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CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 31 août 2022

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 31 août 2022
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 20/09519
Date : 31/08/2022
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 16/07/2020
Référence bibliographique : 5824 (crédit, application dans le temps), 5705 (prescription de l’action), 5721 (obligation de relever d’office), 6622 (crédit, clause de déchéance)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9808

CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 31 août 2022 : RG n° 20/09519

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Le contrat litigieux ayant été conclu le 9 décembre 2013, le premier juge a, à juste titre, fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. »

2/ « En matière de crédit à la consommation en particulier, il résulte des dispositions de l'article L. 311-24 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Il ressort du dossier que les époux X., qui ont assigné en juin 2016, ont cessé de rembourser leurs échéances à compter de septembre 2015 et que la banque a, le 16 février 2016, prononcé la déchéance du terme puis réclamé le paiement du solde du prêt par conclusions signifiées le 31 août 2017.

En application des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, dans leur version applicable au litige, il est désormais acquis que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf stipulation expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

En l'espèce, l'article 4.c du contrat litigieux prévoit expressément l'envoi d'une mise en demeure à l'emprunteur et d'un courrier d'information préalable. La société BNPPPF a, le 19 février 2016, adressé deux mises en demeure de régler le solde du prêt par courriers recommandés mais ne justifie cependant d'aucune mise en demeure préalable et ne peut donc se prévaloir d'une déchéance du terme régulièrement prononcée. »

3/ « En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat. Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Par ailleurs, au regard de sa date de conclusion, le contrat est soumis aux dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui a porté ratification de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil. Il a été dit pour droit par la Cour de justice de l'Union européenne que les articles 8 et 23 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à une juridiction nationale d'examiner d'office l'existence d'une violation de l'obligation précontractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur, prévue à l'article 8 de cette directive et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d'une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences dudit article 23.

Par ailleurs, si la notion de prescription s'attache à une action ou à une demande formulée par voie d'exception, il est admis qu'elle est sans effet sur l'invocation d'un moyen qui tend non pas à l'octroi d'un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.

C'est ainsi que défendant à une action en paiement du solde d'un crédit à la consommation, l'emprunteur peut opposer tout moyen tendant à faire rejeter tout ou partie des prétentions du créancier par application d'une disposition du code de la consommation prévoyant la déchéance du droit aux intérêts, sans se voir opposer la prescription pour autant qu'il n'entende pas en obtenir un autre avantage tel le remboursement d'intérêts indûment acquittés. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9

ARRÊT DU 31 AOÛT 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/09519. N° Portalis 35L7-V-B7E-CCBR6. Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 mai 2020 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-19-007743.

 

APPELANTE :

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

société anonyme à conseil d'administration, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, venant aux droits de la société SYGMA BANQUE, N° SIRET :XXX, [Adresse 1], [Localité 4], représentée et assistée de Maître Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

né le [date] à [Localité 6], [Adresse 3], [Localité 2], représenté par Maître Ariane VENNIN de la SELEURL A7 AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1186

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [Localité 5], [Adresse 3], [Localité 2], représentée par Maître Ariane VENNIN de la SELEURL A7 AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1186

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Christophe BACONNIER, Président de chambre, Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant bon de commande signé le 9 décembre 2013, M. X. et Mme Y. épouse X. ont acquis auprès de la société MDGG exerçant sous l'enseigne Planète énergie solaire (la société PES) une installation photovoltaïque. Pour financer cet achat, selon offre acceptée le même jour, la société Sygma Banque (la banque Sygma) a consenti à M. et Mme X. un crédit affecté portant sur la somme de 26 500 euros remboursable en 108 mensualités d'un montant de 374,85 euros au taux de 5,76 %.

Les panneaux ont été installés le 4 février 2014 et les fonds ont été débloqués le 7 février 2014. L'installation a été raccordée et mise en service le 25 juin 2014. M. et Mme X. ont remboursé leurs échéances de mars à août 2015.

Saisi le 21 juin 2016 par M. et Mme X. d'une demande tendant principalement à l'annulation des contrats de vente et de crédit affecté, le juge des contentieux de la protection de Paris, par un jugement contradictoire rendu le 19 mai 2020 auquel il convient de se reporter, a :

- rejeté l'exception d'incompétence,

- débouté M. et Mme X. de leur demande d'annulation du contrat de vente,

- dit n'y avoir lieu à remise en état et dépose du matériel photovoltaïque vendu,

- dit n'y avoir lieu de constater l'annulation du contrat de crédit affecté,

- débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande de paiement au titre du contrat de crédit affecté,

- débouté M. et Mme X. de leur demande de déchéance du droit aux intérêts.

Après avoir écarté tout grief relatif à son incompétence, le premier juge a retenu que le bon de commande respectait les prescriptions du code de la consommation en ajoutant que la reproduction des dispositions du code de la consommation au verso du bon et sa signature par l'acquéreur emportaient confirmation de l'acte. Il a retenu que les acquéreurs n'établissaient pas l'existence de manœuvres dolosives instiguées par la venderesse avant de constater que la banque n'avait commis aucune faute contractuelle, le contrat étant régulier et la prestation ayant été exécutée avant la délivrance des fonds. Le tribunal a enfin relevé que la déchéance du terme n'avait pas été régulièrement prononcée, faisant obstacle à la demande en paiement de la banque du capital restant dû.

[*]

Par une déclaration en date du 16 juillet 2020, la société BNP Paribas Personal Finance (la société BNPPPF) a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 19 avril 2021, l'appelante demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement et de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- de constater que la déchéance du terme a été régulièrement prononcée,

- subsidiairement, de prononcer judiciairement la résiliation du contrat et la déchéance du terme pour manquement de l'emprunteur à son obligation de remboursement, en l'absence de régularisation des échéances impayées, et fixer la date de déchéance du terme au 24 janvier 2016, date du constat des manquements par la banque, et subsidiairement au 16 octobre 2020, date du dépôt des conclusions d'appel,

- de débouter M. et Mme X. de leur demande visant au prononcé de la déchéance du droit aux intérêts contractuels et de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions,

- de les condamner solidairement à lui payer la somme 30.519,73 euros, outre les intérêts de retard au taux de 5,76 % l'an sur la somme de 28.446,07 euros, à partir du 24 janvier 2016 et au taux légal pour le surplus, en remboursement du crédit,

- subsidiairement, en cas de fixation des effets de la résiliation judiciaire au 16 octobre 2020, de condamner solidairement M. et Mme X. à lui payer la somme de 36.110,59 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 5,76 % l'an à compter du 16 octobre 2020 sur la somme de 34.667,07 euros et au taux légal pour le surplus en remboursement du crédit,

- subsidiairement, si la Cour devait considérer que la déchéance du terme n'est pas acquise et qu'il n'y a pas lieu de la prononcer, de condamner solidairement M. et Mme X. à lui payer les échéances restant dues outre les intérêts au taux contractuel de 5,76 % l'an,

- subsidiairement, de les condamner solidairement à lui payer la somme de 22.865,65 euros outre intérêts au taux contractuel de 5,76 % l'an à compter du 4 septembre 2015 au titre des échéances échues impayées jusque celle du 4 octobre 2020 incluse et de condamner les emprunteurs à lui payer les échéances à échoir jusqu'au terme du prêt à leur date d'échéance et de dire qu'en cas de non-respect d'une seule échéance à bonne date, la déchéance du terme interviendra de plein droit, l'intégralité des sommes dues devenant alors exigibles, en ce compris la mensualité échue impayée, le capital restant dû à la date de l'impayé, et l'indemnité d'exigibilité anticipée de 8 % sur le montant du capital restant dû, outre les intérêts courant au taux contractuel de 5,76 % l'an,

- subsidiairement, en cas de prononcé de la déchéance du droit aux intérêts contractuels, de condamner solidairement M. et Mme X. à lui payer la somme de 24.436,45 euros outre intérêts au taux légal à compter du 19 février 2016, date de la mise en demeure,

- de condamner in solidum M. et Mme X. à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Visant les articles L. 311-24 et L. 311-52 du code de la consommation, l'appelante rappelle qu'une mise en demeure préalable à la déchéance du terme n'était pas requise, et qu'elle a valablement prononcé celle-ci suite à la première défaillance des emprunteurs.

Subsidiairement elle relève que la signification de l'assignation en paiement vaut mise en demeure préalable, et que de la même manière la demande reconventionnelle en paiement figurant dans ses conclusions peut également être qualifiée de mise en demeure, de sorte que la déchéance du terme a bien été prononcée. Plus subsidiairement, elle vise l'article 1184 du code civil pour soutenir avoir unilatéralement prononcé la résolution du contrat en raison des défaillances des emprunteurs qu'elle qualifie de manquements graves à leurs obligations contractuelles, et demande à titre encore plus subsidiaire sur ce même fondement le prononcé judiciaire de la déchéance du terme.

Elle produit un décompte de sa créance composée du capital restant dû augmenté des intérêts de retard prévus par les articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation, dont la teneur est reprise aux articles 4-d des conditions générales contractuelles. Elle conteste avoir manqué à ses obligations précontractuelles et encourir la déchéance du droit aux intérêts, et vise les articles L. 311-37 du code de la consommation, 2222 du code civil et L. 110-4 du code de commerce pour soutenir que le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts est en l'espèce irrecevable comme prescrit. Elle ajoute que ce moyen est infondé, indique avoir bien consulté le FICP, avoir procédé à la vérification de la solvabilité des emprunteurs et rappelle subsidiairement la faculté pour le juge de modérer une éventuelle déchéance du droit aux intérêts.

[*]

Par des conclusions remises le 18 janvier 2021, les intimés demandent à la cour :

- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société BNPPPF de sa demande en paiement au titre du contrat de crédit affecté du 9 décembre 2013,

- subsidiairement, d'infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de déchéance du droit aux intérêts,

- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la société BNPPPF,

- de rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société BNPPPF,

- de condamner la société BNPPPF à leur payer la somme de 3 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimés soutiennent au visa des articles L. 311-24 et L. 311-22-2 du code de la consommation que la banque n'a pas valablement prononcé la déchéance du terme dans le courrier qu'elle leur a adressé le 22 février 2016, et rappelle que cette déchéance doit être expresse et non équivoque. Ils indiquent que les conclusions de la banque signifiées le 31 août 2017 ne font état d'aucun délai de régularisation permettant de caractériser une déchéance du terme.

Les emprunteurs relèvent que les échéances impayées ne constituent pas nécessairement des manquements graves à leurs obligations contractuelles au sens de l'article 1184 du code civil, que la banque ne les a jamais mis en demeure de payer et est donc infondée à se prévaloir des dispositions de cet article pour soutenir que la déchéance du terme est intervenue.

Visant l'article 564 du code de procédure civile, ils soutiennent que la demande de résiliation judiciaire du contrat formée par l'appelante est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, d'autant qu'elle intervient plus de 5 ans après le premier impayé ; ils ajoutent que cette demande est en outre forclose en application de l'article L. 311-52 du code de la consommation avant de relever le caractère infondé de cette demande.

Subsidiairement, les intimés visent les articles L. 311-9 et L. 311-48 du code de la consommation pour que soit constaté le manquement de la banque à son obligation de vérification de solvabilité et que soit prononcée la déchéance de celle-ci de son droit aux intérêts contractuels.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 avril 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience le 31 mai 2022.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le contrat litigieux ayant été conclu le 9 décembre 2013, le premier juge a, à juste titre, fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

L'article L. 311-24 devenu L. 312-39 du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 (dans leur rédaction alors applicable) du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L'article D. 311-6 devenu D. 312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L. 311-24, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n'a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu'après vérification de l'absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l'absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

 

Sur la forclusion :

En application de l'article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d'une demande en paiement de vérifier d'office même en dehors de toute contestation sur ce point et même en cas de non-comparution du défendeur que l'action du prêteur s'inscrit bien dans ce délai.

L'article L. 311-52 devenu R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur dans le cadre d'un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal d'instance dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

En l'espèce, au regard de l'historique du compte produit et en l'absence de contestation, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu pour l'échéance du 4 septembre 2015 de sorte que la demande effectuée par conclusions signifiées le 31 août 2017 n'est pas atteinte par la forclusion. Le jugement est confirmé sur ce point.

 

Sur la déchéance du terme :

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Par ailleurs, selon l'article 1103 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l'article 1224 du même code, lorsque l'emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l'existence d'une clause résolutoire soit en cas d'inexécution suffisamment grave. L'article 1225 précise qu'en présence d'une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution.

En matière de crédit à la consommation en particulier, il résulte des dispositions de l'article L. 311-24 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Il ressort du dossier que les époux X., qui ont assigné en juin 2016, ont cessé de rembourser leurs échéances à compter de septembre 2015 et que la banque a, le 16 février 2016, prononcé la déchéance du terme puis réclamé le paiement du solde du prêt par conclusions signifiées le 31 août 2017.

En application des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, dans leur version applicable au litige, il est désormais acquis que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf stipulation expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

En l'espèce, l'article 4.c du contrat litigieux prévoit expressément l'envoi d'une mise en demeure à l'emprunteur et d'un courrier d'information préalable.

La société BNPPPF a, le 19 février 2016, adressé deux mises en demeure de régler le solde du prêt par courriers recommandés mais ne justifie cependant d'aucune mise en demeure préalable et ne peut donc se prévaloir d'une déchéance du terme régulièrement prononcée.

L'appelante réclame subsidiairement le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat pour manquement grave à l'obligation de remboursement du crédit.

En application de l'article 1184 du code civil, dans sa version applicable au contrat, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfait pas à son engagement.

Si les conditions posées par le contrat n'ont pas été respectées, empêchant la clause résolutoire de jouer et de produire ses effets de plein droit, rien n'interdit au créancier de demander en justice le terme du contrat.

En l'espèce, en réclamant aux époux X. le paiement du solde du prêt après déchéance du terme, la société BNPPPF a manifesté clairement sa volonté de ne pas poursuivre le contrat alors que celui-ci n'était pas arrivé à son terme juridique.

Les pièces du dossier établissent que les époux X. ont cessé de rembourser leur crédit à compter de septembre 2015, mettant ainsi en échec le paiement de leur crédit, bien avant d'assigner en justice. L'inexécution est suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résiliation du contrat au 16 octobre 2020, date de la demande par conclusions.

 

Sur la recevabilité du moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts :

En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Par ailleurs, au regard de sa date de conclusion, le contrat est soumis aux dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui a porté ratification de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil. Il a été dit pour droit par la Cour de justice de l'Union européenne que les articles 8 et 23 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à une juridiction nationale d'examiner d'office l'existence d'une violation de l'obligation précontractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur, prévue à l'article 8 de cette directive et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d'une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences dudit article 23.

Par ailleurs, si la notion de prescription s'attache à une action ou à une demande formulée par voie d'exception, il est admis qu'elle est sans effet sur l'invocation d'un moyen qui tend non pas à l'octroi d'un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.

C'est ainsi que défendant à une action en paiement du solde d'un crédit à la consommation, l'emprunteur peut opposer tout moyen tendant à faire rejeter tout ou partie des prétentions du créancier par application d'une disposition du code de la consommation prévoyant la déchéance du droit aux intérêts, sans se voir opposer la prescription pour autant qu'il n'entende pas en obtenir un autre avantage tel le remboursement d'intérêts indûment acquittés.

Aucune irrecevabilité n'est donc opposable aux époux X.

 

Sur le bien-fondé de la déchéance du droit aux intérêts :

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et d'établir qu'il a satisfait aux formalités d'ordre public prescrites par le code de la consommation.

Les intimés soutiennent que la banque ne justifie pas avoir vérifié leur solvabilité puisqu'elle ne produit ni justificatifs d'identité et de revenu, ni le justificatif de consultation du FICP.

La société BNPPPF produit :

- l'offre de crédit affecté,

- l'adhésion à l'assurance facultative,

- la fiche d'informations précontractuelles,

- la fiche dialogue,

- la fiche d'explication et de mise en garde,

- l'attestation de livraison,

- la fiche information et conseil assurance,

- le tableau d'amortissement,

- l'historique de prêt,

- un décompte de créance.

À l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société BNPPF ne produit pas le justificatif de consultation du FICP ni les pièces justificatives d'identité, de domicile et de revenus.

Selon l'article L. 311-9 devenu L. 312-16 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 333-4, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5. Il résulte de ce texte que la consultation du fichier doit être réalisée avant l'octroi du crédit.

Selon l'article L. 311-48 du même code, le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par les articles L. 311-6 ou L. 311-43, sans remettre et faire signer ou valider par voie électronique la fiche mentionnée à l'article L. 311-10, ou sans remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-11, L. 311-12, L. 311-16, L. 311-18, L. 311-19, L. 311-29, le dernier alinéa de l'article L. 311-17 et les articles L. 311-43 et L. 311-46, est déchu du droit aux intérêts.

Cette déchéance du droit aux intérêts contractuels rend l'emprunteur débiteur du seul capital emprunté dont sont déduits les paiements déjà opérés en application de l'alinéa 3 de l'article L. 311-48 précité, à l'exclusion de toute autre somme et notamment des cotisations d'assurance, étant constaté que la société BNPPPF ne justifie d'aucun mandat pour réclamer ces sommes dues à l'assureur.

Dès lors, la dette de M. et Mme X. s'établit comme suit :

- capital emprunté à l'origine : 26.500 euros,

- sous déduction des versements : 2.249,10 euros,

soit une somme totale de 24.250,90 euros au paiement de laquelle ils seront solidairement condamnés, outre les intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2020.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement dont appel sauf en ce qu'il a débouté la société BNPPPF de sa demande en paiement et en ce qu'il a débouté M. et Mme X. de leur demande de déchéance du droit aux intérêts ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Prononce la résiliation du contrat de crédit au 16 octobre 2020 ;

Dit que la société BNP Paribas Personal Finance est déchue de son droit aux intérêts ;

Condamne solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 24.250,90 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2020 ;

Condamne in solidum M. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens d'appel avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes-Gil en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 1.000 euros application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière                                       Le président