CA AGEN (1re ch. civ.), 13 avril 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9535
CA AGEN (1re ch. civ.), 13 avril 2022 : RG n° 21/00086
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « L'article L. 221-3 du code de la consommation applicable au litige prévoit que « les dispositions des sections 2, 3 et 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ».
Le professionnel employant moins de cinq salariés est donc désormais assimilé à un simple consommateur quand il contracte dans un champ de compétence qui n'est pas le sien.
En l'espèce, M. X. est artisan en couverture et charpente et exerce son activité à [ville B.] sous le régime social de la micro-entreprise comme il en justifie par l'attestation de l'URSSAF du 20 décembre 2018 et n'a aucun salarié. Si le « contrat de location de site WEB » dont se prévaut la société LOCAM par lequel elle a financé la prestation, a été souscrit pour les besoins de l'activité professionnelle de M. X., dès lors qu'il visait à promouvoir son activité, il n'entrait pas dans le champ de son activité principale d'artisan couvreur stricto sensu, M. X. n'étant pas spécialisé dans la fourniture de services informatiques.
Il convient de relever ensuite qu’aucun bon de commande établi entre M. X. et la société ONE DIGITAL n'est versé aux débats, or un tel bon de commande est prévu à l'article 2 du contrat de location : « Le locataire et le fournisseur ont régularisé un bon de commande définissant les caractéristiques graphiques et techniques du Site Web, et les délais et modalités de réalisation et de mise en ligne. Ce bon de commande sera dénoncé par écrit par le locataire au loueur. Toutes clauses ou conditions particulières du bon de commande non expressément dénoncées au loueur sont inopposables à ce dernier ». La société LOCAM devrait donc être en possession de ce bon de commande qui aurait également permis de vérifier les conditions dans lesquelles M. X. a pu s'engager. Cette absence de communication du bon de commande est d'autant plus surprenante que selon l'article 3 du contrat de location, le loueur LOCAM devient « titulaire des droits de propriété intellectuelle nécessaire à la conclusion du présent contrat sur l'architecture technique et visuelle du site Web ».
A la lecture du seul contrat produit par la société LOCAM il apparaît qu'il porte manuscritement l'indication qu'il a été souscrit à Bordeaux, ce qui n'est ni le lieu du siège social de la société LOCAM, sis à Saint Etienne, ni celui du fournisseur ONE DIGITAL, sis à Paris, ni celui de M. X. sis à Bon Encontre. La société LOCAM soutient qu'il s'agit de l'agence bordelaise de la société ONE DIGITAL sans établir la pertinence de cette allégation par aucune pièce.
Or la législation protectrice du code de la consommation s'applique aux contrats conclus hors établissement, c'est à dire dans un lieu où le professionnel qui le propose n'exerce pas habituellement son activité. En tout état de cause la société LOCAM ne revendique pas avoir un établissement ou une agence à Bordeaux, puisque la Cour ne dispose que du contrat de financement par le loueur. La concernant, il s'agit donc d'un contrat signé hors établissement.
Enfin la première page du contrat de location reprend en en-tête un article 21 « attribution de compétence - droit applicable » qui prévoit que « tout litige relatif au présent contrat sera de la compétence des tribunaux du siège social du loueur, sauf application du code de la consommation ». Dès lors que la société LOCAM a assigné M. X. devant le tribunal de grande instance d'Agen et non devant le tribunal de grande instance de Saint-Etienne, il s'en déduit qu'elle a donc considéré que le code de la consommation s'appliquait.
Il résulte de l'ensemble de ces constatations que le contrat dont se prévaut la société LOCAM relève du code de la consommation. »
2/ « En l'absence de production du bon de commande il ne peut être statué sur la conformité de celui-ci aux dispositions des articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation et la preuve du respect des obligations d'information mentionnées à l'article L. 221-5 pèse sur le professionnel, soit ici la société LOCAM : en effet les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants et l'irrégularité d'un de ces contrats entraîne la caducité des contrats qui y sont liés.
Comme relevé plus haut, la société LOCAM ne peut tirer argument de l'absence aux débats de la société ONEDIGITAL, puisqu'elle même devait disposer du contrat de prestation établi par celle - ci au regard des clauses de son propre contrat de location.
En ne le produisant pas aux débats elle ne permet pas que sa régularité soit vérifiée alors qu'elle la revendique. Au cas présent, l'exigence probatoire existe donc tant à son égard, qu'elle existe habituellement à l'égard du consommateur qui se prévaut de la nullité d'un contrat. Les conditions générales du contrat de location prévoyant que le bon de commande définit les caractéristiques graphiques et techniques du site Web, et les délais et modalités de réalisation, la société LOCAM devait être en mesure de s'en assurer.
Le seul procès-verbal de livraison et de conformité versé aux débats ne permet pas de vérifier le respect des dispositions protectrices du code de la consommation : il ne comporte comme désignation des biens que la mention très sommaire « création de site internet + prestation ». »
COUR D’APPEL D’AGEN
CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 13 AVRIL 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/00086. N° Portalis DBVO-V-B7F-C3HX.
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, [...], [...], Représenté par Maître Gilles H., avocat inscrit au barreau d'AGEN, APPELANT d'un Jugement du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 10 mars 2020, R.G. n° 17/01467, D'une part,
ET :
SAS LOCATION AUTOMOBILES ET MATÉRIELS
[...], [...], Représentée par Maître Michel T. de la SCP L. CONSEIL, avocat plaidant inscrit au barreau de SAINT-ÉTIENNE, et par Maître Nathalie P., avocate postulante inscrite au barreau du GERS, INTIMÉE, D'autre par
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 10 janvier 2022 devant la cour composée de :
Présidente : Claude GATÉ, Présidente de Chambre, qui a fait un rapport oral à l'audience
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller, Nelly EMIN, Conseiller
Greffières : Lors des débats : Nathalie CAILHETON
Lors de la mise à disposition : Charlotte ROSA, adjoint administratif faisant fonction de greffier
ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant contrat du 10 février 2017, M. X. a souscrit auprès de la société LOCAM - location automobiles et matériels (la SAS LOCAM) un contrat de location d'un site Internet d'une durée de 48 mois moyennant le versement de mensualités s'élevant à 262,80 € TTC, ledit site devant être fourni par la société One Digital ; un procès-verbal de livraison et de conformité était signé le même jour.
Des échéances ayant été impayées, la SAS LOCAM a mis en demeure M. X. de régulariser sa situation sous huitaine par lettre recommandée datée du 7 juin 2017, sous peine de résiliation et d'exigibilité immédiate des loyers échus et à échoir.
Par acte du 31 août 2017, la SAS LOCAM a fait assigner M. X. aux fins de le voir condamné à lui verser entre autres, la somme de 14.703,76 € avec intérêts au taux légal et autres accessoires de droit à compter de la mise en demeure du 7 juin 2017.
Par jugement du 10 mars 2020, le Tribunal judiciaire d'Agen a :
- déclaré irrecevable la demande de M. X. tendant à voir constater la nullité du contrat de location du 10 février 2017 en ce qu'elle constituerait une pratique illicite au sens de l'article L. 442-6 du code du commerce ;
- rejeté au fond toutes les autres demandes reconventionnelles de M. X. ;
- condamné M. X. à payer à la SAS LOCAM la somme de 14.703,76 € avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2017 ;
- rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. X. aux dépens ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Le tribunal a notamment retenu que le moyen selon lequel M. X. aurait été victime d'une pratique abusive ou illicite au sens de l'article L. 442-6 du code du commerce n'est pas recevable dès lors que selon les articles L. 442-6 III, D. 442-4 et l'annexe 4-2-2 du code du commerce, seuls huit tribunaux en France ont une compétence exclusive pour connaître des litiges relatifs à de telles pratiques restrictives de concurrence dont ne fait pas partie le tribunal d'Agen.
Sur le fond, M. X. ne peut se prévaloir de la qualité de consommateur dès lors qu'il déclare exercer la profession d'artisan en couverture et charpente à Bon Encontre et qu'il avait souscrit le contrat de location du site Internet pour les besoins de son activité professionnelle.
Il ne présente aucune pièce probante confirmant les allégations selon lesquelles il ne serait pas l'auteur des mentions figurant sur le contrat de location et le procès-verbal de livraison ne sachant ni lire ni écrire, alors qu'au contraire la signature apposée sur le contrat et le procès-verbal sont similaires à celles figurant sur l'accusé de réception de la mise en demeure dont il ne soutient pas qu'il ne s'agissait pas de sa signature ; le tampon humide figurant sur les deux documents contractuels est bien celui de son entreprise, et le lieu de conclusion du contrat comme celui de livraison est indifférent s'agissant d'une prestation intellectuelle se réalisant de manière dématérialisée.
La somme demandée correspond aux loyers impayés ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat majorée d'une clause pénale de 10 %.
Par déclaration du 4 février 2021, M. X. a interjeté appel de la décision en visant tous les chefs du dispositif du jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses premières conclusions du 21 avril 2021, M. X. demande à la Cour de :
- le recevoir en ses présentes écritures ;
Y faisant droit,
- infirmer le Jugement du Tribunal Judiciaire d'Agen du 10 mars 2020 dans toutes ses dispositions
Statuant à nouveau,
- prononcer la nullité du contrat de prestation de services conclu ente Monsieur X. et la société ONE DIGITAL et celle du contrat de location conclu entre Monsieur X. et la société LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS ; A défaut, prononcer leur résolution ; A défaut, prononcer la nullité ou la résolution du contrat de prestation de services, et la caducité du contrat de location ;
- débouter en conséquence la société LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner la société LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS à payer à Monsieur X. la somme de 4.000 euros en remboursement de l'indemnité due au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance et en appel ;
- condamner la société LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS aux dépens de première instance et d'appel.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions du 21 novembre 2021, il a ajouté une demande à titre subsidiaire, vu l'article 123 du code de procédure civile pour solliciter la condamnation de la société LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS à lui payer la somme de 14.703,76 euros à titre de dommages-intérêts et ordonner la compensation des sommes dues par chacune des parties.
Il fait valoir l'argumentation suivante :
- Les dispositions du code de la consommation doivent s'appliquer :
* La jurisprudence citée dans ses écritures ainsi que les dispositions des articles L. 221-3, L. 221-5, L. 221-7 et L. 221-8 du code de la consommation s'appliquent dès lors que le contrat de location de site Internet n'entrait pas dans le champ de son activité principale d'artisan et il a toujours exercé son activité sous le régime social de la micro-entreprise comme le prouve l'attestation de l'URSSAF du 20 décembre 2018 ;
* Contrairement à ce qui figure au contrat signé le 10 février 2017, celui-ci n'a jamais été conclu à Bordeaux mais à Bon-Encontre où il avait fait l'objet d'un démarchage, il a donc été conclu hors établissement au sens du code de la consommation ; ni la société LOCAM ni la société ONE DIGITIAL n'ont leur siège social à Bordeaux, ni un établissement secondaire ; elles n'apportent aucune preuve contraire ;
- Il a été victime d'une tromperie et d'un dol :
* Il ne savait pas à quoi il s'engageait lors de la signature de l'ensemble contractuel litigieux, ne sachant ni lire ni écrire ; l'écriture figurant dans le contrat n'est pas la sienne mais correspond à celle figurant sur le procès-verbal de livraison et de conformité, signé par ailleurs le même jour que celui de la conclusion du contrat ; l'erreur qu'il a faite sur le procès-verbal de livraison, apposant sa signature dans la case 'fournisseur' et non dans la case 'locataire' démontre qu'il ne sait pas lire, ce qu'il prouve également en produisant diverses attestations ;
* La société One Digital, qui a d'ailleurs été radiée deux ans après son immatriculation, et la SAS Locam ne lui ont fourni aucune information précontractuelle sur la portée de ses engagements ;
- Le contrat est nul :
* Les caractéristiques de la prestation ne sont pas précisées : le contrat prévoyait une 'création de site Internet + prestation' sans aucun élément complémentaire sur l'étendue de ladite prestation ni sur les caractéristiques du site ;
* Il n'a pu bénéficier de son droit de rétractation légal de 14 jours dès lors qu'il ressort du procès-verbal de livraison du site Web que celui-ci aurait été livré le même jour que celui de la signature du contrat ; or l'article L. 221-28-3° du code de la consommation supprimant l'existence du droit de rétractation pour les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur, ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce contrairement à ce que soutient la société LOCAM, dès lors que la création d'un site Internet est une prestation de service et non un contrat de fourniture de biens, et la lecture du contrat litigieux permet de constater qu'il n'y a pas la moindre spécificité de la prestation ;
- La résolution du contrat doit être prononcée pour absence d'exécution :
* La société LOCAM ne démontre pas que le site en question ait jamais existé ;
* La concordance des dates de signature du contrat et de livraison suffit à le démontrer ;
- Sur l'irrecevabilité de ses demandes présentée par la société LOCAM :
* La société n'est pas fondée à soulever l'irrecevabilité de ses demandes du fait de l'absence de la société One Digital dans la cause dès lors qu'elle ne l'invoque pas dans le dispositif de ses écritures conformément à l'article 954 du code de procédure civile ;
* Il ne peut lui être fait grief de n'avoir pas attrait la société One Digital dès lors que celle-ci a été radiée en date du 4 juillet 2018 et a fait l'objet d'un transfert universel de patrimoine ; sa demande de désignation d'un mandataire ad hoc (du 30/9/2021) a été refusée par le président du tribunal de commerce au motif que seul l'associé unique devait être assigné ; mais celui-ci est sis aux États-Unis, ce qui entraînerait des coûts disproportionnés ;
- Sur la demande de dommages-intérêts en application de l'article 123 du code de procédure civile :
* Si la cour devait prononcer l'irrecevabilité de ses demandes au motif qu'il n'a pas attrait la société WEBHELP USA LLS, la société LOCAM devra lui verser des dommages-intérêts à hauteur de 14.703,76 € conformément à l'article 123 du code de procédure civile dès lors que celle-ci a soulevé une fin de non-recevoir seulement en cause d'appel, ne lui permettant pas de régulariser la procédure auprès de la société One Digital lors de la procédure d'instance initiée le 31 août 2017 et alors que celle-ci existait encore à l'époque pour n'avoir été radiée que le 4 juillet 2018.
[*]
Aux termes de ses uniques conclusions du 20 juillet 2021, la société LOCAM demande à la Cour de :
- dire non fondé l'appel de Monsieur X. ;
- le débouter de toutes ses demandes ;
- confirmer le jugement entrepris ;
- condamner Monsieur X. à régler à la société LOCAM une indemnité de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamner en tous les dépens d'instance et d'appel.
Elle fait valoir :
Sur le parfait engagement de Monsieur L. à l'égard de la société LOCAM
* L'appelant a dûment ratifié le contrat de location de site Web à l'en-tête de la société LOCAM SAS en y apposant sa signature et son tampon humide à deux endroits distincts outre la mention manuscrite « lu et approuvé » et il ne saurait prétendre à la falsification de ces documents contractuels sans en rapporter la preuve et cela alors qu'il n'a pas déposé plainte pour faux en écritures privées ;
* Il a également dûment ratifié le procès-verbal de livraison de conformité une fois de plus à l'en-tête « Loueur Locam SAS » actant de sa bonne réception du site Internet en y apposant les exactes et mêmes mentions, ces documents ayant entraîné conformément à l'article 2-2 des conditions générales du contrat de location son engagement irrévocable à honorer le paiement des loyers financiers, à la suite de quoi, en sa qualité de bailleresse, elle a acquitté la totalité du prix de cession du site Internet auprès de son fournisseur, la société One Digital ;
* La jurisprudence est constante en la matière dès lors que l'appelant a ratifié ces documents sans opposition ni réserve il engage sa responsabilité à son égard ;
* Elle a mobilisé l'intégralité du capital représentatif du prix d'acquisition du site Internet commandé par l'appelant, le client ruinerait l'économie de la convention s'il lui était loisible de cesser unilatéralement ses paiements avant le terme alors qu'il s'est vu délivrer ainsi qu'il en a lui-même attesté, l'objet du contrat ; l'article 18-3 du contrat stipule par ailleurs, expressément les conséquences d'une résiliation fautive du locataire avant terme de la convention ;
Sur l'exclusion des dispositions du code de la consommation
* Le contrat de location du site Web a été conclu non au domicile professionnel ou personnel de M. X. à Bon Encontre mais à l'agence bordelaise de la société One Digital comme le mentionne expressément le contrat de location, l'appelant ne démontrant pas le contraire ;
* Par ailleurs l'extension par dérogation à certains professionnels du dispositif consumériste est subordonnée à la condition que ces derniers n'emploient pas plus de cinq salariés, la jurisprudence exigeant du professionnel locataire qu'il produise la preuve qu'au moment de la signature du contrat de location, la condition d'effectif était remplie ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
* M. X. ne peut soutenir non plus qu'il pourrait bénéficier de l'extension aux professionnels du dispositif consumériste protecteur en raison de l'absence de lien entre l'objet du contrat et son activité principale dès lors que le site Internet était destiné à être la vitrine de son activité professionnelle et à développer sa clientèle ;
* En tout état de cause, l'article L. 221-28-3° prévoit que le droit de rétractation est exclu lors des contrats de « fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés », ce qui était le cas pour le contrat souscrit qui prévoyait que le site Web épousait les spécificités de l'activité de M. X., dont il fournissait le contenu : textes, photos, illustrations ;
Sur l'irrecevabilité ou encore l'inopposabilité des griefs relatifs à la délivrance du site
* L'appelant n'a jamais demandé ou obtenu la résolution du bon de commande du site Web à l'encontre de son fournisseur la société One Digital qu'il n'a même pas attraite en la cause ; en vertu de l'article 15 des conditions générales de location du site Web il avait pourtant reçu mandat de sa part à cet effet en contrepartie de quoi, il a renoncé à tout recours contre elle du chef du bon fonctionnement et de la maintenance du site fourni ;
* Il lui incombait d'agir à titre principal contre la société One Digital ou à tout le moins de la mettre en cause ; faute de quoi ces griefs sont irrecevables en vertu des conditions générales de location et plus particulièrement de l'article 1er et de l'article 2 prévoyant que le choix et la définition du site Web appartiennent au locataire et au fournisseur, et que la livraison et l'installation du site Internet sont de la responsabilité de ceux-ci ;
* Sa responsabilité ne saurait être engagée à aucun titre du chef de la non-conformité du site livré ;
* Faute de disposer d'aucun titre consacrant l'inexécution par la société One Digital de ses obligations contractuelles, l'appelant n'est pas fondé à demander la caducité du contrat de location financière dès lors qu'une telle caducité ne peut survenir qu'en conséquence de l'anéantissement préalable du contrat de prestation interdépendant.
[*]
La Cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions déposées.
L'ordonnance de clôture a été rendue 8 décembre 2021 et l'affaire fixée au 10 janvier 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
1/ Sur l'absence aux débats de la société ONE DIGITAL :
Conformément à l'article 954 du code de procédure civile la Cour n'est saisie que par les prétentions figurant au dispositif des écritures des parties : si la société LOCAM développe une fin de non-recevoir relative à l'absence aux débats de la société ONE DIGITAL, elle n'en tire aucune prétention au dispositif de ses uniques conclusions.
Par suite il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de dommages-intérêts de M. X. fondée sur l'article 123 du code de procédure civile.
2/ Sur le droit applicable :
L'article L. 221-3 du code de la consommation applicable au litige prévoit que « les dispositions des sections 2, 3 et 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ».
Le professionnel employant moins de cinq salariés est donc désormais assimilé à un simple consommateur quand il contracte dans un champ de compétence qui n'est pas le sien.
En l'espèce, M. X. est artisan en couverture et charpente et exerce son activité à [ville B.] sous le régime social de la micro-entreprise comme il en justifie par l'attestation de l'URSSAF du 20 décembre 2018 et n'a aucun salarié.
Si le « contrat de location de site WEB » dont se prévaut la société LOCAM par lequel elle a financé la prestation, a été souscrit pour les besoins de l'activité professionnelle de M. X., dès lors qu'il visait à promouvoir son activité, il n'entrait pas dans le champ de son activité principale d'artisan couvreur stricto sensu, M. X. n'étant pas spécialisé dans la fourniture de services informatiques.
Il convient de relever ensuite qu’aucun bon de commande établi entre M. X. et la société ONE DIGITAL n'est versé aux débats, or un tel bon de commande est prévu à l'article 2 du contrat de location : « Le locataire et le fournisseur ont régularisé un bon de commande définissant les caractéristiques graphiques et techniques du Site Web, et les délais et modalités de réalisation et de mise en ligne. Ce bon de commande sera dénoncé par écrit par le locataire au loueur. Toutes clauses ou conditions particulières du bon de commande non expressément dénoncées au loueur sont inopposables à ce dernier ».
La société LOCAM devrait donc être en possession de ce bon de commande qui aurait également permis de vérifier les conditions dans lesquelles M. X. a pu s'engager.
Cette absence de communication du bon de commande est d'autant plus surprenante que selon l'article 3 du contrat de location, le loueur LOCAM devient « titulaire des droits de propriété intellectuelle nécessaire à la conclusion du présent contrat sur l'architecture technique et visuelle du site Web ».
A la lecture du seul contrat produit par la société LOCAM il apparaît qu'il porte manuscritement l'indication qu'il a été souscrit à Bordeaux, ce qui n'est ni le lieu du siège social de la société LOCAM, sis à Saint Etienne, ni celui du fournisseur ONE DIGITAL, sis à Paris, ni celui de M. X. sis à Bon Encontre. La société LOCAM soutient qu'il s'agit de l'agence bordelaise de la société ONE DIGITAL sans établir la pertinence de cette allégation par aucune pièce.
Or la législation protectrice du code de la consommation s'applique aux contrats conclus hors établissement, c'est à dire dans un lieu où le professionnel qui le propose n'exerce pas habituellement son activité. En tout état de cause la société LOCAM ne revendique pas avoir un établissement ou une agence à Bordeaux, puisque la Cour ne dispose que du contrat de financement par le loueur. La concernant, il s'agit donc d'un contrat signé hors établissement.
Enfin la première page du contrat de location reprend en en-tête un article 21 « attribution de compétence - droit applicable » qui prévoit que « tout litige relatif au présent contrat sera de la compétence des tribunaux du siège social du loueur, sauf application du code de la consommation ». Dès lors que la société LOCAM a assigné M. X. devant le tribunal de grande instance d'Agen et non devant le tribunal de grande instance de Saint-Etienne, il s'en déduit qu'elle a donc considéré que le code de la consommation s'appliquait.
Il résulte de l'ensemble de ces constatations que le contrat dont se prévaut la société LOCAM relève du code de la consommation.
3/ Sur la régularité de l'engagement contractuel de M. X., la nullité du contrat de prestation de service et celle du contrat de location, leur résolution :
L'article L. 221-8 du code de la consommation lequel fait partie de la section III contenant les dispositions particulières applicables aux contrats hors établissement, dispose que « le professionnel fournit au consommateur sur papier ou sous réserve de l'accord du consommateur sur un autre support durable les informations prévues à l'article L. 221-5. Ces informations sont rédigées de manière lisible et compréhensible ».
L'article L. 221-9 prévoit :
« Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement des parties. Ce contrat comprend les informations prévues par l'article L. 221-5 [...] Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5 ».
La violation des dispositions est sanctionnée par la nullité du contrat aux termes de l'article L. 241-1 du code de la consommation.
M. X. fait d'abord valoir qu'il ne sait ni lire ni écrire et qu'il n'a donc pu prendre la mesure de ce à quoi il s'engageait et qu'il a été victime d'une tromperie et d'un dol.
Pour établir son analphabétisme il produit en cause d'appel deux attestations selon lesquelles il ne sait ni lire ni écrire (Monsieur Y. agent d'assurance ALLIANZ) et qu'il lui est mis à disposition le service administratif de la société Comptoir des Fenêtres et Climatisation afin de remplir les documents tels que devis, chèque, bon de commande et la lecture de son courrier (Monsieur Z. gérant de ladite société).
Il ajoute pour preuve de son peu de maitrise de la lecture qu'il a apposé sa signature sur le procès- verbal de livraison à la rubrique « fournisseur » et non à celle intitulée « le locataire ».
Il conteste ensuite avoir écrit les mentions « lu et approuvé » qui précédent sa signature : l'examen de la copie du contrat de location et surtout du procès- verbal de livraison permet effectivement de constater que l'écriture est identique qu'il s'agisse de la mention censée avoir été apposée par le locataire, M. X., et de celle correspondant au représentant du fournisseur, et d'une façon générale il apparaît que toutes les mentions manuscrites ont été rédigées par la même main.
Il n'est donc pas établi que M. X. ait valablement consenti au contrat proposé, au sens des articles 1130 et 1137 du code civil.
En l'absence de production du bon de commande il ne peut être statué sur la conformité de celui-ci aux dispositions des articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation et la preuve du respect des obligations d'information mentionnées à l'article L. 221-5 pèse sur le professionnel, soit ici la société LOCAM : en effet les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants et l'irrégularité d'un de ces contrats entraîne la caducité des contrats qui y sont liés.
Comme relevé plus haut, la société LOCAM ne peut tirer argument de l'absence aux débats de la société ONEDIGITAL, puisqu'elle même devait disposer du contrat de prestation établi par celle - ci au regard des clauses de son propre contrat de location.
En ne le produisant pas aux débats elle ne permet pas que sa régularité soit vérifiée alors qu'elle la revendique. Au cas présent, l'exigence probatoire existe donc tant à son égard, qu'elle existe habituellement à l'égard du consommateur qui se prévaut de la nullité d'un contrat. Les conditions générales du contrat de location prévoyant que le bon de commande définit les caractéristiques graphiques et techniques du site Web, et les délais et modalités de réalisation, la société LOCAM devait être en mesure de s'en assurer.
Le seul procès-verbal de livraison et de conformité versé aux débats ne permet pas de vérifier le respect des dispositions protectrices du code de la consommation : il ne comporte comme désignation des biens que la mention très sommaire « création de site internet + prestation ».
Tant le contrat de financement que le procès-verbal de livraison ont été établis à la date du 10 février 2017, ce qui démontre comme le fait valoir M. X. qu'il n'a pu disposer du délai de rétractation prévu à l'article L. 221-18 du code de la consommation, aucune pièce n'établissant au surplus qu'il a été régulièrement informé de son droit de rétractation et de ses modalités d'exercice.
L'argument de la société LOCAM selon lequel le droit de rétractation est exclu par l'article L. 221-28 3° du code de la consommation « pour les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés » est sans portée en l'espèce, puisqu'en l'absence de toute pièce permettant de connaître la prestation commandée, il ne peut être vérifié en quoi elle correspondrait à ce type de contrat. La société LOCAM se contente d'affirmer que M. X. a lui-même fourni le contenu du site internet : textes, (alors qu'il a été vu les limites de ses capacités sur ce point) photos, illustrations.
Les contrats de fourniture et de location financière, nécessairement souscrits le même jour au vu des éléments du dossier, participaient d'une seule et même opération économique consistant, pour la société Locam, à louer le site web fourni par la société ONEDIGITAL : il y a lieu de retenir l'interdépendance des deux contrats.
M. X. soutien enfin que la société ONEDIGITAL n'a pas exécuté la prestation, la société LOCAM ne rapporte pas de preuve inverse.
De l'ensemble de ces constatations il en résulte que le contrat conclu entre M. X. et la société Locam ne peut qu'être annulé pour non-respect des dispositions du code de la consommation.
Le jugement sera infirmé et la société LOCAM déboutée de toutes ses demandes à l'encontre de M. X.
4/ Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
L'article 700 du code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Partie perdante la société LOCAM sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande de faire droit à la demande d'indemnisation de frais irrépétibles présentée par M. X. à hauteur de 1.500 €.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire d'Agen du 10 mars 2020
STATUANT À NOUVEAU
PRONONCE la nullité du contrat de location signé le 10 février 2017 entre la SAS LOCAM LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS et M. X.
DEBOUTE la SAS LOCAM LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS de toutes ses demandes
CONDAMNE la SAS LOCAM LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS à payer à M. X. la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la SAS LOCAM LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS aux dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Claude GATÉ, présidente, et par Charlotte ROSA, adjoint administratif faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet
- 6392 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Indivisibilité dans les locations financières - Droit postérieur aux arrêts de Chambre mixte