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CASS. COM., 13 avril 2022

Nature : Décision
Titre : CASS. COM., 13 avril 2022
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. commerciale
Demande : 20-17128
Décision : 22-254
Date : 13/04/2022
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:CO00254
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 254
Référence bibliographique : 9742 (prêt immobilier, monnaie étrangère), 6465 (déménagement, clause limitative), 6114 (clause limitative de responsabilité, franchise)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9579

CASS. COM., 13 avril 2022 : pourvoi n° 20-17128 ; arrêt n° 254

Publication : Legifrance

 

Extrait : « Vu les articles L. 212-1 du code de la consommation, dans sa version en vigueur depuis le 10 octobre 2016, et R. 212-1, 6°, du code de la consommation, dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2016 :

3. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon, C-243/08). […]

6. Pour rejeter la demande en paiement de Mme X., après avoir dit que la réparation du dégât sur le bien devait être mise à la charge du transporteur, le jugement retient que le montant du préjudice s'élèverait à 200 euros mais qu'il ressort du contrat qu'une somme de 390 euros correspondant à la franchise doit rester à la charge du client.

7. En statuant ainsi, alors qu'une telle clause ayant pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement du professionnel à l'une de ses obligations est présumée abusive de manière irréfragable, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE

ARRÊT DU 13 AVRIL 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : F 20-17.128. Arrêt n° 254 F-D.

DEMANDEUR à la cassation : Madame X.

DÉFENDEUR à la cassation : Société Service poids lourd

M. RÉMERY, conseiller doyen, faisant fonction de président.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme X. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 8 juin 2020.

Mme X., domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 20-17.128 contre le jugement rendu le 22 novembre 2019 par le tribunal d'instance de Saint-Denis, dans le litige l'opposant à la société Service poids lourd, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme X., après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Saint Denis, 22 novembre 2019), rendu en dernier ressort, invoquant des dommages causés à un piano lors de son déménagement effectué le 24 mars 2018, Mme X. a assigné la société Service poids lourd en indemnisation.

 

Sur le moyen relevé d'office :

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

 

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu les articles L. 212-1 du code de la consommation, dans sa version en vigueur depuis le 10 octobre 2016, et R. 212-1, 6°, du code de la consommation, dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2016 :

 

CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause)                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

3. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon, C-243/08).

4. Aux termes du premier des textes susvisés, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

5. En application du second de ces textes, dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs ou des non professionnels, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article L. 212-1 du code de la consommation, et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations.

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

6. Pour rejeter la demande en paiement de Mme X., après avoir dit que la réparation du dégât sur le bien devait être mise à la charge du transporteur, le jugement retient que le montant du préjudice s'élèverait à 200 euros mais qu'il ressort du contrat qu'une somme de 390 euros correspondant à la franchise doit rester à la charge du client.

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

7. En statuant ainsi, alors qu'une telle clause ayant pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement du professionnel à l'une de ses obligations est présumée abusive de manière irréfragable, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 22 novembre 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Saint-Denis ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant la chambre de proximité du tribunal judiciaire de Bobigny ;

Condamne la société Service poids lourd aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Service poids lourd à payer à la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme X.

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mme X. fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à la condamnation de la société Service Poids Lourd à l'indemniser de son préjudice consécutif aux dommages subis par son piano objet du contrat de transport ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1°) ALORS QUE le transporteur est responsable des avaries des choses qui lui sont confiées, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont été avariées par cas fortuit ou force majeure ; que le tribunal a constaté qu'« il ressort[ait] de la lettre de voiture qu'entre le moment de la prise en charge du bien et son installation dans les nouveaux lieux, un éclat [était] apparu » (jugement p. 3, al. 6) et a jugé que « la réparation de ce dégât sur le bien sera[it] mis à la charge de la société défenderesse » (jugement, p. 3, al. 7) et que « le montant du préjudice s'élèv[ait] à la somme de 200 euros » (jugement, p. 3, al. 8) ; qu'en déboutant pourtant Mme X. de sa demande d'indemnisation formulée à l'encontre de la société Service Poids Lourd, le tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 133-1 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que les juges du fond ne peuvent accorder à une victime une indemnisation inférieure à celle offerte par la personne tenue à réparation ; qu'en déboutant Mme X. de sa demande d'indemnisation, après avoir constaté que la SARL Service Poids offrait de lui verser la somme de 125 euros (jugement p. 2, antépénultième al.), le tribunal a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE la franchise stipulée dans un contrat d'assurance de responsabilité qui régit les rapports entre l'assureur et l'assuré n'a ni pour objet, ni pour effet, de limiter le montant de l'indemnisation due par le responsable du dommage à la victime ; qu'en se fondant sur l'existence d'une franchise de 390 euros dans le contrat d'assurance souscrit par le déménageur pour juger que dès lors que le montant du préjudice subi était inférieur à cette somme, la victime devait être déboutée de sa demande d'indemnisation formulée à l'encontre du transporteur, le tribunal a violé l'article L. 133-1 du code de commerce (jugement p. 3, al. 9 et 10) ;

4°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en affirmant que le contrat de transport liant Mme X. à la société Service Poids Lourd stipulait une clause de limitation de responsabilité en cas de dommage inférieur à la somme de 390 euros, le tribunal a dénaturé la lettre de voiture et a violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause.