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CA BASTIA (ch. soc.), 1er juin 2022

Nature : Décision
Titre : CA BASTIA (ch. soc.), 1er juin 2022
Pays : France
Juridiction : Bastia (CA), ch. civ.
Demande : 21/00069
Date : 1/06/2022
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 24/03/2021
Référence bibliographique : 8500 (contrat de travail, caractère abusif invoqué par l’employeur), 9748 (contrat de travail et art. 1171 C. civ.)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9652

CA BASTIA (ch. soc.), 1er juin 2022 : RG n° 21/00069 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Sur le fond, le contrat de travail à durée indéterminée signé par Madame X. et la SARL Biancume, les liant à effet du 1er janvier 2013, prévoyait dans un article 11 « Rupture du contrat et indemnités » : « En cas de rupture du contrat de travail, et ce, pour quelque motif que ce soit et quelque soit la partie ayant rompu le contrat de travail, Madame X. percevra alors une indemnité forfaitaire de départ d'un montant net de charges sociales de 75.000 euros. (Soixante-quinze mille euros). Cette indemnité sera versée automatiquement dès la fin du contrat de travail de la salariée. »

Une nullité de la clause n'est pas valablement invoquée par la SELARL BRMJ, représentée par Maître C. V., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Biancume, faute de démonstration de ce que cette clause (concernant une salariée ayant le statut de cadre), non relative à une indemnité contractuelle de licenciement ou à une indemnité uniquement due en cas de rupture imputable à l'employeur, était de nature à faire échec au droit de l'employeur de licencier la salariée et de rompre la relation de travail, ou encore faute de démonstration de ce que cette clause portait une atteinte excessive et injustifiée à la liberté du travail, dans une entreprise dont la petitesse est alléguée par le liquidateur, mais sans éléments véritables à l'appui.

Dans le même temps, le caractère non écrit de la clause contractuelle n'est pas utilement invoqué par l'Association Unedic Délégation AGS CGEA de Toulouse, l'intimée, devant apporter les éléments de fait et de droit nécessaires au succès de ses prétentions, ne justifiant pas que les conditions d'application de l'article 1171 du code civil visé par ses soins soient remplies, l'applicabilité de ce texte (issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016, alors que le contrat de travail est à effet du 1er janvier 2013) au litige n'étant pas mise en lumière par l'intimée, qui en tout état de cause, n'a pas démontré dans ses écritures que la clause contractuelle précitée créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au regard de l'économie générale du contrat, économie non évoquée par cette intimée, et de l'absence de mise en échec, comme développé précédemment, du droit de l'employeur de licencier la salariée et de rompre la relation de travail, dans une entreprise dont la petitesse est alléguée mais non prouvée.

En réalité, comme développé par l'appelante, Madame X., cette clause, prévue au contrat de travail liant les parties, n'instituait pas une indemnité de licenciement à la charge de l'employeur qui mettait fin au contrat de travail ou auquel la rupture était imputable mais une indemnité due dans tous les cas de rupture du contrat de travail (ce sans exigence d'un seuil d'ancienneté), ce qui n'est pas interdit, ni ne se heurte au principe de non cumul entre différentes indemnités de licenciement, tandis qu'il n'est pas mis en évidence qu'un cumul entre l'indemnité prévue au contrat de travail liant les parties et indemnité spécifique de rupture conventionnelle (quant à elle prévue par l'article L. 1237-13 du code du travail) est interdit.

La modération d'une clause pénale excessive, sollicitée par chacun des intimés, implique que tous les éléments de la clause pénale puissent être caractérisés, étant rappelé qu'aux termes de l'article 1226 du code civil, dans sa version en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016, une clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution, alors que selon l'article 1152 du même code, dans sa version applicable jusqu'à la même date, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre ; néanmoins le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Il se déduit de ces données textuelles que la clause pénale est la clause par laquelle les parties à un contrat fixent à l'avance, de manière forfaitaire, le montant des dommages et intérêts qui seront dus par le débiteur, en cas d'inexécution de ses obligations contractuelles, pour réparer le préjudice subi par le créancier. Or, en l'espèce, si un caractère forfaitaire est stipulé dans la clause contractuelle, celle-ci, compte tenu de sa formulation, n'a pas vocation à sanctionner un manquement du débiteur quant à une ou des obligations qu'il a souscrite(s), l'indemnité étant due dans tous les cas de rupture du contrat. Par suite, la cour ne dispose pas de tous les éléments lui permettant de conclure que cette clause contractuelle constitue une clause pénale. Consécutivement, elle ne peut exercer son pouvoir modérateur, et n'a donc pas à entrer dans l'examen des moyens développés par les parties relatifs au caractère manifestement excessif ou pas de la clause. »

 

COUR D’APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 1er JUIN 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/00069. N° Portalis DBVE-V-B7F-CAP3. Décision déférée à la Cour du 18 mars 2021, Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BASTIA : R.G. n° F15/00116.

 

APPELANTE :

Madame X.

[Adresse 2], [Localité 5], Représentée par Maître Pasquale VITTORI, avocat au barreau de BASTIA

 

INTIMÉES :

SELARL BRMJ - Maître C. V. - Mandataire liquidateur de la SARL BIANCUME

[Adresse 6], [Localité 3], Représenté par Maître Claude CRETY, substituée par Maître Bernard GIANSILY, avocats au barreau de BASTIA

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE TOULOUSE représentée par sa directrice nationale Mme T. B.

[Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Maître Pierre Henri VIALE, avocat au barreau de BASTIA

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 mars 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Monsieur JOUVE, Président de chambre, Madame COLIN, Conseillère, Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président.

GREFFIER : Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 1er juin 2022

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe - Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Madame X. a été embauchée par la SARL Biancume, en qualité d'assistante de direction, statut cadre niveau 7 échelon 2, suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er janvier 2013, avec une ancienneté fixée au 1er octobre 2012.

Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale de commences de gros.

A été signée entre les parties une rupture conventionnelle, homologuée par la suite, avec cessation effective de la relation de travail le 27 décembre 2014.

Madame X. a saisi le conseil de prud'hommes de Bastia, par requête reçue le 15 juin 2015, de diverses demandes.

Par décision du tribunal de commerce de Bastia du 13 février 2018, la SARL Biancume a été placée en liquidation judiciaire, la SELARL BRMJ, représentée par Maître C. V., étant désignée comme mandataire liquidateur.

Un sursis à statuer a été prononcé par le conseil de prud'hommes de Bastia le 20 septembre 2018 dans l'attente de la décision de la juridiction pénale (une plainte avec constitution de partie civile étant déposée pour faux et usage de faux, tentative d'escroquerie au jugement à l'encontre de Madame X.). Le juge d'instruction a rendu le 7 octobre 2020 une ordonnance de non-lieu, non frappée d'appel suivant le certificat de non-appel délivré.

Selon jugement du 18 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Bastia a :

- débouté Madame X. de sa demande de paiement de l'indemnité spécifique prévue [à] l'article 11 de son contrat de travail,

- débouté Madame X. de sa demande de paiement à titre de préjudice moral et procédure dilatoire,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie conservera ses propres dépens.

Par déclaration du 24 mars 2021 enregistrée au greffe, Madame X. a interjeté appel de ce jugement en sollicitant l'infirmation en ce qu'il l'a déboutée des demandes suivantes : enjoindre à la SELARL BRMJ, ès qualités de liquidateur de la SARL Biancume, d'inscrire sur le relevé des créances les sommes suivantes : 72.504,65 euros à titre d'indemnité contractuelle de rupture, 30.000 euros à titre de préjudice moral et procédure dilatoire, enjoindre à l'AGS CGEA de verser entre les mains du mandataire liquidateur lesdites sommes, à charge pour le mandataire de reverser cette somme au salarié, au surplus : condamner l'employeur à payer 2.500 euros au titre de l'article 700 du CPC, condamner l'employeur aux entiers dépens au titre de l'article 696 du CPC.

[*]

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 30 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame X. a demandé :

- de débouter les intimés de leurs demandes, fins et conclusions,

- d'infirmer le jugement du 18 mars 2021 en ce qu'il a débouté la salariée des demandes suivantes : enjoindre à la SELARL BRMJ, ès qualités de liquidateur de la SARL Biancume, d'inscrire sur le relevé des créances les sommes suivantes : 72.504,65 euros à titre d'indemnité contractuelle de rupture, 30.000 euros à titre de préjudice moral et procédure dilatoire, enjoindre à l'AGS CGEA de verser entre les mains du mandataire liquidateur lesdites sommes, à charge pour le mandataire de reverser cette somme au salarié, au surplus : condamner l'employeur à payer 2.500 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- en conséquence, d'enjoindre à la SELARL BRMJ, ès qualités de liquidateur de la SARL Biancume, d'inscrire sur le relevé des créances les sommes suivantes : 72.504,65 euros à titre d'indemnité contractuelle de rupture, 30.000 euros à titre de préjudice moral et procédure dilatoire, enjoindre à l'AGS CGEA de verser entre les mains du mandataire liquidateur lesdites sommes, à charge pour le mandataire de reverser cette somme au salarié, au surplus : condamner l'employeur à payer 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

- au surplus, de condamner l'employeur à payer 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de procédure d'appel et aux entiers dépens au titre de l'article 696 du code de procédure civile.

[*]

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe le 17 décembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la SELARL BRMJ, représentée par Maître C. V., ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Biancume, a demandé :

- de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- en conséquence : de dire et juger que le juge du travail est incompétent pour statuer sur la demande de dommages et intérêts adverse qui au surplus ne concerne pas la Société Biancume, de déclarer prescrite la demande de la salariée relative à l'indemnité contractuelle de licenciement et déclarer par suite Madame X. irrecevable en sa demande, par application de l'article 122 du code de procédure civile, de débouter en conséquence la salariée de l'ensemble de ses demandes,

- subsidiairement, de dire et juger que l'indemnité de licenciement prévue à l'article 10 du contrat de travail constitue un obstacle infranchissable au licenciement et doit être déclarée nulle et de nul effet, de débouter en conséquence la salariée de l'ensemble de ses demandes,

- plus subsidiairement, de dire et juger que l'indemnité de licenciement prévue à l'article 10 du contrat de travail est manifestement excessive et la réduire significativement,

- en tous les cas, de déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS qui relèvera et garantira la Société Biancume et la SELARL BRMJ, représentée par Maître C. V. de toutes sommes qui pourraient être mises à sa charge, de condamner Madame X. au paiement de la somme de 3.000 euros au profit de la SELARL BRMJ en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 20 avril 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, l'Association Unedic Délégation AGS CGEA de Toulouse a sollicité :

- avant dire droit, d'ordonner à Madame X. de justifier que l'ordonnance de non-lieu du 7 octobre 2020 est définitive et à défaut surseoir à statuer,

- au principal, de constater que la clause litigieuse manifestement excessive crée un déséquilibre significatif entre les parties et doit être réputée non écrite, de confirmer le jugement du 18 mars 2021,

- subsidiairement, de constater que la clause litigieuse est une clause pénale manifestement excessive, de la modérer en application de l'article 1231-5 du code civil en la limitant au préjudice subi et démontré, de débouter Madame X. de ses autres demandes,

- en tout état de cause,

* de dire les sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile hors garantie AGS,

* de dire et juger que la décision sera déclarée opposable à l'AGS intervenant à titre subsidiaire

dans les limites légales de la garantie, prévue à l'article L. 3253-17, étant précisé qu'elle est plafonnée toutes créances avancées pour le compte du salarié, à l'un des trois plafonds définis par l'article D. 3253-5 du code du travail,

* de fixer les sommes en quittances ou deniers.

[*]

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 4 janvier 2022, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 8 mars 2022, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 1er juin 2022.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

S'agissant des demandes afférentes aux dommages et intérêts pour préjudice moral et procédure dilatoire, une exception d'incompétence est soulevée en appel par le mandataire liquidateur, ès qualités, de la SARL Biancume. Cette exception était déjà soulevée en première instance, mais le conseil de prud'hommes, ne tirant pas les conséquences de ses motifs, n'a pas statué sur ce point dans le dispositif de son jugement, en l'absence de tout chef du dispositif relatif à la compétence ou à l'incompétence.

Statuant sur cette exception omise, il y a lieu d'observer que Madame X. se prévaut, au soutien de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 30.000 euros d'un préjudice moral distinct, liée à un comportement fautif de son employeur, et à des manœuvres dilatoires destinées à bloquer la procédure prud'homale, et non pénale.

Dans ces conditions, la juridiction, statuant en matière prud'homale, peut être considérée comme compétente, l'exception d'incompétence développée par la SELARL BRMJ, représentée par Maître C. V., ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Biancume, étant rejetée.

Parallèlement, il convient de constater que Madame X. produit un certificat de non-appel délivré concernant l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction de Bastia le 7 octobre 2020, de sorte qu'il n'y a pas lieu, statuant sur des prétentions également omises par le conseil de prud'hommes, d'ordonner à Madame X. de justifier que l'ordonnance de non-lieu du 7 octobre 2020 est définitive, ni de se prononcer sur la demande de sursis à statuer, formée, 'à défaut' de justification du caractère définitif de ladite ordonnance, par l'Association Unedic Délégation AGS CGEA de Toulouse.

Concernant les demandes afférentes à l'indemnité instituée par la clause prévue à l'article 11 du contrat de travail liant Madame X. à la SARL Biancume, une irrecevabilité pour cause de prescription (par application de l'article 122 du code procédure civile), au visa d'une part de l'article L. 1237-14 du code du travail, et d'autre part de l'article L. 1234-20 du même code, est soulevée en appel. Cette irrecevabilité était déjà sollicitée en première instance, mais le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur ce point dans ses motifs, de sorte que la cour ne peut considérer que le chef du jugement ayant débouté de toutes les parties de leurs autres demandes y est afférent.

Statuant sur cette irrecevabilité omise, il ne peut qu'être observé que, comme soutenu par Madame X., la prescription annale de l'article L. 1237-14 du code du travail, courant à compter de la date d'homologation de la convention, n'a pas vocation à appliquer en l'espèce, celle-ci étant relative à tout litige concernant la convention de rupture conventionnelle, l'homologation ou le refus d'homologation, ce qui n'est pas le cas de l'action de Madame X. relative à une indemnité instituée par la clause prévue à l'article 11 du contrat de travail la liant à la SARL Biancume. Pas davantage cette action de Madame X. n'est une action en paiement de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle. Dans le même temps, une irrecevabilité sur le fondement de l'article L. 1234-20 du code du travail ne peut prospérer en l'espèce, la signature du reçu pour solde de tout compte par Madame X. (le 29 décembre 2014), n'ayant d'effet libératoire que pour les sommes qui y sont mentionnées, ce qui n'est pas le cas de l'indemnité contractuelle réclamée, non visée audit solde.

Dès lors, l'irrecevabilité pour cause de prescription soulevée sera rejetée et les demandes de Madame X. au titre de l'indemnité instituée par la clause prévue à l'article 11 du contrat de travail la liant à la SARL Biancume déclarées recevables.

Sur le fond, le contrat de travail à durée indéterminée signé par Madame X. et la SARL Biancume, les liant à effet du 1er janvier 2013, prévoyait dans un article 11 « Rupture du contrat et indemnités » : « En cas de rupture du contrat de travail, et ce, pour quelque motif que ce soit et quelque soit la partie ayant rompu le contrat de travail, Madame X. percevra alors une indemnité forfaitaire de départ d'un montant net de charges sociales de 75.000 euros. (Soixante-quinze mille euros). Cette indemnité sera versée automatiquement dès la fin du contrat de travail de la salariée. »

Une nullité de la clause n'est pas valablement invoquée par la SELARL BRMJ, représentée par Maître C. V., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Biancume, faute de démonstration de ce que cette clause (concernant une salariée ayant le statut de cadre), non relative à une indemnité contractuelle de licenciement ou à une indemnité uniquement due en cas de rupture imputable à l'employeur, était de nature à faire échec au droit de l'employeur de licencier la salariée et de rompre la relation de travail, ou encore faute de démonstration de ce que cette clause portait une atteinte excessive et injustifiée à la liberté du travail, dans une entreprise dont la petitesse est alléguée par le liquidateur, mais sans éléments véritables à l'appui.

Dans le même temps, le caractère non écrit de la clause contractuelle n'est pas utilement invoqué par l'Association Unedic Délégation AGS CGEA de Toulouse, l'intimée, devant apporter les éléments de fait et de droit nécessaires au succès de ses prétentions, ne justifiant pas que les conditions d'application de l'article 1171 du code civil visé par ses soins soient remplies, l'applicabilité de ce texte (issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016, alors que le contrat de travail est à effet du 1er janvier 2013) au litige n'étant pas mise en lumière par l'intimée, qui en tout état de cause, n'a pas démontré dans ses écritures que la clause contractuelle précitée créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au regard de l'économie générale du contrat, économie non évoquée par cette intimée, et de l'absence de mise en échec, comme développé précédemment, du droit de l'employeur de licencier la salariée et de rompre la relation de travail, dans une entreprise dont la petitesse est alléguée mais non prouvée.

En réalité, comme développé par l'appelante, Madame X., cette clause, prévue au contrat de travail liant les parties, n'instituait pas une indemnité de licenciement à la charge de l'employeur qui mettait fin au contrat de travail ou auquel la rupture était imputable mais une indemnité due dans tous les cas de rupture du contrat de travail (ce sans exigence d'un seuil d'ancienneté), ce qui n'est pas interdit, ni ne se heurte au principe de non cumul entre différentes indemnités de licenciement, tandis qu'il n'est pas mis en évidence qu'un cumul entre l'indemnité prévue au contrat de travail liant les parties et indemnité spécifique de rupture conventionnelle (quant à elle prévue par l'article L. 1237-13 du code du travail) est interdit.

La modération d'une clause pénale excessive, sollicitée par chacun des intimés, implique que tous les éléments de la clause pénale puissent être caractérisés, étant rappelé qu'aux termes de l'article 1226 du code civil, dans sa version en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016, une clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution, alors que selon l'article 1152 du même code, dans sa version applicable jusqu'à la même date, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre ; néanmoins le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Il se déduit de ces données textuelles que la clause pénale est la clause par laquelle les parties à un contrat fixent à l'avance, de manière forfaitaire, le montant des dommages et intérêts qui seront dus par le débiteur, en cas d'inexécution de ses obligations contractuelles, pour réparer le préjudice subi par le créancier. Or, en l'espèce, si un caractère forfaitaire est stipulé dans la clause contractuelle, celle-ci, compte tenu de sa formulation, n'a pas vocation à sanctionner un manquement du débiteur quant à une ou des obligations qu'il a souscrite(s), l'indemnité étant due dans tous les cas de rupture du contrat. Par suite, la cour ne dispose pas de tous les éléments lui permettant de conclure que cette clause contractuelle constitue une clause pénale. Consécutivement, elle ne peut exercer son pouvoir modérateur, et n'a donc pas à entrer dans l'examen des moyens développés par les parties relatifs au caractère manifestement excessif ou pas de la clause.

Parallèlement, contrairement au moyen développé par l'Association Unedic Délégation AGS CGEA de Toulouse, les stipulations de l'article 11 du contrat de travail liant Madame X. et la SARL Biancume n'exigeaient pas la justification par Madame X. d'un préjudice effectivement subi par elle.

Au regard de tout ce qui précède, le jugement, utilement critiqué par l'appelante à cet égard, sera infirmé en ce qu'il a débouté Madame X. de sa demande de paiement de l'indemnité spécifique prévue [à] l'article 11 de son contrat de travail et sera prévue la fixation de créance à inscrire dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Biancume, représentée par son liquidateur judiciaire, la SELARL BRMJ, représentée par Maître C. V., à la somme de 72.504,65 euros correspondant (déduction faite de sommes déjà versées à Madame X. allant au delà de celles mentionnées au solde de tout compte) au reliquat de l'indemnité instituée par la clause prévue à l'article 11 du contrat de travail liant Madame X. et la SARL Biancume. Les demandes plus amples ou contraires seront rejetées, comme non fondées.

Pour ce qui est des dommages et intérêts pour préjudice moral et procédure dilatoire, au regard des éléments soumis à son appréciation, la cour constate :

- d'une part, qu'il n'est pas justifié par Madame X. d'un comportement fautif, humiliant ou vexatoire, de l'employeur à l'origine d'un préjudice moral subi par ses soins tel qu'allégué,

- d'autre part, que l'existence de manœuvres dilatoires, et abusives, de l'employeur destinées à bloquer la procédure prud'homale (et non pénale), n'est pas démontrée.

Consécutivement, Madame X. sera déboutée de ce chef, le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions querellées sur ce point. Les demandes en sens contraire seront rejetées.

La SARL Biancume, représentée par son liquidateur judiciaire, succombant principalement à l'instance, sera ordonné l'emploi des dépens de première instance (le jugement entrepris étant infirmé à cet égard) et de l'instance d'appel en frais privilégiés de la procédure collective.

L'équité ne commande pas de prévoir de créance à l'égard de la SARL Biancume, représentée par son liquidateur judiciaire, ès qualités, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions querellées à cet égard) et des frais irrépétibles d'appel. Parallèlement, la demande tendant à une condamnation de Madame X. au titre de frais irrépétibles d'appel n'est pas fondée.

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'Unedic Délégation AGS CGEA de Toulouse, dans les limites légales de sa garantie fixées par les articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du Code du travail, avec avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du Code du travail uniquement dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-18 à L. 3253-21, L. 3253-17 et D 3253-5 du code du travail. Au vu de ces dispositions légales, il n'est pas nécessaire d'enjoindre à l'AGS CGEA de procéder au versement entre les mains du mandataire liquidateur de somme, à charge pour le mandataire de procéder à son reversement au salarié, les demandes de Madame X. d'infirmation du jugement sur ce point et de prononcé d'une telle injonction n'ayant pas à être accueillies.

Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe le 1er juin 2022,

REJETTE la demande de la SELARL BRMJ, représentée par Maître C. V., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Biancume, tendant à dire et juger que le juge du travail est incompétent pour statuer sur la demande de dommages et intérêts adverse qui au surplus ne concerne pas la Société Biancume, et DIT la juridiction, saisie en matière prud'homale, compétente à cet égard,

CONSTATE que Madame X. produit un certificat de non-appel délivré relatif à l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction de Bastia le 7 octobre 2020, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner à Madame X. de justifier que l'ordonnance de non lieu du 7 octobre 2020 est définitive, ni de se prononcer sur la demande de sursis à statuer, formée, 'à défaut' de justification du caractère définitif de ladite ordonnance, par l'Association Unedic Délégation AGS CGEA de Toulouse,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bastia le 18 mars 2021, tel que déféré, sauf :

-en ce qu'il a débouté Madame X. de ses demandes au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral et procédure dilatoire, au titre des frais irrépétibles de première instance, de sa demande [non nécessaire au regard des règles légales] d'injonction à l'AGS CGEA de versement de sommes entre les mains du mandataire liquidateur, à charge pour le mandataire de reversement au salarié,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

REJETTE la demande de la SELARL BRMJ, représentée par Maître C. V., ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Biancume, tendant à déclarer prescrite la demande de la salariée relative à l'indemnité contractuelle de licenciement et à déclarer par suite Madame X. irrecevable, par application de l'article 122 du code de procédure civile et DECLARE les demandes de Madame X. au titre de l'indemnité instituée par la clause prévue à l'article 11 du contrat de travail liant Madame X. et la SARL Biancume recevables,

FIXE la créance de Madame X. à inscrire, dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Biancume, représentée par son liquidateur judiciaire, la SELARL BRMJ, représentée par Maître C. V., à une somme de 72.504,65 euros, correspondant au reliquat de l'indemnité instituée par la clause prévue à l'article 11 du contrat de travail liant Madame X. et la SARL Biancume,

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'Unedic Délégation AGS CGEA de Toulouse dans les limites légales de sa garantie fixées par les articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du Code du travail, avec avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du Code du travail uniquement dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-18 à L. 3253-21, L. 3253-17 et D 3253-5 du Code du travail,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

ORDONNE l'emploi des dépens de première instance et de l'instance d'appel en frais privilégiés de la procédure collective,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRE                                         LE PRÉSIDENT