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CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 9 décembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 9 décembre 2021
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 20/03088
Date : 9/12/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 10/02/2020
Référence bibliographique : 5721 (L. 212-1, obligation de relever d’office), 5716 (crédit à la consommation, obligation de relever d’office), 5725 (R. 632-1, relevé d’office, prescription)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9302

CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 9 décembre 2021 : RG n° 20/03088 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Par ailleurs, au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui a porté ratification de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil. Il a été dit pour droit par la Cour de justice de l'Union européenne que les articles 8 et 23 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à une juridiction nationale d'examiner d'office l'existence d'une violation de l'obligation précontractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur, prévue à l'article 8 de cette directive et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d'une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences dudit article 23.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 312-28 et L. 312-29 et la société Sogefinancement est mal fondée à invoquer la prescription du moyen discuté. »

2/ « Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et d'établir qu'il a satisfait aux formalités d'ordre public prescrites par le code de la consommation. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9-A

ARRÊT DU 9 DÉCEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/03088 (5 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CBPCI. Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 septembre 2019 - Tribunal d'Instance de LONGJUMEAU - RG n° 11-19-001992.

 

APPELANTE :

La société SOGEFINANCEMENT

société par actions simplifiée, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège N° SIRET XXX [...], [...], [...], représentée et assistée de Maître Sébastien M. X. de la SELARL C. & M.-G., avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], [...], [...], DÉFAILLANT

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT : - DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant offre préalable acceptée le 1er août 2013, la société Sogefinancement a consenti à M. X. un crédit Compact d'un montant de 33.000 euros remboursable en 84 mensualités de 525,99 euros incluant l'assurance et les intérêts au taux nominal annuel de 7,40 %.

Par avenant signé le 24 décembre 2015, le solde dû a été réaménagé en réduisant les mensualités de remboursement à la somme de 350 euros assurance comprise à compter du 20 février 2016.

Suite à des impayés, la déchéance du terme a été prononcée le 2 mars 2018.

Saisi le 14 mai 2019 par la société Sogefinancement d'une demande tendant principalement au paiement d'une somme de 25.493,43 euros, le tribunal d'instance de Longjumeau par une décision réputée contradictoire rendue le 19 septembre 2019, à laquelle il convient de se référer, a :

- déclaré société Sogefinancement est recevable en ses demandes ;

- déchu la société Sogefinancement de son droit aux intérêts ;

- condamné M. X. à payer à la société Sogefinancement la somme de 13.078,27 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2018 au titre du contrat de crédit.

Le tribunal après avoir contrôlé la recevabilité de l'action en paiement a principalement retenu au visa de l'article L. 312-29 du code de la consommation que cette dernière n'avait pas remis de notice d'assurance satisfaisante à l'emprunteur.

[*]

Par une déclaration d'appel en date du 10 février 2020, la société Sogefinancement a relevé appel de la décision.

Aux termes de ses conclusions remises le 11 mai 2020, elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a déclaré recevable en sa demande,

- de condamner M. X. à lui payer la somme de 24.993,43 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 7,40 % l'an à compter du 9 juin 2018 sur la somme de 22.701,46 euros,

- à titre subsidiaire, en cas de déchéance du droit aux intérêts, de le condamner à lui payer la somme de 13.609,82 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2018, date de la mise en demeure,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts,

- de condamner M. X. à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante soutient au visa de l'article L. 110-4 du code de commerce que le moyen soulevé par le juge de première instance selon lequel elle serait déchue de son droit aux intérêts est irrecevable car prescrit.

En outre, elle soutient au visa de l'article L. 311-19 du code de la consommation et de l'article 1134 du code civil que la clause contenue dans l'offre préalable de crédit selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir reçu une notice d'assurance est valable et ne peut être remise en cause que si l'emprunteur apporte la preuve contraire.

[*]

La déclaration d'appel ainsi que les conclusions d'appel ont été régulièrement signifiées à l'intimé le 14 mai 2021 conformément aux dispositions 656 et 658 du code de procédure civile. L'intimé n'a pas constitué avocat.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation résultant de la loi n° 2010-737 promulguée le 1er juillet 2010 qui transcrit en droit interne les dispositions de la Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 (désormais articles L. 312-1 et suivants du même code).

Vérifiée par le premier juge, la recevabilité de l'action en paiement du prêteur n'est pas contestée.

 

Sur la recevabilité du moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts :

En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Par ailleurs, au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui a porté ratification de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil. Il a été dit pour droit par la Cour de justice de l'Union européenne que les articles 8 et 23 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à une juridiction nationale d'examiner d'office l'existence d'une violation de l'obligation précontractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur, prévue à l'article 8 de cette directive et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d'une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences dudit article 23.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 312-28 et L. 312-29 et la société Sogefinancement est mal fondée à invoquer la prescription du moyen discuté.

 

Sur le bien-fondé de la déchéance du droit aux intérêts :

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et d'établir qu'il a satisfait aux formalités d'ordre public prescrites par le code de la consommation.

En application de l'article L. 311-19 devenu L. 312-29 du code de la consommation, lorsque l'offre de contrat de crédit est assortie d'une proposition d'assurance, une notice doit être remise à l'emprunteur, qui comporte les extraits des conditions générales de l'assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l'assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus. Si l'assurance est exigée par le prêteur pour obtenir le financement, la fiche d'informations mentionnée à l'article L. 311-6 et l'offre de contrat de crédit rappellent que l'emprunteur peut souscrire une assurance équivalente auprès de l'assureur de son choix. Si l'assurance est facultative, l'offre de contrat de crédit rappelle les modalités suivant lesquelles l'emprunteur peut ne pas y adhérer.

Il ressort de l'offre de prêt signée que M. X. a reconnu avoir pris connaissance de la notice d'information relative à l'assurance facultative et la société Sogefinancement produit cette notice aux débats, ce qui permet de vérifier le contenu du document effectivement remis à l'emprunteur et de considérer que cette obligation a été remplie.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le prêteur justifie du respect des prescriptions légales.

Aucune déchéance du droit aux intérêts n'est donc encourue par le prêteur et le jugement est en conséquence infirmé.

 

Sur le montant de la créance :

À l'appui de sa demande en paiement, la société Sogefinancement verse aux débats le contrat de crédit, l'avenant de réaménagement, la fiche dialogue, la fiche d'informations précontractuelles, le justificatif de la consultation du FICP, le tableau d'amortissement, l'historique du compte, le décompte de créance, les lettres de mise en demeure du 7 février 2018 et du 8 juin 2018.

Au vu de ces pièces, la créance de la société Sogefinancement s'établit comme suit :

- 8 mensualités échues impayées : 2.800 euros

- capital restant dû : 20.401,46 euros

- intérêts de retard : 530,47 euros

- règlement : - 500 euros

soit une somme de 23.231,93 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 7,40 % sur la somme de 22.701,46 euros à compter du 9 juin 2018, date de la mise en demeure.

Il est également réclamé une somme de 1.761,50 euros au titre de la clause pénale contractuelle de 8 % qui est conforme aux articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation. Néanmoins, il apparaît que la banque est partiellement mal fondée en sa demande dans la mesure où elle a déjà capitalisé une clause pénale lors de l'avenant de réaménagement du contrat et qu'elle a de surcroît utilisé une assiette inexacte pour sa fixation. Il convient d'y faire droit dans la seule limite de 200 euros qui portera intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2018.

Enfin, il n'y a pas lieu à capitalisation des intérêts au regard de l'article L. 311-30 du code de la consommation dans sa version applicable au contrat qui limite strictement les sommes dues par l'emprunteur défaillant.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut mis à disposition au greffe,

- Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré l'action recevable, l'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

- Dit n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts ;

- Condamne M. X. à payer à la société Sogefinancement la somme de 23.431,93 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 7,40 % sur la somme de 22.701,46 euros à compter du 9 juin 2018 ;

- Rejette toute autre demande ;

Y ajoutant,

- Condamne M. X. aux entiers dépens ;

- Condamne M. X. à payer à la société Sogefinancement la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière                           La présidente