CA BORDEAUX (1re ch. civ.), 16 juin 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9676
CA BORDEAUX (1re ch. civ.), 16 juin 2022 : RG n° 19/03856
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Il résulte des pièces versées aux débats que la proposition d'assurance établie par la SA MAAF a bien été signée par M. X. et qu'au-dessus de la signature de l'intéressé figure clairement la mention selon laquelle il « reconnaît avoir pris connaissance des conditions générales AUTO PRO référence A0611MP (...) ». S'il est précisé que lesdites conditions générales contiennent les informations à la vente à distance et au démarchage, cette mention ne limite pas le renvoi aux conditions générales à ces seules dispositions. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a estimé que M. X. avait reconnu avoir pris connaissance des conditions générales du contrat lesquelles définissent contractuellement le vol du véhicule, ladite clause lui étant par conséquent opposable. »
2/ « M. X. fait valoir que la clause insérée en page 18 des conditions générales du contrat d'assurance et opposée par la SA MAAF au soutien de son refus de garantie constitue une clause abusive en ce qu'elle restreint de manière considérable les circonstances susceptibles d'être qualifiées de vol et prive l'assuré de la possibilité de faire la preuve dudit vol par tout moyen.
Les conditions générales du contrat d'assurance souscrit par M. X. disposent en leur page 18 qu'est garanti le vol du véhicule c'est-à-dire sa soustraction frauduleuse commise par effraction du véhicule et des organes de direction ou du garage dans lequel il est stationné ou consécutive à un acte de violence à l'encontre du gardien ou du conducteur du véhicule. Cette disposition ne constitue pas une exclusion de garantie mais une condition de sa mise en œuvre et il appartient à l'assuré de rapporter la preuve que les conditions de la garantie sont réunies.
S'il incombe à l'assureur de prouver que les conditions de la garantie sont réunies, l'assureur ne peut valablement limiter à certains indices prédéterminés et cumulatifs la preuve de l'effraction et donc du sinistre, alors qu'en application des dispositions de l'ancien article 1315 du code civil, cette preuve est libre et qu'en outre ce type de disposition est susceptible de contrevenir aux dispositions de l'article R. 132-2 du code de la consommation qui prévoient que sont présumées abusives, au sens des articles L. 132-1 alinéas 1 et 2 du même code (dans leurs dispositions alors applicables) sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non professionnel ou du consommateur.
En l'espèce, le véhicule n'ayant pas été retrouvé, il est certain que M. X. ne peut prouver qu'il a fait l'objet d'une effraction. Toutefois, ce n'est pas le scénario que retient l'assuré puisqu'il postule, selon les termes de son audition devant les services de gendarmerie (procès-verbal d'audition du 12 mai 2016 - pièce n°2 de la SA MAAF), que le véhicule a été volé au moyen du double de sa clé lequel avait été dérobé à son domicile 15 jours auparavant, ajoutant ne voir que cette solution pour expliquer le vol de son véhicule.
S'il est de principe que le fait de voler par effraction les clés d'un véhicule, puis de les utiliser pour le dérober, équivaut à l'effraction du véhicule lui-même, force est de constater que l'effraction de son domicile n'est pas établie ni même sérieusement alléguée puisqu'il résulte du procès-verbal d'audition précité que lors du vol survenu à son domicile 15 jours plus tôt, M. X. n'avait pas fermé à clé son domicile et personne ne s'y trouvait.
Au regard des faits d'espèce, la clause litigieuse n'a pas pour effet ou objet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition de M. X. de sorte qu'elle ne crée pas au détriment de ce dernier un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Il convient par conséquent de rejeter la demande tendant à voir déclarer ladite clause abusive. »
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 16 JUIN 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/03856. N° Portalis DBVJ-V-B7D-LD67. Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 1er juillet 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 17/01967) suivant déclaration d'appel du 9 juillet 2019.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [Localité 2], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1], Représenté par Maître Julie FORMERY de la SELARL ARPEGES CONTENTIEUX, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
SA MAAF
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3], Représentée par Maître Éric DASSAS de la SCP CABINET LEXIA, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 mai 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Bérengère VALLEE, conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Roland POTEE, président, Vincent BRAUD, conseiller, Bérengère VALLEE, conseiller.
Greffier lors des débats : Séléna BONNET
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :
Dans la nuit du 10 au l l mai 2016, le véhicule Jaguar XF immatriculé [Immatriculation 4] de M. X. a été volé alors qu'il était stationné devant son domicile [Adresse 1]. Ce véhicule était régulièrement assuré auprès de la SA MAAF en formule « Tous risques » suivant contrat n° XX.
Selon procès-verbal du 11 mai 2016, M. X. a déposé plainte auprès de la gendarmerie pour le vol de ce véhicule.
Il a en outre déclaré ce sinistre à son assureur, la SA MAAF laquelle a refusé sa garantie au regard des dispositions de sa police d'assurance.
Par acte d'huissier du 16 février 2017, M. X. a fait assigner la SA MAAF devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins d'obtenir l'indemnisation du vol de son véhicule.
Par jugement contradictoire du 1er juillet 2019, le tribunal a :
- constaté que M. X. a signé la proposition de garantie attestant ainsi avoir pris connaissance des conditions générales Auto Pro A 0611 MP,
- dit et jugé que la clause définissant le vol en page 18 des conditions générales ne revêt aucun caractère abusif,
- dit et jugé que cette clause est opposable à M. X.,
- débouté M. X. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamné M. X. à payer à la SA MAAF la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
[*]
M. X. a relevé appel de ce jugement par déclaration du 9 juillet 2019.
Par conclusions déposées le 7 mars 2022, il demande à la cour de :
- déclarer M. X. recevable et bien fondé en son appel,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X. de l'ensemble de ses demandes et condamné ce dernier à payer à la SA MAAF une indemnité de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que la clause contractuelle de définition du vol stipulée aux conditions générales du contrat d'assurance de la SA MAAF est inopposable à M. X.,
- dire et juger que la clause contractuelle de définition du vol stipulée aux conditions générales du contrat d'assurance de la SA MAAF est abusive, et par voie de conséquence, la réputer non écrite,
- dire et juger que M. X. a droit à l'indemnisation du vol de son véhicule de type Jaguar XF immatriculé [Immatriculation 4],
- condamner la SA MAAF à payer à M. X. une indemnité de 45.000 euros au titre du remplacement de son véhicule,
- condamner la SA MAAF à payer à M. X. une indemnité de 2.719,63 euros au titre du remboursement des frais engagés en raison du retard de l'indemnisation de son véhicule,
- condamner la SA MAAF à payer à M. X. une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
- débouter la SA MAAF de ses demandes en tant qu'irrecevables et mal fondées,
- dire et juger que dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes par lui retenues en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 n°96/1080, devra être supporté par le débiteur.
[*]
Par conclusions déposées le 20 avril 2022, la SA MAAF demande à la cour de :
- déclarer l'appel formé par M. X. non fondé,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par la 6ème chambre civile du Tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 1er juillet 2019,
Dès lors,
- déclarer que la clause définissant le vol en page 18 des conditions générales du contrat de garantie de la MAAF ne revêt aucun caractère abusif,
- déclarer que ladite clause est opposable à M. X.,
- déclarer que la particulière négligence de M. X. exclut toute prise en charge du sinistre par la SA MAAF,
En conséquence,
- débouter M. X. de sa demande tendant à la condamnation de la SA MAAF à lui verser une indemnité de 45.000 euros pour le remplacement de son véhicule Jaguar XF immatriculé [Immatriculation 4],
- débouter M. X. de sa demande de condamnation de la SA MAAF à lui verser une indemnité de 2 280,81 euros au titre du remboursement des frais engagés à raison du retard de l'indemnisation de son véhicule,
- débouter M. X. de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au titre des dépens,
- débouter M. X. de ses demandes plus amples et contraires,
- condamner M. X. à verser à la SA MAAF une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens d'appel.
[*]
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 21 avril 2022 et l'affaire fixée à l'audience du 5 mai 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'opposabilité des conditions générales du contrat d'assurance :
Il résulte des pièces versées aux débats que la proposition d'assurance établie par la SA MAAF a bien été signée par M. X. et qu'au dessus de la signature de l'intéressé figure clairement la mention selon laquelle il « reconnaît avoir pris connaissance des conditions générales AUTO PRO référence A0611MP (...) ».
S'il est précisé que lesdites conditions générales contiennent les informations à la vente à distance et au démarchage, cette mention ne limite pas le renvoi aux conditions générales à ces seules dispositions.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a estimé que M. X. avait reconnu avoir pris connaissance des conditions générales du contrat lesquelles définissent contractuellement le vol du véhicule, ladite clause lui étant par conséquent opposable.
Sur le caractère abusif de la clause figurant à la page 18 des conditions générales du contrat d'assurance :
M. X. fait valoir que la clause insérée en page 18 des conditions générales du contrat d'assurance et opposée par la SA MAAF au soutien de son refus de garantie constitue une clause abusive en ce qu'elle restreint de manière considérable les circonstances susceptibles d'être qualifiées de vol et prive l'assuré de la possibilité de faire la preuve dudit vol par tout moyen.
Les conditions générales du contrat d'assurance souscrit par M. X. disposent en leur page 18 qu'est garanti le vol du véhicule c'est-à-dire sa soustraction frauduleuse commise par effraction du véhicule et des organes de direction ou du garage dans lequel il est stationné ou consécutive à un acte de violence à l'encontre du gardien ou du conducteur du véhicule.
Cette disposition ne constitue pas une exclusion de garantie mais une condition de sa mise en œuvre et il appartient à l'assuré de rapporter la preuve que les conditions de la garantie sont réunies.
S'il incombe à l'assureur de prouver que les conditions de la garantie sont réunies, l'assureur ne peut valablement limiter à certains indices prédéterminés et cumulatifs la preuve de l'effraction et donc du sinistre, alors qu'en application des dispositions de l'ancien article 1315 du code civil, cette preuve est libre et qu'en outre ce type de disposition est susceptible de contrevenir aux dispositions de l'article R. 132-2 du code de la consommation qui prévoient que sont présumées abusives, au sens des articles L. 132-1 alinéas 1 et 2 du même code (dans leurs dispositions alors applicables) sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non professionnel ou du consommateur.
En l'espèce, le véhicule n'ayant pas été retrouvé, il est certain que M. X. ne peut prouver qu'il a fait l'objet d'une effraction.
Toutefois, ce n'est pas le scénario que retient l'assuré puisqu'il postule, selon les termes de son audition devant les services de gendarmerie (procès-verbal d'audition du 12 mai 2016 - pièce n°2 de la SA MAAF), que le véhicule a été volé au moyen du double de sa clé lequel avait été dérobé à son domicile 15 jours auparavant, ajoutant ne voir que cette solution pour expliquer le vol de son véhicule.
S'il est de principe que le fait de voler par effraction les clés d'un véhicule, puis de les utiliser pour le dérober, équivaut à l'effraction du véhicule lui-même, force est de constater que l'effraction de son domicile n'est pas établie ni même sérieusement alléguée puisqu'il résulte du procès-verbal d'audition précité que lors du vol survenu à son domicile 15 jours plus tôt, M. X. n'avait pas fermé à clé son domicile et personne ne s'y trouvait.
Au regard des faits d'espèce, la clause litigieuse n'a pas pour effet ou objet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition de M. X. de sorte qu'elle ne crée pas au détriment de ce dernier un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Il convient par conséquent de rejeter la demande tendant à voir déclarer ladite clause abusive.
Sur la garantie :
Il incombe à l'assuré d'établir que les conditions de la garantie dont il poursuit la mise en œuvre sont remplies.
Il sera rappelé que les conditions générales du contrat d'assurance prévoit au titre de la garantie vol que l'événement garanti est le vol du véhicule c'est à dire sa soustraction frauduleuse commise par effraction du véhicule et des organes de direction ou du garage dans lequel il est stationné, ou consécutive à un acte de violence à l'encontre du gardien ou du conducteur du véhicule.
Le 11 mai 2016, M. X. a porté plainte pour le vol de son véhicule constaté le même jour devant chez lui. Lors de son audition du 12 mai 2016, il a déclaré que le double de ses clés de voiture avaient disparu et qu'elles avaient dû être volées 15 jours auparavant lorsqu'un individu avait pénétré chez lui, précisant que son domicile n'était alors pas fermé à clé et que personne ne s'y trouvait. Il ajoutait « je ne vois que cette solution pour avoir volé mon véhicule ».
Contrairement à ce que M. X. prétend désormais, il ne résulte pas de sa plainte que le vol de son véhicule ou de son domicile ait été commis au moyen d'une effraction.
En conséquence, M. X. n'est pas fondé à prétendre à la mise en œuvre de la garantie vol du contrat d’assurances souscrit auprès de la société MAAF et le jugement qui l'a débouté de toutes ses demandes sera confirmé.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Sur ce fondement, M. X. sera condamné aux dépens d'appel.
M. X. sera en outre condamné à payer à la SA MAAF la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. X. à payer à la SA MAAF la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. X. aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
- 6089 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions ne figurant pas sur l’écrit signé par le consommateur
- 6142 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Preuve - Encadrement des modes de preuve
- 6375 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances multirisques - Véhicule automobile - Obligations de l’assureur - Vol