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TI LILLE, 23 mars 2009

Nature : Décision
Titre : TI LILLE, 23 mars 2009
Pays : France
Juridiction : Lille (TI)
Demande : 09-000151
Décision : 151/09
Date : 23/03/2009
Nature de la décision : Irrecevabilité
Date de la demande : 14/01/2009
Décision antérieure : CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 30 septembre 2010
Numéro de la décision : 151
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1011

TI LILLE, 23 mars 2009 : RG n° 09-000151 ; jugt n° 151/09

(sur appel CA Douai (8e ch. sect. 1), 30 septembre 2010 : RG n° 09/05830)

 

Extrait : « En effet, la dispense de réitération n'était valable qu'en cas de renouvellement à l'identique de l'offre initiale et non si les conditions en étaient modifiées. Le législateur n'a fait que confirmer cette interprétation par la loi du 28 janvier 2005 qui, en son article 4, a modifié le dernier alinéa de l'article L. 311-9 du Code de la consommation en ce sens que « l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial et pour toute augmentation du crédit consenti ». Dès lors, toute augmentation de découvert non autorisée ou modification du montant du taux de crédit précédemment accordé, en ce qu'elle touche à un des éléments constitutifs du contrat, doit faire l'objet d'une nouvelle offre préalable comportant les mentions prescrites par l'article L. 311-10 du Code de la consommation.

A cet égard, l'argument du prêteur selon lequel le découvert utile ne correspondrait qu'à l'utilisation de la première fraction d'une ouverture de crédit plus importante est quelque peu artificiel. Le « crédit consenti » au sens de l'article L. 311-9 du Code de la consommation est nécessairement celui dont l'emprunteur peut disposer à la signature du contrat et qui conditionne le taux du crédit et le montant des mensualités de remboursement. En effet, c'est sur la base d'un crédit d'un montant déterminé et donc limité que les parties se sont accordées et non pas sur un crédit maximum « pouvant » être atteint et dont le remboursement est nécessairement soumis à d'autres modalités.

En l'espèce, […]. Une telle clause, en exonérant le prêteur de respecter les exigences légales protectrices de l'emprunteur à l'occasion de l'augmentation du découvert autorisé, et en privant du même coup ce dernier de sa faculté de rétractation, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur. […]

La clause susvisée est donc une clause abusive de variation du montant du crédit, et à ce titre, doit être réputée non écrite. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE LILLE

JUGEMENT DU 23 MARS 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 09-000151. Jugement n° 151/09.

 

DEMANDEURS :

SA FINAREF

[adresse], représenté(e) par Maître DEFFRENNES Francis, avocat du barreau de LILLE

 

DÉFENDEURS :

Madame X.

[adresse], comparant en personne

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Lorraine BIGOT

Greffier : Dominique DEBRUYNE

DÉBATS : Audience publique du : 9 février 2009

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, rendu le 23 mars 2009, par Lorraine DIGOT, Président, assisté de Dominique DEBRUYNE, Greffier, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant offre préalable émise le 10 juin 2002 et acceptée le 14 juin 2002, la SA FINAREF (ci-après la SA) a consenti à Madame X. un crédit sous forme de découvert en compte, utilisable par fractions et assorti d'une carte de crédit, remboursable selon des échéances incluant des intérêts à un taux effectif global annuel variable en fonction du montant des sommes utilisées.

Madame X. ayant cessé de rembourser les échéances convenues, la SA lui a adressé, par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 14 juin 2008, une mise en demeure prononçant la déchéance du terme et la sommant de payer les sommes restant dues, en vain.

Par exploit d'huissier en date du 14 janvier 2009, la SA FINAREF a fait citer Madame X. à comparaître devant le Tribunal de céans pour obtenir sa condamnation, assortie de l'exécution provisoire, à lui payer la somme de 7.964,52 euros avec intérêts au taux annuel de 18,54 % à compter du 26 septembre 2008, outre le paiement d'une indemnité de 458 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

A l'audience du 9 février 2009, les parties sont invitées à s'expliquer sur le caractère abusif de la clause contractuelle autorisant une augmentation du découvert sans présentation d'une nouvelle offre et sur l'exception de forclusion relevés d'office.

La SA conclut à la recevabilité de ses demandes et sollicite le bénéfice de son acte introductif d'instance.

Elle soutient que la clause litigieuse ne saurait être qualifiée d'abusive, s'agissant simplement de permettre à l'emprunteur d'utiliser dans son intégralité le découvert autorisé, seule notion qui correspond à la définition de « crédit consenti » au sens de l'article L. 311-9 du Code de la consommation, et qui doit être distingué du découvert utile.

Elle fait observer que les dispositions de l'article L. 311-9 n'imposent la rédaction d'une nouvelle offre qu'en cas de modification du crédit consenti lors du contrat initial ce qui n'est pas le cas lorsque seule la fraction disponible est dépassée.

A tout le moins, à supposer que le Tribunal reconnaisse la nécessité de présenter une nouvelle offre, la seule sanction encourue selon elle est celle de la déchéance du droit aux intérêts et non la forclusion, l'augmentation du découvert ne pouvant être assimilée à une défaillance de l'emprunteur si par ailleurs les échéances nouvelles sont honorées.

Madame X. sollicite l'octroi de délais de paiement aussi larges que possible.

Elle précise avoir effectué trois règlement de 1.000 euros, 550 euros et 300 euros non pris en considération dans le décompte de la SA.

Elle indique avoir été licenciée en décembre 2008 et propose de régler sa dette par des versements mensuels de 150 euros pendant 6 mois et de 300 euros par la suite.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aux termes de l'article 125 du Code de procédure civile, le Juge doit relever d'office les fins de non-recevoir lorsqu'elles revêtent un caractère d'ordre public, telle celle résultant de l'article L. 311-37 du Code de la consommation qui dispose que les actions en paiement engagées devant le Tribunal d'Instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

Par ailleurs, en vertu de l'article L. 141-4 du Code de la consommation, il peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application, en ce compris celles relatives aux clauses abusives prévues par les articles L. 132-1 et suivants et R. 132-1 et suivants de ce Code.

 

Sur le caractère abusif de la clause de variation du capital attribué :

Avant même l'entrée en vigueur de la loi du 28 janvier 2005, il était déjà admis à propos de l'augmentation du découvert autorisé, que la dispense de réitération de l'offre préalable prévue par l'article L. 311-9 du Code de la consommation ne s'étendait pas aux nouvelles ouvertures de crédit lesquelles devaient être conclues dans les termes d'une offre préalable.

En effet, la dispense de réitération n'était valable qu'en cas de renouvellement à l'identique de l'offre initiale et non si les conditions en étaient modifiées.

Le législateur n'a fait que confirmer cette interprétation par la loi du 28 janvier 2005 qui, en son article 4, a modifié le dernier alinéa de l'article L. 311-9 du Code de la consommation en ce sens que « l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial et pour toute augmentation du crédit consenti ».

Dès lors, toute augmentation de découvert non autorisée ou modification du montant du taux de crédit précédemment accordé, en ce qu'elle touche à un des éléments constitutifs du contrat, doit faire l'objet d'une nouvelle offre préalable comportant les mentions prescrites par l'article L. 311-10 du Code de la consommation.

A cet égard, l'argument du prêteur selon lequel le découvert utile ne correspondrait qu'à l'utilisation de la première fraction d'une ouverture de crédit plus importante est quelque peu artificiel.

Le « crédit consenti » au sens de l'article L. 311-9 du Code de la consommation est nécessairement celui dont l'emprunteur peut disposer à la signature du contrat et qui conditionne le taux du crédit et le montant des mensualités de remboursement.

En effet, c'est sur la base d'un crédit d'un montant déterminé et donc limité que les parties se sont accordées et non pas sur un crédit maximum « pouvant » être atteint et dont le remboursement est nécessairement soumis à d'autres modalités.

En l'espèce, le contrat prévoit au recto que le montant du crédit utilisable à l'ouverture est de 3.000 euros et que le montant du crédit maximum autorisé est de 10.000 euros.

[minute page 4] Il stipule au verso en son article 2 du titre aux modalités de fonctionnement du compte que, à l'expiration d'un délai de 6 mois suivant la date d'ouverture du contrat, le montant du crédit utilisable à l'ouverture du compte pourra évoluer par fractions successives à la demande de l'emprunteur ou sur proposition du prêteur, dans la limite du découvert maximum autorisé et sous réserve que l'emprunteur ne se trouve pas dans l'une des conditions de suspension ou résiliation du contrat.

Une telle clause, en exonérant le prêteur de respecter les exigences légales protectrices de l'emprunteur à l'occasion de l'augmentation du découvert autorisé, et en privant du même coup ce dernier de sa faculté de rétractation, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur.

Or, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un tel déséquilibre.

C'est ce qu'avait décidé la Commission des clauses abusives dans un avis du 27 mai 2004 (n° 04-02) relatif à des contrats de compte permanent en concluant que « de telles clauses qui laissent penser que le prêteur ne doit pas pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter et que l'emprunteur ne dispose pas, à cette occasion, de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur. »

Dans un avis du 10 juillet 2006, la Cour de cassation s'est prononcée également en ce sens à propos d'une clause ainsi rédigée : « montant maximal du découvert global pouvant être autorisé 140.000 francs, montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture de compte est fixé à 40.000 francs. Ce montant est révisable par [le créancier], qui se réserve le droit de modifier à la hausse ou à la baisse. Ce montant peut être augmenté sur simple demande de la part [de l'emprunteur] ».

En effet, la Cour a indiqué qu'une telle clause devait être réputée non écrite comme abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation.

La clause susvisée est donc une clause abusive de variation du montant du crédit, et à ce titre, doit être réputée non écrite.

Dès lors, le montant de l'ouverture de crédit consentie par la SA correspond au montant de la fraction disponible lors de l'acceptation de l'offre initiale soit la somme de 3.000 euros.

 

Sur les conséquences du dépassement du découvert :

Le point de départ du délai à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance.

Dans le cas d'une ouverture de crédit, d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, le délai de forclusion court donc à compter de la première échéance impayée non régularisée à laquelle doit être assimilé le premier dépassement non régularisé du montant du découvert contractuellement convenu.

[minute page 5] Ainsi, bien qu'un dépassement du découvert ait été explicitement envisagé par le contrat, malgré l'accord au moins tacite du préteur qui a avancé les fonds, et en l'absence d'un avenant augmentant dans des conditions régulières le montant du découvert, ce dépassement constitue un incident de paiement caractérisant la défaillance de l'emprunteur et, partant, constitutif du point de départ du délai biennal de forclusion.

En l'espèce, il ressort de l'historique de compte que, dès le mois de septembre 2003, par les utilisations répétées de son compte, Madame X. a dépassé le montant du découvert initialement autorisé sans qu'aucune offre préalable n'ait été soumise à son consentement.

Ce dépassement n'a jamais été régularisé par la suite et, bien au contraire, n'a cessé de s'aggraver.

La défaillance de l'emprunteur remonte donc au mois de septembre 2003 et la présente action a été introduite par acte d'huissier du 14 janvier 2009, soit plus de deux ans après cet événement.

En conséquence, il sera constaté que la SA est forclose.

Ses demandes seront dites irrecevables et elle sera condamnée aux dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition du jugement au Greffe à la date indiquée à l'issue des débats en audience publique en application de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile ; contradictoirement et en premier ressort,

CONSTATE le caractère abusif de la clause relative à la variation du montant du crédit dans le contrat d'ouverture de crédit « MISTRAL » proposé par la SA FINAREF et accepté le 14 juin 2002 par Madame Y. épouse X. ;

LA DÉCLARE non écrite ;

CONSTATE la forclusion de l'action en paiement de la SA FINAREF contre Madame Y. épouse X. ;

DIT la SA FINAREF irrecevable en ses demandes ;

CONDAMNE la SA FINAREF aux dépens ;

DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.

Ainsi jugé et prononcé à LILLE, le 23 mars 2009, la minute étant signée par Mademoiselle DIGOT, Présidente, et Madame DEBRUYNE, Greffière, à laquelle cette minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE                  LA PRÉSIDENTE