CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 7 décembre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9981
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 7 décembre 2022 : RG n° 19/10328 ; arrêt n° 2022/307
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Monsieur X. soutient que le contrat de location a pris effet alors que la prestation n'a pas été effectuée. Il est acquis et non contesté en l'espèce que Monsieur X. a signé un procès-verbal de réception présenté par la société Alcom sans réserve ni protestation.
Toutefois, le bailleur, qui paye le fournisseur, doit disposer d'un procès-verbal de réception qui ne comporte pas d'anomalie. Or, Monsieur X. fait valoir qu'il a signé imprudemment ce procès-verbal le même jour que celui de la signature du bon de commande alors que le site n'était pas livré. La SAS Locam ne peut utilement prétendre n'être tenue à aucun contrôle du bon de commande alors qu'en sa qualité de professionnel avisé, elle doit pour le moins vérifier la régularité de l'opération qu'elle finance. La simple comparaison entre le bon de commande en date du 4 avril 2016 comportant la création d'un site WEB et le bon de réception du produit établi le même jour lui aurait permis de détecter les irrégularités affectant le contrat, tant il est incontestable qu'un site Internet ne peut être créé le jour de sa commande mais nécessite un temps de création. Dès lors, la réception du bon de réception signé le jour de la commande n'a pas permis à la SAS Locam de s'assurer d'une exécution complète et parfaite de la prestation convenue lors du paiement du fournisseur.
Dans ces conditions, en libérant les fonds entre les mains du fournisseur au seul vu de ce procès-verbal entaché d'une anomalie, la SAS Locam a commis une faute de nature à justifier le prononcé de la résolution du contrat de location, le bref délai écoulé entre la conclusion de l'acte contractuel et la signature du certificat de livraison du site WEB aurait dû alerter la SAS Locam et la dissuader de payer la société Alcom. Compte tenu des délais nécessaires à l'élaboration d'un site WEB et de la rapidité anormale de la réalisation prétendue des travaux, le bailleur, qui s'est libéré des fonds entre les mains de l'installateur, sans rechercher si le procès-verbal de livraison dont il a été rendu destinataire suffisait à lui permettre de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal et sans vérifier plus avant que la société prestataire avait accompli la totalité des prestations, commet une faute
La SAS Locam, en versant la totalité de la somme prêtée sans effectuer cette vérification, a commis une faute de nature à justifier la résolution du contrat de location. »
2/ « Par jugement du 25 février 2019, le tribunal de commerce de Fréjus a statué sur l'existence d'un déséquilibre significatif entre les parties au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce. Or, le tribunal de commerce de Fréjus n'est pas compétent pour connaître des litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce puisqu'elle n'est pas l'une des juridictions spécialisées pourvues de pouvoir juridictionnel pour ce faire. Cette exception peut être soulevée à tout moment en appel, eu égard au caractère d'ordre public de l'article précité.Il convient dès lors d'ordonner la réouverture des débats pour que les parties puissent fournir toutes explications utiles sur ce moyen d'ordre public et de droit soulevé d'office par la Cour. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 3-4
ARRÊT DU 7 DÉCEMBRE 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/10328. Arrêt n° 2022/307. N° Portalis DBVB-V-B7D-BEP2K. ARRÊT MIXTE. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 25 février 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 2017004608.
APPELANTE :
SAS LOCAM
prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 1], représentée par Maître Alain KOUYOUMDJIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉ :
Monsieur X.
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/XXX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), né le [date] à [Localité 2], demeurant [Adresse 3], représenté par Maître Marie-Hélène BOEFFARD, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Laure BOURREL, Président, Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022 ; Signé par Madame Anne- Laurence CHALBOS, Président pour le Président empêché et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :
Suivant acte du 4 avril 2016, Monsieur X. a souscrit avec la SAS Locam un contrat de location d'un site WEB pour une durée de 48 mois moyennant le paiement de mensualités de 192 euros TTC. Le contrat mentionne les objets du financement à savoir :
- la création d'un site Internet sous l'intitulé « maçonnerie-générale-ge-com »
- le nom du domaine,
- un hébergement,
- un logiciel de statistique.
En février 2017, Monsieur X. a cessé d'honorer les échéances échues.
Le 21 juillet 2017, la SAS Locam a fait signifier à Monsieur X. une ordonnance d'injonction de payer rendue le 6 juin 2017 par le président du tribunal de commerce de Fréjus pour une somme principale de 7 296euros.
Le 17 août 2017, Monsieur X. a formé opposition à cette décision.
Par jugement contradictoire du 25 février 2019, le tribunal de commerce de Fréjus a reçu Monsieur X. en son opposition et la déclarée bien fondée, dit que les conditions générales n'étaient pas opposables à Monsieur X. et a débouté la SAS Locam de ses demandes, fins et conclusions, a constaté que le procès-verbal de réception avait été signé alors qu'aucune prestation n'était réalisée, que ce comportement fautif emporte la résolution du contrat, a constaté un déséquilibre significatif existant entre les parties en défaveur de Monsieur X. et l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts et a condamné la SAS Locam à payer à Maître Boeffard la somme de 2.000 euros au titre de ses honoraires, a pris acte que ce dernier s'engageait à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle dans les conditions du décret du 19 décembre 1991 et a condamné la SAS Locam aux entiers dépens.
Le 26 juin 2019, la SAS Locam a interjeté appel de cette décision.
[*]
Dans ses conclusions déposées et notifiées le 10 septembre 2019, la SAS Locam demande à la Cour de :
- Infirmer le jugement rendu le 25 février 2019 par le tribunal de commerce de Fréjus,
- Constater l'acquisition de la clause résolutoire en l'absence de paiement dans le délai de 8 jours de la mise en demeure,
- Condamner Monsieur X. à lui régler la somme de 7.296 euros ainsi qu'une somme de 710,48euros au titre de la clause pénale et la somme de 6,66 euros au titre des accessoires,
- Ordonner la capitalisation des intérêts,
- Débouter Monsieur X. de ses demandes, fins et conclusions,
- Dire que les conditions particulières et les conditions générales du contrat lui sont opposables,
- Dire que les dispositions de l'article L. 446-6-I-2° du code de commerce sont inapplicables au présent litige et qu'en tout état de cause, il n'existe aucun déséquilibre significatif,
- Condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 1.400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
[*]
Aux termes de ses écritures déposées et notifiées le 8 novembre 2019, Monsieur X. demande à la Cour de :
- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Fréjus du 25 février 2019,
- Déclarer l'opposition de Monsieur X. recevable et fondée,
- Juger les conditions générales et particulières de la location inopposables à Monsieur X.,
- Débouter la société Locam de ses demandes, fins et conclusions,
- Constater que la SAS Locam a fait signer un bon de réception alors qu'aucune prestation n'avait commencé,
- Juger que ce comportement est constitutif d'un défaut de loyauté et donc d'un manquement contractuel,
- Prononcer la résolution du contrat,
- Constater le déséquilibre significatif entre les parties en défaveur de Monsieur X.,
- Condamner la SAS Locam à verser à Maître Boeffard la somme de 2 000euros au titre de ses honoraires,
- Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Fréjus le 25 février 2019 en ce qu'il a débouté Monsieur X. de sa demande de dommages et intérêts,
- Infirmant et statuant à nouveau :
- Condamner la SAS Locam à verser à Monsieur X. la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts et à Maître Boeffard la somme de 2.000 euros au titre de ses honoraires d'appel.
[*]
Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 septembre 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs :
Le 4 avril 2016, Monsieur X. a souscrit auprès de la société Alcom, le fournisseur, un contrat d'installation d'un site Internet financé par une location auprès de la société Locam. Il a, le même jour, donné acte au fournisseur de la réception et de la mise en service du site en signant un procès-verbal de livraison et de conformité qui donne instruction à la SAS Locam de débloquer les fonds au profit du fournisseur.
Sur la résolution du contrat :
Monsieur X. soutient que le contrat de location a pris effet alors que la prestation n'a pas été effectuée. Il est acquis et non contesté en l'espèce que Monsieur X. a signé un procès-verbal de réception présenté par la société Alcom sans réserve ni protestation.
Toutefois, le bailleur, qui paye le fournisseur, doit disposer d'un procès-verbal de réception qui ne comporte pas d'anomalie. Or, Monsieur X. fait valoir qu'il a signé imprudemment ce procès-verbal le même jour que celui de la signature du bon de commande alors que le site n'était pas livré.
La SAS Locam ne peut utilement prétendre n'être tenue à aucun contrôle du bon de commande alors qu'en sa qualité de professionnel avisé, elle doit pour le moins vérifier la régularité de l'opération qu'elle finance. La simple comparaison entre le bon de commande en date du 4 avril 2016 comportant la création d'un site WEB et le bon de réception du produit établi le même jour lui aurait permis de détecter les irrégularités affectant le contrat, tant il est incontestable qu'un site Internet ne peut être créé le jour de sa commande mais nécessite un temps de création.
Dès lors, la réception du bon de réception signé le jour de la commande n'a pas permis à la SAS Locam de s'assurer d'une exécution complète et parfaite de la prestation convenue lors du paiement du fournisseur.
Dans ces conditions, en libérant les fonds entre les mains du fournisseur au seul vu de ce procès-verbal entaché d'une anomalie, la SAS Locam a commis une faute de nature à justifier le prononcé de la résolution du contrat de location, le bref délai écoulé entre la conclusion de l'acte contractuel et la signature du certificat de livraison du site WEB aurait dû alerter la SAS Locam et la dissuader de payer la société Alcom.
Compte tenu des délais nécessaires à l'élaboration d'un site WEB et de la rapidité anormale de la réalisation prétendue des travaux, le bailleur, qui s'est libéré des fonds entre les mains de l'installateur, sans rechercher si le procès-verbal de livraison dont il a été rendu destinataire suffisait à lui permettre de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal et sans vérifier plus avant que la société prestataire avait accompli la totalité des prestations, commet une faute
La SAS Locam, en versant la totalité de la somme prêtée sans effectuer cette vérification, a commis une faute de nature à justifier la résolution du contrat de location.
Il convient de confirmer le jugement de première instance à ce titre.
Sur l'application de l'article L 442-6 du code de commerce dans sa version applicable au litige :
L'article L. 442-6 du code de commerce dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 11 décembre 2016 énonce que « I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : ... 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; ... »
Par jugement du 25 février 2019, le tribunal de commerce de Fréjus a statué sur l'existence d'un déséquilibre significatif entre les parties au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce. Or, le tribunal de commerce de Fréjus n'est pas compétent pour connaître des litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce puisqu'elle n'est pas l'une des juridictions spécialisées pourvues de pouvoir juridictionnel pour ce faire.
Cette exception peut être soulevée à tout moment en appel, eu égard au caractère d'ordre public de l'article précité.
Il convient dès lors d'ordonner la réouverture des débats pour que les parties puissent fournir toutes explications utiles sur ce moyen d'ordre public et de droit soulevé d'office par la Cour.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR statuant par arrêt contradictoire :
Confirme le jugement rendu le 25 février 2019 par le tribunal de commerce de Fréjus en ce qu'il a déclaré l'opposition recevable, débouté la SAS Locam de ses demandes et prononcé la résolution du contrat et condamné la SAS Locam à payer à Maître Boeffard la somme de 2 000euros au titre des honoraires,
Infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau :
Ordonne la réouverture des débats afin que les parties puissent fournir toute explication utile sur l'irrecevabilité des demandes présentées sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce dans un délai de 4 mois à compter de la présente décision, à défaut la procédure pourra être radiée,
Renvoie l'affaire à la mise en état,
Reserve les dépens.
Débouter la SAS Locam de ses demandes.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 6242 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Compétence territoriale
- 6280 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location sans option d’achat
- 8262 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par contrat – Location financière sans option d’achat