CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 25 mai 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9643
CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 25 mai 2022 : RG n° 20/04881
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « S'agissant de l'action en nullité de la stipulation d'intérêt, le tribunal a retenu, à bon droit, que la circonstance que les emprunteurs ont en totalité remboursé le prêt litigieux n'emporte pas qu'ils auraient renoncé à se prévaloir des éventuelles irrégularités affectant l'offre de prêt qu'ils ont acceptée, et faisant exacte application de l'article 31 du code de procédure civile, qu'ils apparaissent avoir un intérêt à solliciter, comme ils le font à présent, le remboursement des sommes qu'ils estiment avoir réglées à tort au cours de l'exécution de ce contrat, peu important s'agissant d'examiner la recevabilité de l'action au regard de l'intérêt à agir, que leurs prétentions seraient non fondées. La même solution s'impose s'agissant de l'action en déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels, nouvellement exercée à hauteur de cour. »
2/ « En cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de cette prescription est le jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur, c'est-à-dire la date de la convention, jour de l'acceptation de l'offre, lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou, lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur. »
3/ « Ainsi les emprunteurs, au prix de la lecture attentive qu'il est légitime d'attendre de personnes s'engageant pour 25 ans, étaient en mesure de se convaincre par eux-mêmes, de l'éventualité d'une erreur relative au taux effectif global, qui résulte nécessairement des 'omissions' telles qu'elles sont alléguées, à savoir : l'absence de prise en compte dans le calcul du taux effectif global du montant des intérêts de la période d'utilisation progressive.
La société LE CRÉDIT LYONNAIS fait au surplus observer, sans être contredite sur ce point, que madame X. a déclaré exercer la profession de « technicienne crédit », ce qui qui lui confère de toute évidence une aptitude particulière à la compréhension d'une offre de prêt.
De même, il ne pouvait échapper à l'attention d'un lecteur attentif, la présence d'une clause de calcul des intérêts sur la base d'une année bancaire de 360 jours, telle que monsieur Y. et madame X. la critiquent à présent. Or, lorsque la simple lecture de l'offre de prêt permet à l'emprunteur de déceler son irrégularité, le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts « dont il sera rappelé qu'il s'agit de la seule sanction applicable s'agissant d'un taux effectif global erroné dans une offre de prêt immobilier soumise aux dispositions du code de la consommation » se situe au jour de l'acceptation de l'offre, sans report possible tiré de la révélation postérieure d'autres irrégularités.
A la date de l'assignation délivrée à la banque le 19 octobre 2017, l'action en nullité de la stipulation d'intérêt et l'action en déchéance du droit de la banque à se prévaloir des intérêts conventionnels, en ce qu'elles sont fondées sur l'inexactitude alléguée du taux effectif global, étaient donc l'une et l'autre déjà prescrites, depuis le 30 avril 2015. »
3/ « Monsieur Y. et madame X. indiquent - à bon droit - qu'une clause abusive étant « réputée non écrite » et non pas « nulle » la prescription par cinq ans de l'action en nullité prévue par l'article 1304 du code civil n'est pas applicable. Ils écrivent que doit être réputée non écrite la clause prévoyant le calcul des intérêts sur la base d'une année bancaire de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an, abusive en ce que l'emprunteur est privé de la possibilité de pouvoir se fier à une donnée fiable et unique, qu'est censé lui fournir le prêteur professionnel.
Pour autant monsieur Y. et madame X. ne formulent aucune demande à ce titre au dispositif de leurs conclusions.
Toutefois par souci de complétude il convient d'indiquer qu'en vertu des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation devenu l'article L. 212-1, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, mais aussi qu'il est de principe que par application des dispositions combinées des articles 1907 alinéa 2 du code civil et L. 313-1, L. 313-2, R. 313-1 du code de la consommation, les intérêts conventionnels d'un prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doivent, comme le taux effectif global, être calculés sur la base de l'année civile sous peine de se voir substituer l'intérêt légal. En l'espèce la clause litigieuse étant rédigée comme suit : « les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an », au vu des dispositions précitées il s'agit donc d'une clause illicite, et non d'une clause « abusive ».
Surtout, à supposer encore qu'une telle clause entre dans le champ d'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, monsieur Y. et madame X. ne caractérisent pas en quoi elle créerait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, le simple fait que selon eux « l'emprunteur est privé de la possibilité de pouvoir se fier à une donnée fiable et unique, qu'est censé lui fournir le prêteur professionnel » étant à cet égard insuffisant. Aussi, contrairement à ce que soutiennent monsieur Y. et madame X., la seule présence au contrat d'une clause stipulant que les intérêts conventionnels sont calculés sur une base annuelle de 360 jours non seulement n'emporte pas nécessairement nullité de la stipulation d'intérêts, mais encore ne suffit pas à caractériser le déséquilibre significatif prévu par la loi. La clause critiquée ne saurait causer aucun déséquilibre puisque même à la supposer appliquée, le montant des échéances mensuelles est l'exact équivalent de celui d'échéances dûment calculées sur la base du mois normalisé.
C'est donc vainement que monsieur Y. et madame X., manifestement pour faire échec à la prescription de leur action, allèguent du moyen tiré du caractère prétendument abusif de la clause de stipulation d'intérêts de leur contrat de prêt. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 6
ARRÊT DU 25 MAI 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/04881 (9 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CBUNW. Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 janvier 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'EVRY – R.G. n° 17/06684.
APPELANTS :
Madame X.
née le [date] à [ville], de nationalité française [...], [...]
Monsieur Y.
né le 26/[date] à [ville], de nationalité française, [...], [...]
Représentés par Maître Nathalie M., avocat au barreau de PARIS, toque : P0020
INTIMÉE :
SA LE CRÉDIT LYONNAIS
[...], [...], Représentée par Me Hugues B. du LLP K. L. N. & F. LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J008
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : M. Marc BAILLY, Président de chambre, Mme Florence BUTIN, Conseillère, Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère.
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Yulia TREFILOVA, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Suivant offre préalable de prêt émise le 15 avril 2010 et acceptée le 30 avril 2010 la société LE CRÉDIT LYONNAIS a consenti à monsieur Y. et Madame X., co-emprunteurs solidaires, outre un prêt à taux zéro de 45.000 euros, un prêt immobilier d'un montant de 155.551 euros, destiné à financer l'acquisition en état futur d'achèvement d'un appartement constituant leur future résidence principale. Ce prêt, d'une durée de 300 mois dont une période d'utilisation progressive de 24 mois, a été stipulé remboursable au taux d'intérêt conventionnel de 3,85 % par an. Le taux effectif global mentionné dans l'offre est de 4,36 % l'an, et le taux de période mensuel, de 0,36 %. Le prêt a fait l'objet d'un remboursement anticipé.
Contestant l'exactitude du taux effectif global et les modalités de calcul des intérêts du prêt, monsieur Y. et madame X. ont fait assigner la banque à comparaître devant le tribunal de grande instance d'Evry, selon acte d'huissier daté du 19 octobre 2017.
Aux termes de leurs dernières conclusions, monsieur Y. et madame X. pour l'essentiel demandaient au tribunal de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts, et subséquemment, réclamaient, en particulier, le taux d'intérêt légal devant venir se substituer au taux d'intérêt conventionnel, le remboursement des intérêts en trop perçus, soit une somme de 24.018,46 euros, ainsi que le remboursement de la somme de 9.234,56 euros au titre du capital en trop payé.
En réponse la société LE CRÉDIT LYONNAIS demandait au tribunal de déclarer irrecevables monsieur Y. et madame X. en leurs demandes - pour défaut d'intérêt et de droit d'agir et pour cause de prescription - et de rejeter ces demandes en conséquence.
Par jugement rendu le 10 janvier 2020 le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir opposée par la société LE CRÉDIT LYONNAIS, a déclaré la demande de monsieur Y. et madame X. tendant à voir prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts irrecevable comme étant prescrite, et a condamné monsieur Y. et madame X. aux dépens ainsi qu'à verser à la société LE CRÉDIT LYONNAIS la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 6 mars 2020 madame X. et monsieur Y. ont interjeté appel de ce jugement. À l'issue de la procédure d'appel clôturée le 1er février 2022 les moyens et prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.
[*]
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 15 juin 2020 les appelants présentent ainsi leurs demandes à la cour :
« Recevant monsieur et madame X. Y. en leur appel dirigé contre le jugement du tribunal de grande instance d'Evry en date du 10 janvier 2020,
Les dire bien fondés ;
Réformant le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Evry en ce qu'il a rejeté les prétentions des appelants comme étant prescrites ;
Et statuer à nouveau ;
Vu le contrat de prêt,
Vu les articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation,
Vu l'article 1907 du code civil,
Subsidiairement vu les dispositions des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation,
Vu la jurisprudence visée,
Recevoir les demandes des emprunteurs et les déclarer bien fondées ;
- Constater que le contrat de prêt litigieux comporte la clause dite année lombarde ;
- Constater que les intérêts conventionnels ont été calculés sur la base d'une année comportant 360 jours,
- Constater que le TEG ne prend pas en compte dans son calcul la période de préfinancement ;
En conséquence,
A titre principal
- Prononcer la nullité des stipulations contractuelles relatives aux intérêts conventionnels du prêt de 151 551 euros et consentis par la banque CRÉDIT LYONNAIS aux demandeurs ;
- Dire et juger que le taux de l'intérêt légal en vigueur au jour de l'acceptation de l'offre de prêt s'appliquera, aux lieu et place du taux conventionnel, depuis l'origine du prêt et jusqu'à son solde en mai 2015 ;
- Ordonner la restitution des intérêts trop perçus ;
En conséquence, condamner la société CRÉDIT LYONNAIS à rembourser à monsieur Y. et à madame X. au titre des intérêts trop perçus la somme de 24.018,46 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2017, date de la mise en demeure ;
- Condamner la société CRÉDIT LYONNAIS à rembourser à monsieur Y. et à madame X. la somme de 9.234,56 euros au titre du capital trop payé avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance ;
A titre subsidiaire
- Ordonner la déchéance du droit aux intérêts conventionnels au détriment de la banque dans une proportion qui ne saurait être inférieure à 50 % ;
Vu les dispositions des articles 699 et 700 du code de procédure civile,
- Condamner la banque défenderesse à verser à monsieur Y. et à madame X. la somme de 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel. »
[*]
Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 14 septembre 2020 l'intimé demande à la cour de bien vouloir :
« - Déclarer les demandes de Madame X. et monsieur Y., irrecevables,
- Déclarer l'appel de Madame X. et monsieur Y. mal fondé,
En conséquence,
A titre principal,
- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Evry du 10 janvier 2020 (R.G. n°17/06684) en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite la demande de Madame X. et monsieur Y. tendant à voir prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts ;
- Déclarer en conséquence la demande en nullité de Madame X. et monsieur Y., irrecevable ;
Et pour le surplus,
- Déclarer irrecevable la demande en déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels du prêt de Madame X. et monsieur Y. ;
- Débouter Madame X. et monsieur Y. de leurs autres demandes en toutes fins qu'elles comportent ;
A titre subsidiaire,
- Rejeter les prétentions de Madame X. et monsieur Y. à toutes fins qu'elles comportent ;
En toute hypothèse,
- Condamner in solidum Madame X. et monsieur Y., à payer au CRÉDIT LYONNAIS une indemnité de 3.500 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner in solidum Madame X. et monsieur Y., aux entiers dépens. »
[*]
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il doit être souligné que si les appelants ne critiquent la décision du tribunal qu'en ce qu'il les a déclarés prescrits en leur action, la banque demande confirmation du jugement déféré sur ce point mais ne sollicite pas expressément l'infirmation de la décision entreprise en ce que le tribunal a rejeté sa fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir des emprunteurs.
Néanmoins, même si au dispositif de ses conclusions la société LE CRÉDIT LYONNAIS demande à la cour de déclarer irrecevables les demandes de monsieur Y. et madame X. sans préciser le fondement de cette irrecevabilité, la lecture de ses conclusions permet de comprendre que cette irrecevabilité résulterait du défaut d'intérêt à agir, de la prescription, et de la sanction applicable.
Sur le défaut d'intérêt à agir :
La société LE CRÉDIT LYONNAIS soutient qu'ayant remboursé leurs prêts par anticipation, monsieur Y. et madame X. ne sont plus recevables à invoquer la nullité de la clause d'un contrat qu'ils ont exécuté volontairement et en totalité, et qui a pris fin.
S'agissant de l'action en nullité de la stipulation d'intérêt, le tribunal a retenu, à bon droit, que la circonstance que les emprunteurs ont en totalité remboursé le prêt litigieux n'emporte pas qu'ils auraient renoncé à se prévaloir des éventuelles irrégularités affectant l'offre de prêt qu'ils ont acceptée, et faisant exacte application de l'article 31 du code de procédure civile, qu'ils apparaissent avoir un intérêt à solliciter, comme ils le font à présent, le remboursement des sommes qu'ils estiment avoir réglées à tort au cours de l'exécution de ce contrat, peu important s'agissant d'examiner la recevabilité de l'action au regard de l'intérêt à agir, que leurs prétentions seraient non fondées.
La même solution s'impose s'agissant de l'action en déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels, nouvellement exercée à hauteur de cour.
Monsieur Y. et madame X. sont recevables en leur action et doit être écartée, l'exception d'irrecevabilité opposée par la banque.
Sur la prescription :
En droit, qu'il soit engagé l'action en nullité de la stipulation d'intérêts, comme entendent le faire monsieur Y. et madame X., à titre principal, ou encore l'action en déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels, telle qu'ils l'exercent mais à titre subsidiaire et nouvellement en cause d'appel, la question de la prescription, désormais quinquennale dans chacune de ces hypothèses, est susceptible de se poser, mais au regard d'un fondement textuel qui n'est pas le même dans l'un et l'autre cas quand bien même au final le point de départ de la prescription sera fixé selon un raisonnement analogue.
Ainsi, l'action en nullité de la stipulation d'intérêts, en ce qu'elle serait fondée sur l'erreur affectant le taux effectif global mentionné dans l'écrit constatant le contrat de prêt et viserait à sanctionner l'absence de consentement de l'emprunteur au coût global du prêt, relève du régime de la prescription quinquennale de l'article 1304 ancien du code civil. En cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de cette prescription est le jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur, c'est-à-dire la date de la convention, jour de l'acceptation de l'offre, lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou, lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur.
Par ailleurs, en vertu de l'article L. 312-33 ancien du code de la consommation, l'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels est soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article L. 110-4 du code de commerce, notamment relative aux obligations contractées entre une banque prêteuse et le souscripteur d'un crédit immobilier, le délai de prescription courant alors à compter du moment où l'emprunteur a connu ou aurait du connaître l'erreur relative au taux effectif global.
En l'espèce, les appelants allèguent que les anomalies de leur prêt, dont celles affectant l'exactitude du taux effectif global, sont « de nature technique dans la mesure où il a fallu une démonstration mathématique pour les révéler et qu'il a fallu reconstituer une échéance d'intérêts, au moyen d'une formule mathématique, pour déterminer la base de calcul des intérêts conventionnels ». Le point de départ de la prescription se situe donc à la date du rapport de la société 2 CLM, daté du 14 juin 2017, ou à défaut, à la date du rachat du crédit, 'en mai 2015'.
Or, l'offre de prêt comporte des mentions suffisamment complètes, sous une présentation accessible permettant à un lecteur même profane de connaître quels frais et charges ont été effectivement pris en compte pour calculer le taux effectif global, et donc, a contrario, quels sont ceux qui n'ont pas été inclus dans son assiette de calcul.
En particulier l'offre de prêt mentionne, en page 4 s'agissant du coût total du prêt :
« Les montants ci-dessus ne comprennent :
Ni les intérêts dus sur les utilisations, ni la commission d'engagement, s'il existe une période d'utilisation progressive ou une période d'anticipation
Ni les intérêts intercalaires courant entre la date de départ du prêt et la date de la période de remboursement, ou de différé d'amortissement, ou de franchise totale. »
Or tel est bien le cas sur ce dernier point, étant indiqué parmi les caractéristiques du prêt (2.1 - Conditions financières), une durée totale de 300 mois dont une période d'utilisation progressive d'une durée de 24 mois.
Ainsi les emprunteurs, au prix de la lecture attentive qu'il est légitime d'attendre de personnes s'engageant pour 25 ans, étaient en mesure de se convaincre par eux-mêmes, de l'éventualité d'une erreur relative au taux effectif global, qui résulte nécessairement des 'omissions' telles qu'elles sont alléguées, à savoir : l'absence de prise en compte dans le calcul du taux effectif global du montant des intérêts de la période d'utilisation progressive.
La société LE CRÉDIT LYONNAIS fait au surplus observer, sans être contredite sur ce point, que madame X. a déclaré exercer la profession de « technicienne crédit », ce qui qui lui confère de toute évidence une aptitude particulière à la compréhension d'une offre de prêt.
De même, il ne pouvait échapper à l'attention d'un lecteur attentif, la présence d'une clause de calcul des intérêts sur la base d'une année bancaire de 360 jours, telle que monsieur Y. et madame X. la critiquent à présent.
Or, lorsque la simple lecture de l'offre de prêt permet à l'emprunteur de déceler son irrégularité, le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts « dont il sera rappelé qu'il s'agit de la seule sanction applicable s'agissant d'un taux effectif global erroné dans une offre de prêt immobilier soumise aux dispositions du code de la consommation » se situe au jour de l'acceptation de l'offre, sans report possible tiré de la révélation postérieure d'autres irrégularités.
A la date de l'assignation délivrée à la banque le 19 octobre 2017, l'action en nullité de la stipulation d'intérêt et l'action en déchéance du droit de la banque à se prévaloir des intérêts conventionnels, en ce qu'elles sont fondées sur l'inexactitude alléguée du taux effectif global, étaient donc l'une et l'autre déjà prescrites, depuis le 30 avril 2015.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a déclaré monsieur Y. et madame X. irrecevables en leur demande de nullité de la stipulation d'intérêts et demandes subséquentes.
S'agissant du grief fait à la banque d'avoir utilisé l'année dite 'lombarde' pour calculer les intérêts du prêt, il sera fait observer que si l'erreur éventuelle portant sur les intérêts d'une échéance incomplète ne peut être décelée que postérieurement à l'acceptation de l'offre, dans les jours suivant le déblocage des fonds, au moment où est prélevée ladite échéance, ce qui constituera le point de départ de la prescription quinquennale, force est de constater qu'en l'espèce, monsieur Y. et madame X., qui ne proposent aucun calcul et ne procédent que par généralités, ne se saisissent pas d'un tel grief.
Il résulte de ce qui précède que l'action exercée par monsieur Y. et madame X. en raison d'une utilisation fautive de l'année lombarde pour le calcul des intérêts des échéances du prêt, est prescrite pour avoir été introduite plus de cinq années après la conclusion du contrat, c'est à dire la signature de l'offre, le 30 avril 2010.
Par conséquent il n'y a pas lieu de se pencher sur la question de la sanction applicable en matière d'erreur affectant le taux effectif global, dont l'appréciation touche au fond, lequel n'est pas à examiner compte tenu de l'irrecevabilité des demandes de monsieur Y. et madame X. pour cause de prescription.
Surabondamment, sur le caractère abusif de la clause de calcul des intérêts :
Monsieur Y. et madame X. indiquent - à bon droit - qu'une clause abusive étant « réputée non écrite » et non pas « nulle » la prescription par cinq ans de l'action en nullité prévue par l'article 1304 du code civil n'est pas applicable. Ils écrivent que doit être réputée non écrite la clause prévoyant le calcul des intérêts sur la base d'une année bancaire de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an, abusive en ce que l'emprunteur est privé de la possibilité de pouvoir se fier à une donnée fiable et unique, qu'est censé lui fournir le prêteur professionnel.
Pour autant monsieur Y. et madame X. ne formulent aucune demande à ce titre au dispositif de leurs conclusions.
Toutefois par souci de complétude il convient d'indiquer qu'en vertu des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation devenu l'article L. 212-1, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, mais aussi qu'il est de principe que par application des dispositions combinées des articles 1907 alinéa 2 du code civil et L. 313-1, L. 313-2, R. 313-1 du code de la consommation, les intérêts conventionnels d'un prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doivent, comme le taux effectif global, être calculés sur la base de l'année civile sous peine de se voir substituer l'intérêt légal. En l'espèce la clause litigieuse étant rédigée comme suit : « les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an », au vu des dispositions précitées il s'agit donc d'une clause illicite, et non d'une clause « abusive ».
Surtout, à supposer encore qu'une telle clause entre dans le champ d'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, monsieur Y. et madame X. ne caractérisent pas en quoi elle créerait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, le simple fait que selon eux « l'emprunteur est privé de la possibilité de pouvoir se fier à une donnée fiable et unique, qu'est censé lui fournir le prêteur professionnel » étant à cet égard insuffisant. Aussi, contrairement à ce que soutiennent monsieur Y. et madame X., la seule présence au contrat d'une clause stipulant que les intérêts conventionnels sont calculés sur une base annuelle de 360 jours non seulement n'emporte pas nécessairement nullité de la stipulation d'intérêts, mais encore ne suffit pas à caractériser le déséquilibre significatif prévu par la loi. La clause critiquée ne saurait causer aucun déséquilibre puisque même à la supposer appliquée, le montant des échéances mensuelles est l'exact équivalent de celui d'échéances dûment calculées sur la base du mois normalisé.
C'est donc vainement que monsieur Y. et madame X., manifestement pour faire échec à la prescription de leur action, allèguent du moyen tiré du caractère prétendument abusif de la clause de stipulation d'intérêts de leur contrat de prêt.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Monsieur Y. et madame X. qui échouent dans leurs demandes, supporteront la charge des dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de la société LE CRÉDIT LYONNAIS formulée sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 3 000 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant dans les limites de l'appel,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, notamment en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite la demande de Madame X. et monsieur Y. tendant à voir prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts ;
Et y ajoutant,
REJETTE la fin de non-recevoir opposée par la société LE CRÉDIT LYONNAIS, pour défaut d'intérêt à agir, quant à la demande de déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels de Madame X. et monsieur Y. ;
DÉCLARE monsieur Y. et Madame X. irrecevables en leur demande de déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels et demandes subséquentes, comme étant prescrites ;
DIT n'y avoir lieu à statuer sur l'exception d'irrecevabilité des demandes de Madame X. et monsieur Y. tendant à voir prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts, cette question relevant d'une appréciation de fond et cette demande étant déclarée irrecevable comme étant prescrite ;
CONDAMNE monsieur Y. et Madame X. à payer à la société LE CRÉDIT LYONNAIS la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
DÉBOUTE monsieur Y. et Madame X. de leur propre demande formulée sur ce même fondement ;
CONDAMNE monsieur Y. et Madame X. aux entiers dépens d'appel.
LE GREFFFIER LE PRÉSIDENT
- 5705 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Délai pour agir - Prescription
- 5708 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Intérêt pour agir
- 5730 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Voies de recours - Appel
- 9744 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier – Année civile et lombarde