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CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 25 novembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 25 novembre 2021
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 2e ch. sect. 2
Demande : 19/04223
Date : 25/11/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 23/07/2019
Référence bibliographique : 5721 (L. 212-1, obligation de relever d’office, refus)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9288

CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 25 novembre 2021 : RG n° 19/04223 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « S'agissant de la loi applicable aux relations contractuelles unissant les parties, l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations prévoit, au titre des dispositions transitoires, qu'elle entre en vigueur au 1er octobre 2016, les contrats conclus avant cette date demeurant soumis à la loi ancienne. »

2/ « L'action en déchéance du droit aux intérêts est soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008.

En cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou non-professionnel, le point de départ de la prescription de l'action en nullité ou en déchéance du droit aux intérêts conventionnels en raison d'une erreur affectant le taux effectif global ou les mentions de l'offre de prêt court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur ; il se situe donc à la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou à défaut, à la date à laquelle l'emprunteur normalement avisé et prudent a été en mesure de la déceler.

Cette solution, dans la mesure où elle ne fait aucunement courir systématiquement le point de départ de la prescription au jour de la signature des documents contractuels, ne contrevient pas au principe d'effectivité des sanctions applicables en cas de méconnaissance de ses obligations par le banquier dispensateur du crédit prévu par le droit européen, lequel n'interdit nullement que la prescription puisse être opposée à l'emprunteur pendant toute l'exécution du contrat contrairement à ce que prétendent les époux X. Y..

Par ailleurs, il s'impose de constater que le caractère abusif de la clause de calcul des intérêts, à le supposer établi, n'est soulevé qu'à titre de moyen par les appelants, et que la cour n'est pas saisie d'une action tendant à la voir déclarer non-écrite. La question de la prescription d'une telle action est donc sans objet. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/04223. N° Portalis DBVT-V-B7D-SP4U. Jugement (R.G. n° 2018003820) rendu le 4 juin 2019 par le tribunal de commerce de Lille Métropole.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville] de nationalité française

et

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville] de nationalité française

demeurant ensemble [adresse], représentés et assistés par Maître Jérémie B., avocat au barreau de Douai

 

INTIMÉE :

La Caisse d'Épargne et de Prévoyance Hauts de France venant aux droits de la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Nord France Europe

Banque Coopérative régie par les articles L.512-85 et suivants du code monétaire et financier, société anonyme à directoire et à conseil d'orientation et de surveillance. Ayant son siège social [adresse], représentée par Maître Francis D., avocat au barreau de Lille

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Laurent Bedouet, président de chambre, Nadia Cordier, conseiller, Agnès Fallenot, conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Audrey Cerisier

DÉBATS à l'audience publique du 30 septembre 2021 après rapport oral de l'affaire par Agnès Fallenot. Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 novembre 2021 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Laurent Bedouet, président, et Audrey Cerisier, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 1er avril 2021

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Selon une offre émise le 25 janvier 2010, la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Nord de France Europe, aux droits de laquelle vient désormais la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Hauts de France, a consenti à Monsieur X. et à son épouse, Madame Y., les deux prêts suivants, pour l'acquisition de leur résidence principale :

- un prêt à 0 % n° 76XX37 d'un montant en principal de 15.200 euros, au taux effectif global de 1,50 %, remboursable, après une période de préfinancement de 24 mois, en 96 mensualités de 166,26 euros chacune assurance comprise ;

- un prêt Primolis 3 Phases n° 76YY38 d'un montant en principal de 107.660,58 euros, au taux effectif global de 5,32 % l'an, remboursable, après une période de préfinancement de 12 mois, durant la première période d'amortissement en 96 mensualités de 543,76 euros chacune, assurance comprise, puis durant la deuxième période d'amortissement en 144 mensualités de 710,91 euros chacune, assurance comprise, et enfin durant la troisième période d'amortissement en 60 mensualités de 780,44 euros chacune, assurance comprise.

Le 2 février 2015, un avenant au prêt Primolis 3 phases a été régularisé par Monsieur et Madame X. Y., sur la base d'un capital restant dû de 104.308,73 euros, stipulé productif d'intérêts au taux effectif global de 4,356 %.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 mars 2017, Monsieur et Madame X. Y., par l'intermédiaire de leur conseil, ont fait part à la banque de leurs interrogations concernant d'éventuelles anomalies portant notamment sur le calcul du TEG du prêt Primolis 3 Phases n° 76YY38, sur la base d'un rapport établi à leur demande par Monsieur Patrick M., expert-comptable, le 28 septembre 2016.

Par lettre en date du 7 avril 2017, la banque leur a répondu qu'elle avait respecté la législation en vigueur en matière d'octroi de crédit.

Par acte d'huissier en date du 1er mars 2018, Monsieur et Madame X. Y. ont attrait la Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France devant le tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins de voir :

- CONSTATER que la société CEPHF a commis plusieurs erreurs lors de la formalisation du contrat de prêt soumis à la signature de Madame et Monsieur X. en date du 25 janvier 2010 à savoir calculé les intérêts sur la base d'une année fictive, dite lombarde, de 360 jours au lien de le faire sur la base de d'une année civile comptant 365 à 366 jours,

- DIRE ET JUGER que ces erreurs ont été de nature à altérer la transparence de l'information dispensée à Madame et Monsieur X. quant à la portée des engagements financiers qu'ils ont souscrit en apposant leur signature sur le contrat de prêt objet des débats,

En conséquence,

- AU PRINCIPAL

- PRONONCER la nullité des clauses d'intérêts conventionnels stipulés dans l'intérêt de la société CEPHF aux termes du contrat de prêt attaqué,

- ENJOINDRE à la société CEPHF de faire application du taux légal en lieu et place du taux d'intérêt conventionnel tel qu'issu du contrat de prêt attaqué,

- CONDAMNER la société CEPHF à payer à Monsieur et Madame X. la somme à parfaire suivantes correspondant aux intérêts par ce dernier ainsi trop payés jusqu'au jour des présentes, à savoir, 31.417,99 euros au titre du prêt PRIMOLIS 3 PHASES n°76YY38 d'un montant au principal de 107.660,58 €

SUBSIDIAIREMENT

- PRONONCER la déchéance des clauses d'intérêts conventionnels stipulés dans l'intérêt de la société CEPHF aux termes du contrat de prêt attaqué,

- ENJOINDRE à la société CEPHF de faire application du taux légal en lieu et place du taux d'intérêt conventionnel tel qu'issu du contrat de prêt attaqué,

- CONDAMNER la société CEPHF à payer à Monsieur et Madame X. la somme à parfaire suivantes correspondant aux intérêts par ce dernier ainsi trop payés jusqu'au jour des présentes, à savoir, 31.417,99 euros au titre du prêt PRIMOLIS 3 PHASES n°76YY38 d'un montant au principal de 107.660,58 €

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- CONSTATER que les manquements de la société CEPHF ont causé à Madame et Monsieur X. un préjudice connexe tenant à la mobilisation indue d'une partie de leurs fonds,

En conséquence,

- CONDAMNER la société CEPHF à payer à Madame et Monsieur X. la somme à parfaire de 2.500 € à titre de dommages et intérêts,

- DONNER ACTE à Monsieur et Madame X. de ce qu'ils se réservent le droit de parfaire et d'étayer les demandes qu'ils élèvent aux termes des présentes à l'occasion d'écritures ultérieures,

- CONDAMNER la société CEPHF à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 3.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- CONDAMNER la société CEPHF aux entiers dépens,

- ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir, sans caution et nonobstant appel.

En réponse, la CAISSE D'ÉPARGNE a demandé aux premiers juges de :

A titre principal,

- Déclarer Monsieur X. et Madame X. née Y. irrecevables en leurs prétentions, pour cause de prescription de leur action.

A titre subsidiaire,

- Constater la carence probatoire de Monsieur X. et Madame X. née Y.

- Par conséquent, débouter Monsieur X. et Madame X. née Y. de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.

A titre très subsidiaire,

- Constater, dire et juger que le taux effectif global affiché par la CAISSE D'ÉPARGNE NORD FRANCE EUROPE, aux droits de laquelle vient désormais la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE HAUTS DE FRANCE, dans l'offre de prêt immobilier du 25 janvier 2010 est exact.

- Juger que la Clause 30/360 est une clause fixant un rapport 30/360 servant au calcul des intérêts conventionnels, et équivalent financièrement à un calcul sur l'année civile.

- Constater, dire et juger que les intérêts conventionnels ont bien été calculés sur la base d'une année civile, conformément aux exigences fixées par la jurisprudence.

- Par conséquent, débouter Monsieur X. et Madame X. née Y. de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.

A titre infiniment subsidiaire, si par impossible le Tribunal que le taux effectif global du prêt immobilier litigieux est erroné,

- Dire et juger que l'irrégularité ou l'erreur affectant le taux effectif global ne justifie pas le prononcé d'une déchéance du droit aux intérêts conventionnels et ce, compte tenu de l'absence de justification par Monsieur X. et Madame X. née Y. d'un quelconque préjudice directement lié à ladite erreur ou irrégularité.

En tout état de cause,

- Débouter Monsieur X. et Madame X. née Y. de leur demande en paiement de dommages et intérêts complémentaires présentée à l'encontre de la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE HAUTS DE FRANCE, en l'absence de faute imputable à la banque et faute de justifier d'un quelconque préjudice.

- Condamner solidairement Monsieur X. et Madame X. née Y. à payer à la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE HAUTS DE FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE NORD FRANCE EUROPE la somme de 3.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamner in solidum Monsieur X. et Madame X. née Y. aux entiers frais et dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Maître Francis D., Avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

[*]

Par jugement rendu le 4 juin 2019, le tribunal de commerce de Lille Métropole a statué en ces termes :

- DÉCLARE Monsieur X. et Madame X. recevables en leurs prétentions, pour cause de non prescription de leur action ;

- DÉCLARE le rapport d'expertise diligenté par Monsieur X. et Madame X. inopposable à la CEPHF ;

- CONSTATE la carence probatoire de Monsieur X. et de Madame X. ;

- DÉCLARE que toutes les demandes de Monsieur X. et Madame X. relatives au calcul du TEG pour le prêt référencé 76YY38 en date du 9 février 2010 ainsi que pour son avenant en date du 2 février 2015, sont mal fondées

- DÉBOUTE Monsieur X. et Madame X. de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

- CONDAMNE solidairement Monsieur X. et Madame X. à payer à la CEPHF la somme arbitrée de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

DIT que Monsieur X. et Madame X. supporteront in solidum les frais et dépens de l'instance, taxés et liquidés à la somme de 88.94 € en ce qui concerne les frais de Greffe.

Les premiers juges ont retenu que l'action des époux X. n'était pas prescrite dans la mesure où, exerçant tous deux une activité professionnelle d'ouvriers de production, ils ne disposaient pas, en tant que consommateurs ou non professionnels, des connaissances et compétences nécessaires pour apprécier au jour de la conclusion du contrat, si la détermination du taux ou encore les modalités de calcul des intérêts périodiques, respectaient bien la réglementation applicable. Ils ont cependant considéré que le rapport d'expertise de Monsieur M. avait été diligenté de manière non contradictoire, ce qui le rendait inopposable à la banque. Dès lors, les époux X. échouaient à rapporter la preuve leur incombant du caractère erroné du TEG stipulé dans l'offre de prêt initiale puis son avenant et devaient être déboutés de toutes leurs demandes.

Par déclaration du 23 juillet 2019, les époux X. ont relevé appel de l'ensemble des chefs de cette décision à l'exception de celui les ayant déclaré recevables pour cause de non prescription.

 

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions régularisées par le RPVA le 7 avril 2020, les époux X. demandent à la cour de :

Vu l'article 1907 du code civil ;

Vu les articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation et les articles R. 313-1 et suivants du même code ;

Vu la jurisprudence applicable ;

Vu les pièces versées aux débats ;

(...)

- DECLARER recevable l'appel interjeté par Monsieur X. et Madame X. ;

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il :

- DÉCLARE Monsieur X. et Madame X. recevables en leurs prétentions, pour cause de non prescription de l'action ;

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il :

- DÉCLARE le rapport d'expertise diligenté par Monsieur X. et Madame X. inopposable à la CEPHF

- CONSTATE la carence probatoire de Monsieur X. et Madame X. ;

- DÉCLARE que toutes les demandes de Monsieur X. et Madame X. relative au calcul du TEG pour le prêt référencé 76YY38 en date du 9 février 2010 ainsi que pour son avenant en date du 2 février 2015, sont mal fondées ;

- DÉBOUTE Monsieur X. et Madame X. de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

- CONDAMNE solidairement Monsieur X. et Madame X. à payer à la CEPHF la somme arbitrée de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- DIT que Monsieur X. et Madame X. supporteront in solidum les frais et dépens de l'instance, taxés et liquidés à la somme de 88.94 € en ce qui concerne les frais de Greffe

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

A titre principal,

- DIRE ET JUGER que les demandes de Madame X. et Monsieur X. sont recevables et bien fondées ;

Sur le prêt initial

- CONSTATER que les intérêts périodiques du prêt n°76YY38 ont été calculés sur la base d'une année de 360 jours, soit sur une base autre que l'année civile ;

- DIRE ET JUGER que le taux effectif global mentionné dans l'offre de prêt en date du 25 janvier 2010, émise par la CAISSE D'ÉPARGNE, portant sur un prêt référencé 76YY38 est erroné ;

- ORDONNER la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial conclu entre la société CAISSE D'ÉPARGNE et Madame X. et Monsieur X. d'autre part ;

Sur l'avenant

- CONSTATER que les intérêts périodiques de l'avenant au prêt 76YY38 ont été calculés sur la base d'une année de 360 jours, soit sur une base autre que l'année civile ;

- DIRE ET JUGER que le taux effectif global mentionné dans l'offre d'avenant en date du 2 février 2015, émise par la CAISSE D'ÉPARGNE, portant sur un prêt référencé 76YY38 est erroné ;

- ORDONNER en conséquence la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription de l'avenant au contrat initial conclu entre la société CAISSE D'ÉPARGNE et Madame X. et Monsieur X. d'autre part ;

Sur le tout

- ENJOINDRE à la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE HAUTS DE FRANCE venant aux droits de la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE NORD FRANCE EUROPE d'établir de nouveaux tableaux d'amortissement tenant compte de la substitution du taux légal au taux conventionnel, depuis la date de souscription du prêt, des éventuels avenants, les échéances restant à courir sur le prêt jusqu'à son terme devant porter intérêts au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre ;

- CONDAMNER la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE HAUTS DE FRANCE venant aux droits de la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE NORD FRANCE EUROPE à restituer à Madame X. et Monsieur X. les sommes correspondant à l'écart entre les intérêts conventionnels versés et les intérêts légaux, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- DIRE ET JUGER que lesdites sommes devront être arrêtées et actualisées au regard des tableaux d'amortissement qui seront établis par la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE HAUTS DE FRANCE venant aux droits de la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE NORD FRANCE EUROPE, au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre, depuis la date de souscription du contrat ;

Subsidiairement, si par impossible la substitution des intérêts légaux aux intérêts conventionnels devait être écartée,

Vu l'article L. 312-33 du code de la consommation, désormais codifié à l'article L. 341-34 du même code ;

- PRONONCER la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêt 76YY38 et de son avenant souscrits auprès de la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE HAUTS DE FRANCE par Madame X. et Monsieur X. ;

En tout état de cause,

- CONDAMNER la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE HAUTS DE FRANCE venant aux droits de la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE NORD FRANCE EUROPE à payer à Madame X. et Monsieur X. la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté contractuelle ;

- CONDAMNER la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE HAUTS DE FRANCE venant aux droits de la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE NORD FRANCE EUROPE à payer à Madame X. et Monsieur X. la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- REJETER toutes demandes et prétentions contraires de la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE HAUTS DE FRANCE venant aux droits de la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE NORD FRANCE EUROPE ;

- CONDAMNER la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE HAUTS DE FRANCE venant aux droits de la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE NORD FRANCE EUROPE aux entiers dépens de première instance et d'appel »

Les époux X. Y. demandent à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a écarté la prescription de leur action, mais de l'infirmer en ce qu'elle a déclaré le rapport d'expertise de Monsieur M. inopposable à la Caisse d'épargne. Ils plaident qu'il importe peu que la banque n'ait pas été appelée aux opérations d'expertise amiable, puisqu'elle a pu formuler ses observations et produire elle-même, dans le cadre du débat judiciaire, toutes les pièces qu'elle estimait utile au soutien de ses intérêts. Selon eux, le fait que le juge ne puisse se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties doit être compris dans le sens où il ne peut donner à un rapport d'expertise extrajudiciaire le crédit que celui-ci mérite qu'à la condition de s'être emparé de son contenu et de la démonstration qu'il porte, conséquence de l'obligation qui lui est faite d'examiner, ne serait-ce que sommairement, les pièces produites. Il peut donc se fonder sur une expertise amiable mais doit confronter les constatations que celle-ci renferme aux pièces versées aux débats et à la lecture qu'en donnent les parties.

Monsieur et Madame X. Y. font valoir qu'ils ne se bornent pas à soutenir que le TEG présenté dans l'offre de prêt et son avenant était erroné. Ils soutiennent par ailleurs que l'offre renfermaient des irrégularités, à savoir :

- un défaut de la mention légale portant sur le coût total maximum du crédit, puisque le coût de la période de préfinancement n'a pas été pris en compte, ni de ce fait intégré dans le calcul du TEG ; or les intérêts intercalaires doivent nécessairement être intégrés dans le calcul du TEG et c'est vainement que la banque prétendrait qu'ils ne sont pas déterminables dès lors qu'une période maximale de préfinancement est contractuellement fixée ; c'est le montant maximal de ces frais qui doit être indiqué et pris en compte dans le calcul du TEG et dans la présentation du coût total maximum du crédit, car il en va du consentement de l'emprunteur au coût de la pleine utilisation des possibilités que lui offre le contrat ;

- une clause abusive prévoyant que les intérêts mensuels seraient calculés sur une année de 360 jours, ce qui conduit à une majoration dissimulée du montant des intérêts lors des échéances rompues.

Le tribunal n'a absolument pas répondu sur ces deux points, qui imposent pourtant, compte tenu de la nullité de la stipulation d'intérêts, la substitution des intérêts légaux aux intérêts conventionnels.

C'est en vain que la Caisse d'épargne fait valoir que l'ordonnance n° 2019-740, adoptée le 17 juillet 2019, remettrait en cause l'état du droit en insérant un article L. 341-48-1 dans le code de la consommation selon lequel, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global prévue à l'article L. 314-5, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l'emprunteur. A supposer qu'il ait vocation à être applicable à des contrats et actes établis avant sa promulgation, ce texte ne modifie en rien le pouvoir d'appréciation du juge qui peut certes tenir compte du préjudice de l'emprunteur, mais aussi de la gravité du manquement commis, du caractère intentionnel ou non de celui-ci, de sa réitération, ou plus largement d'ailleurs de tout autre critère lui paraissant pertinent.

Les époux X. Y. ajoutent que c'est en pleine conscience du caractère abusif de sa pratique que la banque a établi son offre, violant son obligation de loyauté contractuelle. Elle a ainsi commis une faute justifiant l'allocation d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Ils concluent à la recevabilité de l'action au regard de l'objet des demandes, faisant valoir que l'existence d'une sanction spéciale du manquement au formalisme informatif imposé par le code de la consommation ne saurait avoir pour effet de soustraire dans son ensemble le contrat de crédit aux dispositions plus générales du droit commun des contrats.

Ils soutiennent que leur action n'est pas prescrite, aux motifs que :

- la prescription quinquennale ne peut commencer à courir à l'encontre des consommateurs d'un crédit en cours d'exécution, conformément aux dispositions de la Directive 2008/48/CE sur les contrats de crédit aux consommateurs,

- la clause d'un prêt basant le calcul des intérêts mensuels sur une année de 360 jours et celle excluant du calcul du TEG le coût de la période de préfinancement sont des clauses abusives, et l'action qui tend à faire réputer non écrite une clause abusive n'est pas soumise à prescription,

- la déloyauté interdit de se prévaloir d'une quelconque prescription, or c'est avec un mépris particulièrement appuyé des règles de droit applicables que la Caisse d'épargne, ayant rédigé l'offre, a stipulé et pratiqué un calcul des intérêts sur une année de 360 jours.

Subsidiairement, à supposer que la prescription soit encourue, celle-ci ne serait en tout état de cause pas acquise, dans la mesure où s'agissant d'un contrat conclu au profit d'un emprunteur consommateur ou non professionnel, le point de départ de la prescription n'est pas l'acceptation du prêt mais le jour de la révélation de l'erreur à l'emprunteur. En l'espèce, le vice dont sont entachés les documents contractuels était indécelable pour un non professionnel ou consommateur. Les modalités de calcul des intérêts périodiques sont des notions réservées aux professionnels du crédit et la logique de prévalence de l'information maintenue par la Cour de cassation doit conduire à écarter toute prescription en la matière.

[*]

Par conclusions régularisées par le RPVA le 6 mai 2020, la Caisse d'épargne demande à la cour de :

- Recevoir la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE HAUTS DE FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORD FRANCE EUROPE en son appel incident, la déclarer bien fondée.

- Réformer le jugement intervenu devant le tribunal de commerce de LILLE METROPOLE en date du 4 juin 2019 uniquement en ce qu'il a déclaré Monsieur X. et Madame X. recevables en leurs prétentions, pour cause de non prescription de leur action.

ET STATUANT A NOUVEAU

Vu l'article 2224 du Code civil,

Vu l'article L. 110-4 du Code de commerce

Vu les articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du Code de la consommation,

Vu l'ancien article 1134 du Code civil dans sa rédaction applicable en la cause,

Vu les articles 1304 (ancien) et 1907 du Code civil,

Vu l'article 9 du Code de procédure civile,

Vu l'article 1315 du Code civil, devenu l'article 1353 dudit Code,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces versées aux débats,

A titre principal,

- Déclarer Monsieur X. et Madame X. née Y. irrecevables en leurs prétentions, pour cause de prescription de leur action.

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour déclarait recevables les demandes de Monsieur X. et Madame X. née Y.,

- Constater la carence probatoire de Monsieur X. et Madame X. née Y.

- Par conséquent, débouter Karim S. et Madame X. née Y. de l'intégralité de leurs prétentions, demandes, fins et conclusions.

A titre très subsidiaire,

- Constater, dire et juger que le taux effectif global affiché par la CAISSE D'ÉPARGNE NORD FRANCE EUROPE, aux droits de laquelle vient désormais la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE HAUTS DE FRANCE, dans l'offre de prêt immobilier du 25 janvier 2010 est exact et qu'il n'est affecté d'aucune irrégularité.

- Constater, dire et juger que les intérêts conventionnels ont bien été calculés sur la base d'une année civile, conformément aux exigences fixées par la jurisprudence.

- Juger que la Clause 30/360 est une clause fixant un rapport 30/360 servant au calcul des intérêts conventionnels, et équivalent financièrement à un calcul sur l'année civile.

- Par conséquent, débouter Karim S. et Madame X. née Y. de l'intégralité de leurs prétentions, demandes, fins et conclusions.

A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la Cour considérait que le taux effectif global de chacun du prêt immobilier litigieux est erroné,

- Dire et juger que l'irrégularité ou l'erreur affectant le taux effectif global ne justifie pas le prononcé d'une déchéance du droit aux intérêts conventionnels et ce, compte tenu de l'absence de justification par Monsieur X. et Madame X. née Y. d'un quelconque préjudice directement lié à ladite erreur ou irrégularité.

En tout état de cause,

- Débouter Monsieur X. et Madame X. née Y. de leur demande en paiement de dommages et intérêts complémentaires présentée à l'encontre de la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE HAUTS DE FRANCE, en l'absence de faute imputable à la banque et faute de justifier d'un quelconque préjudice.

- Condamner solidairement Monsieur X. et Madame X. née Y. à payer à la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE HAUTS DE FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE NORD FRANCE EUROPE la somme de 3.000,00 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamner in solidum Monsieur X. et Madame X. née Y. aux entiers frais et dépens, y compris ceux d'appel dont distraction au profit de Maître Francis D., Avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile. »

La Caisse d'épargne plaide que les demandes présentées par les époux X. Y. visant à voir prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts et à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts sont irrecevables car prescrites.

Elle soutient que le point de départ de la prescription quinquennale est le jour de la signature du contrat lorsque l'examen de sa teneur permet, même à un non-professionnel, de constater l'erreur, et que l'offre contient toutes les données nécessaires permettant aux emprunteurs de repérer l'erreur ou le vice susceptible d'affecter les stipulations de l'offre et le caractère erroné du taux effectif global. Elle ajoute que la révélation de l'erreur s'entend non pas de sa découverte effective, mais de l'accessibilité de l'information pour un emprunteur normalement avisé et prudent.

En l'espèce, le libellé des conditions particulières de l'offre de prêt du 25 janvier 2010 faisait clairement apparaître, par leur seule lecture, et sans qu'il soit besoin d'être un professionnel du droit ou du chiffre, la clause critiquée calculant les intérêts sur la base d'une année bancaire de 360 jours, ainsi que le défaut de prise en compte dans le calcul du TEG des intérêts intercalaires et des primes d'assurance pendant la période de préfinancement. Les époux X. Y. ne peuvent valablement se retrancher derrière leur absence de connaissance du droit ou son caractère profane. Le point de départ du délai de prescription doit donc bien être fixé au jour de l'acceptation par Monsieur et Madame X. Y. de l'offre de prêt. L'action en nullité des intérêts conventionnels se prescrivait au 9 février 2015. Les époux X. Y. n'ayant agi que par acte introductif d'instance du 1er mars 2018, par application de l'ancien article 1304 du code civil, nouveau 2224 du code civil et de l'article L. 110-4 du code de commerce, leur action est prescrite, d'autant que contrairement à leurs allégations, les demandes formulées sur le fondement des clauses abusives sont soumises à la prescription quinquennale.

Sur le fond, la Caisse d'épargne fait valoir que la clause relative au TEG n'est pas abusive au regard des dispositions de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation, devenu l'article L. 212-1 du même code, en ce que l'appréciation du caractère abusif d'une clause ne saurait porter sur l'inadéquation du prix d'un service offert, ce qui est bien le cas de la clause relative au TEG. Il s'agit d'une clause de rapport, ou d'équivalence financière, qui a pour objet de fixer les rapports à retenir pour le calcul des échéances périodiques du prêt, et ne crée aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. La recommandation n° 05-02 du 14 mai 2005 de la commission des clauses abusives, qui concerne les conventions de comptes de dépôt en application desquelles les intérêts sont calculés quotidiennement, ne saurait être appliquée aux crédits immobiliers remboursables par échéance mensuelle.

La banque soutient que le rapport de Monsieur M. lui est inopposable, puisqu'elle n'a pas été ni appelée ni représentée aux opérations d'expertise, et que sa communication en cours d'instance ne suffit pas à assurer le respect du principe du contradictoire. Elle ne pourrait donc être condamnée sur le fondement de ce rapport, seul élément apporté par les époux X. Y., sur lesquels reposent la charge de la preuve, pour démontrer caractère prétendument erroné du TEG mentionné dans le contrat de prêt litigieux.

La banque rappelle qu'un TEG n'est pas erroné lorsque l'écart entre le TEG mentionné dans le contrat de crédit et le taux réel est inférieur à la décimale (0,1) prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation, et que l'application d'une sanction nécessite un surcoût d'intérêts au détriment des emprunteurs. La simple présence de la clause 30/360 ne suffit pas à entraîner l'annulation de la stipulation d'intérêts, si elle aboutit au même résultat que l'application des règles d'ordre public définissant l'année civile pour le TEG. En présence d'une telle clause, il appartient au juge de vérifier sur quelle base annuelle a été effectivement établi le taux d'intérêt conventionnel accepté par les emprunteurs et le montant des intérêts facturés à ces derniers. Or force est de constater qu'à l'exception du rapport d'expertise inopposable à la Caisse d'épargne, les emprunteurs ne rapportent nullement la preuve d'une quelconque erreur de calcul des intérêts conventionnels qui aurait été faite par la banque, ou d'un calcul qui aurait été fait sur la base d'une année de 360 jours au titre de prêt immobilier litigieux. De la même manière, les appelants ne rapportent pas la preuve, ni même n'allèguent l'existence d'un quelconque préjudice qu'ils auraient subi en raison d'une telle erreur.

A toutes fins utiles, la banque expose que la clause critiquée n'est que le reflet de l'équivalence financière des formules utilisables pour calculer le TEG, telles que rappelées par l'annexe de l'article R313-1 du code de la consommation, applicable aux crédits immobiliers. Elle établit le rapport à retenir pour le calcul des intérêts périodiques, et il est constant que le résultat du calcul des intérêts mensuels est le même que l'on utilise le rapport 30,41666/365 ou le rapport 30/360 puisque dans les deux cas, le rapport est égal à 0,08333 (ou 1/12). Elle ne majore donc pas les intérêts conventionnels. En l'espèce, Monsieur et Madame X. Y. ont bien bénéficié d'un calcul des intérêts sur la base d'une année civile.

A titre infiniment subsidiaire, la Caisse d'épargne rappelle que l'article L. 312-33 du code de la consommation, prévoyait que la sanction « facultative » de la régularité des mentions impératives de l'offre de crédit immobilier est la déchéance du droit aux intérêts du prêteur et non la nullité de la stipulation d'intérêts. Cette déchéance, qui entraîne la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt contractuel, pouvait être réalisée 'en totalité ou dans la proportion fixée par le juge ». Cette solution a été reprise avec l'entrée en vigueur de l'article L. 341-1 du code de la consommation, issu de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d'erreur du taux effectif global, par lequel le législateur a entendu mettre fin à la sanction prétorienne de la nullité de la stipulation d'intérêts. Il a laissé aux juges la possibilité de faire une application immédiate de ces nouvelles dispositions dans le cadre d'actions en justice introduites avant la publication de l'ordonnance, si cette nouvelle sanction « présente un caractère de sévérité moindre que les sanctions actuellement en vigueur ».

Les demandes de nullité fondées sur la contestation du TEG sont donc irrecevables.

Par ailleurs, le prononcé de la déchéance du droit aux intérêts est une faculté que la loi remet à la discrétion des juges et ne doit pas être automatiquement totale, mais adaptée aux circonstances de l'espèce, notamment au regard du préjudice subi par l'emprunteur. En l'espèce, les époux X. Y. ne subissent aucun préjudice lié à la présence de la clause 30/360 dès lors que quel que soit le mode de calcul utilisé, le résultat est strictement similaire.

Sur la non-intégration de la période de préfinancement dans le calcul du TEG, la banque explique qu'en application de l'ancien article L. 313-1 du code de la consommation applicable en l'espèce (devenu L. 314-1), les frais, commissions ou rémunérations, doivent être intégrés dans l'assiette du TEG uniquement lorsqu'ils sont déterminés ou déterminables lors de la conclusion du contrat de prêt. Or les intérêts intercalaires n'étaient pas déterminables lors de l'octroi du prêt immobilier litigieux dès lors que la période de préfinancement est une période maximale non arrêtée définitivement. Les intérêts sont calculés à l'issue de la période, au regard des montants réellement débloqués à la demande des emprunteurs, mais ne peuvent pas être intégrés au calcul du TEG présent dans l'offre de prêt, ce que celle-ci indique expressément.

En tout état de cause, l'intégration des intérêts et frais liés à la période de préfinancement dans l'assiette du TEG ne pourrait conduire qu'à une minoration du TEG. En effet, l'intégration d'une période de préfinancement dans le TEG aurait nécessairement conduit à l'affichage d'un TEG inférieur à celui indiqué par la Caisse d'épargne dans l'offre de prêts immobiliers soumise à l'acceptation des époux X. Y. et ce, en raison de l'allongement de la durée de remboursement afférente.

Enfin, la banque souligne le caractère infondé de la demande en paiement de dommages et intérêts complémentaires, faute pour les appelants de rapporter la preuve non seulement d'une faute mais également d'un préjudice certain né directement de cette faute.

[*]

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 1er avril 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

S'agissant de la loi applicable aux relations contractuelles unissant les parties, l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations prévoit, au titre des dispositions transitoires, qu'elle entre en vigueur au 1er octobre 2016, les contrats conclus avant cette date demeurant soumis à la loi ancienne.

 

Sur la prescription de l'action des époux X. Y. :

Les époux X. Y. soutiennent que le TEG indiqué dans l'offre de prêt Primolis 3 phases et son avenant est erroné. Ils reprochent à la banque les irrégularités suivantes affectant l'offre de prêt :

- un défaut de la mention légale portant sur le coût total maximum du crédit, puisque le coût de la période de préfinancement n'a pas été pris en compte, ni de ce fait intégré dans le calcul du TEG ;

- une clause abusive prévoyant que les intérêts mensuels seraient calculés sur une année de 360 jours.

L'action en nullité de la stipulation d'intérêts se prescrit par cinq ans, en application de l'article 1304 ancien du code civil.

L'action en déchéance du droit aux intérêts est soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008.

En cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou non-professionnel, le point de départ de la prescription de l'action en nullité ou en déchéance du droit aux intérêts conventionnels en raison d'une erreur affectant le taux effectif global ou les mentions de l'offre de prêt court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur ; il se situe donc à la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou à défaut, à la date à laquelle l'emprunteur normalement avisé et prudent a été en mesure de la déceler.

Cette solution, dans la mesure où elle ne fait aucunement courir systématiquement le point de départ de la prescription au jour de la signature des documents contractuels, ne contrevient pas au principe d'effectivité des sanctions applicables en cas de méconnaissance de ses obligations par le banquier dispensateur du crédit prévu par le droit européen, lequel n'interdit nullement que la prescription puisse être opposée à l'emprunteur pendant toute l'exécution du contrat contrairement à ce que prétendent les époux X. Y..

Par ailleurs, il s'impose de constater que le caractère abusif de la clause de calcul des intérêts, à le supposer établi, n'est soulevé qu'à titre de moyen par les appelants, et que la cour n'est pas saisie d'une action tendant à la voir déclarer non-écrite. La question de la prescription d'une telle action est donc sans objet.

Enfin, c'est sans aucun fondement en droit que les époux X. Y. prétendent que la déloyauté de la banque, à la supposer démontrée, lui interdirait de se prévaloir de la prescription.

En l'espèce, il s'impose de constater que l'offre de prêt du 25 janvier 2010 indique sans ambiguïté que :

- durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital dû, au taux d'intérêt indiqué, sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours ;

- le coût total du crédit et le taux effectif global ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d'assurance et le cas échéant des primes d'assurances de la phase de préfinancement.

Les époux X. Y., qui ne justifient par aucune pièce de leur niveau d'étude et compétences professionnelles, pouvaient en tout état de cause, à la seule lecture du contrat, comprendre que le calcul des intérêts s'effectuerait sur la base d'une année bancaire de 360 jours et que les intérêts et frais intercalaires n'étaient pas pris en compte dans le calcul du coût total du crédit et du taux effectif global, et, le cas échéant, procéder à toute vérification qui leur semblait nécessaire.

Le point de départ du délai de prescription doit donc être fixé à la date du contrat.

Les parties s'accordent sur une acceptation le 9 février 2010, aucun exemplaire signé de l'offre de prêt émise n'ayant été produite aux débats devant la cour.

Les époux X. Y. avaient donc jusqu'au 9 février 2015 pour agir.

Leur action, introduite le 1er mars 2018, doit être déclarée irrecevable.

La décision entreprise sera réformée en ce sens.

 

Sur les dépens :

Aux termes des articles 696 et 699 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

L'issue du litige justifie de condamner solidairement les époux X. Y. aux dépens d'appel et de première instance, la décision entreprise devant être réformée en ce qu'elle a prononcé leur condamnation in solidum.

En conséquence, il convient d'accorder à Maître D. le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision.

 

Sur les frais irrépétibles :

Aux termes de l'article 700 du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a condamné les époux X. Y. à payer à la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Hauts de France la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux X. Y. seront en outre condamnés solidairement à verser à la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Hauts de France la somme de 1.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, et déboutés de leur propre demande de ce chef.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

- Confirme le jugement rendu le 4 juin 2019 par le tribunal de commerce de Lille Métropole en ce qu'il a :

- Condamné solidairement Monsieur X. et Madame Y. épouse X. à payer à la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Hauts de France la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- L'infirme pour le surplus,

- Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Dit que l'action est prescrite, et en conséquence, la déclare irrecevable ;

- Condamne solidairement Monsieur X. et Madame Y. épouse X. à payer à la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Hauts de France la somme de 1.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

- Déboute Monsieur X. et Madame Y. épouse X. de leur propre demande au titre de leurs frais irrépétibles ;

- Condamne solidairement Monsieur X. et Madame Y. épouse X. aux dépens de première instance et d'appel ;

- Accorde à Maître D. le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Le greffier                                         Le président

Audrey Cerisier                               Laurent Bedouet