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CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 2 février 2023

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 2 février 2023
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 21/04313
Date : 2/02/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 5/03/2021
Référence bibliographique : 5824 (crédit, application dans le temps), 6084 (information précontractuelle, preuve), 5721 (obligation de relever d’office), 5725 (prescription et relevé d’office)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10101

CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 2 février 2023 : RG n° 21/04313 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Au vu des dates de signatures du contrat litigieux, le premier juge a, à juste titre, fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016. »

2/ « En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat. Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Par ailleurs, au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui a porté ratification de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil. Il a été dit pour droit par la Cour de justice de l'Union européenne que les articles 8 et 23 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à une juridiction nationale d'examiner d'office l'existence d'une violation de l'obligation précontractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur, prévue à l'article 8 de cette directive et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d'une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences dudit article 23.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 312-28 et L. 312-29 et la société Sogefinancement est mal fondée à invoquer la prescription du moyen discuté. »

3/ « Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et d'établir qu'il a satisfait aux formalités d'ordre public prescrites par le code de la consommation. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9-A

ARRÊT DU 2 FÉVRIER 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/04313. N° Portalis 35L7-V-B7F-CDHH5. Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 janvier 2021 - Juge des contentieux de la protection de MEAUX - RG n° 20/02165.

 

APPELANTE :

La société SOGEFINANCEMENT

société par actions simplifiée, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège, N° SIRET : XXX, [Adresse 2], [Adresse 6], [Localité 5], représentée par Maître Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173, substitué à l'audience par Maître Christine LHUSSIER de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

 

INTIMÉE :

Madame X. épouse Y.

née le [Date naissance 1] au [pays], [Adresse 4], [Adresse 4], [Localité 3], DÉFAILLANTE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT : - DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant offre de crédit acceptée le 19 novembre 2011, la société Sogefinancement a consenti à Mme X. épouse Y. un prêt personnel Expresso d'un montant de 12.600 euros portant intérêts au taux nominal contractuel de 5,95 % l'an, remboursable en 75 mensualités d'un montant de 201,58 euros hors assurance.

Un réaménagement lui a été consenti le 19 juin 2015 pour la somme de 6.616,86 euros devant être remboursée par 35 mensualités de 210,70 euros (assurance comprise) à compter du 10 août 2015.

La commission de surendettement des particuliers de Seine-et-Marne a imposé un rééchelonnement de sa créance à compter du 31 juillet 2016, prévoyant le paiement de 9 mensualités à 0 euro du 31 juillet 2018 au 31 mars 2019, mensualités de 53,44 euros du 30 avril au 31 mai 2019 et 39 mensualités de 108,37 euros du 30 juin 2019 au 30 septembre 2022.

Par courrier recommandé en date du 21 juin 2019, la société Sogefinancement a mis en demeure la débitrice de lui payer la somme de 106,88 euros sous quinze jours à peine de voir prononcer la caducité du plan. Par lettre recommandée du 4 septembre 2019, la société Sogefinancement l'a mise en demeure de régler la somme de 4.141,99 euros.

Saisi le 21 juillet 2020 par la société Sogefinancement d'une demande tendant principalement à la condamnation de l'emprunteuse au paiement de la somme de 4.128,97 euros, le tribunal judiciaire de Meaux, par un jugement contradictoire rendu le 27 janvier 2021 auquel il convient de se reporter, a :

- déclaré la société Sogefinancement recevable en ses demandes,

- prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts de la société Sogefinancement,

- débouté la société Sogefinancement de toutes ses demandes.

Après avoir constaté la recevabilité de l'action, le premier juge a constaté que le prêteur ne prouvait pas avoir remis à l'emprunteuse une fiche d'informations précontractuelles, ni avoir vérifié sa solvabilité et l'a déchue de son droit aux intérêts pour méconnaissance des dispositions des articles L. 311-8, L. 311-9 et L. 312-16 du code de la consommation. Il a constaté que le solde du prêt après retranchement des intérêts déjà payés était négatif et a débouté la banque de sa demande de paiement.

Par une déclaration en date du 5 mars 2021, la société Sogefinancement a relevé appel de cette décision.

[*]

Aux termes de conclusions remises le 7 juin 2021 et signifiées à personne le 1er juillet 2021, l'appelante demande à la cour :

- d'infirmer le jugement sauf ce qu'il a déclaré recevable sa demande en paiement,

- de déclarer irrecevable comme étant prescrit ou à tout le moins infondé le moyen tendant à la déchéance du droit aux intérêts,

- de condamner Mme X. à lui payer la somme de 4.128,97 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 5,95 % l'an à compter du 17 août 2019, sur la somme de 4.128,36 euros et au taux légal sur le surplus en remboursement du crédit,

- de condamner Mme X. à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante soutient en visant les articles L. 110-4 du code de commerce et 2222 du code civil que le moyen tendant à prononcer la déchéance du droit aux intérêts est prescrit. Subsidiairement elle indique que le moyen est infondé en relevant que la clause attestant de la remise de la FIPEN est complète et atteste de la bonne exécution de son obligation d'information.

La banque soutient avoir satisfait à ses obligations prévues par l'article L. 311-9 du code de la consommation, avoir contrôlé la solvabilité de l'emprunteuse et produit aux débats les pièces justificatives versées par celle-ci au moment de la souscription du crédit.

[*]

Suivant acte d'huissier remis le 5 mai 2021 à étude, la déclaration d'appel a été signifiée à Mme X. qui n'a pas constitué avocat.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 7 décembre 2022.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Au vu des dates de signatures du contrat litigieux, le premier juge a, à juste titre, fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016.

Vérifiée par le premier juge, la recevabilité de l'action en paiement est acquise.

 

Sur la recevabilité du moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts :

En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Par ailleurs, au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui a porté ratification de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil. Il a été dit pour droit par la Cour de justice de l'Union européenne que les articles 8 et 23 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à une juridiction nationale d'examiner d'office l'existence d'une violation de l'obligation précontractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur, prévue à l'article 8 de cette directive et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d'une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences dudit article 23.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 312-28 et L. 312-29 et la société Sogefinancement est mal fondée à invoquer la prescription du moyen discuté.

 

Sur le bien-fondé de la déchéance du droit aux intérêts :

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et d'établir qu'il a satisfait aux formalités d'ordre public prescrites par le code de la consommation.

À l'appui de son action, la société Sogefinancement produit la copie de l'offre de crédit initiale accompagnée du bordereau de rétractation, l'avenant de réaménagement signé le 26 juin 2015, la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées, la fiche de renseignements qui mentionne les ressources et charges de l'emprunteur, les justificatifs de revenus et la notice d'assurance. Elle justifie par ailleurs avoir procédé à une consultation du fichier des incidents de paiement des crédits aux particuliers le 19 novembre 2011, soit avant la mise à disposition des fonds intervenue le 12 décembre 2011.

Ces éléments établissent suffisamment que le prêteur a satisfait ses obligations pré-contractuelles et notamment celles prévues aux articles L. 311-6, L. 311-8 et L. 311-9 du code de la consommation. Partant le jugement est infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts.

 

Sur la demande en paiement :

La société Sogefinancement se prévaut de la déchéance du terme du contrat au 16 août 2019. Elle produit une lettre recommandée de mise en demeure préalable du 21 juin 2019 exigeant le règlement sous 15 jours de la somme de 106,88 euros, sous peine de caducité du plan et une lettre recommandée en date du 4 septembre 2019 de mise en demeure du règlement du solde du contrat, adressée par huissier.

C'est donc de manière légitime que la société Sogefinancement se prévaut de l'exigibilité des sommes dues.

En application de l'article L. 311-24 (devenu L. 312-39), en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date de règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, et sans préjudice des dispositions des articles 1152 et 1231 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.

L'article D. 311-6 du même code dispose que le prêteur peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de défaillance.

En conséquence, la créance de l'appelante s'établit comme suit :

- mensualités échues impayées : 323,62 euros

- capital restant dû à la date de déchéance du terme du contrat : 3.804,74 euros

- intérêts de retard à la déchéance du terme : 0,61 euros

soit une somme totale de 4.128,97 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 5,95 % à compter du 17 août 2019 sur la somme de 4.128,36 euros et au taux légal pour le surplus.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action en paiement ;

Statuant de nouveau,

Condamne Mme X. épouse Y. à payer à la société Sogefinancement une somme de 4.128,97 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 5,95 % à compter du 17 août 2019 sur la somme de 4.128,36 euros et au taux légal pour le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne Mme X. épouse Y. aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ces derniers au profit de la Selas Cloix & Mendes-Gil, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière                                       La présidente