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CA PARIS (pôle 1 ch. 3), 19 octobre 2022

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 1 ch. 3), 19 octobre 2022
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 1 ch. 3
Demande : 22/02433
Date : 19/10/2022
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 31/01/2022
Référence bibliographique : 8262 (1171 C. civ., LLD), 8396 (1171 C. civ., réciprocité), 8397 (1171 C. civ., clause de résiliation), 8530 (1171 C. civ., procédure, référé)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9903

CA PARIS (pôle 1 ch. 3), 19 octobre 2022 : RG n° 22/02433 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « En vertu de l'article 1171 du code civil, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ; l'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.

Cependant, en matière de location financière, et eu égard au caractère purement financier de son intervention, le loueur exécute instantanément l'intégralité des obligations mises à sa charge, en réglant immédiatement au fournisseur le prix des biens commandés par le locataire et en les mettant à la disposition de ce dernier, si bien que seul le locataire reste ensuite tenu, jusqu'au terme du contrat, d'obligations susceptibles d'être sanctionnées par une clause résolutoire. Le défaut de réciprocité de la clause de résiliation prévue à l'article 8 des conditions générales se justifie donc par la nature des obligations auxquelles sont respectivement tenues les parties (Com., 20 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.782). Dans ces conditions, la société O Grand Paris ne caractérise pas l'existence d'une contestation sérieuse portant sur la clause de résiliation créant un déséquilibre entre les parties. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 1 CHAMBRE 3

ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/02433 (6 pages). N° Portalis 35L7-V-B7G-CFFGF. Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 3 novembre 2021 - Président du TC de PARIS RG n° 2021045314.

 

APPELANTE :

SAS O GRAND PARIS

siège social en cours de transfert à l'adresse sise [Adresse 1] - [Localité 3], prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 13], [Localité 5]/France, N° SIRET : XXX, Représentée par Maître Jérémie CREPIN de la SELARL CORVAISIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0170

 

INTIMÉE :

SAS CNH INDUSTRIAL CAPITAL EUROPE

prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 2], [Localité 4], N° SIRET : YYY, Représentée par Maître Quentin SIGRIST de la SELARL SIGRIST & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque: L098

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 12 septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, M. Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre, Mme Patricia LEFEVRE, Conseillère, qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Jean-Christophe CHAZALETTE, Président dans les conditions prévues par les articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre et par Olivier POIX, Greffier lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société O Grand Paris, anciennement Allo Truck, exerçant une activité de transport routier, a conclu entre juin et novembre 2019, pour les besoins de son activité, un contrat de location financière avec la société CNH Industrial Capital Europe (ci-après CNH Industrial), portant sur des tracteurs routiers d'occasion de marque Iveco fourni par une Société de diffusion de véhicules industriels (SDVI), moyennant trente-six loyers mensuels.

Par acte d'huissier du 8 octobre 2021, la société CNH Industriel fait assigner la société O Grand Paris devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris notamment aux fins de voir constater la résiliation de plein droit des contrats de location, ordonner la restitution sous astreinte des tracteurs routiers, condamner la société défenderesse à lui verser à titre provisionnel des sommes au titre des indemnités mensuelles de privation de jouissance.

Par ordonnance réputée contradictoire du 3 novembre 2021, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, a :

- déclaré qu'il était compétent ;

- condamné la société O Grand Paris à restituer à la société CNH Industrial les tracteurs routiers suivants :

* le tracteur routier d'occasion de marque Iveco, modèle Stralis Euro VI, châssis n° XXX, immatriculé [Immatriculation X], tel que désigné dans la facture n°11300733 émise le 19 juin 2019 par la société SDVI ;

* le tracteur routier d'occasion de marque Iveco, modèle AT440S42, châssis n° YYY, immatriculé [Immatriculation 6], tel que désigné dans la facture n°11300734 émise le 19 juin 2019 par la société SDVI ;

* le tracteur routier d'occasion de marque Iveco, modèle AT440S46, châssis n° ZZZ, immatriculé [Immatriculation 8], tel que désigné dans la facture n°11301324 émise le 31 juillet 2019 par la société SDVI ;

* le tracteur routier d'occasion de marque Iveco, modèle AT440S46, châssis n° WWW, immatriculé [Immatriculation 9], tel que désigné dans la facture n°11301499 émise le 30 août 2019 par la société SDVI ;

* le tracteur routier d'occasion de marque Iveco, modèle AT440S46 Stralis, châssis n° VVV, immatriculé [Immatriculation 11], tel que désigné dans la facture n°11301628 émise le 12 septembre 2019 par la société SDVI ;

* le tracteur routier d'occasion de marque Iveco, modèle AT440S46 Stralis, châssis n° UUU, immatriculé [Immatriculation 7], tel que désigné dans la facture n°11301627 émise le 12 septembre 2019 par la société SDVI ;

* le tracteur routier d'occasion de marque Iveco, modèle AT440S46 Stralis, châssis n° TTT, immatriculé [Immatriculation 10], tel que désigné dans la facture n°11302509 émise le 26 novembre 2019 par la société SDVI ;

* le tracteur routier d'occasion de marque Iveco, modèle AT440S46 Stralis, châssis n° SSS, immatriculé [Immatriculation 12], tel que désigné dans la facture n°11302513 émise le 26 novembre 2019 par la société SDVI ;

- condamné la société O Grand Paris à payer, à titre provisionnel, à la société CNH Industrial et ce à compter du 13 septembre 2021, date de la résiliation de plein droit des contrats de location, et jusqu'à la restitution effective des tracteurs routiers à cette dernière, les sommes mensuelles suivantes :

N° contrat : Montant des indemnités mensuelles de privation de jouissance :

A1E35380 : 769,88 euros HT, soit 923,86 euros TTC ;

A1E35384 : 769,88 euros HT, soit 923,86 euros TTC ;

A1E86251 : 835,11 euros HT, soit 1 002,13 euros TTC ;

A1F00908 : 835,11 euros HT, soit 1 002,13 euros TTC ;

A1F19484 : 835,11 euros HT, soit 1 002,13 euros TTC ;

A1F19487 : 835,11 euros HT, soit 1 002,13 euros TTC ;

A1F34793 : 835,11 euros HT, soit 1 002,13 euros TTC ;

A1F34801 : 835,11 euros HT, soit 1 002,13 euros TTC ;

- ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

- autorisé la société CNH Industrial à récupérer les tracteurs routiers lui appartenant, objets des contrats de location résiliés, en quelque lieu et quelques mains qu'ils se trouvent, au besoin avec le recours à la force publique ;

- condamné la société O Grand Paris à payer à la société CNH Industrial la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné en outre la société O Grand Paris aux dépens de l'instance.

[*]

Par déclaration du 31 janvier 2022, la société O Grand Paris a interjeté appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 31 mai 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, elle demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

A titre principal :

- constater l'existence d'une contestation sérieuse sur les demandes formulées par la société CNH Industrial ;

A titre subsidiaire :

- lui accorder un report de 24 mois de la dette locative arrêtée au jour où elle statue en application de l'article 1343-5 du code civil ;

A titre infiniment subsidiaire :

- lui accorder un délai de paiement de 24 mois de la dette locative arrêtée au jour où elle statue, le premier règlement intervenant le mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;

En tout état de cause :

- condamner la société CNH Industrial à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

[*]

La société CNH Industrial, aux termes de ses dernières conclusions en date du 21 juin 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour de :

- débouter la société O Grand Paris de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- confirmer en son intégralité l'ordonnance entreprise ;

Y ajoutant :

- condamner la société O Grand Paris à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société O Grand Paris aux entiers dépens d'appel.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er septembre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

En vertu du 2e alinéa de l'article 873 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de sa compétence, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En l'espèce, l'article 9.2 des contrats litigieux prévoit qu'en cas de retard de restitution excédant 8 jours, le locataire est redevable d'une indemnité de privation de jouissance égale au loyer du dernier terme écoulé.

La société O Grand Paris affirme que son obligation est sérieusement contestable en faisant valoir que les contrats litigieux sont des contrats d'adhésion au sens de l'article 1110 du code civil et que les conditions de résiliation des contrats CNH Industrial créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties qui doit conduire à les considérer comme non écrites par application de l'article 1171 précité. Elle explique que l'article 8 des conditions générales des contrats prévoit que le locataire ne peut pas prononcer la résiliation du contrat mais doit la demander et pour ce faire, doit notifier une mise en demeure, alors que de son côté, le bailleur peut prononcer la résiliation du contrat de son propre chef et n'a besoin de notifier aucune mise en demeure. Elle ajoute l'article 8 stipule même que le locataire est d'office mis en demeure par la simple signature du contrat de location.

La société O Grand Paris précise que la résiliation des contrats n'a jamais été notifiée de façon expresse et non équivoque par la société CNH Industrial de sorte qu'elle n'est pas fondée à solliciter le paiement des indemnités de résiliation et pénalités afférentes.

En vertu de l'article 1171 du code civil, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ; l'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.

Cependant, en matière de location financière, et eu égard au caractère purement financier de son intervention, le loueur exécute instantanément l'intégralité des obligations mises à sa charge, en réglant immédiatement au fournisseur le prix des biens commandés par le locataire et en les mettant à la disposition de ce dernier, si bien que seul le locataire reste ensuite tenu, jusqu'au terme du contrat, d'obligations susceptibles d'être sanctionnées par une clause résolutoire. Le défaut de réciprocité de la clause de résiliation prévue à l'article 8 des conditions générales se justifie donc par la nature des obligations auxquelles sont respectivement tenues les parties (Com., 20 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.782). Dans ces conditions, la société O Grand Paris ne caractérise pas l'existence d'une contestation sérieuse portant sur la clause de résiliation créant un déséquilibre entre les parties.

Au demeurant, même si l'article 8 précité permettait à CNH Industrial de prononcer la résiliation du contrat en cas de défaut de paiement des loyers sans mise en demeure préalable, il y a lieu de constater que par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 février 2021, la société CNH Industrial a mis en demeure la société O Grand Paris lui régler la somme de 39.740,27 euros au titre des loyers impayés sous peine d'appréhension du matériel loué ; par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mars 2021, la société CNH Industrial a mis en demeure la société O Grand Paris de lui restituer le matériel loué et de lui régler la somme de 35.603,27 euros au titre du contrat de financement. Enfin, la société O Grand Paris affirme vainement que la résiliation des contrats ne lui a jamais été notifiée de façon expresse et non équivoque alors que par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 septembre 2021, la société CNH Industrial a résilié les huit contrats de location et mis la société O Grand Paris en demeure de lui payer la somme de 156.362,91 euros, comprenant l'indemnité de résiliation, sous huit jours.

Pour obtenir un report, ou subsidiairement un échelonnement, du paiement provisionnel sur indemnités de privation de jouissance au visa de l'article 1343-5 du code civil, la société O Grand Paris se borne à produire une attestation de son expert-comptable, non conforme aux prescriptions de l'article 202 du code de civil, mentionnant que le chiffre d'affaires de l'année 2020 était de 1.813.795 euros et celui de l'exercice 2021 de 792.729 euros. Aucun autre document n'est produit pour apprécier la situation du débiteur, notamment pas les documents comptables et bancaires permettant de vérifier les allégations de l'appelante. Dans ces conditions, la société O Grand Paris ne justifie pas se trouver dans une situation rendant nécessaire un report ou un étalement des sommes dues ou à devoir.

En définitive, la créance de la société CNH Industrial telle qu'elle a été arrêtée par le premier juge, qui n'est pas critiquée dans son quantum par l'appelante, n'est pas sérieusement contestable. L'ordonnance entreprise sera confirmée quant au paiement provisionnel sur indemnités de privation de jouissance, en ce compris la capitalisation des intérêts, et les demandes de report et d'échelonnement de la dette seront rejetées.

En vertu du 1er alinéa de l'article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de sa compétence, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

La société O Grand Paris ne conteste pas être encore en possession des tracteurs litigieux en dépit de la résiliation des contrats au 13 septembre 2021. Dès lors que la demande de report ou d'échelonnement de l'indemnité provisionnelle de privation de jouissance a été rejetée, cette possession constitue un trouble manifestement illicite qui doit conduire à confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné la restitution du matériel, le cas échéant avec le concours de la force publique.

L'ordonnance entreprise sera confirmée quant à l'indemnisation fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et la charge des dépens. La société O Grand Paris sera tenue aux dépens d'appel et au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 précité.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la société O Grand Paris de ses demandes de report et d'échelonnement de la dette ;

Condamne la société O Grand Paris à payer à la société CNH Industrial Capital Europe une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 de code de procédure civile, au titre de ses frais exposés en cause d'appel ;

Condamne la société O Grand Paris aux dépens d'appel.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT