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CA MONTPELLIER (3e ch. civ.), 13 janvier 2022

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (3e ch. civ.), 13 janvier 2022
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 3e ch.
Demande : 17/00222
Date : 13/01/2022
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 6/06/2017
Référence bibliographique : 5920 (domaine, société immobilière), 6981 (contrôleur technique), 6302 (architecte, clause d’avis ordinal), 5881 (domaine, identité de spécialité), 6114 (clause limitative)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9353

CA MONTPELLIER (3e ch. civ.), 13 janvier 2022 : RG n° 17/00222

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Le contrat d'architecte liant les deux parties stipule la clause suivante : « En cas de litige né à l'occasion de l'inexécution du présent contrat, les parties s'engagent à soumettre leur différend, avant toute saisine du juge, à un amiable compositeur choisi d'un commun accord par les parties ». En dépit de sa rédaction maladroite, cette clause s'interprète comme imposant une conciliation préalable à toute action judiciaire en lien avec l'exécution ou l'inexécution du contrat de maître d'œuvre.

C'est donc à tort que le jugement déféré a retenu, ainsi que le soutient encore en appel la SNC Méditerranée Grand Sud, que cette clause ne concernait que les litiges nés en cas d'inexécution du contrat d'architecte, à l'exclusion des actions en responsabilité de droit commun portant sur des désordres de construction.

En l'espèce, cette clause obligeait donc le maître de l'ouvrage qui recherchait la responsabilité contractuelle de son architecte à saisir l'autorité de conciliation avant l'engagement du procès. A défaut, son action doit être déclarée irrecevable, aucune régularisation postérieure à l'introduction de l'instance n'étant envisageable.

L'absence de mise en œuvre de cette clause instituant une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge a pour conséquence de rendre irrecevables les demandes de la SNC Méditerranée Grand Sud formées contre M. X. sur un fondement contractuel, étant ici rappelé que cette conciliation préalable n'est pas une condition de recevabilité des actions récursoires des autres intervenants à l'acte de construire dirigées contre le maître d'œuvre.

Le jugement sera donc infirmé en ce sens et l'action exercée par la SNC Méditerranée Grand Sud contre M. X. sera déclarée irrecevable. »

2/ « La SA Socotec France a donc failli à sa mission de contrôle. Sa faute personnelle a contribué à la survenue de l'entier préjudice et sa responsabilité in solidum est donc engagée aux côtés des autres constructeurs. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il l'avait exonérée de toute responsabilité.

S'agissant de la clause de plafonnement de l'indemnisation stipulée par ce contrat conclu avec un promoteur immobilier, qui n'est pas un professionnel de la construction, cette clause ne doit pas contredire la portée de l'obligation essentielle souscrite par le contrôleur technique et créer ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat

En l'espèce, en limitant sa responsabilité à la somme de 19.734 euros HT et en permettant ainsi à la SA Socotec Construction d'échapper aux conséquences de sa responsabilité civile quelles que soient les incidences et la gravité de ses fautes, cette clause est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation (dans rédaction applicable entre le 25 août 2001 et le 1er janvier 2009) et doit donc être réputée non écrite. En conséquence, la responsabilité in solidum la SA Socotec Construction sera retenue aux côtés des autres constructeurs et sans limitation du montant des indemnités mises à sa charge. »

3/ « Contrairement à la position soutenue par M. X. dans ses écritures, l'existence d'une mission spécifique de maîtrise d’œuvre de VRD ne le dispensait pas, en sa qualité de maître d’œuvre général, d'assurer une mission générale de contrôle et de surveillance de la totalité des travaux.

S'agissant d'un problème de vérification de l'existant durant la phase de conception de l'ouvrage, M. X., maître d’œuvre de conception associé aux réunions d'étude relatives à la mise en œuvre des remblais, n'a pas pris les précautions nécessaires pour s'assurer de ce que ces remblais pouvaient être supportés par la dalle existante. En effet, l'appréciation de l'aptitude mécanique de la dalle à supporter les nouveaux ouvrages constituait un point essentiel de vigilance pour l'architecte qui avait une connaissance parfaite du projet et devait vérifier que les études et consultations nécessaires avaient été correctement réalisées. Il appartenait à M. X., constatant l'absence de note technique et l'indigence du courrier du 11 avril 2008 de la SARL S.-Etec en réponse à la SCP D.-C.-M., de s'opposer à la mise en œuvre des remblais et d'exiger préalablement une analyse des plans et documents décrivant la dalle ou de commander une étude technique complémentaire avant d'engager de tels travaux.

Sa faute personnelle a donc contribué à la survenue du sinistre et le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a retenu l'existence de cette faute. Cette faute constitue un manquement majeur à l'accomplissement de sa mission par le maître d'œuvre, sur qui repose en premier lieu la vérification technique de la solidité des ouvrages qu'il est chargé de concevoir.

Il sera cependant tenu compte de l'existence d'une mission de maîtrise d’œuvre spécialisée pour les VRD confiée à la SCP D.-C.-M. La SCP D.-C.-M. supportera donc un quantum de responsabilité définitive de 40 % au lieu de seulement 25 % mis à la charge de M. X.

L'obligation de M. X. à la dette se fera in solidum avec les autres constructeurs dans la mesure où sa faute a contribué à la survenue de l'entier préjudice et où la clause limitative de responsabilité stipulée à l'article 7-1 du contrat ne s'applique, le cas échéant, que dans les rapports entre l'architecte maître d'œuvre et le maître de l'ouvrage. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 13 JANVIER 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/00222. N° Portalis DBVK-V-B7B-M7OD. Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 novembre 2016, TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER : RG n° 10/04184.

 

APPELANTE :

SCP C. M. M., anciennement dénommée SCP D. C. M.

RCS n° XXX agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités au siège social, [...], [...], [...], Représentée par Maître Mélanie M. de la SCP C. - M. - T. T., avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée à l'audience par Maître Cloé P., avocat au barreau de MONTPELLIER

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

de nationalité Française [...], [...], Représenté par Maître Jérémy B. de la SCP L., B., S., S., L., avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Maître Claire L. de la SCP L., B., S., S., L., avocat au barreau de MONTPELLIER

Société SOCOTEC CONSTRUCTION, venant aux droits de la SA SOCOTEC France

RCS de Versailles n° YYY, agissant poursuite et diligences de son Président en exercice, domicilié ès qualités au siège social [...], [...], Représentée par Maître Francette B. de la SCP B., avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée à l'audience par Maître Rajae B., avocat au barreau de MONTPELLIER

SAS TRAVAUX PUBLICS 66

prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège social [...], [...], Représentée par Maître Christine A. H. de la SCP A. H., A. - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée à l'audience par Maître Guillaume D. de la SCP C./O.-C./D./M./D., avocat au barreau de MONTPELLIER

SNC MEDITERRANEE GRAND ARC

représentée par son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social [...], [...], Représentée par Maître Patrick M. de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Maître Anne C. DE G., avocat au barreau de MONTPELLIER

SAS FRANCOIS F.

RCS n° ZZZ, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social, société en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 9 octobre 2018 [...], [...], Représentée par Maître Gilles A. de la SCP GILLES A., EMILY A. - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Maître Alexandre B., avocat au barreau de MONTPELLIER

SARL S. ETEC BET S. ETEC

en liquidation judiciaire par jugement du 8 février 2017 [...], [...], anciennement sis [...], [...], Non représentée - signification à son mandataire Maître C. du 06/04/2017

 

INTERVENANTS :

Maître G., prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la SAS FRANCOIS F.

de nationalité Française, [...], [...], Représenté par Maître Gilles A. de la SCP GILLES A., EMILY A. - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Maître Alexandre B., avocat au barreau de MONTPELLIER

Maître Vincent A., pris en sa qualité de mandataire judiciaire de la SAS FRANCOIS F.

de nationalité Française, [...], [...], Représenté par Maître Gilles A. de la SCP GILLES A., EMILY A. - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Maître Alexandre B., avocat au barreau de MONTPELLIER

SELARL ESAJ, prise en la personne de Maître Eric S. ès qualités d'administrateur judiciaire du redressement judiciaire ès qualités de mandataire à l'exécution du plan de la SAS FRANCOIS F.

[...], [...], Représentée par Maître Gilles A. de la SCP GILLES A., EMILY A. - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Maître Alexandre B., avocat au barreau de MONTPELLIER

SELARL FHB, prise en la personne de Maître Jean-François B. ès qualités d'administrateur judiciaire ès qualités de mandataire à l'exécution du plan de la SAS FRANCOIS F.

[...], [...], Représentée par Maître Gilles A. de la SCP GILLES A., EMILY A. - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Maître Alexandre B., avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPAGNIE SMABTP

RCS de PARIS n° WWW, prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités au siège social, prise en sa qualité d'assureur de BET S. ETEC [...], [...], Représentée par Maître Christine A. H. de la SCP A. H., A. - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée à l'audience par Maître Lucien L. de la SARL ATORI AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

Société GAN ASSURANCES

RCS de Paris n° VVV, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social [...], [...], Représentée par Maître Séverine V. de la SCP D'AVOCATS C., D., V., L., avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée à l'audience par Maître S.L. de la SCP D'AVOCATS C., D., V., L., avocat au barreau de MONTPELLIER

Maître Pierre-Jean C., agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL S. ETEC

par jugement du 8 février 2017 [...], [...], Non représenté - signification à personne du 06/04/2017

 

Ordonnance du 19 octobre 2021 de révocation de clôture et prononçant une nouvelle clôture

COMPOSITION DE LA COUR : En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 OCTOBRE 2021, en audience publique, M. Fabrice DURAND, Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de : M. Jacques RAYNAUD, Président, M. Thierry CARLIER, Conseiller, M. Fabrice DURAND, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRÊT : - réputé contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour fixée au 16 décembre 2021 prorogée au 13 janvier 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; - signé par M. Jacques RAYNAUD, Président, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SNC Méditerranée Grand Arc est propriétaire de volumes au sein d'un ensemble immobilier complexe dénommé « Espace Méditerranée » situé [...] :

- quatre volumes : un volume au niveau -2 et au niveau -1 ainsi que deux volumes en rez-de chaussée ;

- un terrain à bâtir ;

- deux cent trente deux emplacements de parkings souterrains en niveau -1 et -2 soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Cet ensemble de volumes est situé à l'extrémité d'un parvis formé d'une dalle en béton abritant des parkings en sous-sol initialement construits en 1991.

Courant 2008, la SNC Méditerranée Grand Arc a entrepris de construire quatre bâtiments à usage de commerce et d'habitation et d'aménager la dalle béton en lien avec le parvis existant.

La SNC maître de l'ouvrage a confié :

- la maîtrise d'œuvre générale à M. X., architecte ;

- la maîtrise d’œuvre du lot VRD à la SCP de géomètres D.-C.-M., devenue SCP C.-M.-M. ;

- le lot gros œuvre à la SAS François F., assurée auprès de la SA Gan Assurances ;

- le lot aménagements extérieurs, voirie et réseaux divers à la SAS Travaux Publics 66 ;

- une mission de contrôle technique à la SA Socotec France, devenue SA Socotec Construction.

La SARL S.-Etec, assurée auprès de la SMABTP, est intervenue en dehors de tout lien contractuel pour répondre à une demande de renseignement du maître d’œuvre VRD concernant la dalle existante. La SARL S.-Etec (à l'époque sous le nom de BET Lepori) avait en effet réalisé les plans et études techniques de la dalle lors de sa construction en 1991.

Le 9 juillet 2009, lors des travaux de remblaiement effectués par la SAS Travaux Publics 66, il était observé un mouvement de la dalle béton constituant le plancher haut du parking ainsi qu'un fléchissement des poutres.

Les mesures conservatoires nécessaires étaient immédiatement mises en œuvre : retrait des remblais, étaiement de la dalle et arrêt immédiat du chantier.

Par ordonnance du 31 juillet 2009, le juge des référés ordonnait une expertise judiciaire confiée à M. Jean-Michel M.

L'expert judiciaire déposait un premier rapport d'expertise (analyse technique du sinistre) le 16 février 2010 et un second rapport (étude des préjudices) le 25 septembre 2013.

Par acte d'huissier du 19 mai 2010, la SNC Méditerranée Grand Arc faisait assigner la SAS Travaux Public 66 en paiement d'une provision de 690.000 euros correspondant au coût des mesures conservatoires et des travaux chiffrés par l'expert. La société défenderesse appelait en garantie les autres intervenants à l'acte de bâtir par actes d'huissier des 18 et 21 juin 2010.

Par ordonnance du 16 septembre 2010, confirmée par arrêt de la cour d'appel du 21 juin 2012, le juge des référés condamnait la SAS Travaux Publics 66 à verser à la SNC Méditerranée Grand Arc la somme provisionnelle de 690.000 euros et condamnait in solidum les autres intervenants à la garantir à concurrence de 90 % des condamnations mises à sa charge.

Par actes d'huissier des 5 et 7 juillet 2010, la SAS François F. faisait assigner la SNC Méditerranée Grand Arc et tous les intervenants à l'opération de construction au fond devant le tribunal de grande instance de Montpellier.

Par acte d'huissier du 12 décembre 2013, la SA Gan Assurances était appelée en cause par la SAS François F. Les deux dossiers ouverts au fond étaient joints par le juge de la mise en état.

Par jugement du 23 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Montpellier a :

* déclaré recevable la demande formée à l'encontre de M. X. ;

* condamné in solidum la SARL S.-Etec, la SCP D.-C.-M. et M. X. à payer à la SNC Méditerranée Grand Arc la somme de 690.000 euros en deniers ou quittance, avec indexation sur l'indice BT01 à compter du mois de février 2010, date du dépôt du rapport d'expertise ;

* condamné in solidum les requis à verser à la SNC Méditerranée Grand Arc, avec capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, les sommes de :

- 62.285,05 euros d'agios générés par le décalage d'encaissement des appels de fonds ;

- 10.000 euros en remboursement des commissions d'engagement du crédit ;

- 3.977 euros pour la mise en sécurité du chantier ;

- 14.179 euros pour les prêts de parking ;

- 23.519 euros pour les frais de relogement de quatre acquéreurs ;

- 1.482 euros pour le surcoût lié aux assurances incendie et dégâts des eaux ;

- 15.000 euros en réparation du préjudice de gestion ;

- 588.438,59 euros en réparation des préjudices liés aux réclamations des acquéreurs ;

- rejeté toute autre demande ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné in solidum les requis à verser à la SNC Méditerranée Grand Arc la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise ;

- dit que dans les rapports entre la SARL S.-Etec, la SCP D.-C.-M. et M. X., les condamnations en principal, intérêts, frais et dépens outre les condamnations en garantie, seront fixées dans les proportions suivantes :

- 50 % pour la SARL S.-Etec ;

- 40 % pour la SCP D.-C.-M. ;

- 10 % pour M. X.

La SCP D.-C.-M., devenue la SCP C.-M.-M., a interjeté appel de ce jugement le 12 janvier 2017.

Par ordonnance du 12 décembre 2018, le juge des référés a refusé de faire droit à sa demande visant à limiter l'exécution provisoire du jugement aux seuls préjudices matériels déjà réglés.

Par actes d'huissier des 6 et 7 avril 2017, la SAS C.-M.-M. a fait assigner en intervention forcée la SMABTP et Maître Pierre-Jean C. en qualité de mandataire liquidateur de la SARL S.-Etec.

Le 6 juin 2017, la SAS François F. a formé appel provoqué à l'encontre de la SA Gan Assurances.

Les SELARL ESAJ et FHB sont intervenues volontairement à l'instance en qualité de mandataires à l'exécution du plan de redressement de la SAS François F. homologué par jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 26 juillet 2019.

Vu les dernières conclusions de la SCP C.-M.-M. remises au greffe le 29 septembre 2021 ;

Vu les dernières conclusions de la SMABTP remises au greffe le 23 septembre 2021 ;

Vu les dernières conclusions de la SNC Méditerranée Grand Arc remises au greffe le 6 octobre 2021 ;

Vu les dernières conclusions de M. X. remises au greffe le 7 avril 2020 ;

Vu les dernières conclusions de la SAS François F., de la SELARL ESAJ, la SELARL FHB, Maître Hélène G. et Maître Vincent A. remises au greffe le 13 octobre 2020 ;

Vu les dernières conclusions de la SA Gan Assurances remises au greffe le 24 septembre 2020 ;

Vu les dernières conclusions de la SAS Travaux Publics 66 remises au greffe le 7 octobre 2019 ;

Vu les dernières conclusions de la SA Socotec France remises au greffe le 22 septembre 2021 ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE L'ARRÊT :

I - La responsabilité des constructeurs :

Sur l'analyse des causes matérielles du sinistre :

Début juillet 2009, un remblaiement d'une hauteur de 1,25 m était mis en œuvre au-dessus de la dalle en béton du parvis de 600 m². Cette couche de remblais était notamment destinée à accueillir des canalisations desservant l'ensemble immobilier.

Le 9 juillet 2009, alors que les ouvriers de la SAS Travaux Publics 66 procédaient à ce remblaiement, la dalle supérieure ployait sous le poids des matériaux déposés. Les poutres longitudinales en béton armé supportant la dalle fléchissaient et vrillaient tandis que la dalle elle-même se fissurait en sous face.

L'ouvrage était immédiatement étayé sur les deux niveaux de sous-sol afin d'éviter toute aggravation du sinistre.

Après retrait des remblais du parvis, les poutres « qui avaient fléchi jusqu'à 10 cm par endroits » reprenaient leur position avant sinistre.

Après avoir examiné l'ouvrage, analysé les documents techniques du chantier et entendu contradictoirement tous les constructeurs impliquées, l'expert judiciaire a rendu compte de ses investigations dans un rapport documenté et dépourvu d'ambiguïté dont les conclusions et avis à caractère exclusivement technique sont adoptés par la cour d'appel.

Il ressort de ces conclusions que la structure de la dalle et des poutres qui la supportent ne présentent pas de défauts de construction. Aucun vice caché de l'ouvrage existant n'a donc contribué à la survenue du sinistre.

La cause de l'affaissement de l'ouvrage réside uniquement dans la réalisation des travaux de remblaiement le 9 juillet 2009 au-dessus d'une dalle en béton non dimensionnée pour les supporter.

La SCP D.-C.-M. a demandé le 4 avril 2008 au bureau d'études S.-Etec de lui communiquer une note de calcul relative aux capacités techniques de cette dalle en béton. Dans sa réponse du 11 avril 2008, le bureau d'études a confondu le secteur où devait être réalisés les remblais avec une autre zone qui était apte à en supporter la charge.

Cette erreur de positionnement est la cause directe du sinistre puisque la zone du parvis était conçue pour supporter des charges permanentes de 15 kg/m² et des surcharges de 250 kg/m² alors que le remblai litigieux représentait une charge largement supérieure d'environ 2.000 kg/m².

Connaissance acquise de la cause technique à l'origine du sinistre, il appartient à la cour d'appel d'apprécier quelles sont les fautes commises par les différents intervenants.

 

Sur la recevabilité de l'action exercée par la SNC Méditerranée Grand Arc contre M. X. :

Le contrat d'architecte liant les deux parties stipule la clause suivante :

« En cas de litige né à l'occasion de l'inexécution du présent contrat, les parties s'engagent à soumettre leur différend, avant toute saisine du juge, à un amiable compositeur choisi d'un commun accord par les parties ».

En dépit de sa rédaction maladroite, cette clause s'interprète comme imposant une conciliation préalable à toute action judiciaire en lien avec l'exécution ou l'inexécution du contrat de maître d'œuvre.

C'est donc à tort que le jugement déféré a retenu, ainsi que le soutient encore en appel la SNC Méditerranée Grand Sud, que cette clause ne concernait que les litiges nés en cas d'inexécution du contrat d'architecte, à l'exclusion des actions en responsabilité de droit commun portant sur des désordres de construction.

En l'espèce, cette clause obligeait donc le maître de l'ouvrage qui recherchait la responsabilité contractuelle de son architecte à saisir l'autorité de conciliation avant l'engagement du procès. A défaut, son action doit être déclarée irrecevable, aucune régularisation postérieure à l'introduction de l'instance n'étant envisageable.

L'absence de mise en œuvre de cette clause instituant une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge a pour conséquence de rendre irrecevables les demandes de la SNC Méditerranée Grand Sud formées contre M. X. sur un fondement contractuel, étant ici rappelé que cette conciliation préalable n'est pas une condition de recevabilité des actions récursoires des autres intervenants à l'acte de construire dirigées contre le maître d'œuvre.

Le jugement sera donc infirmé en ce sens et l'action exercée par la SNC Méditerranée Grand Sud contre M. X. sera déclarée irrecevable.

 

Sur la responsabilité de chaque constructeur :

Le dommage est survenu le 9 juillet 2009 en cours de chantier.

En l'absence de réception de l'ouvrage, l'action exercée par la SCN Méditerranée Grand Arc contre les constructeurs est fondée sur la responsabilité de droit commun de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

Ce fondement impose la démonstration d'une faute commise par le constructeur en lien de causalité directe avec les désordres.

Les entrepreneurs sont soumis à une obligation de résultat et les maîtres d’œuvre à une obligation de moyen.

L'examen des actions récursoires exercées entre eux par les intervenants à l'acte de construire impose en outre d'apprécier l'existence et la gravité des fautes quasi-délictuelles susceptibles d'être reprochées à chacun.

 

Sur la responsabilité de la SARL S.-Etec :

La SARL S.-Etec a commis une faute en communiquant au géomètre maître d’œuvre une information inexacte quant au niveau de charge admissible par la dalle.

Cette information inexacte a directement conduit les maîtres d'œuvre et l'entreprise Travaux Publics 66 à réaliser les travaux inadaptés qui ont dégradé la dalle en raison d'une importante surcharge.

En l'absence de contrat d'entreprise liant ce bureau d'études au maître d'ouvrage et aux autres intervenants à l'acte de construire, la responsabilité de la SARL S.-Etec est engagée sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle prévue par l'article 1383 ancien du code civil.

La faute personnelle de la SARL S.-Etec ayant contribué à la survenue de l'entier préjudice, sa responsabilité in solidum est engagée aux côtés des autres constructeurs.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

 

Sur la responsabilité de la SCP D.-C.-M. :

Titulaire d'une mission complète de maîtrise d’œuvre de conception et d'exécution des ouvrages de VRD, la SCP D.-C.-M. devait engager tous les moyens techniques nécessaires pour concevoir et exécuter un ouvrage adapté au sol et aux ouvrages existants qui le supportaient.

En l'espèce, la SCP D.-C.-M. a fait preuve de négligence en ne portant aucun regard ni analyse critique sur la réponse sommaire apportée le 11 avril 2008 par la SARL S.-Etec à sa demande. En effet, cette réponse qualifiée de « passe-partout » et « expéditive » par l'expert judiciaire n'était pas suffisamment précise au regard des importants enjeux de sécurité. Sa rédaction démontrait en outre que la SARL S.-Etec n'avait pas correctement localisé la zone concernée par le remblaiement.

A réception de la réponse du bureau d'études, le maître d’œuvre aurait dû procéder à un contrôle de cohérence avec la documentation relative à la dalle existante, en particulier avec le plan et le tableau des charges et surcharges dressé par le BET Lepori lors de la construction de la dalle. Une analyse, même rapide, de ce document synthétique et opérationnel aurait immédiatement mis en évidence que le parvis (destiné initialement à constituer le vide-sanitaire d'un futur bâtiment) n'était pas apte à supporter la charge des remblais.

Cette lourde faute personnelle a contribué à la survenue de l'entier préjudice et la responsabilité in solidum de la SCP D.-C.-M. est donc engagée aux côtés des autres intervenants également fautifs, ce en quoi le jugement déféré sera confirmé.

 

Sur la responsabilité de M. X. :

Contrairement à la position soutenue par M. X. dans ses écritures, l'existence d'une mission spécifique de maîtrise d’œuvre de VRD ne le dispensait pas, en sa qualité de maître d’œuvre général, d'assurer une mission générale de contrôle et de surveillance de la totalité des travaux.

S'agissant d'un problème de vérification de l'existant durant la phase de conception de l'ouvrage, M. X., maître d’œuvre de conception associé aux réunions d'étude relatives à la mise en œuvre des remblais, n'a pas pris les précautions nécessaires pour s'assurer de ce que ces remblais pouvaient être supportés par la dalle existante.

En effet, l'appréciation de l'aptitude mécanique de la dalle à supporter les nouveaux ouvrages constituait un point essentiel de vigilance pour l'architecte qui avait une connaissance parfaite du projet et devait vérifier que les études et consultations nécessaires avaient été correctement réalisées.

Il appartenait à M. X., constatant l'absence de note technique et l'indigence du courrier du 11 avril 2008 de la SARL S.-Etec en réponse à la SCP D.-C.-M., de s'opposer à la mise en œuvre des remblais et d'exiger préalablement une analyse des plans et documents décrivant la dalle ou de commander une étude technique complémentaire avant d'engager de tels travaux.

Sa faute personnelle a donc contribué à la survenue du sinistre et le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a retenu l'existence de cette faute.

Cette faute constitue un manquement majeur à l'accomplissement de sa mission par le maître d'œuvre, sur qui repose en premier lieu la vérification technique de la solidité des ouvrages qu'il est chargé de concevoir.

Il sera cependant tenu compte de l'existence d'une mission de maîtrise d’œuvre spécialisée pour les VRD confiée à la SCP D.-C.-M.

La SCP D.-C.-M. supportera donc un quantum de responsabilité définitive de 40 % au lieu de seulement 25 % mis à la charge de M. X.

L'obligation de M. X. à la dette se fera in solidum avec les autres constructeurs dans la mesure où sa faute a contribué à la survenue de l'entier préjudice et où la clause limitative de responsabilité stipulée à l'article 7-1 du contrat ne s'applique, le cas échéant, que dans les rapports entre l'architecte maître d'œuvre et le maître de l'ouvrage.

 

Sur la responsabilité de la SA Socotec France :

Il ressort des termes de la convention de contrôle technique signée le 18 avril 2006 que la SA Socotec France a accepté une mission de contrôle technique sur la solidité des existants sans distinction de zone. La zone concernée par les VRD entrait donc dans le périmètre de cette mission tel que défini par l'article 2 de ce contrat.

Contrairement à ce qu'elle soutient dans ses écritures, et qui a été inexactement retenu par le jugement déféré, le sinistre litigieux ne concerne pas une phase provisoire du chantier mais une simple étape de construction des ouvrages définitifs.

Dans la mesure où cette mission s'étendait aux aléas techniques de la solidité des éléments constitutifs et de leurs éléments d'équipement indissociables, elle concernait nécessairement la résistance du sol et des dalles aux ouvrages supportés. Les travaux litigieux entrent donc dans le champ de la convention de contrôle technique conclue le 18 avril 2006.

La SA Socotec France conteste avoir participé, en la personne de M. V., à la réunion de travail du 26 février 2008 durant laquelle a été prise la décision de mettre en place le remblai à l'origine du sinistre.

Mais en toute hypothèse, le choix technique du remblaiement a été transmis le 11 avril 2008 par le maître d'œuvre VRD à la SA Socotec France pour demande d'avis. Une relance lui a été adressée par la SCP D.-C.-M. par courriel du 7 mai 2008. La SA Socotec France n'a jamais répondu à ces demandes d'avis et ne s'est pas opposée à la mise en œuvre de cette solution technique alors que celle-ci était complètement inadaptée et devait conduire à l'effondrement de la structure de la dalle.

La SA Socotec France a donc failli à sa mission de contrôle. Sa faute personnelle a contribué à la survenue de l'entier préjudice et sa responsabilité in solidum est donc engagée aux côtés des autres constructeurs.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il l'avait exonérée de toute responsabilité.

S'agissant de la clause de plafonnement de l'indemnisation stipulée par ce contrat conclu avec un promoteur immobilier, qui n'est pas un professionnel de la construction, cette clause ne doit pas contredire la portée de l'obligation essentielle souscrite par le contrôleur technique et créer ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat

En l'espèce, en limitant sa responsabilité à la somme de 19.734 euros HT et en permettant ainsi à la SA Socotec Construction d'échapper aux conséquences de sa responsabilité civile quelles que soient les incidences et la gravité de ses fautes, cette clause est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation (dans rédaction applicable entre le 25 août 2001 et le 1er janvier 2009) et doit donc être réputée non écrite.

En conséquence, la responsabilité in solidum la SA Socotec Construction sera retenue aux côtés des autres constructeurs et sans limitation du montant des indemnités mises à sa charge.

 

Sur la responsabilité de la SAS Travaux Publics 66 :

La SAS Travaux Publics 66 est l'auteur matériel des travaux de remblaiement qui ont directement provoqué le sinistre.

En sa qualité d'entrepreneur ayant réalisé ces opérations de remblaiement, la SAS Travaux Publics 66 était tenue d'une obligation de résultat quant à la réalisation de travaux respectueux de l'intégrité physique de la dalle et des structures en béton supportant ses ouvrages.

La SAS Travaux Publics 66 n'est pas un exécutant aveugle mais devait prendre toutes les mesures de sécurité nécessaires à la prévention des accidents sur le chantier. Elle n'apporte pas la preuve d'une cause étrangère de nature à l'exonérer de sa responsabilité.

N'ayant pas correctement réalisé les ouvrages qui lui étaient confiés, la SAS Travaux Publics 66 est donc contractuellement responsable du dommage subi par la SNC Méditerranée Grand Arc.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce sens.

Au stade de la répartition finale des responsabilités, aucune faute n'est cependant démontrée et ne sera donc retenue contre la SAS Travaux Publics 66.

En effet, elle n'était débitrice d'aucune prestation spécifique de conception ou de contrôle technique des ouvrages.

Dans la mesure où elle a réalisé les ouvrages après avoir eu communication du document de la SARL S.-Etec qui validait la solidité de la structure remblayée et sous la double supervision d'une maîtrise d’œuvre générale et d'une maîtrise d’œuvre spécialisée pour les VRD, aucune faute n'est établie contre elle alors que les deux maîtres d’œuvre et le contrôleur technique ont commis de lourdes fautes de conception et de réalisation de l'ouvrage.

 

Sur la responsabilité de la SAS François F. :

Cette entreprise était chargée du lot de gros œuvre et n'est pas directement intervenue dans la réalisation du remblaiement qui est l'unique cause du sinistre.

Sa participation, aux côtés de M. S. et des autres intervenants, à une réunion de travail relative à la mise en place des remblais ne suffit pas à constituer une faute à son encontre.

En effet, la SAS François F. :

- n'était pas entreprise d'exécution du remblaiement litigieux ;

- n'assurait aucune mission de maîtrise d’œuvre de ces travaux de remblaiement ;

- ne disposait d'aucune compétence particulière en calcul de structure lui imposant d'intervenir spontanément sur les travaux de remblaiement qui ne relevaient pas expressément de son marché de travaux.

En l'absence d'élément permettant d'imputer ces désordres à la SAS François F., sa responsabilité de plein droit in solidum ne peut pas être retenue sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a exonéré la SAS François F. de toute responsabilité.

 

Sur la répartition finale entre constructeurs :

Il résulte des précédents développements relatifs aux fautes respectives de chacun des intervenants à l'acte de construire que le partage définitif des responsabilités entre constructeurs sera établi de la manière suivante :

- 25 % pour la SARL S.-Etec ;

- 40 % pour la SCP D.-C.-M. ;

- 25 % pour M. X. ;

- 10 % pour la SA Socotec France, devenue SA Socotec Construction ;

- 0 % pour la SAS Travaux Publics 66.

 

II - Les dommages subis par la SNC Méditerranée Grand Arc :

Sur les travaux de réparation de l'ouvrage :

L'expert judiciaire a préconisé de conserver, en le renforçant, l'ouvrage existant endommagé (poteaux, poutres et dalle).

Cette solution consistait à créer une structure métallique en sous face sous la dalle prenant appui sur les poteaux en béton. Les poutres sont renforcées par la mise en place de deux suspentes par unité, ce qui permet de recouper la portée en trois. Les poutres ainsi renforcées travaillent comme des ouvrages en béton armé.

Cette proposition, validée par la SA Socotec France, n'est pas contestée par les parties au procès.

Le coût de ces réparations, après vérification par M. G., économiste de la construction, est évalué à 673.126,21 euros TTC (avec TVA de 19,6 %), somme à laquelle il convient d'ajouter une prime d'assurance dommages-ouvrage de 16.628,30 euros TTC, ce qui représente une indemnité totale légèrement inférieure à celle de 690.000 euros TTC retenue par le jugement déféré.

Cette somme a été versée au maître d'ouvrage le 31 janvier 2011 par la SMABTP et la SAS Travaux Publics 66 en exécution de l'ordonnance de référé.

Cette somme sera donc indexée sur l'indice BT 01 entre la date du rapport d'expertise du 16 février 2010 et la date de l'ordonnance de référé du 16 septembre 2010.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef, sauf à rectifier l'arrondi du montant de l'indemnité et à limiter l'indexation de cette somme sur l'indice BT01 au 16 septembre 2010.

 

Sur les postes de préjudice immatériel :

Sur la recevabilité des demandes indemnitaires :

La SCP D.-C.-M. soutient que certaines de ces demandes sont formées en lieu et place des acquéreurs des appartements et que la société de promotion ne serait donc pas recevable en ces demandes.

En l'espèce, la SNC Méditerranée Grand Arc dispose de l'intérêt et de la qualité à agir pour présenter à la cour d'appel l'ensemble de ses demandes indemnitaires. Ce moyen d'irrecevabilité soulevé par la SCP D.-C.-M. est en réalité un moyen relatif à l'examen du bien-fondé de ces diverses demandes.

Il en résulte que l'ensemble des demandes indemnitaires formées par la SNC Méditerranée Grand Arc seront déclarées recevables.

 

Sur le retard de livraison imputable aux désordres causés par l'effondrement de la dalle :

L'expert judiciaire a évalué le retard subi par le projet immobilier du fait du sinistre intervenu le 9 juillet 2009 en tenant compte du temps qui a été nécessaire pour réparer définitivement les désordres survenus. Il a ainsi évalué cette durée à 6,33 mois correspondant à la période écoulée entre le 1er octobre 2009 et le 10 avril 2010.

Les constructeurs, et notamment la SCP D.-C.-M., contestent cette durée sans pour autant apporter un quelconque élément factuel contredisant les conclusions de l'expert.

En conséquence, cette durée de 6,33 mois sera retenue comme base d'indemnisation des divers chefs de préjudice sollicités par la SNC Méditerranée Grand Arc.

 

Sur le remboursement des agios générés par le décalage d'encaissement des appels de fonds :

Afin d'évaluer le montant de ce préjudice, l'expert sapiteur a précisément calculé le coût financier directement causé par le décalage de perception par le promoteur des deux derniers appels de fonds correspondant chacun à 5 % du prix d'acquisition des seuls appartements et parkings vendus concernés par le retard de livraison de 6,33 mois lié au sinistre.

Conformément aux calculs de l'expert sapiteur résumés dans ses deux tableaux détaillés figurant page 24 du rapport définitif d'expertise judiciaire, le montant de ce préjudice sera fixé à la somme de 62.285,05 euros.

 

Sur le remboursement des commissions d'engagement du crédit :

La SNC Méditerranée Grand Arc a transmis à l'expert judiciaire un relevé de compte mentionnant un débit le 3 mars 2010 d'un montant de 10.000 euros qui correspondrait à une commission d'ouverture de crédit.

En l'absence de communication du contrat concerné et de l'objet précis de cette prestation bancaire, la cour d'appel n'est pas en mesure de constater le lien de causalité entre cette dépense et le sinistre lié à l'effondrement de la dalle.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé de ce chef et la demande présentée sur ce fondement ne pourra qu'être rejetée.

 

Sur la perte d'image de marque :

Le sinistre est survenu sur des structures porteuses enterrées, le sinistre n'était pas visible de l'extérieur. Par ailleurs, les mesures de conservation et de réparation ont été efficaces et ont été achevées en à peine plus de six mois.

Aucun échange de courrier ni aucun article de presse ou autre élément ne vient établir que la société de promotion ou ses deux sociétés actionnaires n'ont eu à pâtir d'une quelconque atteinte à leur image de marque.

Par ailleurs, la SNC Méditerranée Grand Arc a été créée pour la seule réalisation de cette opération de promotion immobilière et n'a donc aucune image de marque a défendre en terme de notoriété.

Il est par ailleurs établi que le retard de livraison des appartements n'est pas seulement lié à l'effondrement de la dalle mais à d'autres facteurs imputables à la SNC que celle-ci omet de mentionner.

Ainsi, Mme F. a acheté l'appartement B26 avec un délai de livraison contractuellement fixé au 30 juin 2009. Les autres dates contractuelles de livraison prévues dans les contrats de VEFA ne sont pas communiquées par le promoteur vendeur. Certains contrats de réservation tels que celui de Mme J. (B45) signé le 16 juin 2006 mentionnait même une date d'achèvement au troisième trimestre 2008.

Au regard de ces éléments, la SNC Méditerranée Grand Arc n'établit ni la perte d'une quelconque image de marque, ni même l'existence d'un quelconque lien de causalité entre un tel préjudice et le sinistre imputable aux constructeurs qui n'est manifestement pas la seule cause des retards de livraison subis par les acquéreurs.

Cette carence dans l'administration de la preuve est relevée par l'expert judiciaire qui n'en tire cependant pas les conséquences logiques.

En effet, l'expert propose une fourchette de préjudice de 60.000 à 80.000 euros qu'il calcule sur la base d'une marge théorique de 2 047.000 euros, unilatéralement communiquée par la SNC Méditerranée Grand Arc. Outre le fait que cette dernière a donné ce chiffre sans verser aux débats le bilan comptable de l'opération, il n'existe aucun lien entre une perte de marge théorique et le préjudice d'image allégué.

La cour d'appel constate donc qu'aucun préjudice d'image de marque n'est démontré par la SNC Méditerranée Grand Arc.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé de ce chef et la demande formée par la SNC Méditerranée Grand Arc intégralement rejetée.

 

Sur les frais de surveillance :

Durant la période du 1er octobre 2009 au 10 avril 2010 de réparation du sinistre, le promoteur justifie avoir supporté la somme de 3 977 euros de frais de sécurité privée pour surveiller le chantier.

La demande indemnitaire formée de ce chef est fondée, ce en quoi le jugement déféré sera confirmé.

 

Sur les prêts de parking :

L'expert judiciaire a procédé à un calcul théorique sur une base forfaitaire de 80 euros pour 28 places de stationnement indisponibles du 1er octobre 2009 au 10 avril 2010 en raison du sinistre.

Ce calcul correspond à un préjudice qui n'est pas établi avec certitude dans la mesure où la SNC Méditerranée Grand Arc ne démontre pas que les 28 places de stationnement prêtées ne seraient demeurées vacantes même en l'absence de sinistre.

Ainsi, le préjudice allégué pourrait s'analyser en une perte de chance, non demandée par la SNC Méditerranée Grand Arc, et au surplus très difficile à établir alors que cette dernière mentionnait dans son rapport de gestion de l'exercice clos au 31 décembre 2010 qu'elle disposait encore de 55 emplacements à commercialiser.

La SNC Méditerranée Grand Arc ne verse pas davantage aux débats le justificatif du paiement de cette somme totale de 14.179 euros à des acquéreurs lui ayant réclamé une indemnisation ou une quelconque compensation de ce chef.

Ce chef de préjudice n'est donc pas établi. Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef et cette demande intégralement rejetée.

 

Sur les frais de relogement de quatre acquéreurs :

La SNC Méditerranée Grand Arc fait valoir qu'elle a indemnisé quatre acquéreurs qui ont dû être relogés dans l'attente de la livraison de leur appartement :

- 5.694,55 euros pour Mme A., acquéreur de l'appartement XX ;

- 6.724,70 euros pour M. B. acquéreur de l'appartement YY ;

- 6.558 euros pour Mme C., acquéreur de l'appartement ZZ ;

- 4.542,24 euros pour Mme D., acquéreur de l'appartement WW ;

Soit une somme totale de 23.519 euros.

La SNC Méditerranée Grand Arc omet de verser les contrats de vente en état futur d'achèvement des quatre appartements précités mentionnant la date contractuelle de livraison, date indispensable pour établir le manquement contractuel imputable au promoteur vendeur et suscpetible d'être répercuté sur les constructeurs.

Elle ne précise pas davantage si elle a été mise en demeure par Mme A., M. B., Mme C. et Mme D. de respecter ses obligations de livrer dans le délai contractuel, par ailleurs non établi, à défaut de versement des contrats de vente en état futur d'achèvement et des procès-verbaux de livraison de ces quatre appartements.

A cette carence dans l'administration de la preuve s'ajoute le fait que la SNC Méditerranée Grand Arc ne précise pas les raisons qui l'auraient conduite à indemniser les seuls quatre acquéreurs précités, et non les 89 autres acquéreurs qui se trouvaient (sous réserve de l'examen des dates de livraison mentionnées aux contrats de ventes en état futur d'achèvement) dans une situation comparable.

Il ressort de ces éléments que le lien de causalité n'est pas établi par la SNC Méditerranée Grand Arc entre le préjudice qu'elle allègue et le retard causé par le sinistre d'effondrement de la dalle du 9 juillet 2009.

Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef et cette demande intégralement rejetée.

 

Sur le surcoût lié aux assurances incendie et dégâts des eaux :

Le surcoût d'assurance des bâtiments B et C et des parkings pour la période du 1er octobre 2009 au 10 avril 2010 est établi par la SNC Méditerranée Grand Arc à hauteur de 1.482 euros.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit à cette demande.

 

Sur le préjudice de gestion :

La SNC Méditerranée Grand Arc sollicite l'indemnisation d'un coût total de rémunération de 54.541 euros correspondant à 30 % d'un directeur de programme, de 30 % d'un directeur technique, de 20 % d'assistant d'opérateur, de 10 % de juriste et de 50 % de chargé de clientèle.

Elle soutient que l'ensemble de ce personnel a été nécessaire pour traiter la gestion du décalage de livraison.

Le jugement déféré a alloué la somme de 15.000 euros.

Il ressort des pièces versées aux débats que l'identité des personnes rémunérées n'est pas communiquée, ni les éléments de leur rémunération ni un quelconque élément justifiant de ce qu'une partie du personnel, existant ou spécialement recruté, s'est vu confier des tâches spécifiquement liées au retard du chantier.

Ainsi que l'a exactement indiqué l'expert judiciaire dans son rapport, la gestion du sinistre a essentiellement pesé sur la maîtrise d’œuvre qui a seule mise en œuvre les prestations intellectuelles et la coordination technique nécessaires à la réparation du sinistre.

Par ailleurs, ni la durée limitée d'environ six mois de retard liée au sinistre, ni aucune pièce versée aux débats n'établit que la SNC Méditerranée Grand Sud ait dû faire face à un accroissement significatif d'activité par rapport aux aléas techniques, administratifs et commerciaux auxquels est susceptible d'être confronté tout promoteur immobilier dans l'exercice de ses activités.

En conséquence, en l'absence de preuve du préjudice de gestion allégué, le jugement sera infirmé de ce chef et la demande formée par la SNC Méditerranée Grand Sud intégralement rejetée.

Au titre des réclamations des acquéreurs,

En cause d'appel, la SNC Méditerranée Grand Arc sollicite le versement d'une somme de 448.224,10 euros en réparation des pertes de loyers, intérêts intercalaires supplémentaires, pertes d'avantages fiscaux liés à l'investissement, pertes d'opportunités de placement, surplus d'impôts et préjudice moral.

La somme réclamée en appel est inférieure à la somme allouée par le jugement déféré à hauteur de 588.438,59 euros, et ce en raison de l'existence de procédures judiciaires pendantes entre la SNC Méditerranée Grand Arc et certains acquéreurs d'appartements.

Cette indemnité correspond à des chefs de préjudice susceptibles d'être supportés par les acquéreurs des appartements et non par le promoteur vendeur de ces appartements.

C'est donc à tort que le jugement déféré a accordé une indemnisation à la SNC Méditerranée Grand Arc de ce chef.

De même, la SNC Méditerranée Grand Arc produit un protocole transactionnel (assorti d'une clause de confidentialité) signé le 2 février 2010 avec M. Le N. et Mme L. Ce document n'est accompagné d'aucune preuve du paiement effectif de la somme stipulée de 7.800 euros TTC ni des justificatifs et pièces contractuelles permettant, le cas échéant, d'apprécier la nature des postes de préjudice indemnisés et l'existence d'un lien de causalité avec le retard lié aux désordres causés par l'affaissement de la dalle.

En conséquence, la SNC Méditerranée Grand Arc n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation de dommages qu'elle n'a pas personnellement supportés et qui sont en outre prescrits pour la majorité des copropriétaires acquéreurs qui n'ont engagé aucune action judiciaire à son encontre.

Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef.

 

Sur la demande de remboursement de l'émolument proportionnel prévu par l'article A. 444-32 du code de commerce :

Le droit proportionnel défini par l'article A. 444-32 du code de commerce reste à la charge du créancier lorsque l'huissier de justice recouvre ou encaisse des sommes dues par un débiteur, après avoir reçu mandat ou pouvoir à cet effet, sauf lorsque la dette est due par un contrefacteur (article R. 444-55 du même code) ou par un professionnel (article R. 631-4 du code de la consommation), sans qu'aucune autre dérogation ne soit prévue.

La demande formée par la SNC Méditerranée Grand Arc aux fins de mettre ce droit proportionnel à la charge de la SCP D.-C.-M. ne pourra donc qu'être rejetée.

 

III - La garantie des assureurs :

Sur la garantie due par la SMABTP, assureur en responsabilité décennale de la SARL S.-Etec :

Sur la recevabilité en cause d'appel :

La SMABTP a été assignée en intervention forcée respectivement les 6 avril, 31 mai et 15 juin 2007 par la SCP C.-M.-M., par la SAS Socotec France et par la SAS François F. pour la première fois en cause d'appel.

L'article 555 du code de procédure civile dispose que les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

L'ouverture, postérieure au jugement, d'une procédure collective à l'égard de la SARL S.-Etec n'a pas pour effet de modifier les données juridiques du litige et ne constitue pas une évolution de celui-ci, permettant, pour la première fois devant la cour d'appel, la mise en cause de sa compagnie d'assurance SMABTP contre laquelle les sociétés C.-M.-M., Socotec France et F. étaient déjà en mesure d'agir devant le premier juge.

En conséquence, l'appel en intervention forcée de la SMABTP n'est pas recevable devant la cour d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare irrecevable l'appel en intervention forcée de la SMABTP par la SCP C.-M.-M., la SAS Socotec France et la SAS François F. ;

Infirme partiellement le jugement déféré ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés tout en reprenant les dispositions confirmées du jugement pour une meilleure compréhension du dispositif du présent arrêt,

Déclare irrecevable l'action en responsabilité exercée par la SNC Méditerranée Grand Sud contre M. X. ;

Déclare recevables l'ensemble des demandes indemnitaires formées par la SNC Méditerranée Grand Arc contre les autres intervenants à l'acte de construire ;

Met hors de cause la SAS François F., la SELARL ESAJ prise en la personne de Maître Éric S., administrateur judiciaire de la SAS François F., la SELARL FHB, prise en la personne de Maître Jean-François B., administrateur judiciaire de la SAS François F., ainsi que Maître Hélène G. et Maître Vincent A., mandataires judiciaires de la SAS François F. et la SA Gan Assurances ;

Condamne in solidum la SCP C.-M.-M., la SA Socotec Construction et la SAS Travaux Publics 66 à payer à la SNC Méditerranée Grand Arc les sommes suivantes :

- 673.126,21 euros TTC, avec indexation sur l'indice BT 01 entre le 16 février 2010 et le 16 septembre 2010, en réparation des désordres ;

- 16.628,30 euros TTC représentant la souscription de l'assurance dommages-ouvrage ;

- 62.285,05 euros en réparation du préjudice financier ;

- 3.977 euros représentant le surcoût de surveillance du chantier ;

- 1.482 euros représentant le surcoût d'assurance du chantier ;

- 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel ;

- les entiers dépens des procédures de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit des avocats en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SARL S.-Etec les créances suivantes in solidum avec les autres codébiteurs de la SNC Méditerranée Grand Arc et entre tous les intervenants à l'acte de construire :

- 673.126,21 euros TT, avec indexation sur l'indice BT 01 entre le 16 février 2010 et le 16 septembre 2010, en réparation des désordres ;

- 16.628,30 euros TTC représentant la souscription de l'assurance dommages-ouvrage ;

- 62.285,05 euros en réparation du préjudice financier ;

- 3.977 euros représentant le surcoût de surveillance du chantier ;

- 1.482 euros représentant le surcoût d'assurance du chantier ;

- 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel ;

- les entiers dépens des procédures de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit des avocats en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Dit que M. X. devra relever et garantir la SCP C.-M.-M., la SA Socotec Construction et la SAS Travaux Publics 66 de ces condamnations à concurrence de sa part de responsabilité de 25 % ;

Dit que dans les rapports entre débiteurs co-obligés, la répartition définitive de la dette se fera selon les modalités suivantes :

- 25 % pour la SARL S.-Etec ;

- 40 % pour la SCP C.-M.-M. ;

- 25 % pour M. X. ;

- 10 % pour la SA Socotec Construction ;

- 0 % pour la SAS Travaux Publics 66.

Condamne in solidum la SCP C.-M.-M., la SAS Socotec France et la SAS François F. à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité de 3.000 euros à la SMABTP.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le Greffier,                                       Le Président,