CA ROUEN (2e ch. civ.), 1er février 1996
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 981
CA ROUEN (2e ch. civ.), 1er février 1996 : RG n° 94/01033 ; arrêt n° 115 (?)
Publication : Juris-Data n° 041143 ; RJDA 1996/5, n° 712
Extraits : « La société RL FINANCEMENT, aux droits de laquelle se trouve la société SERVILEASE, a consenti à Monsieur X. un contrat de location portant sur une friteuse « frit Express » et ce par acte du 30 novembre 1989 » ; « Attendu que Monsieur X. est mal fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 pour soutenir que ces clauses, qui conféreraient au bailleur un avantage excessif, seraient abusives et devraient être réputées en conséquence non écrites alors que le contrat a un rapport direct avec son activité professionnelle de restaurateur ».
COUR D’APPEL DE ROUEN
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 1er FÉVRIER 1996
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 9401033. DÉCISION CONTESTÉE : JUGEMENT du TRIBUNAL DE COMMERCE de DIEPPE en date du 28 janvier 1994.
APPELANT :
Monsieur X.
Demeurant [adresse] exerçant sous l'enseigne « Bar Y. », Représenté par Maître COUPPEY, Avoué, Assisté de Maître ALQUIER-TESSON Substituant Maître CAPITAINE (DIEPPE), Avocat,
INTIMÉE :
SOCIÉTÉ SERVILEASE
ayant son siège [adresse] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître REYBEL, Avoué, Assistée de Maître MORIN SCP HERME (DIEPPE), Avocat,
[minute originale non paginée, en fait page 2]
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré : Madame le Président CREDEVILLE - Madame le Conseiller MASSELIN - Monsieur le Conseiller DRAGNE.
GREFFIER : Madame FEVRIER.
DÉBATS : A l'audience publique du 5 décembre 1995.
La Cour a mis l'affaire en délibéré et Madame le Président a informé les parties présentes que l'arrêt serait rendu le 25 janvier 1996. A cette date, l'arrêt a été prorogé au 1er février 1996.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE, Prononcé à l'audience publique du 1er février 1996
Signé par Madame le Président CREDEVILLE et par Madame FEVRIER, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute originale page 1, en fait page 3] La société RL FINANCEMENT, aux droits de laquelle se trouve la société SERVILEASE, a consenti à Monsieur X. un contrat de location portant sur une friteuse « frit Express » et ce par acte du 30 novembre 1989.
Le matériel a été livré le 26 décembre 1989 à Monsieur X. qui, le même jour, a signé une autorisation de prélèvement sur son compte ouvert au Crédit Maritime de [ville].
Monsieur X. ayant laissé impayés deux loyers, la société SERVILEASE lui a adressé une lettre de mise en demeure le 27 août 1990, restée sans effets.
Elle a alors résilié le contrat par lettre recommandée avec AR du 11 octobre 1990, sommant le locataire de payer les deux échéances, l'indemnité de résiliation, une pénalité et les frais bancaires pour un montant total TTC de 93.310,35 francs.
Monsieur X. n'ayant pas payé les sommes demandées, la société SERVILEASE l'a assigné devant le tribunal de commerce de DIEPPE qui, par jugement du 28 janvier 1994, l'a condamné à payer la somme de 92.858,13 francs TTC outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et une somme de 1.500 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Monsieur X., appelant, rappelle que la machine s'est révélée dès le début de son utilisation impropre à son usage et qu'après être venue à différentes reprises dans son établissement pour tenter d'apporter remède aux malfaçons la société SERVILEASE en a repris possession.
Il soutient que, s'étant trouvé dans l'impossibilité d'utiliser la chose louée, il n'est pas tenu d'en payer les loyers.
Il réfute l'argumentation de la société SERVILEASE qui fait valoir qu'elle s'est contractuellement exonérée des obligations pesant sur elle en soutenant qu'il est de l'essence même du contrat de location que le bailleur s'oblige à assurer [minute originale page 2, en fait page 4] la jouissance de la chose louée et que toute clause exonérant le bailleur de cette obligation essentielle doit être considérée comme abusive et, partant, non écrite.
Monsieur X. conclut à l'infirmation du jugement entrepris, au débouté de la société SERVILEASE de toutes ses demandes et à sa condamnation à lui payer une somme de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société SERVILEASE demande à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner Monsieur X. à lui payer une somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR,
Attendu que le contrat de location signé par Monsieur X. le 30 novembre 1989 comporte les clauses suivantes :
- article 9-3 « le locataire renonce à toute indemnité, diminution de loyer ou résiliation, au cas où le bien demeurerait inutilisé, totalement ou partiellement pour quelque cause que ce soit, fût-ce à la suite d'un cas fortuit ou de force majeure, et même plus de 40 jours. D'une manière générale, le locataire renonce au bénéfice des articles 1719 à 1722 et 1724 du code civil »,
- article 1-3 « le locataire reconnaît avoir procédé lui-même sous sa seule responsabilité et hors le concours du loueur au choix de l'équipement auprès du ou des fournisseurs ... En aucun cas la responsabilité du loueur ne saurait être recherchée en raison d'un mauvais fonctionnement de l'équipement ... les loyers étant dus au loueur et exigibles par lui en tout état de cause aux échéances prévues » ;
Attendu que Monsieur X. est mal fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 pour soutenir que ces clauses, qui conféreraient au bailleur un avantage excessif, seraient abusives et devraient être réputées en [minute originale page 3, en fait page 5] conséquence non écrites alors que le contrat a un rapport direct avec son activité professionnelle de restaurateur ;
Attendu que l'article 3-4 du contrat stipulant expressément en faveur du locataire la garantie du fournisseur « dont le loueur lui délègue dès à présent le bénéfice », Monsieur X. avait un recours contre ce fournisseur auquel il a d'ailleurs demandé d'intervenir à plusieurs reprises sur le matériel ;
Attendu en outre que le locataire ne rapporte pas la preuve d'avoir informé la société SERVILEASE des désordres présentés par la friteuse ; qu'il ne justifie pas davantage que celle-ci ait été impropre à son usage puisqu'il semble l'avoir utilisée jusqu'à sa reprise par la bailleresse ;
Attendu que la société SERVILEASE était donc fondée à résilier le contrat ;
Attendu que Monsieur X. est également mal fondé à demander la réduction de l'indemnité de résiliation ;
Attendu en effet que cette indemnité n'a pas le caractère d'une clause pénale puisqu'elle a pour objet, non pas de faire assurer par le locataire l'exécution de son obligation, mais de permettre l'évaluation forfaitaire du préjudice subi par le bailleur en cas de défaillance du preneur ; qu'il s'ensuit que le juge ne peut la réduire arbitrairement et qu'il appartient au locataire défaillant, s'il estime que le préjudice subi par le bailleur est moindre, d'en rapporter la preuve ;
Attendu que cette preuve n'est pas rapportée en l'espèce ;
Attendu qu'il échet de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société SERVILEASE les frais irrépétibles exposés en appel ; qu'une somme de 5.000 francs lui sera allouée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute originale page 4, en fait page 6] PAR CES MOTIFS,
Reçoit Monsieur X. en son appel, l’y déclare mal fondé,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 janvier 1994 par le tribunal de commerce de DIEPPE,
Condamne Monsieur X. à payer à la société SERVILEASE une somme de CINQ MILLE FRANCS (5.000 F.) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne Monsieur X. aux dépens d'appel et accorde à Maître REYBEL, avoué, le droit de recouvrement direct selon l'article 699 du nouveau code de procédure civile.