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CA GRENOBLE (1re ch.), 13 décembre 2022

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch.), 13 décembre 2022
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 19/01390
Date : 13/12/2022
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 26/03/2019
Référence bibliographique : 9742 (crédit, monnaie de compte étrangère), 5705 (prescription de l’action), 5734 (clause réputée non écrite), 5743 (effet rétroactif)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10000

CA GRENOBLE (1re ch.), 13 décembre 2022 : RG n° 19/01390

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « La BNP Paribas Personal Finance soutient l'irrecevabilité des demandes de M. X. du chef des clauses abusives comme étant prescrites, car initiées plus de cinq ans après la signature de l'offre de prêt.

Ce qui ne peut être admis. En effet, par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6 § 1, et l'article 7 § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription. Il s'en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive dans un contrat conclu avec un consommateur n'est pas soumise à la prescription quinquennale. »

2/ « Il est acquis que cette clause d'indexation implicite relève de l'objet principal du contrat de prêt au terme d'une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) selon laquelle les clauses relatives aux conditions de remboursement du prêt matérialisent le risque de change découlant des variations de la parité entre la monnaie de compte et la monnaie de paiement ainsi que le taux d'intérêt qui y est rattaché, lequel caractérise le prêt.

Il est manifeste que cette clause d'indexation implicite n'est pas claire ni intelligible pour l'emprunteur, simple consommateur qu'est M. X., de par son mécanisme qui repose sur la combinaison de plusieurs clauses, sans que figurent dans le contrat de prêt des informations et explications explicites et synthétiques destinées à en exposer le fonctionnement concret, l'emprunteur étant tenu de se reporter à plusieurs paragraphes disséminés dans le contrat sans que les risques inhérents au prêt soient clairement invoqués, notamment celui du risque de change.

Ensuite, il est vainement cherché dans le contrat de prêt litigieux des avertissements de la BNP Paribas Personal Finance portant sur le risque de change, sur les possibles variations du cours de change, sur le risque de dépréciation importante de la monnaie de paiement en euro et d'une hausse du taux d'intérêt du franc suisse et les conséquences pouvant en résulter pour l'emprunteur, à savoir des difficultés pour rembourser le prêt, plus généralement sur le risque d'endettement de l'emprunteur lié à la conclusion d'un prêt en devise étrangère, s'agissant notamment de l'augmentation du capital à rembourser en euros en cas de réalisation du risque de change. La simulation annexée à l'offre de prêt ne satisfait pas à cette obligation de transparence en ce qu'elle est fondée sur des données non conformes qui en faussent les résultats (par exemple le fait de tenir compte que de deux hypothèses de variation à la hausse et à la baisse de 5 % alors que le taux de change euro/franc suisse était déjà de 12 % fin 2008, donc à l'époque du prêt).

Ensuite, la clause d'indexation implicite résultant de la combinaison des cinq clauses contractuelles distinctes précitées, fait supporter à M. X. un risque de change illimité et disproportionné et crée de ce fait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au seul détriment de M. X. ; en effet, ce dernier est tenu de supporter l'évolution des taux de change sur le long terme, durant la vie du contrat de prêt et n'est pas à l'abri de devoir se trouver à rembourser un capital restant dû en euros d'un montant bien supérieur au montant initial selon les variations du taux de change du franc suisse.

C'est en vain que la BNP Paribas Personal Finance oppose que le risque de change supporté par l'emprunteur est plafonnée en raison des mécanismes de l'option (l'emprunteur peut demander par période de trois ans ou cinq ans la conversion de leurs prêts en euros) et du remboursement par anticipation, ces mécanismes n'étant pas accessibles à tout emprunteur de par l'effort financier qu'ils impliquent et le risque de change réalisé au jour de cette option ou du remboursement anticipé restant en tout état de cause à la charge de l'emprunteur.

De même, la BNP Paribas Personal Finance ne peut pas utilement soutenir que la variation du taux de change est supportée de façon réciproque par les parties au contrat de prêt, la clause de monnaie de compte prévoyant que la variation du taux de change favorable à l'euro impacte l'amortissement du prêt Helvet Immo « dans les deux sens », l'emprunteur bénéficiant d'un avantage économique en mobilisant moins de ressources pour amortir son prêt, dont le coût total diminue par la même occasion, elle-même perdant la rémunération du prêt de par la baisse des intérêts. En effet, l'avantage ainsi allégué pour le consommateur est totalement disproportionné par rapport au risque encouru de voir augmenter sans limite le montant du capital restant dû à la suite du risque de change.

Sans qu'il y ait lieu d'aborder la question de l'existence d'une pratique commerciale trompeuse à charge de la BNP Paribas Personal Finance, il est amplement établi en l'état du contrat de prêt que la clause implicite d'indexation qu'il contient est abusive, n'étant pas intelligible sur le plan formel et grammatical ni sur le plan matériel, à défaut d'expliquer à M. X. le risque important de l'évolution des taux de change et le fonctionnement concret de cette clause insérée dans un prêt libellé en devise étrangère. »

3/ « S'agissant des clauses de révision des indices de variation du taux d'intérêt, il est de jurisprudence constante de la CJUE qu'il appartient au juge national de rechercher si les éléments principaux relatifs au calcul de ce taux sont aisément accessibles à toute personne envisageant de contracter un prêt, en raison de la publication du mode de calcul dudit taux ainsi que d'autre part, la fourniture d'informations sur l'évolution passée de l'indice sur la base duquel est calculé ce même taux.

Or, il résulte du contrat de prêt que les clauses au nombre de trois relatives à la révision du taux d'intérêt sont d'une particulière complexité pour un consommateur moyen en ce qu'elles font référence à trois types d'indices applicables selon l'hypothèse considérée : - le SWAP francs suisses 5 ans dans la clause qui prévoit que le taux d'intérêt du crédit est révisé tous les 5 ans et dont l'une des composantes est égale à la moyenne mensuelle du taux SWAP francs suisses 5 ans précédant l'application du nouveau taux du prêt, - le Taux moyen Mensuel des Emprunts d'État à long terme (TME) dans la clause qui prévoit que le taux d'intérêt du crédit, en cas de conversion en euros à taux fixe, se fait sur la base du TME majoré de 2,95 points, - le Taux Interbancaire à 3 mois offert en Euros (TIBEUR) dans la clause qui prévoit que le taux d'intérêt du crédit, en cas de conversion en euros à taux révisable, se fait sur la base du TIBEUR.

Outre le fait que la BNP Paribas Personal Finance n'apparaît pas avoir donné dans le prêt des informations pratiques sur chacun de ces indices de taux d'intérêt pour en expliciter la nature, elle n'a pas non plus communiqué à M. X. les historiques de variation de ces indices. Dès lors, ces clauses de révision des indices de variation du taux d'intérêt doivent être déclarées abusives. »

4/ « S'agissant de la clause de reconnaissance d'information figurant dans le bordereau d'acceptation des risques liés au crédit par lequel M. X. a déclaré avoir été informé que le crédit comporte des opérations de change pouvant avoir un impact sur son plan de remboursement, étant précisé qu'il s'agit d'une clause type préimprimée, inverse la charge de la preuve au détriment du consommateur ; à ce titre, elle présente un caractère abusif et il ne peut être argué d'une acceptation libre et éclairée par M. X. des clauses de ce contrat de prêt. »

5/ « Il résulte de l'article L.132-1 du code de la consommation (désormais L. 241-1) dont les dispositions sont dite d'ordre public, que les clauses abusives sont réputées non écrites (…), et que le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses. Il s'en déduit que ces clauses abusives sont réputées n'avoir jamais existé, et n'avoir donc produit aucun effet dès le début du contrat et être privée de tout effet pour l'avenir.

Les clauses relevant de cette qualification, à savoir plus spécialement la clause implicite d'indexation et les clauses de révision du taux d'intérêt qui forment un ensemble indivisible, participent de l'objet principal du contrat de prêt, et en assure le fonctionnement, le prêt d'une somme d'argent impliquant corrélativement une rémunération pour la mise à disposition de ce capital. Ces clauses abusives étant réputées non écrites, et le contrat de prêt ne pouvant pas subsister sans elles dès lors qu'il est relevé qu'il ne prévoit pas un indice légal de substitution au taux d'intérêt contractuel, il y a lieu de prononcer l'annulation rétroactive du contrat de prêt Helvet Immo.

Or, contrairement aux protestations de la BNP Paribas Personal Finance, cette annulation rétroactive n'est pas contraire aux objectifs poursuivis par la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, celle-ci ayant au contraire pour but d'éradiquer les clauses abusives pour protéger les consommateurs des abus de puissance des professionnels et assainir le marché de la concurrence. En outre, la sanction de l'annulation rétroactive du contrat de prêt est conforme à la jurisprudence établie de la CJUE selon laquelle le professionnel ne doit tirer aucun profit de sa pratique et que toute sanction qui aboutirait à lui préserver tout ou partie du profit tiré de la stipulation abusive serait de nature à l'encourager pour l'avenir à réitérer cette pratique illicite.

L'annulation rétroactive du contrat de prêt passé par acte notarié conduit à priver la BNP Paribas Personal Finance de son titre exécutoire sur lequel elle a fondé sa procédure de saisie immobilière à l'encontre de M. X. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE

ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/01390. N° Portalis DBVM-V-B7D-J6F6. Appel d'une décision (R.G. n° 17/00305) rendue par le Juge de l'exécution de BOURGOIN-JALLIEU, en date du 8 mars 2019, suivant déclaration d'appel du 26 mars 2019.

 

APPELANT :

M. X.

né le [Date naissance 1] à [Localité 11], de nationalité Française, [Adresse 4], [Localité 3], représenté par Maître Sylvain REBOUL de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Maître Alexandre BARBELANE de la SELARL BFB Avocats, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

LA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 2], [Localité 9], représentée par Maître Pascale MODELSKI de la SELARL EYDOUX MODELSKI, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Maître Elodie VALETTE, avocat au barreau de PARIS

 

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

LA CONFÉDÉRATION DE LA CONSOMMATION, DU LOGEMENT ET DU CADRE DE VIE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 6], [Localité 10], représentée par Maître Sylvain REBOUL de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Maître Charles CONSTENTIN- VALLET, avocat au barreau de PARIS

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Catherine Clerc, président de chambre, Mme Joëlle Blatry, conseiller, M. Laurent Desgouis, vice-président placé,

DÉBATS : A l'audience publique du 14 novembre 2022 Mme Clerc président de chambre chargé du rapport en présence de Mme Blatry, conseiller assistées de Mme Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon offre de prêt du 28 novembre 2008, acceptée le 10 décembre et régularisée par acte authentique le 12 janvier 2019, M. X. a contracté auprès de la BNP Paribas Personal Finance un prêt « Helvet Immo » d'un montant de 184.332,12 francs suisses.

Se prévalant d'échéances impayées, la BNP Paribas Personal Finance a le 3 mars 2017, signifié à M. X. un commandement aux fins de saisie immobilière qui a été publié le 21 avril 2017 au service de la publicité foncière de [Localité 12].

Par acte extrajudiciaire du 15 juin 2017, la BNP Paribas Personal Finance a assigné M. X. en vente forcée à l'audience d'orientation du juge de l'exécution.

M. X. a sollicité le sursis à statuer et développé divers moyens pour contester la recevabilité de l'action, la régularité du contrat, l'exigibilité, le principe et le montant de la créance.

Par jugement contradictoire du 8 mars 2019, le juge de l'exécution statuant au visa des articles L. 311-1 et suivants, R. 311-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution a notamment :

- dit n'y avoir lieu à prononcer un sursis à statuer,

- constaté que le créancier poursuit la vente forcée des biens immobiliers appartenant à M. X. en vertu d'un exécutoire définitif et ayant force de chose jugée constatant une créance liquide et exigible,

- débouté M. X. de l'intégralité de ses demandes comme étant prescrites ou infondées,

- retenu la créance du poursuivant pour la somme de 211.332,97 € selon décompte arrêté au 11 janvier 2019 outre intérêts commissions frais et accessoires,

- autorisé M. X. à vendre à l'amiable l'immeuble saisi à un prix égal ou supérieur à la somme de 55.000 €, net vendeur, outre les frais taxés de vente dans un délai maximal de quatre mois à compter du prononcé du jugement,

- dit que M. X. est habilité à régulariser tout acte préparatoire à la vente, (suivent les dispositions pratiques sur la vente concernant l'élaboration du cahier des conditions de vente, le versement des frais taxés et les modalités visées aux articles L. 322-4 et R. 322-23 du code des procédures civiles d'exécution),

- renvoyé l'affaire à l'audience du vendredi 21 juin 2019 à 10 heures aux fins de vérification de la vente amiable,

- débouté la BNP Paribas Personal Finance de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la décision est exécutoire de droit par provision,

- dit que les dépens seront réglés en frais privilégiés de vente.

M. X. en a relevé appel par déclaration du 26 mars 2019.

Par ordonnance de la première présidente du 2 avril 2019, il a été autorisé à assigner à jour fixe le la BNP Paribas Personal Finance pour l'audience du 1eroctobre 2019 à 14 heures. L'affaire a été renvoyée successivement aux audiences du 16 mars 2020, du 28 septembre 2020 en raison notamment de l'état d'urgence sanitaire et enfin à celle du 14 novembre 2022 où elle a été retenue.

L'assignation à jour fixe délivrée le 7 mai 2019, a été déposée au greffe par voie électronique le 14 mai suivant.

Il est indiqué que par jugement du 26 juillet 2019 faisant suite à l'audience de renvoi du 21 juin 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grenoble a ordonné le sursis à statuer sur la vente conformément à la demande de la BNP Paribas Personal Finance dans l'attente de la décision à intervenir de la cour sur l'appel du jugement ordonnant cette vente rendu le 8 mars 2019.

[*]

Dans ses dernières conclusions n°4 déposées le 7 novembre 2022 au visa notamment des directives 93/13/CEE, des articles L. 212-1 et suivants du code de la consommation, des arrêts de la CJUE du 10 juin 2021 relatifs au prêt Helvet Immo (aff. C-609/19 et aff. jointes C-776/19 à C-782/19) et ses ordonnances du 24 mars 2022 (aff. C-82/20 et C- 288/20), des arrêts de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 30 mars 2022 (n° 19-17.996, n° 19-12.947, n° 19-18.997, n° 19-18.998, n° 19-20.717 - 5 arrêts) et du 20 avril 2022 (n° 20-16.941, n° 19-11.600, n° 20-16.940, n° 19-11.599 et n° 20-16.942), du jugement rendu par la 13ème chambre correctionnelle 1 du tribunal judiciaire de Paris relatif au prêt Helvet Immo, M. X. demande que la cour, le recevant dans son appel et ses demandes comme recevables et bien fondés,

infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit n'y avoir lieu de prononcer un sursis à statuer,

- constaté que le créancier poursuit la vente forcée des biens immobiliers lui appartenant en vertu d'un exécutoire définitif et ayant force de chose jugée constatant une créance liquide et exigible,

- l'a débouté de l'intégralité de ses demandes comme étant prescrites ou infondées,

- retenu la créance du poursuivant pour la somme de 211.332,97 € selon décompte arrêté au 11 janvier 2019 outre intérêts commissions frais et accessoires,

- dit que les dépens seront réglés en frais privilégiés de vente,

et statuant à nouveau,

à titre principal

- déboute la BNP Paribas Personal Finance de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions,

- juge que les demandes qu'il formule sur le fondement de la Directive 93/13/CEE sont recevables,

- juge que les clauses n° 1 à 5 (clause implicite d'indexation), n° 6 à 8 (clauses de révision du taux d'intérêt) et n° 9 (clause de reconnaissance d'information) du contrat de prêt Helvet Immo qu'il a souscrit sont abusives en ce qu'elles ne sont ni claires ni intelligibles pour celui-ci, et en tout état de cause en ce qu'elles créent un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, au bénéfice de la BNP Paribas Personal Finance et à son détriment, étant un consommateur moyen,

en conséquence,

- juge que les clauses n° 1 à 9 du contrat de prêt Helvet Immo qu'il a souscrit sont réputées non écrites,

- juge que ce contrat de prêt Helvet Immo ne peut pas subsister sans ces clauses,

- juge que ce contrat de prêt Helvet immo est anéanti de manière rétroactive,

- annule le commandement de payer aux fins de saisie immobilière délivré à son encontre à la demande de la BNP Paribas Personal Finance le 3 mars 2017, ainsi que l'ensemble des actes qui lui sont subséquents,

- ordonne la radiation de ce commandement de payer aux fins de saisie immobilière délivré le 3 mars 2017,

à titre subsidiaire,

- sursoit à statuer dans l'attente de l'issue de la décision pénale définitive à intervenir,

à titre très subsidiaire,

- prononce la nullité du contrat de prêt du 28 novembre 2008 et de l'acte notarié du 12 janvier 2009,

- annule le commandement de payer aux fins de saisie immobilière délivré à son encontre à la demande de la BNP Paribas Personal Finance le 3 mars 2017, ainsi que l'ensemble des actes qui lui sont subséquents,

- ordonne la radiation de ce même commandement de payer aux fins de saisie immobilière,

à titre infiniment subsidiaire,

- déboute la BNP Paribas Personal Finance de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions,

- prononce la substitution du taux légal année par année au taux d'intérêt conventionnel et ordonne l'imputation des intérêts indûment perçus jusqu'à la date du jugement à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû sur la base de celui débloqué par la Banque, exprimé en euros,

- juge qu'en cas de taux légal supérieur à la moitié du taux conventionnel, le taux d'intérêt applicable sera plafonné à 50 % du taux d'intérêts conventionnel,

- enjoigne, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification du « jugement » à intervenir, la BNP Paribas Personal Finance, de produire un nouveau tableau d'amortissement, conforme à ce qui précède,

- enjoigne la BNP Paribas Personal Finance, à la date de la publication au journal officiel du taux d'intérêt légal en vigueur, de produire un nouveau tableau d'amortissement conforme à ce qui précède,

- annule le commandement de payer aux fins de saisie immobilière délivré à son encontre à la demande de la BNP Paribas Personal Finance, le 3 mars 2017, ainsi que l'ensemble des actes qui lui sont subséquents,

- ordonne la radiation de ce commandement de payer aux fins de saisie immobilière,

à titre très infiniment subsidiaire,

- prononce en tout état de cause la nullité de la stipulation relative aux intérêts conventionnels du prêt litigieux ou à titre subsidiaire la déchéance du droit aux intérêts à hauteur du taux d'intérêt légal,

- prononce la substitution du taux légal année par année au taux d'intérêt conventionnel et ordonne l'imputation des intérêts indûment perçus jusqu'à la date du jugement à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur la capital restant dû sur la base de celui débloqué par la Banque, exprimé en euros,

- juge qu'en cas de taux légal supérieur à la moitié du taux conventionnel, le taux d'intérêt applicable sera plafonné à 50 % du taux d'intérêts conventionnel,

- enjoigne, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification du jugement à intervenir, la BNP Paribas Personal Finance, de produire un nouveau décompte de sa créance, conforme à ce qui précède,

en tout état de cause

- condamne la BNP Paribas Personal Finance à lui verser la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,

- condamne la même aux entiers dépens, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

Dans ses conclusions déposées le 21 octobre 2022 au visa des mêmes textes, articles et jurisprudences que celles visées par M. X., la confédération de la Consommation du Logement et du Cadre de Vie (association CLCV) demande à la cour de :

juger recevable son intervention volontaire accessoire à la présente instance, au soutien des prétentions de M. X.,

faire droit aux prétentions de M. X. sur le fondement de la Directive 93/13/CEE et, notamment :

- infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Bourgoin Jallieu le 8 mars 2019 (RG n° 17/00305),

- débouter la BNP Paribas Personal Finance de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions,

- juger que les demandes formulées par M. X. sur le fondement de la Directive 93/13/CEE sont recevables,

- juger que les clauses n°1 à 5 (clause implicite d'indexation), n° 6 à 8 (clauses de révision du taux d'intérêt) et n°9 (clause de reconnaissance d'information) du contrat de prêt Helvet Immo souscrit par M. X. sont abusives en ce qu'elles ne sont ni claires ni intelligibles pour celui-ci, et en tout état de cause en ce qu'elles créent un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, au bénéfice de la BNP Paribas Personal Finance et au détriment de M. X., qui est un consommateur moyen,

en conséquence,

- juger que les clauses n° 1 à 9 du contrat de prêt Helvet Immo souscrit par M. X. sont réputées non écrites,

- juger que le contrat de prêt Helvet Immo souscrit par M. X. ne peut pas subsister sans ces clauses,

- juger que le contrat de prêt Helvet Immo souscrit par M. X. est anéanti de manière rétroactive,

- annuler le commandement de payer aux fins de saisie immobilière délivré à la demande de la BNP Paribas Personal Finance à M. X. le 3 mars 2017, ainsi que l'ensemble des actes qui lui sont subséquents,

- ordonner la radiation du commandement de payer aux fins de saisie immobilière délivré à la demande de la BNP Paribas Personal Finance à M. X. le 3 mars 2017.

[*]

Dans ses dernières conclusions n°4 déposées le 9 novembre 2022 au visa des articles 4 du code de procédure pénale, L. 311-2, L. 311-6, R. 322-15 à R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution,1304 et 2224 du code civil, L. 312-8 et suivants, L. 341-1 et suivants et R. 313-1 du code de la consommation, L. 110-4 du code de commerce, L. 112-1 et L.112-2 du code monétaire et financier, 377 du code de procédure civile, la BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :

à titre principal,

infirmer le Jugement d'orientation rendu par le Juge de l'exécution près le Tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu le 8 mars 2019 seulement en ce qu'il a :

- autorisé M. X. à vendre à l'amiable le bien Immobilier saisi à un prix égal ou supérieur à la somme de 55.000 €,

- jugé recevable l'action en nullité de M. X. fondée sur la prétendue illicéité de la clause de monnaie de compte,

- jugé recevable l'action de M. X. tendant à réputer non écrites certaines clauses en raison de leur caractère prétendument abusif,

- jugé recevable l'action en nullité de M. X. fondée sur un prétendu dol,

- jugé recevable l'action en contestation du TEG de M. X. fondée sur l'absence alléguée de proportionnalité du TEG au taux de période,

- l'a déboutée de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement déféré pour le surplus,

à titre subsidiaire,

- débouter M. X. de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer le jugement déféré sur le tout sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Sur les demandes de M. X. sur le fondement des clauses abusives,

à titre liminaire,

- juger que M. X. ne formule pas de demande de restitutions,

- à titre principal, juger que les clauses relatives au risque de change relèvent de l'objet principal et qu'elles sont rédigées de manière claire et compréhensible, en conséquence,

- juger que les clauses relatives au risque de change ne relèvent pas du contrôle des clauses abusives et débouter M. X. de ses demandes tendant à voir réputées non écrites les clauses litigieuses,

- débouter M. X. de ses demandes tendant à voir réputées non écrites les clauses litigieuses',

à titre subsidiaire, juger que les clauses relatives au risque de change ne créent pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en conséquence,

- débouter Monsieur X. de ses demandes tendant à voir réputées non écrites les clauses litigieuses,

à titre infiniment subsidiaire, juger que seules les stipulations relatives à l'augmentation sans plafond du montant des échéances pourraient créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en conséquence,

- ordonner la suppression des seules stipulations relatives à l'augmentation sans plafond du montant des échéances et juger que les autres stipulations peuvent être maintenues, le prêt Helvet Immo pouvant continuer d'être exécuté,

à titre encore plus infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, il est fait droit à la demande de la nullité du contrat de prêt Helvet Immo par « M. Y. » [comprendre : M. X] [N.B. la précision vient de l’arrêt], il appartiendra aux parties de mieux se pourvoir,

Sur les demandes de l'Association CLCV sur le fondement des clauses abusives,

à titre principal,

- juger qu'en tant qu'intervenante volontaire à titre accessoire, l'association CLCV peut uniquement appuyer les prétentions de M. X. et qu'elle ne peut pas élever de nouvelles contestations à l'encontre de BNP Paribas Personal Finance, en conséquence,

- juger l'association CLCV irrecevable en ses demandes de restitution subséquentes sur le fondement des clauses abusives,

à titre subsidiaire,

- juger que les clauses relatives à la variation du taux d'intérêt relèvent de l'objet principal et qu'elles sont rédigées de manière claire et compréhensible, en conséquence,

- juger que les clauses relatives à la variation du taux d'intérêt ne relèvent pas du contrôle des clauses abusives et débouter l'association CLCV de sa demande sur ce fondement,

- juger que la « clause de reconnaissance d'acceptation du bordereau d'acceptation » n'est pas abusive, en conséquence, débouter l'association CLCV de ses demandes sur ce fondement,

à titre infiniment subsidiaire,

- juger que les clauses relatives à la variation du taux d'intérêt ne créent pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,

- en conséquence, débouter l'association CLCV de ses demandes sur ce fondement,

à titre encore plus subsidiaire, si par extraordinaire, la cour jugeait les clauses relatives à la variation du taux d'intérêt abusives,

- juger que le taux d'intérêt conventionnel initial devra s'appliquer rétroactivement,

à titre encore plus infiniment subsidiaire, si la cour faisait droit à la demande de nullité du prêt Helvet Immo formée par l'association CLCV et de restitutions subséquentes,

- à titre principal, juger que l'action en restitution est prescrite,

à titre infiniment subsidiaire,

- si la cour jugeait recevable les demandes en restitutions elle ordonnera la restitution par M. X. :

* de la contrevaleur en euros du montant emprunté en francs suisses,

* de la valeur du service fourni par BNP Paribas Personal Finance consistant en la mise à disposition d'un capital,

* des sommes versées par BNP Paribas Personal Finance en exécution du jugement pénal rendu le 26 février 2020 par la 13ème chambre correctionnelle 1 du tribunal judiciaire de Paris, à titre provisoire,

- si la cour jugeait recevable les demandes en restitutions, elle ordonnera la restitution par BNP Paribas Personal Finance de toutes les sommes perçues au titre du prêt,

- si la cour jugeait recevable les demandes en restitutions elle ordonnera la compensation entre les restitutions réciproques à opérer,

- si la cour jugeait recevable les demandes en restitutions, elle prononcera le maintien de l'inscription hypothécaire sur le bien immobilier objet du financement jusqu'au parfait remboursement par M. X. des sommes dues au titre des restitutions,

Sur la demande subsidiaire de sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive à intervenir sur la procédure pénale,

- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour concernant la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue d'une décision définitive de la cour d'appel de Paris à intervenir sur la procédure pénale,

Sur les demandes formées par Monsieur X. sur le fondement des pratiques commerciales trompeuses et du dol,

- juger que M. X. ne formule aucune demande en restitution,

à titre principal,

- juger que l'action tendant à ce qu'elle soit condamnée en raison d'une faute délictuelle caractérisée par une pratique commerciale trompeuse est prescrite,

- juger que l'action tendant à ce qu'elle soit condamnée en raison d'une faute délictuelle caractérisée par un dol est prescrite,

en conséquence,

- juger irrecevable M. X. en son action sur le fondement d'un prétendu dol tiré de pratiques commerciales trompeuses,

à titre subsidiaire,

- juger qu'elle n'a pas commis de pratiques trompeuses, déloyales et dolosives à l'égard de M. X.,

en conséquence,

- débouter M. X. de ses demandes sur le fondement du dol et des pratiques commerciales trompeuses,

à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, il est fait droit à la demande de la nullité du contrat de prêt Helvet Immo par M. X., il appartiendra aux parties de mieux se pourvoir,

Sur la demande de nullité de la procédure de saisie immobilière du fait de l'absence de validité du prononcé de la déchéance du terme,

- juger qu'elle justifie d'une créance exigible à l'encontre de M. X.,

en conséquence, débouter M. X. de ses demandes sur ce fondement,

Sur les demandes fondées sur le caractère prétendument erroné du TEG,

- juger que l'analyse réalisée par Humania Consultants n'a aucune valeur probante dans la mesure où les démonstrations qui y figurent sont erronées,

en conséquence :

- écarter l'analyse réalisée par Humania Consultants des débats,

- débouter M. X. de l'intégralité de ses demandes,

Sur la poursuite de la saisie immobilière,

- juger son action recevable,

- juger qu'elle est bien titulaire d'une créance liquide et exigible et agit en vertu d'un titre exécutoire comme il est dit aux articles L. 311-2 et L. 311- 4 du code des procédures civiles d'exécution,

- juger que le quantum de la créance qu'elle revendique est bien fondé et justifié, à titre principal, juger que le montant de sa créance en principal, accessoires, intérêts et frais s'élève à la somme globale de 171.354,22 € selon décompte arrêté au 14 novembre 2022 avec intérêts au taux contractuel de 4,41%, à parfaire jusqu'à la date effective de paiement outre les dépens sur la présente saisie,

- juger que la saisie immobilière pratiquée par acte en date du 3 mars 2017 porte sur des droits saisissables au sens de l'article L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution,

- juger que le quantum de la créance qu'elle revendique d'un montant de 171.354,22 € selon décompte arrêté au 14 novembre 2022, est bien fondé et justifié,

- fixer la date de vente judiciaire dans un délai compris entre deux et quatre mois à compter du prononcé de la décision des biens saisis, savoir :

sur la commune de [Localité 13], au [Adresse 5], lots 39 et 130 cadastrés Section AE n°[Cadastre 7] et [Cadastre 8], suivant état descriptif de Division-Règlement de copropriété établi par Me [A] [C] [F], notaire à [Localité 14] le 6 décembre 2007 publié au Bureau des Hypothèques de [Localité 12] (38) le 15 janvier 2008 Volume 2008 P n°223

à titre principal :

- il est demandé au juge de fixer les modalités de visite de l'immeuble : visite organisée par la SCP Rebuffa Girardot Gandelli Sala, huissiers de justice associés à Marseille ou tel autre huissier qu'il plaira à la cour de désigner avec la collaboration de la SCP Maguet Ricotti, avocats au barreau de Bourgoin Jallieu et le concours de la force publique si nécessaire,

- juger que la visite des biens et droits immobiliers saisis aura lieu entre 30 et 15 jours avant la date d'adjudication,

- taxer le montant des frais de poursuite de vente du créancier poursuivant en l'état de la procédure,

- mentionner le montant de la créance du poursuivant en principal, accessoires, intérêts et frais à la somme globale 171.354,22 € selon décompte arrêté au 14 novembre 2022 avec intérêts au taux contractuel de 4,41 %, à parfaire jusqu'à la date effective de paiement outre les dépens sur la présente saisie,

- juger que les intérêts continueront à courir jusqu'à la distribution du prix de la vente à intervenir,

- employer les frais de la présence instance en frais privilégiés de vente,

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la vente amiable serait accordée par la cour, s'assurer que la vente amiable peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et après justification des diligences éventuelles du débiteur pour y parvenir,

- fixer le montant du prix en deçà duquel l'immeuble ne pourra être vendu eu égard aux conditions économiques du marché ainsi que, le cas échéant, les conditions particulières de la vente que la BNP Paribas Personal Finance, créancier saisissant, estime à 65.000 €

- dire que le prix de vente sera consigné entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats désigné séquestre du barreau de Bourgoin-Jallieu,

- taxer les frais de poursuites de la SCP Maguet Ricotti, avocat poursuivant,

- dire que les émoluments de l'avocat poursuivant seront fixés suivant les dispositions de l'article 37 du décret n°60-323 du 2 avril 1960 modifié et mis à la charge de l'acquéreur en sus des frais taxés,

- fixer la date de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée dans un délai qui ne pourra excéder 4 mois du jugement d'orientation à intervenir,

- débouter M. X. de sa demande tendant à l'annulation du commandement de payer valant saisie-immobilière du 3 mars 2017,

- débouter M. X. de sa demande tendant à annuler tous les actes de procédure subséquents au commandement de payer valant saisie immobilière du 3 mars 2017,

- débouter M. X. de sa demande tendant à la radiation du commandement de payer valant saisie-immobilière du 3 mars 2017 et la mainlevée de cette saisie immobilière aux frais du créancier poursuivant aux frais de la Banque,

- condamner M. X. au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'association CLCV au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. X. aux entiers dépens.

[*]

Le 6 décembre 2022, la BNP Paribas Personal Finance a adressé par voie électronique au greffe une note en délibéré ; par courrier en réponse du même jour, M. X. et l'association CLCV ont requis le rejet de cette note en délibéré tout en critiquant sa teneur.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

A titre liminaire, il est rappelé en tant que de besoin, que la cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes.

 

Sur l'incident de procédure :

Le courrier intitulé « note en délibéré » tel qu'adressé par la BNP Paribas Personal Finance, à sa seule initiative, sans y avoir été invitée par la cour, ne peut qu'être déclarée irrecevable et rejetée comme telle, en application des dispositions de l'article 445 du code de procédure civile.

 

Sur l'intervention volontaire accessoire de l'association CLVL :

Il sera pris acte de cette intervention volontaire accessoire qui est régulière, comme venant au soutien de l'action de l'appelant.

 

Sur les clauses du contrat de prêt Helvet Immo dénoncées comme clauses abusives :

Il est précisé que M. X. et l'association CLCV adoptant une position commune, il sera mentionné dans le présent arrêt, par souci de lisibilité, uniquement le nom de M. X., celui de l'association CLCV n'apparaissant qu'à l'égard des prétentions soutenues par celle-ci à titre personnel.

La BNP Paribas Personal Finance soutient l'irrecevabilité des demandes de M. X. du chef des clauses abusives comme étant prescrites, car initiées plus de cinq ans après la signature de l'offre de prêt.

Ce qui ne peut être admis.

En effet, par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6 § 1, et l'article 7 § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription.

Il s'en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive dans un contrat conclu avec un consommateur n'est pas soumise à la prescription quinquennale.

M. X. dénonce comme abusives la clause implicite d'indexation figurant dans le prêt ainsi que la clause de révision des indices de variation du taux d'intérêt et enfin la clause de reconnaissance d'information du bordereau d'acceptation, telles qu'identifiées sous les numéros n° 1 à 5, n° 6 à 8 et 9.

S'agissant de la clause implicite d'indexation, celle-ci s'induit de cinq clauses figurant dans l'offre de prêt :

- clause « description de votre crédit», selon laquelle le contrat a pour objet la mise à disposition d'une somme d'argent pour le financement d'un bien immobilier, à charge pour l'emprunteur d'en rembourser le capital. Cette clause prévoit alors que la monnaie de compte sera le franc suisse et que la dette comprend le montant du financement et des frais de change,

- clause « financement de votre crédit», qui prévoit que le crédit en francs suisses est financé par un emprunt de la Banque souscrit en francs suisses et que la somme libérée sera en euros,

- clause « ouverture d'un compte interne en euros et compte interne en francs suisses pour gérer votre crédit », qui précise que la monnaie de compte est le franc suisse et la monnaie de paiement est l'euro,

- clause « opération de change », qui prévoit que le montant du financement en euros est définitivement arrêté à la date de l'acceptation de l'offre et que des opérations de change auront lieu au cours de la vie du crédit,

- clause « remboursement de votre crédit » qui prévoit les remboursements en euros et l'amortissement du capital emprunté en francs suisses.

Il est acquis que cette clause d'indexation implicite relève de l'objet principal du contrat de prêt au terme d'une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) selon laquelle les clauses relatives aux conditions de remboursement du prêt matérialisent le risque de change découlant des variations de la parité entre la monnaie de compte et la monnaie de paiement ainsi que le taux d'intérêt qui y est rattaché, lequel caractérise le prêt.

Il est manifeste que cette clause d'indexation implicite n'est pas claire ni intelligible pour l'emprunteur, simple consommateur qu'est M. X., de par son mécanisme qui repose sur la combinaison de plusieurs clauses, sans que figurent dans le contrat de prêt des informations et explications explicites et synthétiques destinées à en exposer le fonctionnement concret, l'emprunteur étant tenu de se reporter à plusieurs paragraphes disséminés dans le contrat sans que les risques inhérents au prêt soient clairement invoqués, notamment celui du risque de change.

Ensuite, il est vainement cherché dans le contrat de prêt litigieux des avertissements de la BNP Paribas Personal Finance portant sur le risque de change, sur les possibles variations du cours de change, sur le risque de dépréciation importante de la monnaie de paiement en euro et d'une hausse du taux d'intérêt du franc suisse et les conséquences pouvant en résulter pour l'emprunteur, à savoir des difficultés pour rembourser le prêt, plus généralement sur le risque d'endettement de l'emprunteur lié à la conclusion d'un prêt en devise étrangère, s'agissant notamment de l'augmentation du capital à rembourser en euros en cas de réalisation du risque de change.

La simulation annexée à l'offre de prêt ne satisfait pas à cette obligation de transparence en ce qu'elle est fondée sur des données non conformes qui en faussent les résultats (par exemple le fait de tenir compte que de deux hypothèses de variation à la hausse et à la baisse de 5 % alors que le taux de change euro/franc suisse était déjà de 12 % fin 2008, donc à l'époque du prêt).

Ensuite, la clause d'indexation implicite résultant de la combinaison des cinq clauses contractuelles distinctes précitées, fait supporter à M. X. un risque de change illimité et disproportionné et crée de ce fait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au seul détriment de M. X. ; en effet, ce dernier est tenu de supporter l'évolution des taux de change sur le long terme, durant la vie du contrat de prêt et n'est pas à l'abri de devoir se trouver à rembourser un capital restant dû en euros d'un montant bien supérieur au montant initial selon les variations du taux de change du franc suisse.

C'est en vain que la BNP Paribas Personal Finance oppose que le risque de change supporté par l'emprunteur est plafonnée en raison des mécanismes de l'option (l'emprunteur peut demander par période de trois ans ou cinq ans la conversion de leurs prêts en euros) et du remboursement par anticipation, ces mécanismes n'étant pas accessibles à tout emprunteur de par l'effort financier qu'ils impliquent et le risque de change réalisé au jour de cette option ou du remboursement anticipé restant en tout état de cause à la charge de l'emprunteur.

De même, la BNP Paribas Personal Finance ne peut pas utilement soutenir que la variation du taux de change est supportée de façon réciproque par les parties au contrat de prêt, la clause de monnaie de compte prévoyant que la variation du taux de change favorable à l'euro impacte l'amortissement du prêt Helvet Immo « dans les deux sens », l'emprunteur bénéficiant d'un avantage économique en mobilisant moins de ressources pour amortir son prêt, dont le coût total diminue par la même occasion, elle-même perdant la rémunération du prêt de par la baisse des intérêts.

En effet, l'avantage ainsi allégué pour le consommateur est totalement disproportionné par rapport au risque encouru de voir augmenter sans limite le montant du capital restant dû à la suite du risque de change.

Sans qu'il y ait lieu d'aborder la question de l'existence d'une pratique commerciale trompeuse à charge de la BNP Paribas Personal Finance, il est amplement établi en l'état du contrat de prêt que la clause implicite d'indexation qu'il contient est abusive, n'étant pas intelligible sur le plan formel et grammatical ni sur le plan matériel, à défaut d'expliquer à M. X. le risque important de l'évolution des taux de change et le fonctionnement concret de cette clause insérée dans un prêt libellé en devise étrangère.

S'agissant des clauses de révision des indices de variation du taux d'intérêt, il est de jurisprudence constante de la CJUE qu'il appartient au juge national de rechercher si les éléments principaux relatifs au calcul de ce taux sont aisément accessibles à toute personne envisageant de contracter un prêt, en raison de la publication du mode de calcul dudit taux ainsi que d'autre part, la fourniture d'informations sur l'évolution passée de l'indice sur la base duquel est calculé ce même taux.

Or, il résulte du contrat de prêt que les clauses au nombre de trois relatives à la révision du taux d'intérêt sont d'une particulière complexité pour un consommateur moyen en ce qu'elles font référence à trois types d'indices applicables selon l'hypothèse considérée :

- le SWAP francs suisses 5 ans dans la clause qui prévoit que le taux d'intérêt du crédit est révisé tous les 5 ans et dont l'une des composantes est égale à la moyenne mensuelle du taux SWAP francs suisses 5 ans précédant l'application du nouveau taux du prêt,

- le Taux moyen Mensuel des Emprunts d'État à long terme (TME) dans la clause qui prévoit que le taux d'intérêt du crédit, en cas de conversion en euros à taux fixe, se fait sur la base du TME majoré de 2, 95 points,

- le Taux Interbancaire à 3 mois offert en Euros (TIBEUR) dans la clause qui prévoit que le taux d'intérêt du crédit, en cas de conversion en euros à taux révisable, se fait sur la base du TIBEUR.

Outre le fait que la BNP Paribas Personal Finance n'apparaît pas avoir donné dans le prêt des informations pratiques sur chacun de ces indices de taux d'intérêt pour en expliciter la nature, elle n'a pas non plus communiqué à M. X. les historiques de variation de ces indices.

Dès lors, ces clauses de révision des indices de variation du taux d'intérêt doivent être déclarées abusives.

S'agissant de la clause de reconnaissance d'information figurant dans le bordereau d'acceptation des risques liés au crédit par lequel M. X. a déclaré avoir été informé que le crédit comporte des opérations de change pouvant avoir un impact sur son plan de remboursement, étant précisé qu'il s'agit d'une clause type préimprimée, inverse la charge de la preuve au détriment du consommateur ; à ce titre, elle présente un caractère abusif et il ne peut être argué d'une acceptation libre et éclairée par M. X. des clauses de ce contrat de prêt.

 

Sur les conséquences de la qualification de clauses abusives :

Il résulte de l'article L.132-1 du code de la consommation (désormais L. 241-1) dont les dispositions sont dite d'ordre public, que les clauses abusives sont réputées non écrites (…), et que le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.

Il s'en déduit que ces clauses abusives sont réputées n'avoir jamais existé, et n'avoir donc produit aucun effet dès le début du contrat et être privée de tout effet pour l'avenir.

Les clauses relevant de cette qualification, à savoir plus spécialement la clause implicite d'indexation et les clauses de révision du taux d'intérêt qui forment un ensemble indivisible, participent de l'objet principal du contrat de prêt, et en assure le fonctionnement, le prêt d'une somme d'argent impliquant corrélativement une rémunération pour la mise à disposition de ce capital.

Ces clauses abusives étant réputées non écrites, et le contrat de prêt ne pouvant pas subsister sans elles dès lors qu'il est relevé qu'il ne prévoit pas un indice légal de substitution au taux d'intérêt contractuel, il y a lieu de prononcer l'annulation rétroactive du contrat de prêt Helvet Immo.

Or, contrairement aux protestations de la BNP Paribas Personal Finance, cette annulation rétroactive n'est pas contraire aux objectifs poursuivis par la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, celle-ci ayant au contraire pour but d'éradiquer les clauses abusives pour protéger les consommateurs des abus de puissance des professionnels et assainir le marché de la concurrence.

En outre, la sanction de l'annulation rétroactive du contrat de prêt est conforme à la jurisprudence établie de la CJUE selon laquelle le professionnel ne doit tirer aucun profit de sa pratique et que toute sanction qui aboutirait à lui préserver tout ou partie du profit tiré de la stipulation abusive serait de nature à l'encourager pour l'avenir à réitérer cette pratique illicite.

L'annulation rétroactive du contrat de prêt passé par acte notarié conduit à priver la BNP Paribas Personal Finance de son titre exécutoire sur lequel elle a fondé sa procédure de saisie immobilière à l'encontre de M. X.

Dès lors, M. X. est accueilli dans sa demande d'annulation et de radiation du commandement de payer valant saisie immobilière délivré à son encontre le 3 mars 2017 par la BNP Paribas Personal Finance.

Est sans emport le fait que des demandes en restitution ne soient pas formulées ensuite de l'annulation du contrat de prêt, ce point n'entrant pas dans l'objet du présent litige qui est circonscrit au jugement du juge de l'exécution ayant ordonné la vente amiable d'un bien immobilier en exécution d'un titre exécutoire déclaré nul, et ne relevant pas, en tout état de cause des pouvoirs de la cour statuant sur l'appel d'une décision du juge de l'exécution, juge de l'orientation.

Dès lors qu'il est fait droit à la demande principale de M. X., il n'y a pas lieu de statuer plus avant sur ses demandes déclinées au subsidiaire.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Partie succombante, la BNP Paribas Personal Finance est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers sous le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ; elle conserve la charge de ses frais irrépétibles d'appel et est condamnée à verser à M. X. une indemnité de procédure pour l'ensemble de l'instance.

Le jugement déféré est confirmé sur le rejet de la demande présentée par la banque a titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Déclare irrecevable la note en délibéré adressée au greffe le 6 décembre 2022 par la BNP Paribas Personal Finance,

Déclare recevable l'intervention volontaire accessoire de la confédération de la Consommation du Logement et du Cadre de Vie,

Infirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant,

Dit recevable comme non prescrite l'action de M. X. fondée sur les clauses abusives,

Dit que les clauses n° 1 à 5, n° 6 à 8 et 9 figurant au contrat de prêt notarié Helvet Immo signé le 12 janvier 2009 entre M. X. et la BNP Paribas Personal Finance correspondant à la clause implicite d'indexation, à la clause de révision des indices de variation du taux d'intérêt et à la clause de reconnaissance d'information du bordereau d'acceptation, sont des clauses abusives et les dit réputées non écrites,

Prononce corrélativement la nullité du contrat de prêt notarié du 12 janvier 2009 signé entre M. X. et la BNP Paribas Personal Finance,

Annule le commandement de payer aux fins de saisie immobilière fondé sur ce contrat de prêt notarié du 12 janvier 2009 délivré à M. X. à la demande de la BNP Paribas Personal Finance le 3 mars 2017 ainsi que tous les actes subséquents,

Ordonne la radiation du commandement de payer aux fins de saisie immobilière fondé sur ce contrat de prêt notarié du 12 janvier 2009 délivré à M. X. à la demande de la BNP Paribas Personal Finance le 3 mars 2017,

Condamne la BNP Paribas Personal Finance à verser à M. X. une indemnité de procédure de 5.000 € pour les frais exposés en première instance et en appel,

Déboute la BNP Paribas Personal Finance de sa réclamation présentée en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la BNP Paribas Personal Finance aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame CLERC, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                                            LE PRÉSIDENT