CA BORDEAUX (1re ch. sect. A), 30 mars 2006

CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1024
CA BORDEAUX (1re ch. sect. A), 30 mars 2006 : RG n° 05/00122
Publication : Juris-Data n° 302028
Extrait : « L'arrêt de la Cour de Justice de la Communauté Européenne du 21 novembre 2002 sur lequel le tribunal d'instance de BORDEAUX a fondé sa décision, sans respecter le principe du contradictoire dans la mesure où la réouverture des débats n'avait eu pour objet que d’inviter la société MEDIATIS à justifier de sa qualité à agir, ne concerne que les clauses abusives qui sont réputées non écrites et ne sont pas concernées par la sanction de la déchéance des intérêts, applicable en vertu des dispositions de l'article L. 311-33 du code de la consommation lorsqu'une offre de crédit n'est pas conforme aux exigences de ce code. Si le juge peut relever d'office le caractère abusif d'une clause sans qu'on puisse lui opposer un délai de forclusion, il n'en est pas de même en ce qui concerne les irrégularités d'une offre de crédit au regard des dispositions du code de la consommation qui, bien que d'ordre public, ne peuvent être invoquées que par les personnes qu'elles sont destinées à protéger. »
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 30 MARS 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N°de rôle : 05/00122. Nature de la décision : AU FOND.
[minute page 2] Rendu par mise à disposition au Greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 - 2° alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le 30 mars 2006 Par Monsieur Jean-Claude SABRON, Conseiller, en présence de Madame Chantal SERRE, Greffier, La COUR d'APPEL de BORDEAUX, PREMIÈRE CHAMBRE SECTION A, a, dans l'affaire opposant :
SA MEDIATIS
représentée par son Président Directeur Général domicilié en cette qualité au siège social, sise [adresse], représentée par la SCP LABORY-MOUSSIE et ANDOUARD, avoués à la Cour, assistée de Maître Emmanuelle GOUYON-LESPRIT, avocat au barreau de BORDEAUX, Appelante d'un jugement rendu le 9 novembre 2004 par le Tribunal d'Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 7 janvier 2005.
à :
- Monsieur X.
demeurant [adresse], non comparant, assigné à Mairie et réassigné à domicile
- Madame Y. épouse X.,
demeurant [adresse], non comparante, assignation et réassignation transformées en procès verbal de recherches infructueuses (PV 659), Intimés,
Rendu l'arrêt réputé contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique, le 9 février 2006 devant : [minute page 3] Monsieur Jean-Claude SABRON, Conseiller, qui a entendu les plaidoiries, les Avocats ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Chantal SERRE, Greffier,
Que Monsieur Jean-Claude SABRON, Conseiller, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, celle-ci étant composée de : Monsieur Alain COSTANT, Président. Monsieur Jean-Claude SABRON, Conseiller, Madame Élisabeth LARSABAL, Conseiller.
Et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LES DONNÉES DU LITIGE :
Selon offre préalable acceptée le 6 mai 1997, la société COFINOGA a consenti à Monsieur X. et à son épouse née Y. une ouverture de crédit par découvert en compte d'un montant initial de 20.000 Francs (3.048,98 Euros),
A la suite de divers impayés, la société de crédit a prononcé la déchéance du terme à la date du 17 janvier 2003 et mis les emprunteurs en demeure de payer le solde du crédit.
Par acte des 18 et 24 septembre 2003, la société MEDIATIS qui est venue aux droits de la société COFINOGA par fusion-absorption, a fait assigner Monsieur et Madame X. devant le tribunal d'instance de BORDEAUX pour obtenir leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 1.906,47 Euros majorée des intérêts de retard au taux contractuel de 16,24 % sur la somme de 13.613,73 Euros depuis le 13 août 2003.
Monsieur X. a comparu seul et, sans contester le montant de la dette, a sollicité des délais pour s'en acquitter.
Après réouverture des débats sur la seule question de la qualité à agir de la société MEDIATIS, le tribunal a, au visa d'un arrêt prononcé le 21 novembre 2002 par la Cour de Justice de la Communauté Européenne, prononcé d'office la déchéance des intérêts au motif qu'il n'était pas justifié de ce que l'information [minute page 4] exigée par l'article L. 311-9 du code de la consommation au sujet des conditions du renouvellement annuel du contrat de crédit ait été adressée aux emprunteurs.
Il a par ailleurs réduit à néant, au motif qu'il s'agissait d'une clause pénale manifestement excessive, l'indemnité de résiliation de 952,89 Euros correspondant à 8 % du capital restant et, en conséquence, condamné solidairement Monsieur et Madame X. au paiement d'une somme réduite à 5.993,07 Euros, productive d'intérêts au simple taux légal à compter du 15 janvier 2001.
Monsieur X. a par ailleurs été autorisé à se libérer de cette somme au moyen de quinze versements mensuels d'un montant de 400 Euros.
La société MEDIATIS a relevé appel de ce jugement dans des conditions dont la régularité ne donne pas lieu à observation.
Elle fait valoir dans des conclusions déposées le 10 mars 2005 que le premier juge a fait une application erronée de l'arrêt prononcé le 21 novembre 2002 par la Cour de Justice de la Communauté Européenne sur une question préjudicielle du juge d'instance de ROCHECHOUART dans la mesure où cet arrêt qui se fonde sur une directive n° 93/13 CEE du 5 avril 1993 n'interdit d'opposer la forclusion et de refuser au juge le pouvoir de relever d'office des irrégularités qu'à l'égard des seules clauses abusives qui sont réputées non écrites mais n'entraînent pas la déchéance des intérêts.
La société appelante qui conteste par ailleurs le caractère manifestement abusif de l'indemnité de résiliation, conforme à l'usage et à la limite légale, demande à la cour de réformer le jugement entrepris et de condamner solidairement Monsieur et Madame X. au paiement des sommes réclamées dans l'assignation, avec intérêts au taux de 16,24 % à compter du 13 août 2003.
Elle sollicite en outre le paiement d'une indemnité de 1.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code: de procédure civile.
Réassignés par actes des 27 et 31 mai 2005 ; les intimés n'ont pas constitué avoué.
L'assignation qui comportait dénonciation des conclusions de la société appelante a été délivrée à personne en ce qui concerne Monsieur X. ; elle a donné lieu à l'établissement d'un procès verbal de recherche infructueuse en ce qui concerne Madame X. née Y.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 5] LES MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'arrêt de la Cour de Justice de la Communauté Européenne du 21 novembre 2002 sur lequel le tribunal d'instance de BORDEAUX a fondé sa décision, sans respecter le principe du contradictoire dans la mesure où la réouverture des débats n'avait eu pour objet que d’inviter la société MEDIATIS à justifier de sa qualité à agir, ne concerne que les clauses abusives qui sont réputées non écrites et ne sont pas concernées par la sanction de la déchéance des intérêts, applicable en vertu des dispositions de l'article L. 311-33 du code de la consommation lorsqu'une offre de crédit n'est pas conforme aux exigences de ce code.
Si le juge peut relever d'office le caractère abusif d'une clause sans qu'on puisse lui opposer un délai de forclusion, il n'en est pas de même en ce qui concerne les irrégularités d'une offre de crédit au regard des dispositions du code de la consommation qui, bien que d'ordre public, ne peuvent être invoquées que par les personnes qu'elles sont destinées à protéger.
En l'absence de contestation sur ce point de la part des emprunteurs, d'ailleurs forclos au regard des dispositions de l'article L. 311-37 du code de la consommation applicables au contrat souscrit le 6 mai 1997, le juge d'instance n'avait pas le pouvoir de prononcer la sanction de la déchéance des intérêts au motif; contesté, qu'il n'était pas justifié de ce que les conditions du renouvellement du contrat n'avaient pas été notifiées dans les termes et le délai exigés par l'article L. 311-9 du code précité.
Le jugement déféré doit être réformé en ce qu'il a prononcé la déchéance des intérêts.
En revanche, c'est à bon droit que le premier juge a relevé qu'au regard de l'avantage qu'avait procuré au créancier l'exécution du contrat entre l'année 1997, date de sa souscription, et l'année 2002 après laquelle sont apparus des incidents de paiement, vraisemblablement provoquées par la séparation des emprunteurs, et compte tenu de l'importance considérable des intérêts de retard, décomptés au taux contractuel de 16,25 % après la déchéance du terme, la clause pénale prévoyant, de surcroît, le paiement d'une indemnité de 8 % sur le capital restant dû apparaissait manifestement excessive, nonobstant le fait que ce montant ait été d'usage et conforme à la limite prévue par le code de la consommation.
Le montant de cette clause doit, par application des dispositions de l'article 1152 du code civil être réduit à 1 Euro.
[minute page 6] Le total des sommes dues en principal et intérêts arrêtés au 13 août 2003 s'élève par conséquent, au vu du décompte non contesté produit par la société appelante et compte tenu de la réduction de la clause pénale, à la somme de 14.954.58 Euros.
Il n'y a pas lieu, compte tenu de la situation d'endettement générée par l'opération litigieuse, de prononcer au profit de la société appelante la condamnation prévue par l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Réforme le jugement prononcé le 9 novembre 2004 par le tribunal d'instance de BORDEAUX et, statuant à nouveau
Condamne solidairement Monsieur X. et Madame X. née Y. à payer à la SA MEDIATIS la somme de 14.954,58 Euros avec intérêts au taux de 16,24 % sur la somme de 13.613.73 Euros à compter du 13 août 2003.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Condamne Monsieur X. et Madame X. née Y. aux dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés par la SCP LABORY-MOUSSIE-ANDOUARD, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Alain COSTANT, Président, et par Madame Chantal SERRE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
- 5706 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Délai pour agir - Forclusion - Clauses abusives
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- 5719 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Jurisprudence antérieure - Crédit à la consommation