CA NANCY (2e ch.), 27 octobre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9915
CA NANCY (2e ch.), 27 octobre 2022 : RG n° 22/00331
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « M. X., qui ne conteste pas la vente du bien immobilier financé, soutient que la clause d'exigibilité, emportant la nécessité de solliciter l'accord du prêteur en cas de vente dudit bien en l'absence d'inscription hypothécaire, est ambigüe et doit être considérée comme étant sans lien avec la garantie de CAMCA, organisme de cautionnement, de sorte qu'elle ne peut avoir pour effet d'entraîner la déchéance du terme.
L'article L. 211-1 du code de la consommation dispose que « les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible. Elles s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur. »
En l'espèce, il y a lieu de constater que le contrat mentionne expressément et de façon claire et précise l'existence d'une garantie, sous la forme d'une caution de CAMCA. Or, il est également indiqué de façon non ambigüe, qui n'appelle aucune interprétation, que lorsque le prêt destiné au financement du bien est garanti par un cautionnement, son aliénation sans accord préalable du prêteur, correspond à une cause d'exigibilité immédiate des sommes dues. Au surplus, les conditions générales prévoient au paragraphe intitulé « engagements de l'emprunteur » qu'il s'engage à « fournir les garanties prévues aux présentes ».
Aussi, M. X. ne peut utilement soutenir que la clause d'exigibilité n'était pas présentée de façon claire et compréhensible, et n'avait donc pas pour effet d'entraîner la déchéance du terme. »
2/ « En l'espèce, la clause de résiliation litigieuse a pour effet de contraindre l'emprunteur à solliciter l'accord du prêteur en cas de vente du bien immobilier financé, sur lequel aucune sûreté n'a été inscrite, au seul motif que le prêt est garanti par un acte de cautionnement.
Or, il y a lieu de constater que la clause litigieuse prévoit la résiliation du contrat de prêt pour une défaillance de l'emprunteur qui est extérieure au contrat, étant précisé que la CRCAM ne conteste pas que M. X. effectue des paiements correspondant au montant des échéances et des cotisations d'assurance. En effet, le contrat de prêt ne mentionne pas au titre des « engagements de l'emprunteur » que celui-ci renonce à céder le bien financé (garanti par un cautionnement) sans l'accord du prêteur ou à verser entre les mains du prêteur le prix de vente du bien financé, le cas échéant. De même, aucune obligation de l'emprunteur tendant à informer le prêteur en cas de vente du bien financé ne figure au contrat au titre de ses engagements. Au surplus, la CRCAM ne justifie pas avoir donné à M. X. des informations suffisantes lui permettant d'évaluer le risque de conséquences économiques négatives en cas de désaccord du prêteur et de changement dans sa situation personnelle et financière nécessitant la vente du bien immobilier.
Or, le premier juge ne peut affirmer que la condition litigieuse est la contrepartie raisonnable du risque pris par le prêteur en consentant un prêt immobilier, alors que ce risque est apprécié par le prêteur quand il consent à accorder le prêt. De même, la renonciation à l'inscription d'une hypothèque sur le bien financé relève du choix du prêteur.
Dans ces conditions, il en résulte que la clause de résiliation anticipée du prêt immobilier ayant pour objet de soumettre la vente du bien immobilier financé garanti par un cautionnement à l'accord du prêteur, qui ne dispose d'aucune hypothèque sur ledit bien, crée au détriment de M. X. un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, en ce qu'elle soumet la résiliation de celui-ci à des conditions ou modalités plus rigoureuses pour le consommateur que pour le professionnel.
Aussi, une telle clause de résiliation est abusive et doit être déclarée non écrite, de sorte que la CRCAM sera déboutée de sa demande de condamnation de M. X. au paiement des sommes exigibles au titre du prêt immobilier en vertu de la déchéance du terme. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/00331. N° Portalis DBVR-V-B7G-E5PP. Décision déférée à la Cour : Jugement du tribunal judiciaire de NANCY, R.G. n° 12/01/2022, en date du 12 janvier 2022.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [Date naissance 1] à [Localité 6] (pays), retraité, domicilié [Adresse 7] - [Localité 3], Représenté par Maître Tülay CAGLAR, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE
société coopérative à capital variable régie par le Livre V du Code Monétaire et Financier SIREN : XXX RCS Clermont Ferrand dont le siège social est [Adresse 2] - [Localité 4], agissant poursuites et diligences de son représentant légal actuellement en exercice domicilié ès qualité audit siège social, Représentée par Maître François CAHEN, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 29 septembre 2022, en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Francis MARTIN président de chambre, Madame Nathalie ABEL, conseillère, Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère, chargée du rapport, qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;
A l'issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2022, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 27 octobre 2022, par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte sous seing privé en date du 4 février 2013, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre France (ci-après la CRCAM) a consenti à M. X. un prêt immobilier d'un montant de 110.000 euros, remboursable en 264 mensualités de 538,87 euros, au taux variable de 2,44 % hors assurance et au taux effectif global de 2,9389 %, ayant pour objet l'achat d'un bien immobilier en résidence principale sis à [Localité 8], [Adresse 5].
Le financement a été garanti par le cautionnement de la CAMCA.
M. X. a souscrit une adhésion au contrat d'assurance-groupe proposé par la CRCAM auprès de la société CNP Assurances au titre des garanties décès, perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité temporaire totale, avec des réserves concernant tout sinistre résultant d'affections rachidiennes.
Par courrier en date du 23 avril 2014, la société CNP Assurances a notifié à M. X. l'impossibilité de mise en œuvre des garanties suite à un accident du travail survenu le 23 octobre 2013, s'agissant d'affections exclues lors de l'adhésion.
Par jugement en date du 28 mars 2018 confirmé par arrêt de la cour d'appel de Riom du 3 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a prononcé la nullité de la clause d'exclusion de garanties du contrat d'assurance et a condamné l'assurance à mettre en œuvre les garanties souscrites au profit de M. X.
Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception en date du 13 septembre 2019, la CRCAM a notifié à M. X. la déchéance du terme du prêt au motif que le bien financé avait été vendu sans son accord préalable, et l'a mis en demeure de payer les sommes exigibles à hauteur de 110.359 euros, en vertu du décompte de créance arrêté au 13 septembre 2019.
* * *
Par acte d'huissier du 19 décembre 2019, la CRCAM a fait assigner M. X. devant le tribunal de grande instance de Nancy afin de le voir condamné à lui payer la somme de 100.359,03 euros arrêtée au 13 septembre 2019, outre les intérêts à compter de cette date au taux de 4,35 % sur la somme de 93.783,63 euros, en remboursement du prêt consenti.
La CRCAM a conclu à l'irrecevabilité des conclusions de M. X. à défaut de communiquer son adresse exacte. Elle a fait valoir que la clause d'exigibilité claire et non équivoque n'était pas abusive en ce qu'elle ne faisait que rendre exigible le paiement des sommes versées au titre du prêt en cas de cession du bien immobilier sur lequel le prêt portait.
M. X. a conclu à l'irrecevabilité de l'action de la CRCAM, et subsidiairement, à la nullité de la clause d'exigibilité. Il a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de la CRCAM à lui verser la somme de 110 359,03 euros à titre de dommages et intérêts. Il a conclu à la nullité de l'assignation et à la recevabilité de ses conclusions, et a fait état d'une clause d'exigibilité ni claire ni précise, et subsidiairement, de son caractère abusif.
Par jugement en date du 12 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Nancy a :
- déclaré recevable les conclusions de M. X.,
- déclaré recevable la CRCAM,
- condamné M. X. à payer en deniers ou quittance à la CRCAM la somme de 93.794,18 euros, outre intérêts au taux contractuel de 1,35 % sur la somme de 93.783,63 euros à compter du 13 septembre 2019,
- débouté M. X. de sa demande en nullité de la clause d'exigibilité,
- débouté M. X. de sa demande en dommages et intérêts,
- débouté M. X. de sa demande en délai de grâce,
- condamné M. X. à payer à la CRCAM la somme de 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. X. aux entiers dépens.
Le tribunal a constaté la réalité de l'adresse de M. X. mentionnée à ses conclusions ainsi que la régularité de son assignation. Il a jugé que la clause d'exigibilité était rédigée en des termes clairs et non équivoques, et ne pouvait créer de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l'emprunteur. Il a retenu que la CRCAM n'avait pas manqué à son obligation d'information.
* * *
Le 9 février 2022, M. X. a formé appel du jugement tendant à sa réformation ou son annulation en tous ses chefs critiqués, hormis celui ayant déclaré ses conclusions recevables.
Dans ses dernières conclusions transmises le 24 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. X., appelant, demande à la cour :
- d'infirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Nancy en date du 12 janvier 2022,
- de juger irrecevables les demandes formées par la CRCAM en raison du défaut d'exigibilité de la créance,
En conséquence,
- de débouter la CRCAM de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions à son encontre,
A titre subsidiaire,
- de constater le caractère abusif de la clause contenue dans l'acte de prêt permettant pour la banque de prononcer la déchéance du terme du prêt en cas de vente du bien immobilier litigieux,
- en conséquence, de prononcer la nullité de ladite clause,
A titre infiniment subsidiaire,
- de constater le manquement commis par la CRCAM au titre de son devoir d'information,
- en conséquence, de condamner la CRCAM au paiement de la somme de 100.359,03 euros au titre du préjudice subi en raison du manquement au devoir d'information,
A titre très infiniment subsidiaire,
- de débouter la CRCAM de sa demande au titre de l'indemnité contractuelle,
- de lui accorder les plus larges délais de paiement,
- de condamner la CRCAM à lui payer et porter la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la même aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, M. X. fait valoir en substance :
- que le paiement des mensualités contractuelles du prêt était respecté lors de la notification de la déchéance du terme ; que le montant des sommes dues au titre de la garantie par CNP assurances est de 23.293,93 euros ; que la déchéance du terme, prononcée sans raison légitime le 13 septembre 2019, aurait pour effet d'entrainer la caducité de l'assurance assortissant le prêt et donc de priver d'efficacité l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Riom désormais définitif ;
- que la déchéance du terme ne peut être prononcée que dans des cas limités qui ne correspondent pas à sa situation dans la mesure où le prêt n'était pas assorti d'une garantie hypothécaire ; que le non-respect de ses garanties par la société CNP et les difficultés financières qui s'en sont suivies l'ont conduit à devoir réaliser son bien immobilier et à se porter acquéreur d'un bien moins onéreux ;
- qu'il ne pouvait faire aucun lien entre la clause d'exigibilité et la garantie donnée par la société CAMCA, dans la mesure où elle ne présentait pas de manière claire le fait que l'emprunteur devait solliciter l'accord de la banque pour vendre le bien alors même que celui-ci ne fait pas l'objet d'une inscription hypothécaire ; que cette clause ambigüe doit être considérée comme étant sans lien avec la garantie CAMCA et ne pouvant avoir pour effet d'entrainer la déchéance du terme en application de l'article L. 211-1 du code de la consommation ; que la CRCAM a renoncé à se prévaloir de la déchéance prononcée puisqu'elle a continué à effectuer les prélèvements sur son compte bancaire conformément au tableau d'amortissement ;
- que subsidiairement, cette clause est abusive en ce qu'elle a pour effet de rendre le bien immobilier financé incessible alors même qu'il n'est pas affecté d'une sûreté réelle et crée dès lors un déséquilibre au seul profit du professionnel au sens des dispositions des articles L. 212-1 et R. 212-2 du code de la consommation ;
- que très subsidiairement, il est manifeste que la banque ne l'a pas informé des conséquences de la vente du bien en cas de souscription d'une garantie CAMCA ; que la CRCAM aurait dû s'assurer qu'il était à même de comprendre qu'il s'exposait à l'exigibilité du prêt en cas de revente du bien immobilier malgré l'absence de sûreté réelle ;
- que la clause pénale prévue dans l'offre de prêt (7% du capital restant dû) ne peut être appliquée qu'en cas de défaillance de l'emprunteur ; qu'aucune somme ne lui est réclamée à titre échu dans la mesure où la CRCAM a poursuivi le prélèvement des échéances et des cotisations d'assurance.
[*]
Dans ses dernières conclusions transmises le 7 juin 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la CRCAM, intimée, demande à la cour :
- de dire et juger irrecevable et en tout cas non fondé l'ensemble des arguments présentés par M. X. devant la cour, et les rejeter,
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- de condamner en sus M. X. à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 pour les frais irrépétibles exposés devant la cour,
- de condamner M. X. aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maîre Cahen avocat.
Au soutien de ses demandes, la CRCAM fait valoir en substance :
- que la déchéance du terme est encourue selon la clause prévue au contrat du fait de l'aliénation de l'immeuble financé garanti par un organisme de cautionnement sans l'accord du prêteur ; que l'exigibilité est acquise le 4 octobre 2019, à savoir 15 jours après la mise en demeure adressée le 13 septembre 2019 ;
- que la clause d'exigibilité est claire ; qu'elle n'a pas pour effet de rendre le bien incessible ; qu'elle ne fait que conventionner le fait que la disparition de l'objet du contrat entraîne sa résolution et pour l'emprunteur l'obligation de payer le solde dû ; qu'elle n'est que la légitime contrepartie du risque pris par la banque en consentant le prêt, sans garantie, par exemple hypothécaire sur le bien, permettant à l'emprunteur de substantielles économies compte tenu de son coût ; que les prélèvements constituent des acomptes ;
- qu'aucun manquement au devoir d'information ne peut être imputé en présence d'une clause particulièrement claire ;
- que M. X. ne produit aucun justificatif à l'appui de sa demande de délais de paiement.
* * *
La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 juillet 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité des demandes formées par la CRCAM :
Il ressort des conditions générales du contrat de prêt que les parties ont convenu de la clause suivante intitulée « déchéance du terme-exigibilité du présent prêt » :
« en cas de survenance de l'un quelconque des cas de déchéance du terme visés ci-après, le prêteur pourra se prévaloir de l'exigibilité immédiate du présent prêt, en capital, intérêts et accessoires, sans qu'il soit besoin d'aucune formalité judiciaire et après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours :
- si le bien donné en garantie a été aliéné en totalité ou partie, ou s'il a fait l'objet d'une saisie ou d'une location en infraction aux conditions d'octroi du présent financement,
- lorsque le prêt est garanti par un organisme de cautionnement, en cas d'aliénation par l'emprunteur ou d'inscription d'hypothèque conventionnelle du bien objet du présent financement sans accord préalable du prêteur. »
Or, le prêt mentionne également au paragraphe intitulé « garanties » que : « A la sûreté et remboursement du présent prêt en principal et intérêts, frais, indemnités et autres accessoires de l'exécution de toutes les obligations résultant du présent contrat, l'emprunteur fournit au prêteur les garanties désignées ci-dessous : Caution CAMCA dont le siège social est (...) pour un montant principal de 110.000 euros plus intérêts, commissions, frais et accessoires. »
M. X., qui ne conteste pas la vente du bien immobilier financé, soutient que la clause d'exigibilité, emportant la nécessité de solliciter l'accord du prêteur en cas de vente dudit bien en l'absence d'inscription hypothécaire, est ambigüe et doit être considérée comme étant sans lien avec la garantie de CAMCA, organisme de cautionnement, de sorte qu'elle ne peut avoir pour effet d'entraîner la déchéance du terme.
L'article L. 211-1 du code de la consommation dispose que « les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible. Elles s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur. »
En l'espèce, il y a lieu de constater que le contrat mentionne expressément et de façon claire et précise l'existence d'une garantie, sous la forme d'une caution de CAMCA.
Or, il est également indiqué de façon non ambigüe, qui n'appelle aucune interprétation, que lorsque le prêt destiné au financement du bien est garanti par un cautionnement, son aliénation sans accord préalable du prêteur, correspond à une cause d'exigibilité immédiate des sommes dues.
Au surplus, les conditions générales prévoient au paragraphe intitulé « engagements de l'emprunteur » qu'il s'engage à « fournir les garanties prévues aux présentes ».
Aussi, M. X. ne peut utilement soutenir que la clause d'exigibilité n'était pas présentée de façon claire et compréhensible, et n'avait donc pas pour effet d'entraîner la déchéance du terme.
Dès lors, le jugement contesté sera confirmé sur ce point.
Sur le caractère abusif de la clause de déchéance du terme :
L'article L 212-1 du code de la consommation dispose que « dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »
L'article R 212-2 du code de la consommation précise que « dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions des premier et cinquième alinéas de l'article L. 212-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : (...) 8° Soumettre la résolution ou la résiliation du contrat à des conditions ou modalités plus rigoureuses pour le consommateur que pour le professionnel. »
M. X. soutient que la clause de résiliation anticipée du prêt immobilier en cas de vente sans l'accord du prêteur de l'immeuble financé, sur lequel aucune hypothèque n'a été inscrite, est abusive en ce qu'elle a pour effet de rendre le bien immobilier financé incessible alors même qu'il n'est pas affecté d'une sûreté réelle, ce qui créé un déséquilibre au seul profit du professionnel, alors qu'il poursuivait le paiement des échéances et des cotisations d'assurance.
La CRCAM expose au contraire que la clause d'exigibilité est claire et non abusive puisqu'elle prévoit la résolution du contrat suite à la disparition de son objet.
En l'espèce, la clause de résiliation litigieuse a pour effet de contraindre l'emprunteur à solliciter l'accord du prêteur en cas de vente du bien immobilier financé, sur lequel aucune sûreté n'a été inscrite, au seul motif que le prêt est garanti par un acte de cautionnement.
Or, il y a lieu de constater que la clause litigieuse prévoit la résiliation du contrat de prêt pour une défaillance de l'emprunteur qui est extérieure au contrat, étant précisé que la CRCAM ne conteste pas que M. X. effectue des paiements correspondant au montant des échéances et des cotisations d'assurance.
En effet, le contrat de prêt ne mentionne pas au titre des « engagements de l'emprunteur » que celui-ci renonce à céder le bien financé (garanti par un cautionnement) sans l'accord du prêteur ou à verser entre les mains du prêteur le prix de vente du bien financé, le cas échéant.
De même, aucune obligation de l'emprunteur tendant à informer le prêteur en cas de vente du bien financé ne figure au contrat au titre de ses engagements.
Au surplus, la CRCAM ne justifie pas avoir donné à M. X. des informations suffisantes lui permettant d'évaluer le risque de conséquences économiques négatives en cas de désaccord du prêteur et de changement dans sa situation personnelle et financière nécessitant la vente du bien immobilier.
Or, le premier juge ne peut affirmer que la condition litigieuse est la contrepartie raisonnable du risque pris par le prêteur en consentant un prêt immobilier, alors que ce risque est apprécié par le prêteur quand il consent à accorder le prêt.
De même, la renonciation à l'inscription d'une hypothèque sur le bien financé relève du choix du prêteur.
Dans ces conditions, il en résulte que la clause de résiliation anticipée du prêt immobilier ayant pour objet de soumettre la vente du bien immobilier financé garanti par un cautionnement à l'accord du prêteur, qui ne dispose d'aucune hypothèque sur ledit bien, crée au détriment de M. X. un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, en ce qu'elle soumet la résiliation de celui-ci à des conditions ou modalités plus rigoureuses pour le consommateur que pour le professionnel.
Aussi, une telle clause de résiliation est abusive et doit être déclarée non écrite, de sorte que la CRCAM sera déboutée de sa demande de condamnation de M. X. au paiement des sommes exigibles au titre du prêt immobilier en vertu de la déchéance du terme.
Dès lors, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires :
Le jugement critiqué sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La CRCAM qui succombe à hauteur de cour sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et sera déboutée de ses demandes relatives aux dépens et aux frais irrépétibles présentées en première instance.
M. X. a dû engager des frais irrépétibles afin d'assurer sa défense, de sorte qu'il convient de lui allouer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,
CONSTATE la nullité de la clause abusive de résiliation anticipée du contrat de prêt immobilier qui soumet à l'accord du prêteur l'aliénation de l'immeuble financé garanti par un organisme de cautionnement,
DEBOUTE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre France de sa demande en paiement dirigée à l'encontre de M. X. au titre du prêt immobilier consenti le 4 février 2013,
DEBOUTE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre France au paiement des dépens,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
DEBOUTE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre France de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre France à payer à M. X. la somme de 2.000 € (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre France aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en dix pages.
- 5742 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Droits et obligations du consommateur
- 6003 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Rédaction claire et compréhensible (L. 212-1, al. 1, C. consom.) - Clause confuses
- 6623 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Déchéance et résiliation - Nature des manquements