de souscription du prêt, de ses caractéristiques et conditions et des relations contractuelles entre les parties, les appelants soutiennent, pour l'essentiel :

- la nullité de la clause d'intérêt, clause n°4, selon laquelle le taux d'intérêt est variable et égal à Jyske Bank Funding Rate +1,5 %, ce qui rend le TEG mentionné au contrat invérifiable, d'une part, institue une impossibilité de calculer l'impact financier de l'opération de crédit contractée du fait de l'absence de clarté de ce taux, d'autre part, ne constitue pas un indice objectif, qui est à ce titre non conforme aux dispositions de l'article L. 313-2 du code de la consommation, d'autant qu'il n'est pas mentionné dans les relevés périodiques du compte, ce qui constitue pourtant une obligation du prêteur selon un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation, du 9 janvier 2019 (n°17-14027),

- ils ne sont pas prescrits en ce qu'en matière d'illicéité du contrat, comme de fausseté du TEG, le point de départ de la prescription quinquennale de l'action en annulation de la stipulation d'intérêts est fixé, non au jour de la signature de l'acte de prêt, mais, en application des dispositions de l'article 1144 du Code civil, au jour où le vice du consentement a été découvert, soit en l'espèce postérieurement à la signification du commandement de saisie du 30 octobre 2018,

- au regard des dispositions des articles L. 111-1 et L.112-1 du code monétaire et financier, et de la jurisprudence, s'agissant d'une clause d'indexation sur laquelle repose un crédit stipulé en devises étrangères, il appartient au juge de rechercher si le risque de change ne pèse pas exclusivement sur l'emprunteur et si en conséquence la clause litigieuse n'avait pas pour objet ou pour effet, de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment des consommateurs, ils en concluent que la clause d'indexation considérée est abusive dans la mesure où le risque de change pèse exclusivement sur l'emprunteur par l'augmentation du montant du capital restant dû, l'augmentation des mensualités sans plafond,

- il existe un déséquilibre significatif entre l'emprunteur et la banque qui dispose seule des moyens de suivre l'évolution des taux de change et des différents indices,

- des opérations ont été effectuées sans l'autorisation de monsieur X. sur le compte ouvert dans les livres de la Jyske Bank, afin de procéder à des opérations d'investissements avec son argent, aucun détail des opérations, ni des profits/pertes réalisés au cours de celles-ci ne lui a été donné.

[*]

Par écritures notifiées le 5 mai 2021 la Jyske Bank A/S demande à la cour au visa des articles1304 du code civil, 2224 du code civil, L. 132-1 du code de la consommation (dans sa version applicable au présent litige), et de l'article L. 110-4 du code de commerce, de :

- confirmer le jugement d'orientation querellé dans toutes ses dispositions,

à titre subsidiaire :

- si par extraordinaire la cour devait déclarer recevable la demande relative au caractère prétendument abusif de l'article 2 du contrat de prêt,

- dire et juger que l'article 2 du contrat de prêt définit l'objet principal du contrat de prêt et est rédigé de manière claire et compréhensible de telle sorte qu'il est exclu du champ des clauses abusives,

- en conséquence débouter monsieur X. et madame Y. de leurs demandes,

à titre infiniment subsidiaire :

- dire et juger que l'article 2 du contrat de prêt ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment de monsieur X., et madame Y. et par conséquent n'est pas abusif,

en conséquence

- débouter monsieur X. et madame Y. de toutes leurs demandes,

- condamner monsieur X. et madame Y. au paiement d'une somme 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Après rappel du contexte de souscription du prêt, de ses caractéristiques, conditions et des relations contractuelles entre les parties, l'intimée soutient pour l'essentiel :

- la prescription de la demande en nullité de prêt formée par les appelants pour la première fois le 29 avril 2019, soit plus de onze ans après la signature du contrat qui a été exécuté, alors que le point de départ de la prescription est la date de signature du prêt, lequel ne peut être différé que si l'emprunteur démontre qu'il n'a pu avoir connaissance de l'erreur qu'à une date ultérieure,

- or les emprunteurs ont reçu l'information selon laquelle le taux d'intérêt du prêt était composé du taux Jyske Bank Funding Rate, dès la signature du prêt, le calcul du TEG en fonction de ce taux étant clairement stipulé dans l'acte de prêt, comme l'a retenu cette même cour dans un arrêt du 4 mai 2017 (n° 15/10269), la demande formée dans des conclusions du 29 avril 2019 est prescrite,

- les parties ne peuvent invoquer le caractère perpétuel de l'exception de nullité au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation et de l'exécution partielle du contrat par le remboursement des fonds prêtés, et ce conformément aux dispositions de l'article 1185 du code civil,

- la nullité du taux d'intérêt variable n'emporte pas déchéance du droit aux intérêts, mais est sanctionnée par la substitution du taux contractuel mentionné dans le contrat de prêt et déterminé au moment de sa conclusion,

- si la cour devait considérer que la demande de déchéance totale du droit aux intérêts est formulée indépendamment de la demande de nullité du taux d'intérêt variable, elle est également prescrite, en application des dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce, telle que modifiées par la loi du 17 juin 2008,

- la demande tendant à faire déclarer abusive la clause de l'article 2 du contrat sur le caractère multidevises du prêt est soumise à la prescription quinquennale de droit commun,

- les emprunteurs ont choisi d'exercer l'option et d'obtenir le tirage de leur prêt en francs suisses afin de bénéficier des taux d'intérêts les plus bas, ils ont donc été parfaitement informés de la nature de cette clause dès la souscription du contrat,

- un taux d'intérêt variable en fonction du taux de base bancaire est parfaitement valable,

- il n'existe pas d'obligation textuelle concernant la mention du TEG dans chaque lettre de roll over, d'autant qu'aucun texte ne prévoit les modalités de calcul du TEG en cours d'exécution du prêt,

- en tout état de cause l'erreur dans le calcul du TEG ou l'omission du TEG dans les crédits immobiliers est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, il s'agit d'une faculté que la loi remet à la discrétion du juge,

- la clause multidevises du prêt n'est pas abusive, en ce qu'elle relève de l'objet principal du contrat de prêt, et a été rédigée de manière claire et compréhensible, elle ne créée au demeurant aucun déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur,

- les demandes d'injonction et de sursis à statuer sont mal fondées et soulevées à des fins dilatoires,

-elle reprend l'affectation des fonds perçus par les appelants lors du tirage du prêt et le détail des sommes réclamées.

[*]

Le comptable du service des impôts des entreprises, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé, le comptable du service des impôts de Vence, régulièrement cités, à personne habilitée pour les deux premiers, et à étude pour le troisième, n'ont pas constitué avocat.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

* Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de nullité formulées par les parties saisies :

Il est de jurisprudence constante que l'action en nullité de l'intérêt conventionnel est soumise à un délai de prescription quinquennal, lequel court à compter de la date de la signature de l'offre de prêt, ce délai pouvant être différé si l'emprunteur démontre qu'il a seulement pu avoir connaissance de l'erreur invoquée à une date ultérieure.

Les appelants soutiennent qu'ils ont découvert la nullité affectant la clause n° 4 sur les caractéristiques du prêt, lors de leur premier rendez-vous avec leur conseil, après réception du commandement de payer du 30 octobre 2018 et de l'assignation à comparaître à l'audience du juge de l'exécution immobilier délivrée le 28 janvier 2019, soit plus de 10 ans après la signature du prêt.

Ils invoquent l'absence de clarté du taux conventionnel, l'impossibilité de calculer le coût financier de l'opération de crédit et de vérifier le taux appliqué par la banque.

S'agissant, notamment du mécanisme du taux variable, l'article 4 contenu dans l'offre de prêt acceptée le 27 octobre 2012 est ainsi libellé : « taux variable : égal au Jyske Bank Funding Rate* +1,50 % points (soit pour indication, à la date de la présente offre, un total de 6,260 %), * le taux Jyske Bank Funding Rate est le taux de financement permettant à la banque d'obtenir un montant identique au prêt, sur les marchés interbancaires deux jours ouvrables avant le premier jour de la période au cours de laquelle courront les intérêts ».

Ce même article intitulé « caractéristiques du prêt », précise en outre le montant du prêt, soit 1 million d'euros, son coût total soit 2.439.025 euros, le recours à de multiples devises pour des devises initiales en euros, la périodicité trimestrielle du remboursement, le nombre d'échéances et leur montant en principal soit 10.000 euros ou son équivalent dans une autre devise, en sus du montant des intérêts, indiquant expressément que compte tenu de la formule de détermination du taux, le taux sera révisé à l'issue de chacune des périodes en fonction du taux Jyske Bank Funding Rate applicable à la date du terme de la période concernée, que le taux conventionnel annuel est de 6,260 %, qu'il sera modifié en fonction du taux susvisé à la date de tirage du prêt, le taux effectif global de la période s'élevant à 1,61 %.

De surcroît dans l'offre de prêt, il est noté à l'attention des emprunteurs, sous l'article 7 dénommé « remboursements », que l'échéancier des amortissements, détaillant pour chaque échéance la répartition du remboursement entre le capital et les intérêts, annexé au contrat, a été établi sur la base du taux d'intérêt applicable à la date de l'offre et qu'il sera actualisé à la fin de chaque période en fonction de l'évolution du taux d'intérêts applicable.

Enfin, sous l'article 11, la variation du taux de change est exposé en ces termes : « pour le cas où, en fonction de la variation des taux de change, l'endettement en cours viendrait à dépasser le montant de 759.000 livres sterling, (ci-après « la limite de facilité sterling »), la banque serait autorisée à son entière discrétion, à prendre tout ou partie des mesures suivantes :

- convertir l'endettement en cours en sterling au taux de change de la banque en vigueur au jour de la conversion,

- réaliser ou appeler immédiatement et comme bon semble à la banque, tout ou partie de la sûreté placée auprès de la banque, et utiliser les montants ainsi obtenus pour compenser en partie l'endettement en cours afin qu'il ne dépasse pas la limite de la facilité sterling,

- demander le remboursement immédiat d'une partie de l'endettement en cours d'un montant suffisant pour réduire cet endettement, après sa conversion en sterling au taux de change de la banque, à un montant qui ne soit pas supérieur à la limite de facilité sterling. »

Ainsi, dès la remise de l'offre, les emprunteurs disposaient d'informations libellées en termes clairs et explicites, leur permettant de connaître le mécanisme du taux variable, le coût total du prêt, et les risques pris au regard de son caractère multidevises et des possibilités accordées à la banque en cas de dépassement de la limite de facilité sterling.

Comme l'a justement relevé le premier juge, la variation possible du taux de change Eur/CHF et ses conséquences sur le prêt, étaient induites par ces mentions et la conversion du prêt en euros par la banque en application des dispositions conventionnelles n'a eu pour effet que de révéler les conséquences de la hausse du franc suisse sur le montant de leur endettement, mais n'a eu aucun effet sur le vice qu'ils invoquent et qui leur était connu dès l'offre de prêt et la conclusion des contrats de prêt par acte notarié du 7 décembre 2007.

La demande de nullité du taux d'intérêt variable du contrat conclu le 27 octobre 2017 aurait donc dû être formulée avant le 27 octobre 2012 ; elle était ainsi prescrite au moment où elle a été formulée par conclusions du 29 avril 2019, comme celle subséquente de déchéance totale du droit aux intérêts et le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il les a déclarées irrecevables sur ce fondement.

 

* Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande subsidiaire :

Les appelants prétendent que le caractère multidevises du prêt, stipulé dans l'article 2 du contrat, est abusif, en ce qu'il a pour effet de faire supporter le risque de change exclusivement sur l'emprunteur.

S'il appartient au juge d'examiner le caractère abusif ou non d'une telle clause, il n'en demeure pas moins que toute action relative à un contrat de crédit immobilier, autre qu'une action en nullité, est soumise à la prescription tirée de l'article L. 110-4 du code de commerce.

Or, ainsi qu'il a été rappelé par le premier juge, la loi n° 2008-561 portant réforme de la prescription en matière civile, a réduit à cinq ans le délai de prescription de l'article L. 110-4 du code de commerce.

Conformément aux dispositions de l'article 26 de cette loi, codifiée dans l'article 2222 alinéa 2 du code civil, en cas de réduction de la durée du délai de prescription ce nouveau délai court à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

La durée du délai de prescription de l'action à l'encontre du prêteur était de dix ans, conformément à l'article L.110-4 du code de commerce dans sa version antérieure à la loi de 2008, la loi du 17 juin 2008 a donc réduit la durée de prescription à cinq ans. En application des dispositions transitoires, le point de départ de la prescription, initialement fixé au 7 janvier 2008, doit ainsi être reporté au 19 juin 2008.

Il résulte des termes du contrat de prêt que le prêt est un prêt multidevises d'un million d'euros ou équivalent à la date du tirage du prêt dans l'une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonais.

Il est constant qu'à la demande des emprunteurs, le prêt a été libéré en francs suisses ; le 5 décembre 2007, ils ont reçu la somme de 1 649 900 CHF correspondant à la contrevaleur en francs suisses, à la date de tirage du prêt d'un million d'euros.

En outre, par courrier du 13 janvier 2011 la banque a attiré l'attention des emprunteurs sur la volatilité du marché de change et de la parité CHF/EUR et les a informés qu'en cas de poursuite de l'augmentation de la valeur du franc suisse par rapport à l'euro, elle serait dans l'obligation de convertir le prêt libéré en francs suisses en euros.

Les emprunteurs ayant opté pour un tirage de leur prêt en francs suisses, ils ont nécessairement pris connaissance de la dite clause, de sorte que le point de départ de la prescription ne peut être que la date du contrat de prêt ou au plus tard la date de libération du prêt, d'autant qu'une éventuelle méconnaissance des conséquences financières de leur engagement lors de la signature du contrat ne pouvait persister postérieurement à l'information précitée délivrée par la banque, laquelle n'a, au demeurant, entraîné aucune action en contestation de leur part.

Monsieur X. et madame Y. qui avaient l'opportunité de formuler leur demande au titre du caractère abusif de la clause de choix de monnaie de compte, depuis la date de conclusion du contrat de prêt du 27 octobre 2007, sont du fait de cette prescription, irrecevables en une telle demande formée par conclusions en date du 17 octobre 2019 et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

 

* Sur les demandes d'injonction et dans l'attente de sursis à statuer :

Les demandes de calcul et de communication présentées par les appelants aux fins de permettre la requalification du contrat de prêt du 7 décembre 2007 en euro « ab initio » et de procéder à la réintégration des concluants dans la situation dans laquelle ils auraient dû se trouver si le prêt avait été en euros dès sa conclusion, sont sans objet, comme nécessairement consécutives à celle tendant à voir réputée non écrite la clause d'indexation, laquelle, prescrite, ne peut faire l'objet d'un examen au fond.

La demande de sursis à statuer a pour objet de suspendre le cours de l'instance ; elle constitue donc, conformément à l'article 73 du code de procédure civile, une exception de procédure qui doit être soulevée, selon les termes de l'article 74 du même code à peine d'irrecevabilité, avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

Outre son inutilité en l'état du rejet des demandes d'injonction, elle est irrecevable.

En conséquence, il convient à l'instar du juge de l'exécution de débouter monsieur X. et madame Y. de leurs demandes d'injonction de faire à la banque et de dire irrecevable leur demande de sursis à statuer.

 

* Sur la sommation de communication :

Monsieur X. et madame Y., invoquant des opérations effectuées sans autorisation de monsieur X. sur le compte n°50XX037 ouvert dans les livres de Jyske Bank, demandent à la juridiction de condamner sous astreinte la Jyske Bank à produire aux débats :

- l'autorisation donnée par les concluants d'acquérir pour leur compte et avec leur argent des valeurs mobilières, actions, obligations et/ou tous autres titres,

- le détail des opérations effectuées avec les dits fonds,

- le détail des produits ou des pertes retirés des ces opérations.

Cependant comme l'a exactement relevé le premier juge, la banque a répondu aux moyens des emprunteurs et donné les explications utiles sur l'affectation des fonds perçus lors du tirage de prêt.

Ainsi elle justifie avoir produit :

- le formulaire d'ouverture du compte d'investissement effectué le 25 octobre 2017 à la demande de monsieur X. et de madame Y. auprès de la Jyske Bank (pièce 10 Jyske Bank)

- la lettre de libération du prêt en date du 05 décembre 2007, pour un montant de 1.649.900 CHF (pièce 5 Jyske Bank),

- le relevé de compte de Jyske Bank Londres sur lequel apparaissent les mouvements suivant : l'inscription en compte de la somme précitée, un débit de 659.960 CHF vers le compte du notaire, un débit de 1237.43 CHF au titre des frais de dossier, un débit de 27.773.27 CHF au profit du courtier des emprunteurs, un débit de 248.805 CHF vers le compte personnel de madame Y. ouvert dans les livres de la banque HSBC, un débit de 712.124.30 CHF correspondant au solde du prêt, vers le compte d'investissement des emprunteurs, (pièce 10 C., pièce 9 Jyske Bank)

- un tableau de synthèse des produits tirés du compte d'investissement démontrant que la valeur de ce dernier, en dépit des bénéfices enregistrés pour une somme de 85.498,72 € et des intérêts d'un montant de 4.589.34 €, a diminué du fait de retraits personnels des emprunteurs à hauteur de 66.451,56 €, de virements opérés en paiement des intérêts du prêt, à hauteur de 452.914,73 €, pour atteindre la somme de 220.000 €, en conséquence de quoi la banque a liquidé le portefeuille d'investissement pour préserver la valeur de la garantie en application des dispositions contractuelles sur la variation du taux de change, (pièce 12 Jyske Bank)

- puis au constat des difficultés rencontrées par les emprunteurs, afin de leur permettre de faire face au remboursement des échéances du prêt et principalement à leur souhait de vendre le bien immobilier objet du prêt, il a été signé entre les parties, le 4 mai 2016, un avenant au contrat de prêt permettant notamment d'utiliser le solde du compte d'investissement devenu « déposit » détenu par Jyske Bank, pour payer les intérêts de retard à hauteur de 26.307.01 €, l'échéance d'intérêts en cours d'un montant de 6.317,57 euros et rembourser partiellement le prêt avec le solde. (pièce C. n°9).

Ainsi, outre l'absence de preuve d'une obligation contractuelle pour la banque d'obtenir l'autorisation des consorts Fella C. dans le cadre de la gestion courante du compte d'investissement, les pièces précitées démontrent que les emprunteurs n'étaient pas dans l'ignorance de l'affectation des fonds perçus lors du tirage du prêt.

Il convient dès lors de confirmer la décision rendue par le premier juge, en ce qu'il a rejeté la demande de communication sous astreinte.

 

* Sur le montant de la créance et sur la procédure de saisie immobilière :

Aux termes de l'article L.311-2 du code des procédures civiles d'exécution « tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière dans les conditions fixées par le présent livre et par les dispositions qui ne lui sont pas contraires du livre 1er. ».

En application de l'article L. 311-6 du même code : « sauf dispositions législatives particulières, la saisie immobilière peut porter sur tous les droits réels et afférents aux immeubles, y compris leurs accessoires réputés immeubles, susceptibles de faire l'objet d'une cession. ».

Il est constant que la Jyske Bank dispose d'un titre exécutoire.

Elle excipe, après déduction des règlements opérés pour la somme de 4.500 euros, d'une créance liquide et exigible d'un montant de 1.209.432.82 € dont le montant est détaillé comme suit dans le commandement de payer valant saisie immobilière signifié le 30 octobre 2018 :

- 1.186.953,30 euros au titre du capital restant dû, somme que les emprunteurs ont expressément reconnu devoir aux termes de l'avenant du 4 mai 2016,

- 26.979,52 euros au titre des intérêts au taux conventionnel Jyske Bank funding rate +1,50 %, selon décompte arrêté au 29 juin 2018.

Les emprunteurs ne justifient pas d'autres règlements.

Il n'est pas contesté que les éléments contenus dans le cahier des conditions de vente permettent de s'assurer du caractère saisissable du bien immobilier concerné.

Aucune demande de vente amiable n'a été formée.

Il convient donc de confirmer la décision querellée en ce que le premier juge a retenu que le créancier a satisfait aux prescriptions légales édictées par le code des procédures civiles d'exécution dans ses dispositions relatives à la saisie immobilière, et arrêté au 29 juin 2018 la créance à la somme de 1.209.432.82 €, sans préjudice des intérêts postérieurs au taux conventionnel jyske bank funding rate +1,50 %.

 

* Sur les demandes accessoires :

Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.

Succombant en leur appel monsieur X. et madame Y. seront tenus aux entiers dépens et condamnés à verser la somme de 3.000 euros à Jyske Bank au titre des frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant par défaut, par décision mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions déférées,

Y ajoutant

CONDAMNE monsieur X. et madame Y. à verser la somme de 3.000 euros à la société Jyske Bank A/S en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE monsieur X. et madame Y. aux entiers dépens,

DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes,

LA GREFFIÈRE                                         LA PRÉSIDENTE