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CA VERSAILLES (16e ch.), 6 janvier 2022

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (16e ch.), 6 janvier 2022
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 16e ch.
Demande : 21/02340
Date : 6/01/2022
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 9/04/2021
Référence bibliographique : 5984 (preuve du déséquilibre), 6003 (clause compréhensible), 5853 (consommateur caution),6092 (intelligibilité du contrat)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9341

CA VERSAILLES (16e ch.), 6 janvier 2022 : RG n° 21/02340 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Mme X., qui admet ainsi implicitement, en se contredisant elle-même, que la majoration des intérêts appliquée par le créancier résulte de l'application du contrat de prêt, considère que la rédaction de l'article 15 susvisé est particulièrement illisible, le taux n'étant pas renseigné en chiffres mais uniquement en lettres contrairement à l'ensemble des autres informations chiffrées du contrat, et qu'en conséquence il s'agit d'une clause abusive, dont il ne saurait être fait application. Elle ne précise pas toutefois en quoi le fait d'indiquer en lettres et non en chiffres le montant d'une majoration d'intérêts dans un contrat de prêt conclu entre une banque et une société commerciale crée au détriment du consommateur, ou du non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

SEIZIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 6 JANVIER 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/02340. N° Portalis DBV3-V-B7F-UN3I. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 mars 2021 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE : RG n° 17/08174.

LE SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT DEUX, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTE :

Madame X.

Née le [date] à [ville], de nationalité Française, [...], [...], Représentant : Maître Marie T. de la SELARL TIM AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 32

 

INTIMÉE :

SAS FONDS COMMUN DE TRITRISATION CEDRUS

Ayant pour société de gestion la société EQUITIS GESTION, SAS, immatriculée au RCS de Paris sous le n° BXXX, dont le siège social est à [...], représenté par la société MCS ET ASSOCIES, SAS immatriculée au RCS de Paris sous le n° B YYY, ayant son siège social à [...], venant aux droits de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, N° Siret : ZZZ (RCS de Paris), [...], [...], Représentant : Maître Frédérique L. de la SCP B.L.S.T., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 709

 

INTIMÉE DÉFAILLANTE :

Madame Y.

[...], [...], INTIMÉE DÉFAILLANTE

 

Ordonnance de caducité partielle en date du 19 octobre 2021

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 novembre 2021 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Fabienne PAGES, Président, Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller, Madame Florence MICHON, Conseiller.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant acte sous seing privé du 30 juin 2008, la Société Générale a consenti à la société D&D Restauration, constituée entre Mme X., gérante, Mme Y., et la société Quadra Innovations représentée par M. Z., un prêt d'investissement n° XXX d'un montant de 200.000 euros, remboursable après une période de différé d'amortissement de 4 mois, par 80 mensualités, au taux de 4,82 % et décaissé pour la somme de 179.814,44 euros.

En garantie du remboursement dudit prêt, par actes séparés du 30 juin 2008, Mme X. et Mme Y. se sont portées cautions solidaires, chacune, pour une durée de 9 ans au profit de la Société Générale, à concurrence de la somme de 110.500 euros. Par acte séparé du 18 juillet 2008, M. Z. s'est porté caution solidaire pour une durée de 9 ans au titre de ce prêt au profit de la Société Générale, à concurrence de 39.000 euros.

Suivant acte sous seing privé du 3 mars 2009, la Société Générale a consenti à la société D&D Restauration un second prêt d'investissement n°YYY d'un montant de 52.000 euros, remboursable, après une période de différé d'amortissement de 3 mois, en 81 mensualités de 770,69 euros, au taux de 5,53 % l'an, hors frais et assurance.

En garantie du remboursement dudit prêt, par actes séparés du 25 février 2009, Mme X. et Mme Y. se sont portées cautions solidaires, chacune, pour une durée de 9 ans, à concurrence de la somme de 67.600 euros.

Par jugement du 27 juillet 2010, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société D&D Restauration.

La Société Générale a déclaré ses créances à hauteur de 164.141,85 euros, représentant les sommes échues et à échoir au titre du premier prêt de 179.814,44 euros, et à hauteur de 54.339,57 euros représentant les sommes échues et à échoir au titre du second prêt de 52.000 euros.

Par jugement du 7 juillet 2011, le tribunal de commerce de Nanterre a arrêté un plan de cession au profit de plusieurs cessionnaires auxquels seraient substitués une société nouvelle, puis par jugement en date du 24 août 2011, il a prononcé la liquidation judiciaire de la société D&D Restauration.

Par actes d'huissier délivrés les 28 juillet 2017, 8 août 2017 et 11 août 2017, la Société Générale, après avoir vainement mis en demeure les cautions de s'acquitter de leurs obligations, a fait assigner Mme Y., Mme X. et M. Z. devant le tribunal judiciaire de Nanterre en paiement en leur qualité de caution.

Par acte sous seing privé du 29 novembre 2019, la Société Générale a cédé sa créance au fonds commun de titrisation Cedrus ayant pour société de gestion la SAS Equitis gestion.

Un désistement d'instance et d'action est intervenu à l'égard de M. Z.

Par jugement contradictoire rendu le 12 mars 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- reçu l'intervention volontaire du fonds commun de titrisation Cedrus ayant pour société de gestion la SAS Equitis gestion et représenté par la société MCS et associés ;

- prononcé la nullité de l'acte de cautionnement du 30 juin 2008 désignant au premier paragraphe Mme X. en qualité de caution à hauteur de 110.500 euros et relatif au prêt n°XXX d'un montant de 200.000 euros ;

- débouté le fonds commun de titrisation Cedrus ayant pour société de gestion la SAS Equitis gestion et représenté par la société MCS et associés de ses demandes formées contre Mme Y. ;

- condamné Mme X. à payer au fonds commun de titrisation Cedrus ayant pour société de gestion la SAS Equitis gestion et représenté par la société MCS et associés la somme de 37.297,99 avec intérêts au taux contractuel majoré de 9,53% à compter du 8 août 2017dans la limite de 67 600 euros en sa qualité de caution de la société D&D Restauration ;

- dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice, soit le 8 août 2017, produiront eux-mêmes des intérêts à compter du 8 août 2018 ;

- condamné Mme X. à payer au fonds commun de titrisation Cedrus ayant pour société de gestion la SAS Equitis gestion et représenté par la société MCS et associés une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- prononcé l'exécution provisoire de [sa] décision ;

- condamné Mme X. aux dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP BLST sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes autres demandes.

Le 9 avril 2021, Mme X. a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance rendue le 19 octobre 2021, le conseiller chargé de la mise en état a prononcé la caducité partielle de la déclaration d'appel à l'égard de Mme Y.

Par ordonnance rendue le 9 novembre 2021, il a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 18 novembre 2021.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 11 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme X., appelante, demande à la cour de :

- prononcer la nullité de l'acte de cautionnement du 25 février 2009 ;

- dire que les échéances impayées du prêt sont nées postérieurement au jugement de cession du 7 juillet 2011 et du (sic) contrat de cession d'entreprise du 16 mars 2012 qui a pris effet rétroactivement au 1er juillet 2011 à 00h00 ;

- en conséquence, infirmer le jugement rendu 12 mars 2021 par la 6ème chambre du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il l'a condamnée à payer au fonds commun de titrisation Cedrus ayant pour société de gestion la SAS Equitis gestion et représenté par la société MCS et associés la somme de 37.297,99 euros, avec intérêts au taux contractuel majoré de 9,53 % à compter du 8 août 2017 dans la limite de 67.600 euros en sa qualité de caution de la société D&D Restauration ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice, soit le 8 août 2017, produiront eux-mêmes intérêts ;

- débouter le fonds commun de titrisation Cedrus de son appel incident ;

Subsidiairement,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté le fonds commun de titrisation Cedrus de ses demandes à l'encontre de Mme Y. ;

en conséquence, statuant à nouveau, réduire de 50 % le montant en principal dû par Mme X. ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de délais de paiement et statuant à nouveau, lui accorder les plus larges délais ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'acte de cautionnement du 30 juin 2008 et pour le surplus ;

- condamner le fonds Cedrus à lui payer la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 9 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, le fonds commun de titrisation Cedrus, ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, représenté par son recouvreur la société MCS et Associés, intimé, demande à la cour de :

- déclarer Mme X. mal fondée en ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement rendu le 12 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre, en ce qu'il a condamné Mme X. à lui payer la somme de 37.297,99 euros, avec intérêts au taux contractuel majoré de 9,53 % dans la limite de 67.600 euros en sa qualité de caution de la société D&D Restauration ;

- infirmer le jugement rendu le 12 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il a fait courir les intérêts au taux contractuel majorée de 9,53 % l'an à compter du 8 août 2017 ;

Statuant à nouveau sur ce point,

- faire courir les intérêts au taux contractuel majoré de 9,53 % l'an à compter du 7 juin 2016, date de la mise en demeure ;

- en conséquence, condamner Mme X. à lui payer la somme de 37.297,99 euros, avec intérêts au taux contractuel majoré de 9,53 % l'an à compter du 7 juin 2016, dans la limite de 67.600 euros en sa qualité de caution de la société D&D Restauration ;

- condamner Mme X. à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner la capitalisation des intérêts qui seront échus depuis plus d'un an par application de l'article 1154 du code civil ;

- condamner Mme X. aux entiers dépens, dont distraction au profit de Frédérique L., avocat associé de la SCP BLST, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 6 janvier 2022.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La nullité de l'acte de cautionnement du 30 juin 2008 n'est pas contestée par le fonds intimé, de sorte que seul demeure en litige le cautionnement consenti le 25 février 2009 par Mme X. en garantie du prêt de 52.000 euros souscrit par la société D&D Restauration.

 

Sur la nullité de l'acte de cautionnement du 25 février 2009 :

Mme X. invoque la nullité de l'acte de cautionnement du 25 février 2009, au motif qu'il a été conclu une semaine avant l'émission de l'offre de prêt, et qu'elle n'a pas pu dans ces conditions contracter un engagement de caution éclairé, en connaissance de l'étendue de son engagement. Si le tribunal a considéré que l'objet de l'obligation était déterminable et que la caution était en mesure de comprendre la nature et l'étendue du risque garanti, dans la mesure où les éléments essentiels du prêt étaient détaillés dans l'acte de caution, cette décision est parfaitement contestable, selon elle, dans la mesure où les caractéristiques du prêt n'étaient pas toutes mentionnées dans l'acte de cautionnement : notamment, le coût de l'assurance n'était pas indiqué, le montant des échéances mensuelles n'était donc pas déterminables, et en outre, les intérêts majorés en cas de défaillance n'étaient pas renseignés. Également, le prêt garanti a une durée de 7 années, alors que la durée de l'engagement de caution a été fixée à 9 années, soit pour une durée supérieure à celle du prêt garanti.

Le fonds commun de titrisation Cedrus rétorque qu'il est tout à fait possible de souscrire un engagement de caution pour garantir un emprunt qui serait ultérieurement consenti par la banque, dès lors que la dette future est déterminable au moment de la conclusion de l'acte, c'est à dire que l'étendue de la garantie est chiffrable, et que tel est le cas en l'espèce, l'obligation garantie par l'acte de caution y étant précisément définie et le contrat de prêt conclu le 3 mars 2009 étant conforme en tous points à ce qui est mentionné dans l'engagement de caution. Au surplus, il estime que l'appelante ne peut légitimement prétendre qu'elle n'a pas contracté en toute connaissance de cause, dès lors qu'elle a elle-même souscrit le prêt en sa qualité de gérante de la société D&D Restauration.

En vertu de l'article 2292 du code civil, le cautionnement doit être exprès et ne saurait être présumé.

La caution devant connaître l'étendue du risque qu'elle assume, l'indétermination de l'obligation garantie par le cautionnement affecte la validité de ce dernier.

L'acte de cautionnement signé par l'appelante le 25 février 2009 indique, comme l'a justement relevé le premier juge, le montant du prêt, à savoir 52 000 euros, sa durée, à savoir 7 années dont 3 mois de différé d'amortissement, le taux des intérêts hors assurance et frais, à savoir un taux fixe de 5,53 % l'an, et l'existence d'une indemnisation de résiliation anticipée de 6 mois d'intérêts, calculés sur le montant du capital restant dû.

Par ailleurs, ainsi qu'il résulte des pièces versées aux débats, l'offre de prêt, si elle a été acceptée le 3 mars 2009 par Mme X. en sa qualité de gérante de la société D&D Restauration, a été émise le 16 février 2009, soit avant l'engagement de la caution, et mentionne, notamment, le taux de cotisation d'assurance (0,39% l'an), le montant des frais de dossier, le taux effectif global, ressortant à 6,65 % l'an.

Le montant de la mensualité correspondant à l'obligation de l'emprunteur et non de la caution, sa méconnaissance par la caution à la date de son engagement est sans incidence.

L'engagement de Mme X. étant expressément limité à la somme de 67.600 euros, et à une durée de 9 ans, il ne peut être utilement prétendu que l'objet de la garantie consentie ne serait pas déterminable.

Enfin, le fait que la durée de l'engagement de la caution soit supérieure à la durée du prêt est sans incidence sur la validité de l'engagement de la caution.

Il n'y a pas lieu en conséquence de prononcer la nullité de l'acte de cautionnement querellé.

 

Sur la limitation de l'engagement de caution à la période antérieure à la cession :

L'appelante soutient que son engagement de caution a pris fin au 1er juillet 2011, date d'effet de la cession judiciaire de la société D&D Restauration, en application de l'article L. 642-12 alinéa 4 du code de commerce. Le cessionnaire ayant repris la charge des échéances des prêts accordés par la Société Générale, elle demeure en sa qualité de caution tenue des échéances impayées antérieurement à l'adoption judiciaire du plan de cession, mais, n'ayant pas consenti à garantir les dettes reprises par les repreneurs, est libérée pour les échéances ultérieures, qui s'analysent en des créances nouvelles, nées du chef du repreneur depuis la cession.

La société intimée objecte que l'engagement pris par le cessionnaire de payer, après arrêté du plan de cession de l'emprunteur, les mensualités à échoir de ce prêt, ne vaut pas, sauf accord exprès du prêteur, novation par substitution de débiteur, de sorte que la caution solidaire des engagements de l'emprunteur demeure tenue de garantir l'exécution de ce prêt. De même, si le cessionnaire de l'entreprise est tenu, en application de l'article L. 642-12 alinéa 4 du code de commerce, de payer les échéances de remboursement du prêt qui sont postérieures à la cession du bien financé, la caution de l'emprunteur demeure tenue, dans les mêmes conditions que celui-ci, de rembourser, sous déduction des sommes versées par le cessionnaire, l'intégralité de l'emprunt, y compris les échéances exigibles après l'ouverture de la procédure collective.

Le prêt n° YYY était destiné à financer l'acquisition de matériel de production à usage professionnel, et de travaux afférents au local professionnel.

Outre par les cautionnements de Mme X. et de Mme Y., il était garanti par un nantissement du fonds de commerce en deuxième rang, pour 52.000 euros en principal.

Dans son jugement en date du 7 juillet 2011, le tribunal de commerce a ordonné le transfert de ce contrat de prêt objet d'un nantissement sur le fonds de commerce cédé, conformément aux dispositions de l'article L. 642-12 du code de commerce, et le cessionnaire a repris, notamment, la charge résiduelle des échéances à échoir de ce prêt n° YYY consenti par la Société Générale.

Si le cessionnaire de l'entreprise est tenu, en application de l'article L. 642-12 susvisé, de payer les échéances de remboursement du prêt qui sont postérieures à la cession du bien financé, la caution de l'emprunteur demeure tenue, dans les mêmes conditions que celui-ci, de rembourser, sous déduction des sommes versées par le cessionnaire, l'intégralité de l'emprunt, y compris les échéances exigibles après l'ouverture de la procédure collective.

Mme X. est en conséquence mal fondée à se prétendre libérée de son engagement de caution en application de l'article L. 642-12 du code de commerce, au motif notamment qu'elle n'aurait pas garanti les obligations du cessionnaire.

Elle est tout autant mal fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 2314 du code civil, faute de démontrer que les conditions d'application de ce texte, qui suppose une faute du créancier, seraient réunies. C'est vainement en particulier qu'elle prétend que le fonds Cedrus ne justifie pas avoir déclaré sa créance à titre échu dans la procédure, alors que la preuve est rapportée que la Société Générale a déclaré ses créances pour les sommes échues et à échoir au titre des deux prêts qu'elle avait consentis à la société D&D Restauration.

Elle n'est pas plus fondée à invoquer les dispositions de l'article 2292 du code civil pour se prétendre libérée de son engagement au motif qu'elle n'a pas garanti les obligations du cessionnaire, alors que l'engagement pris par le cessionnaire de payer, après arrêté du plan de cession de l'emprunteur, les mensualités à échoir de ce prêt ne vaut pas, sauf accord exprès du prêteur, novation par substitution de débiteur, de sorte que la caution solidaire des engagements de l'emprunteur demeure tenue de garantir l'exécution de ce prêt.

 

Sur le quantum de la condamnation :

Quant au principal de la dette :

Mme X. estime qu'elle n'a pas à prendre en charge l'intégralité du solde dû au titre du prêt garanti, alors que ce prêt était garanti par deux cautionnements, et que c'est sans motif valable que le premier juge a débouté le fonds Cedrus de ses demandes à l'encontre de Mme Y. Elle fait valoir qu'elle n'a pas renoncé au bénéfice de division, et qu'il convient en conséquence de réduire de moitié le montant de la condamnation en principal prononcée à son encontre.

La société intimée objecte que Mme X. s'est obligée solidairement avec la société D&D Restauration, et s'est engagée à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement D&D Restauration, dans un acte distinct de celui par lequel s'est engagée Mme Y., que dès lors que plusieurs personnes se sont portées caution de la même dette, même si aucune solidarité n'a été stipulée entre elles, le créancier peut, en l'absence de convention contraire, réclamer toute la dette à chacun des cofidéjusseurs, et qu'en outre, il a été jugé par la Cour de cassation que la stipulation de solidarité emportait renonciation au bénéfice de division même si chaque caution s'était engagée par acte distinct.

Il convient à titre liminaire de rappeler que l'appel de Mme X. à l'égard de Mme Y. est caduc.

Lorsque plusieurs personnes se sont portées cautions solidaires d'un même débiteur pour une même dette, elles ne peuvent, sauf convention contraire, dont l'existence n'est en l'espèce pas alléguée, opposer au créancier le bénéfice de division.

Mme X. est en conséquence obligée à toute la dette, dans la limite de son engagement, et n'est pas fondée à obtenir une réduction du montant de sa condamnation en qualité de caution au motif que Mme Y. se serait, de son côté, également portée caution solidaire, la solidarité n'étant consentie qu'au profit de la banque, et non pas dans les relations des cautions entre elles.

 

Quant aux intérêts :

Mme X. conteste l'application d'un taux d'intérêt de 9,53%, ainsi que la capitalisation de ceux-ci, prononcée par le premier juge, considérant que ni l'application d'un taux contractuel majoré, ni la capitalisation des intérêts ne sont fondées sur une quelconque pièce. Par ailleurs, elle s'oppose à la fixation du point de départ des intérêts à la date du 7 juin 2016 au lieu du 8 août 2017 demandée par le fonds Cedrus, soutenant que celui-ci ne démontre pas que la lettre recommandée du 7 juin 2016 a bien été remise à son destinataire.

Le fonds commun de titrisation Cedrus fait valoir que la majoration de 4 % du taux d'intérêt de 5,53 % est prévue par le contrat de prêt, en son article 15, comme l'a retenu le premier juge, et que la capitalisation est de droit lorsqu'elle est sollicitée, en vertu de l'article 1343-2 du code civil. Il sollicite en revanche l'infirmation du jugement en ce qu'il n'a fait courir les intérêts majorés qu'à compter du 8 août 2017, date de l'assignation, et non du 7 juin 2016, au motif que la lettre de mise en demeure est revenue « destinataire inconnu à cette adresse », dès lors que cette lettre a été envoyée à l'adresse mentionnée par Mme X. dans son engagement de caution, et qu'il n'est pas démontrée que celle-ci aurait avisé la banque d'un changement d'adresse.

L'article 15 du contrat de prêt conclu entre la Société Générale et la société D&D Restauration intitulé « intérêts de retard », énonce que « Toute somme due au titre du prêt, y compris le solde de résiliation, portera intérêts de plein droit à compter de sa date d'exigibilité normale ou anticipée (incluse) et jusqu'à sa date effective de paiement ( exclue) au taux d'intérêt annuel stipulé à l'article « taux d'intérêt du prêt » [soit 5,53% l'an hors frais et assurance] majoré d'une marge de quatre pour cent l'an, sans qu'il soit besoin pour la banque de procéder à une quelconque mise en demeure préalable. (...). Les intérêts de retard seront capitalisés au même taux, s'ils sont dûs pour une année entière, conformément à l'article 1154 du code civil ».

Mme X. s'est portée caution, aux termes de l'acte signé le 25 février 2009, du paiement « du principal, des intérêts, et, le cas échéant, des pénalités et intérêts de retard ».

Mme X., qui admet ainsi implicitement, en se contredisant elle-même, que la majoration des intérêts appliquée par le créancier résulte de l'application du contrat de prêt, considère que la rédaction de l'article 15 susvisé est particulièrement illisible, le taux n'étant pas renseigné en chiffres mais uniquement en lettres contrairement à l'ensemble des autres informations chiffrées du contrat, et qu'en conséquence il s'agit d'une clause abusive, dont il ne saurait être fait application. Elle ne précise pas toutefois en quoi le fait d'indiquer en lettres et non en chiffres le montant d'une majoration d'intérêts dans un contrat de prêt conclu entre une banque et une société commerciale crée au détriment du consommateur, ou du non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

C'est en conséquence à juste titre que le premier juge a retenu l'application d'un taux d'intérêts majoré, et ordonné la capitalisation des intérêts.

C'est à tort en revanche, au vu des stipulations contractuelles ci-dessus rappelées, qu'il a fixé le point de départ des intérêts à la date de l'assignation, et il y a lieu en conséquence de dire, conformément à la demande de l'intimée, appelante incidente sur ce point, qu'ils courront à compter du 7 juin 2016. Les intérêts seront capitalisés, dès lors qu'ils seront dûs pour une année entière, mais dans la limite de l'engagement de caution de Mme X.

 

Sur la demande de délais de paiement :

L'appelante sollicite l'octroi des plus larges délais de paiement pour s'acquitter des sommes mises à sa charge, compte tenu de sa situation financière.

Le fonds commun de titrisation Cedrus s'y oppose, et fait valoir que l'appelante bénéficie de délais de paiement depuis la mise en demeure du 7 juin 2016, et qu'elle est dans l'incapacité de respecter les délais qui lui seraient octroyés.

Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Mme X., qui annonce un reste à vivre de l'ordre de 460 euros par mois pour se nourrir, ne justifie pas être en mesure de s'acquitter du montant de sa dette dans un délai maximum de deux ans.

En outre, comme l'a relevé le premier juge, elle a déjà bénéficié de larges délais de fait.

C'est en conséquence à juste titre qu'il n'a pas été fait droit à sa demande.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Partie condamnée, Mme X. doit supporter les dépens de l'appel.

Aucune considération d'équité ni tirée de la situation économique des parties ne justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu le 12 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il a condamné Mme X. à payer au fonds commun de titrisation Cedrus ayant pour société de gestion la SAS Equitis gestion et représenté par la société MCS et associés la somme de 37 297,99 euros, avec intérêts au taux contractuel majoré de 9,53 % à compter du 8 août 2017 dans la limite de 67.600 euros en sa qualité de caution de la société D&D Restauration, et en ce qu'il a dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice, soit le 8 août 2017, produiraient eux-mêmes des intérêts à compter du 8 août 2018 ;

Statuant à nouveau de ces chefs, et y ajoutant,

Condamne Mme X. à payer au fonds commun de titrisation Cedrus ayant pour société de gestion la SAS Equitis gestion et représenté par la société MCS et associés la somme de 37.297,99 euros, avec intérêts au taux contractuel majoré de 9,53 % à compter du 7 juin 2016, avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an, dans la limite de la somme de 67.000 euros ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme X. aux dépens de l'appel.

- arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,                                        Le président,