CA PARIS (pôle 4 ch. 8), 29 mars 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10267
CA PARIS (pôle 4 ch. 8), 29 mars 2023 : RG n° 21/03125 ; arrêt n° 2023/52
Publication : Judilibre
Extrait : « Le tribunal a condamné Mme X. à payer à la société HISCOX la somme de 13.361,48 euros au titre de la portion de prime correspondant à la période antérieure à la résiliation du contrat et ordonné la compensation de cette condamnation avec celle de la société HISCOX (limitée à 15.000 euros).
La société HISCOX sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné Mme X. à lui payer la prime d'assurance mais son infirmation en ce qu'il a fixé ce montant à la somme de 13.361,48 ; elle réclame le paiement de la prime due pour l'échéance du 7 octobre 2016 au 6 octobre 2017, soit la somme de 30.477,83 euros en soutenant que le contrat prévoit le paiement d'une prime annuelle non fractionnée, l'assureur est en droit d'exiger le paiement de l'intégralité de la prime échue et impayée, que la notion de cause a disparu du droit des obligations depuis l'ordonnance du 10 février 2016 et que le contrat stipule qu'en cas de résiliation pour non-paiement de la prime l'intégralité de la prime reste acquise à l'assureur, qui justifie d'un préjudice en ce que l'absence de respect du délai de résiliation par Mme X. et le refus de paiement de la cotisation d'assurance exigible due par elle ont, empêché toute prévisibilité sur l'absence de maintien pour l'avenir de la prime due au titre de ce contrat.
Mme X. sollicite la confirmation du jugement sur le principe, le quantum et la compensation, en répliquant que la société HISCOX ayant elle-même résilié à compter du 15 mars 2017 le contrat (qui était entré en vigueur par tacite reconduction le 6 octobre 2016), sa demande est abusive et se trouve dépourvue de cause pour la période postérieure où la garantie n'était plus due, de sorte que le montant de la prime doit être ramené à 13.361,48 euros correspondant au calcul suivant : - portion de prime concernée : période entre le 6 octobre 2016 et le 15 mars 2017 (date de résiliation), soit, 160 jours, soit 43,83 % de l'année ; - 43,84% x 30.477,83 euros (prime réclamée) =13.361,48 euros. Elle ajoute que la clause invoquée par l'assureur figure parmi celles qui sont « de manière irréfragable présumées abusives » au sens de l'article R. 212-1 du code la consommation (applicable en l'espèce puisque le contrat a été reconduit le 6 octobre 2016 et que le texte est entré en vigueur le 1er juillet 2016), de sorte qu'elle doit être déclarée non écrite.
Comme l'a relevé le tribunal, les conditions générales du contrat prévoient en page 11 :
« En cas de non-paiement d'une prime, d'un complément ou d'une fraction de prime dans les 10 jours de son échéance, nous pouvons, sans renoncer à la prime que vous nous devez et dans les conditions prévues à l'article L 113-3 du Code des Assurances : * suspendre la garantie dans les 30 jours, * résilier le contrat 10 jours après l'expiration du délai de 30 jours. La portion de prime afférente à la période non courue nous reste acquise à titre d'indemnité ».
Il est constant que la prime n'a pas été réglée à son échéance, pour la période du 7 octobre 2016 au 6 octobre 2017. Par lettre recommandée du 3 février 2017, la société HISCOX a ainsi mis en demeure Mme X. de régler la prime en cause, le courrier rappelant les dispositions des articles L. 113-3 et R. 113-2 du code des assurances.
En l'absence de paiement, bien qu'aucune lettre recommandée en attestant ne soit versée au débat et que la résiliation ne soit pas automatique à l'issue des délais précités, il n'est pas contesté que le contrat a été résilié par l'assureur, 40 jours plus tard, soit à compter du 15 mars 2017, comme en atteste le courriel du 13 juin 2017 de la société HISCOX au conseil de Mme X., faisant état de cette résiliation mais aussi de la possibilité de « rétablir la situation » avec le paiement de la prime due et « remise en vigueur de la police ».
Contrairement à ce que soutient la société HISCOX, si la réforme opérée par l'ordonnance du 10 février 2016 a supprimé la notion de cause parmi les conditions de validité des contrats (ancien article 1131), l'article 1128 nouveau n'exigeant plus que le consentement des parties, leur capacité de contracter et un contenu licite et certain pour qu'un contrat soit valide, ses fonctions essentielles ont été maintenues par l'ordonnance, de sorte que cette réforme ne vient nullement mettre un terme au fait que la résiliation met fin, à compter de sa date, à l'obligation de l'assuré de payer les primes qui se trouvent dès lors dépourvues de cause.
Par ailleurs, l'article R. 212-1 du code de la consommation qu'invoque Mme X. liste les clauses abusives qui sont interdites au sens de l'article L. 212-1 du même code, dans les contrats conclus entre professionnel et consommateur, en ce qu'elles créent un déséquilibre significatif au détriment du consommateur. Les « clauses noires » sont reconnues de manière irréfragable, comme abusives et les « clauses grises » sont présumées abusives, la charge de la preuve pèse sur le professionnel, celui-ci devant alors apporter la preuve de leur caractère non abusif en cas de litige. Les clauses interdites ou reconnues abusives sont réputées non écrites.
Parmi les « clauses noires » figurent celles ayant pour objet ou effet « de contraindre le non-professionnel ou le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n'exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d'un bien ou son obligation de fourniture d'un service », ce qui correspond au cas d'espèce. Dès lors, elle doit être réputée non écrite.
Sans qu'il soit nécessaire d'analyser le préjudice que la conservation de la portion de prime permettait selon l'assureur d'indemniser, le jugement est confirmé en ce qu'il a limité la condamnation de Mme X. à la portion de prime correspondant à la période antérieure à la résiliation du contrat, soit la somme de 13.361,48 euros.
Compte tenu de la solution retenue par la cour, et conformément à la demande de Mme X., au sujet de laquelle la société HISCOX ne formule aucune observation, il convient d'ordonner la compensation de cette somme avec la somme mise à la charge de la société HISCOX, portée en cause d'appel à hauteur de la somme principale de 266.000 euros. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 4 CHAMBRE 8
ARRÊT DU 29 MARS 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/03125. Arrêt n° 2023/52 (21 pages). N° Portalis 35L7-V-B7F-CDEEK. Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 janvier 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS RG n° 17/11542.
APPELANTES :
Madame X.
[Adresse 6], [Localité 13], née le [date] à [ville]
SAS CMC FONDS DE DOTATION A. X. DITE Z.
prise en la personne de sa Présidente, Mme X., [Adresse 4], [Localité 13], Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : : XXX, Représentées par Maître Guillaume AKSIL de la SCP LINCOLN AVOCATS CONSEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0293, assistée de Maître Manuel MENEGHINI, SELARL LINCOLN AVOCATS CONSEIL, substituant Maître Guillaume AKSIL
INTIMÉES :
Société HISCOX SA
Société de droit Luxembourgeois immatriculée au Luxembourg sous le numéro B217018 dont le siège est [Adresse 10] Luxembourg, prise en sa succursale française, sise [Adresse 11], représentée par son directeur général domicilié en cette qualité à ladite adresse [Adresse 10], [Localité 14] Luxembourg, N° SIRET : YYY, Représentée par Maître Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334, assistée de Maître Yannick HOULE, avocat plaidant, toque C 1743 substitué par Maître de GANAY, SELARL HOULE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1743
SA GENERALI IARD
agissant poursuites et diligences de son Directeur général domicilié en cette qualité audit siège, assureur de la société CMC FONDS DE DOTATION A.X. dite Z., selon contrat n° AM247485, [Adresse 7], [Localité 16], Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : ZZZ, Représentée par Maître Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER - MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240, assistée de Maître Lyne HAIGAR, BELDEV ASSOCIES, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS, toque : R61 substituant Maître Michel BELLAICHE, avocat plaidant, Membre de BELDEV Association d'avocats, avocat au barreau de PARIS, toque R 61
SARL MERCADE & ESCIA
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, en sa qualité de courtier dans le cadre de la police souscrite auprès d'HISCOX et d'agent de GENERALI, [Adresse 9], [Localité 15], Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : WWW, Représentée par Maître Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046 et assistée de Maître Béatrice LOUPPE, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS, SELARL KL2A-KNAFFOU ET LOUPPE AVOCATS, toque : C2424
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 10 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre, Mme Laurence FAIVRE Présidente de chambre, M. Julien SENEL, Conseiller, qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. F. C. dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET
ARRÊT : Contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, Greffière présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme X., qui exerce la profession de styliste de mode sous le pseudonyme d'Z. est propriétaire d'œuvres d'art dont elle a notamment confié la gestion à la société CMC (Comptoir mondial de création) FONDS de DOTATION A X. dite Z. (CMC), société créée en 2009 pour structurer les actions de mécénat, de partenariat et de philanthropie menées par la marque Z. et par Z. à titre personnel.
Aux fins d'assurer ses œuvres d'art, Mme X. a souscrit, par l'intermédiaire du cabinet MERCADE & Cie intervenant en qualité de courtier, un contrat d'assurance n°FFA0140076 auprès de la société HISCOX.
La société CMC a, pour sa part, souscrit, par l'intermédiaire du cabinet MERCADE & Cie intervenant en qualité d'agent d'assurance, une police responsabilité civile n°AM 248 485 auprès de la société GENERALI.
Le 2 septembre 2016, Mme X. a transmis au cabinet MERCADE & Cie une déclaration de sinistre pour le vol survenu la veille d'une œuvre composée de 143 photographies de l'artiste I., d'une valeur de 266.000 euros.
Après avoir fait diligenter une expertise, la société HISCOX a, par lettre du 30 septembre 2016, refusé sa garantie en invoquant l'exclusion contractuelle des sinistres consécutifs à une négligence manifeste, et précisé qu'au-delà de l'application de cette clause, une limitation de garantie de 15.000 euros était opposable dans le cadre de la garantie des biens confiés à des tiers.
La société GENERALI a également opposé un refus de garantie au motif que le sinistre avait eu lieu lors d'une opération de transport et en dehors des locaux de l'assuré.
Un avis de classement sans suite en date du 10 novembre 2016 a informé Mme X. du classement sans suite de sa plainte pour vol simple, la personne ayant commis l'infraction n'ayant pu être identifiée.
Les parties n'étant pas parvenues à trouver une issue amiable au litige, Mme X. et la société CMC ont, par actes d'huissier des 28 juillet et 1er août 2017, fait citer la SARL MERCADE & Cie, la SA GENERALI FRANCE et la société HISCOX FRANCE devant le tribunal judiciaire de Paris.
La société GENERALI IARD et la société HISCOX SA sont intervenues volontairement à l'instance.
Par exploit d'huissier du 16 septembre 2019, Mme X. et la société CMC ont fait assigner la SARL MERCADE & ESCIA.
Les instances ont été jointes par ordonnance du 24 janvier 2020.
Par jugement du 14 janvier 2021, ledit tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- Déclaré irrecevables les demandes formées à l'encontre de la société GENERALI FRANCE et de la société HISCOX FRANCE ;
- Déclaré recevables les interventions volontaires à l'instance de la société GENERALI IARD et de la société HISCOX SA, venant aux droits de la société HISCOX INSURANCE COMPANY LIMITED ;
- Condamné la société HISCOX SA à payer à Mme X. la somme de 15.000 euros au titre du sinistre survenu le 1er septembre 2016 ;
- Condamné Mme X. à payer à la société HISCOX SA la somme de 13.361,48 euros au titre de la prime du contrat n°FFA0140076 ;
- Ordonné la compensation entre ces condamnations ;
- Condamné la société CMC FONDS de DOTATION A X. DITE « Z. » à garantir la société HISCOX SA de toutes les condamnations prononcées à son encontre tant au titre de la garantie qu'au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
- Débouté la société CMC FONDS de DOTATION A X. DITE « Z. » de sa demande de garantie à l'encontre de la société GENERALI IARD ;
- Condamné la société HISCOX SA à payer à Mme X. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Mme X. et la société CMC FONDS de DOTATION A X. DITE « Z. » à payer à la société GENERALI et à la société MERCADE & ESCIA la somme de 2.500 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné in solidum la société HISCOX SA et la société CMC FONDS de DOTATION A X. DITE « Z. » aux dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile par les avocats qui en ont fait la demande ;
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l'exposé du litige.
Par déclaration électronique du 16 février 2021, Mme X. et la société CMC FONDS de DOTATION A X. DITE « Z. » ont interjeté appel en mentionnant que cet appel tend à « obtenir l'annulation ou la réformation du jugement en ce qu'il a :
- Condamné la société HISCOX SA à payer à Madame X. la somme de 15.000,00 euros au titre du sinistre survenu le 1er septembre 2016 ;
- Condamné la société CMC FONDS de DOTATION A X. DITE « Z. » à garantir la société HISCOX SA de toutes les condamnations prononcées à son encontre tant au titre de la garantie qu'au titre de frais irrépétibles et des dépens ;
- Débouté la société CMC FONDS de DOTATION A X. DITE « Z. » de sa demande de garantie à l'encontre de la société GENERALI IARD ;
- Condamné Madame X. et la société CMC FONDS de DOTATION DITE « Z. » à payer à la société GENERALI et à la société MERCADE & ESCIA la somme de 2.500 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société CMC FONDS de DOTATION A X. DITE « Z. » aux dépens ;
- Ordonné l'exécution provisoire ;
- Débouté Madame X. et la société CMC FONDS de DOTATION A X. dite « Z. » de leurs demandes plus amples ou contraires ».
[*]
Par conclusions (n° 3) notifiées par voie électronique le 4 novembre 2022, Mme X. et la société CMC demandent à la cour au visa des articles 1103, 1188, 1190, 1231-1, 1231-6, 1353 et 1875 du code civil, L. 112-4, L. 113-1, L. 124-3, L. 511-1 III et L. 521-4 du code des assurances, et R. 212-1 du code de la consommation, de :
- CONFIRMER le jugement :
* en ce qu'il a limité l'obligation de paiement de Mme X. à 13.361,48 euros au titre du contrat entré en vigueur par tacite reconduction le 6 octobre 2016 et résilié par la société HISCOX le 15 mars 2017 ;
* en ce qu'il a dit que la garantie de la société HISCOX était due à Mme X. ;
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a :
* limité cette garantie à hauteur de 15.000 euros, alors que les conditions d'application de la clause de limitation ne sont pas remplies en l'espèce ;
* condamné la société CMC FONDS DE DOTATION A X. « DITE Z. » à garantir la société HISCOX de toutes condamnations, le FONDS n'ayant pas vocation à prendre en charge les intérêts de retard ainsi que les dépens et les frais irrépétibles de l'instance ;
* débouté Mme X. et la société CMC FONDS DE DOTATION A X. « DITE Z. » de leur demande à l'encontre de la société GENERALI, dès lors que la garantie « RESPONSABILITE CIVILE EXPLOITATION » souscrite par la société CMC FONDS DE DOTATION A X. « DITE Z. » a vocation à couvrir le sinistre du 1er septembre 2016, sans plafond ni franchise ;
* débouté Mme X. et la société CMC FONDS DE DOTATION A X. « DITE Z. » de leur demande au titre d'indemnisation à l'encontre de la société MERCADE ET ESCHA et GENERALI, le défaut de conseil et de mise en garde de l'intermédiaire d'assurance leur ouvrant droit à réparation de la perte de chance de disposer d'une assurance en adéquation avec leur situation ;
* condamné Mme X. et la société CMC FONDS DE DOTATION A X. « DITE Z. » aux dépens et aux frais irrépétibles, alors que le litige n'est né que de la défaillance des conseils ainsi que de celles des documents d'assurance qui leur ont été fournis;
STATUANT A NOUVEAU,
- CONDAMNER la société HISCOX à verser à Mme X., la somme de 266.000 euros correspondant à la valeur agréée de l'œuvre disparue ;
- ASSORTIR les sommes dues par la société HISCOX à Mme X. des intérêts légaux à compter du 2 septembre 2016, date de la première demande d'exécution du contrat les liant, où à défaut à compter du 1er août 2017, date de l'assignation ;
- CONDAMNER la société GENERALI à verser à Mme X. toute indemnisation permettant de réparer intégralement son préjudice dans l'hypothèse où la garantie de la société HISCOX devait être limitée ou écartée ;
- CONDAMNER la société GENERALI à garantir intégralement la société CMC FONDS DE DOTATION A X. « DITE Z. » des conséquences du sinistre du 1er septembre 2016, les conditions de mobilisation de la garantie « RESPONSABILITE CIVILE EXPLOITATION » étant réunies et les circonstances de réalisation du sinistre ne permettant d'appliquer aucune exclusion, limitation ou franchise ;
- CONDAMNER la société MERCADE & ESCIA, du fait de son défaut de conseil et de mise en garde, à verser à Mme X., 90,00 % du préjudice non indemnisé après application des garanties HISCOX et GENERALI ;
- CONDAMNER la société GENERALI, du fait du défaut de conseil et de mise en garde de son mandataire la société MERCADE & ESCIA, à verser à la société CMC FONDS DE DOTATION A X. « DITE Z. » 90,00 % des montants dont elle pourrait être redevable du fait du sinistre du 1er septembre 2016 après application des garanties de son contrat TOUS RISQUE SAUF RESPONSABILITE CIVILE DES ENTREPRISES ;
- ASSORTIR les sommes dues par la société GENERALI et la société MERCADE & ESCIAà Mme X. des intérêts légaux à compter du 1er août 2017, date de l'assignation ;
- ASSORTIR les sommes dues par la société GENERALI à la société CMC FONDS DE DOTATION A X. « DITE Z. », des intérêts légaux à compter du 1er août 2017, date de l'assignation ;
- CONDAMNER in solidum les sociétés HISCOX, GENERALI et MERCADE & ESCIA aux dépens de la présente instance ainsi que de la première instance, le litige étant né de leurs carences ;
- AUTORISER Me Guillaume AKSIL, SCP LINCOLN AVOCATS CONSEIL, Avocat au Barreau de PARIS, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile à recouvrer directement les dépens de l'instance ;
- CONDAMNER in solidum les sociétés HISCOX, GENERALI et MERCADE & ESCIA à verser 10.000 euros à Mme X. en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER in solidum les sociétés HISCOX, GENERALI et MERCADE & ESCIA à verser 10.000 euros à la société CMC FONDS DE DOTATION A X. « DITE A. B » en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- DÉBOUTER toute partie de toute demande fin et prétention plus ample ou contraire et notamment celle qui serait dirigée à l'encontre de Mme X. et de la société CMC FONDS DE DOTATION X. DITE Z.
[*]
Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 juillet 2022, la société Hiscox SA demande à la cour, au visa de l'article L. 113-1 du code des assurances, de :
- Juger que l'exclusion de garantie pour négligence manifeste est formelle et limitée et rédigée en caractères très apparents,
- Juger que l'exclusion de garantie est applicable,
En conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il a :
- retenu la garantie de la société Hiscox et SA et l'a condamnée à payer à Mme X. la somme de 15.000 euros au titre du sinistre survenu le 1er septembre 2016 ;
- condamné la société Hiscox SA à payer à Mme X. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum la société Hiscox SA et la société CMC Fonds de Dotation A. X. dite « Z. » aux dépens.
Statuant de nouveau,
- Débouter Mme X. ainsi que la société CMC Fonds de Dotation A. X. dite Z. de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre de la société Hiscox SA,
A titre subsidiaire, vu les articles 1103 du code civil (ancien 1134), 1932 et 1242 du code civil (ancien 1384 du même code), et l'article L.124-3 du code des assurances :
- Juger que la société Hiscox SA est bien fondée à opposer la limitation contractuelle de garantie,
- Juger que la société CMC Fonds de Dotation A. X. dite Z. est responsable de la perte de l'œuvre en sa double qualité de dépositaire, et de commettant.
En conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a :
* limité la condamnation de la société Hiscox SA à l'égard de Mme X. à la somme de 15.000 euros,
* débouté Mme X. de sa demande de majoration et de report du point de départ des intérêts,
* condamné la société CMC Fonds de Dotation A. X. dite Z. à garantir et relever indemne la société Hiscox SA de l'ensemble des condamnations prononcées en ce compris tous les frais dont la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens, et les intérêts.
Très subsidiairement, Juger que la société GENERALI Iard doit garantir la société CMC Fonds de Dotation A. X. dite Z. des conséquences de sa responsabilité civile,
En conséquence, Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société CMC Fonds de Dotation A. X. dite Z. et la société Hiscox de leurs demandes de garantie à l'encontre de la société GENERALI Iard,
Statuant de nouveau, condamner in solidum les sociétés CMC Fonds de Dotation A. X. dite Z. et GENERALI Iard à garantir et relever indemne la société Hiscox SA de toutes condamnations prononcées à son encontre en ce compris tous les frais dont la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens, et les intérêts.
En tout état de cause, vu les articles L. 113-2 du code des assurances, et 1103 du code civil (ancien 1134), juger que :
- le contrat prévoit le paiement d'une prime annuelle non fractionnée,
- la prime d'assurance était exigible au 7 octobre 2016,
- l'assureur est en droit d'exiger le paiement de l'intégralité de la prime échue et impayée,
- le contrat stipule de plus qu'en cas de résiliation pour non-paiement de la prime l'intégralité de la prime reste acquise à l'assureur,
- l'intégralité de la prime de 30.477,83 euros est due par Mme X. à son assureur la société Hiscox SA,
En conséquence :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme X. à payer à la société Hiscox la prime d'assurance due,
- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant de la prime due par Mme X. à la somme de 13.361,48 euros,
Statuant de nouveau,
- Condamner Mme X. à payer à la société Hiscox SA la somme de 30.477,83 euros au titre de la prime impayée,
- Condamner toutes parties succombantes à payer à la société Hiscox SA la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel ainsi que les dépens de première instance, dont distraction.
[*]
Par conclusions (n°2) notifiées par voie électronique le 14 octobre 2022, la société GENERALI IARD demande à la cour de :
- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté toute partie de toute demande à l'encontre de GENERALI et condamné les appelantes au paiement de la somme de 2.500 euros au profit de cette dernière au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- DEBOUTER Mme X., la société FONDS DE DOTATION A.X. DITE « Z. », HISCOX et toute autre partie de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre la Compagnie GENERALI ;
- CONDAMNER Mme X. et la société FONDS DE DOTATION A.X. ou tout succombant à régler à la Compagnie GENERALI la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
A titre subsidiaire :
- FAIRE APPLICATION dans le prononcé de ses condamnations contre GENERALI, des plafonds et limites de garanties et notamment de la franchise à hauteur de 3.200 euros et du plafond de 80.000 euros s'agissant de dommages aux biens confiés ;
- CONDAMNER la société MERCADE (anciennement dénommée MERCADE & ESCIA) à garantir la compagnie GENERALI de l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;
- CONDAMNER la société MERCADE (anciennement dénommée MERCADE & ESCIA) ou tout succombant au paiement de la somme de 5.000 euros au profit de GENERALI au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
[*]
Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 août 2021, la société MERCADE demande à la cour au visa des articles 1147 et suivant, 1420 et suivant du code civil, et 700 du code de procédure civile de CONFIRMER le jugement ;
- en cas d'infirmation, DÉBOUTER Mme X. dite Z. ainsi que le FONDS DE DOTATION A. X. dite Z. de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la société MERCADE ;
- en tout état de cause, elle demande de DÉBOUTER toute partie de l'ensemble de ses demandes à son encontre et de CONDAMNER Mme X. dite Z. ainsi que le FOND DE DOTATION A.X. dite Z. à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre tous les dépens.
[*]
Il convient de se reporter aux conclusions pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 décembre 2022.
En cours de délibéré, le conseil de GENERALI, autorisé pour cela par la cour, a fait parvenir par message RPVA du 11 janvier 2023 une note concernant sa pièce numérotée 1 (conditions générales) figurant dans son dossier de plaidoiries, celle-ci apparaissant en noir et blanc, ainsi que les éléments composant l'envoi par RPVA du 13 août 2021 attestant de sa communication en première instance et en cause d'appel, à l'ensemble des parties, dans une version en couleur.
Par une note communiquée par RPVA le 17 janvier 2023, le conseil des appelantes a confirmé que la pièce en question avait été diffusée en couleur mais précisé que les clauses d'exclusion discutées apparaissaient avec un degré moindre que d'autres clauses figurant à leur proximité immédiate de sorte qu'elles maintiennent leur demande d'invalidation des clauses d'exclusion opposées par l'assureur à la société CMC.
Par lettre du 25 janvier 2023 adressée par RPVA, le conseil de GENERALI a fait valoir que la question concernée par la note en délibéré avait été purgée par les justificatifs qu'il a adressé dans sa note, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la lecture topographique proposée opportunément par les appelantes hors champs du périmètre de la note sollicitée par la cour.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1) Sur les circonstances du sinistre :
Comme l'a relevé le tribunal dans son jugement, non contesté sur ce point en appel, il ressort des pièces versées aux débats et des explications des parties que le 1er septembre 2016, vers 17 heures, M. W., salarié de la société CMC, a été chargé de transporter, du [Adresse 3] dans le [Localité 1], plusieurs œuvres d'art appartenant à Mme X. dont une œuvre composée de 143 photographies de I.
La distance à parcourir étant limitée, le transport s'est effectué à pieds en utilisant un diable. En cours de trajet, M. W. s'est rendu compte de la disparition de l'œuvre de I. Après avoir fouillé les sacs contenant les œuvres, il a fait demi-tour mais n'a pas retrouvé l'œuvre.
La lecture du rapport de l'expert mandaté par la société HISCOX qui a procédé à une reconstitution des circonstances du sinistre avec M. W. révèle par ailleurs que :
- l'œuvre de I. avait été placée dans un sac de type « totebag » lui-même glissé entre deux autres sacs posés sur la plate-forme du diable et que M. W. a précisé que la sangle du diable ne traversait pas les anses du sac de sorte que celui-ci était simplement posé sur la plate-forme et « maintenu » par les deux autres sacs qui l'entouraient,
- M. W. n'a pas poussé le diable mais l'a tiré derrière lui de sorte que les œuvres n'étaient pas dans son champ de vision direct.
Au terme de son rapport, l'expert envisage deux hypothèses :
« - le vol par un tiers qui aurait réussi à se saisir discrètement du tote-bag sur le diable alors que Monsieur W. le tirait derrière lui,
- la chute du sac du diable, par glissement, provoqué, par exemple par un virage ou les secousses du trajet, suivie de sa récupération par une personne non identifiée. »
2) Sur la garantie de la société HISCOX :
Vu les articles 1134, devenu 1103 et 1104, et 1315, devenu 1353, du code civil, et les articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances ;
Le tribunal a condamné la société HISCOX à payer à Mme X. la somme de 15.000 euros au titre du sinistre survenu le 1er septembre 2016, dans le cadre de la garantie souscrite auprès d'elle.
Mme X. sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que la garantie de la société HISCOX était due, dès lors que la perte de l'œuvre de BRASSAI constitue un dommage matériel tel que défini au contrat, subi par un objet d'art appartenant à l'assuré et survenu le 1er septembre 2016, en période de garantie ; elle demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a limité sa garantie à hauteur de 15.000 euros alors, selon elle, que les conditions d'application de la clause de limitation ne sont pas remplies ; la société HISCOX, formant appel incident, demande à titre principal l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu sa garantie et l'a condamnée à ce titre à payer la somme de 15.000 euros à Mme X..
Pour dénier sa garantie, la société HISCOX réplique en substance que les dommages résultant d'une négligence manifeste de l'assuré sont exclus de la garantie et que tel est le cas en l'espèce dès lors que d'une part, Mme X. s'est désintéressée des modalités de transport de l'œuvre et a laissé la société CMC s'en charger, sans l'en informer, alors que les salariés de la société n'avaient manifestement pas la compétence requise pour ce faire et que, d'autre part, l'œuvre a été transportée dans un simple sac coincé entre deux autres sacs, sur un diable traîné dans les rues de [Localité 17] et volée sans effraction, ni agression. La société HISCOX y ajoute une limitation de garantie.
Mme X. conteste l'application de la clause d'exclusion invoquée aux motifs que la clause n'est ni formelle, ni limitée du fait de son imprécision, et doit donc être réputée non écrite ou à défaut nulle : elle ajoute qu'en toute hypothèse, la « négligence manifeste » exigée par la clause d'exclusion ne peut lui être imputée, ce que l'assureur a d'ailleurs toujours reconnu dans ses courriers de 2016 et 2017, dès lors que la faute/négligence à l'origine de la disparition de l'œuvre est le fait d'un tiers, à savoir le salarié de la société CMC.
En l'espèce, comme l'a exactement relevé le tribunal, les conditions particulières constituant l'avenant n°10 au contrat souscrit par Mme X. auprès de la société HISCOX indiquent en première page que : « Ce contrat d'assurance est constitué des présentes Conditions Particulières et des Conditions Générales N°FA031104, dont vous reconnaissez avoir reçu un exemplaire ».
Le bas de cette page est daté du 8 janvier 2016 et Mme X. ne conteste pas l'avoir signé. Ce faisant, elle a expressément reconnu avoir reçu un exemplaire des conditions générales N°FA031104 et sa signature emporte également acceptation et approbation de ces conditions.
Les conditions générales produites par la société HISCOX comportent en page 2 le numéro FA031104 ; elles sont par conséquent opposables à Mme X.
Elles comportent en page 6, dans le cadre de la partie consacrée à l'étendue des garanties, un paragraphe « II Exclusions », comportant une clause d'exclusion rédigée en ces termes :
« Nous ne garantissons jamais :
(…)
5. Les dommages et les conséquences pécuniaires résultants directement ou indirectement :
. d'une négligence manifeste de votre part ».
Il ressort par ailleurs du glossaire stipulé en page 3 des conditions générales que « Vous/Votre » désigne « L'assuré nommément désigné aux Conditions Particulières. », en l'espèce Mme X., ce qui n'est pas contesté.
Comme l'a exactement jugé le tribunal, la disposition litigieuse est ainsi insérée dans un paragraphe unique consacré aux exclusions. Ce paragraphe figure sur une page distincte des conditions générales et est libellé en caractères gras sur fond coloré, autant d'éléments qui sont de nature à attirer spécialement l'attention de l'assuré et à différencier la clause litigieuse des autres clauses des conditions générales de sorte qu'elle répond aux exigences de l'article L. 112-4 du code des assurances.
C'est en revanche à juste titre que Mme X. soutient que cette clause ne peut être considérée comme formelle et limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, en ce qu'elle ne se réfère pas à des faits, circonstances ou obligations définies avec précision permettant à l'assuré de connaître exactement l'étendue de sa garantie et est sujette à interprétation, faute notamment d'avoir précisément défini le caractère manifeste de la négligence.
En effet, comme le fait valoir Mme X., à la lecture de cette clause, l'assuré ne peut savoir précisément dans quelles hypothèses limitativement énumérées ou identifiables, il sera ou non garanti.
Elle ne peut donc être valablement opposée par la société HISCOX pour dénier sa garantie, étant observé qu'en toutes hypothèses, seule la négligence de l'assuré, en l'occurrence Mme X., aurait été de nature à faire obstacle à la garantie, ce qui n'est ici pas établi, la société HISCOX ayant même clairement admis dans un courrier du 30 septembre 2016 que la disparition de l'œuvre ressortait d'une faute du salarié, professionnel de l'art, de la société CMC, qui a transporté avec négligence l'œuvre d'art.
Subsidiairement, la société HISCOX demande la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la limitation de garantie en cas de vol, tentative de vol et vandalisme, des biens assurés, commis chez les tiers, à hauteur de 15.000 euros, en soutenant notamment que le contrat ne nécessite aucune interprétation sur ce point, dès lors que la clause en question est claire et applicable pour ce qui concerne les biens assurés se trouvant chez des tiers dont les conditions de sécurité lui sont inconnues, ce qui correspond au cas d'espèce, les œuvres ayant été confiées à la société CMC, qui est un tiers, avant d'être volées sans effraction à l'occasion de leur transport, comme en atteste le dépôt de plainte pour vol simple effectué le 1er septembre 2016 par la personne chargée de la collection d'art d'X. et le classement de cette plainte, le 10 novembre 2016, pour absence d'identification de l'auteur de l'infraction et non pour absence d'infraction ou infraction insuffisamment caractérisée.
Mme X. demande l'infirmation du jugement sur ce point en répliquant que la clause de limitation de garantie ne peut s'appliquer pour le transport des œuvres d'art assurées, qu'elle suppose la preuve d'un vol, d'une tentative de vol ou de vandalisme, qui n'est ici pas rapportée, et qu'elle est sans effet dès que le tiers dispose d'une garantie biens confiés, ce qui est le cas du Fonds, assuré au titre de sa responsabilité civile.
Elle rappelle qu'en cas de doute, il convient d'appliquer les règles d'interprétation des contrats édictées à l'article 1190 du code civil.
Si elle n'est pas soumise aux exigences de l'article L. 113-1 alinéa 1er du code des assurances, la clause déterminant l'étendue des garanties sollicitées doit néanmoins être claire et précise.
Les conditions particulières du contrat comportent les dispositions suivantes, en caractères gras dans la police d'assurance :
« Situation des biens assurés :
Il est convenu que les biens assurés sont situés principalement aux adresses suivantes :
- [Adresse 5], équipée d'un système d'alarme relié à une centrale de télésurveillance,
- [Adresse 8] - équipée d'un système d'alarme relié à une centrale de télésurveillance, de porte-fenêtres et de fenêtres,
- [Adresse 4] - équipée d'un système d'alarme relié à une centrale de télésurveillance,
- [Adresse 18] - équipée d'un système d'alarme relié à une centrale de télésurveillance,
- [Adresse 2] - équipée d'un système d'alarme et de détection incendie reliés à une centrale de télésurveillance (...),
- [Adresse 3] - équipée d'un système d'alarme relié à une centrale de télésurveillance et d'un rideau de fer extérieur,
- GALERIE DU JOUR - [Adresse 12] - équipée d'un système d'alarme relié à la télésurveillance (...),
- [Adresse 6] - équipée d'une porte blindée
- et, chez les tiers, galeries ou garde-meubles.
Il est convenu que chez les tiers, galeries ou garde-meubles :
a) Le vol, la tentative de vol et le vandalisme commis sans effraction ni agression sont garantis dans la limite de 15.000 € par sinistre.
Au-delà de ce montant, ces garanties ne sont accordées que si le tiers peut justifier d'une garantie biens confiés couvrant les dommages que vous avez subis. Nous conservons tous nos droits de recours (...) ».
Comme le fait valoir la société HISCOX, la clause en cause participe à la définition du risque qu'elle a accepté de garantir. Cette clause de limitation de garantie s'explique par le fait que lorsque les biens sont confiés à des tiers inconnus d'elle, elle n'a pas été en mesure d'apprécier les conditions de sécurité et partant le risque à assurer et il est naturel que la garantie du tiers responsable des dommages soit alors mobilisable.
Cependant, le sinistre ayant eu lieu à l'occasion du transport de l'œuvre confiée en dehors des locaux de la société CMC, sur la voie publique, la cour ne peut suivre la société HISCOX lorsqu'elle soutient que la limitation de garantie s'applique dès lors que le bien était confié à un tiers, chez un tiers et non entre les mains de l'assuré.
En effet, le fait que l'assureur développe en pages 13 à 19 de ses conclusions ses moyens au soutien de sa prétention tendant à faire application de la limitation de garantie, en exposant plus particulièrement que ce qu'il faut entendre par la notion de « chez les tiers » découle de la clause figurant plus loin dans les conditions particulières du contrat, « pour l'application des garanties vol, tentative de vol et vandalisme », illustre que contrairement à ce qu'il soutient, la clause de limitation de garantie en question n'est pas claire et nécessite une interprétation, qui comme l'invoque Mme X., ne peut dès lors qu'être faite en sa faveur.
La cour observe à ce titre que la société HISCOX parle en effet tout à la fois de « bien confié à un tiers, chez un tiers », « ayant vocation à être déplacé entre deux lieux tiers », alors même qu'il est constant que la société CMC, qui est certes dotée d'une personnalité juridique propre, est représentée par sa présidente, Mme X., de sorte qu'elles sont à tout le moins liées par une communauté d'intérêts, comme en atteste le choix procédural qu'elles ont fait d'être représentées par un même conseil dans le cadre des procédures de première instance puis d'appel.
Dès lors que le sinistre a eu lieu sur la voie publique, et que la clause litigieuse doit s'interpréter en faveur de l'assuré, la cour estime qu'il ne ressort pas d'un « vol, tentative de vol ou acte de vandalisme commis sans effraction ni agression » commis « chez » un « tiers » tel qu'exigé dans les conditions particulières, qui ne peut être au cas d'espèce que la société CMC dès lors que c'est l'interprétation qu'en donne Mme X. pour justifier de la souscription au profit du Fonds, d'une garantie biens confiés auprès de GENERALI couvrant les dommages subis, au-delà du montant de 15.000 euros garanti par la compagnie HISCOX par sinistre.
La clause de limitation concernant le vol « chez les tiers », qui fait corps avec l'exigence pour le tiers de justifier d'une garantie « biens confiés » couvrant les dommages subis, au-delà du montant de 15.000 euros ( HISCOX reconnaissant elle-même qu'il s'agit-là d'une condition de mise en œuvre de la limite de garantie), est dès lors en son intégralité inopposable à l'assuré et, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, le jugement est en conséquence infirmé sur ces points. La société HISCOX sera condamnée à indemniser Mme X. à hauteur de la somme de 266 000 euros, correspondant à la valeur agréée de l'œuvre disparue.
Comme le fait valoir la société HISCOX, cette somme ne peut être augmentée des intérêts légaux à compter du 2 septembre 2016, dès lors qu'il ne résulte pas du courriel invoqué en ce sens par Mme X., une interpellation suffisante caractérisant une mise en demeure de payer au sens des articles 1231-6 et 1344-1 du code civil. En effet, ce courriel, adressé notamment au courtier MERCADE, vaut uniquement déclaration de sinistre.
En revanche, contrairement à ce que soutient la société HISCOX, en matière d'assurance de chose, l'indemnité due par l'assureur étant fixée en fonction de la valeur de la chose assurée au jour du sinistre et ne résultant pas de l'évaluation d'un préjudice faite par le juge, les intérêts moratoires sont dus à compter de la sommation de payer, laquelle ressort au cas d'espèce de l'assignation délivrée le 1er août 2017.
Il convient ainsi de faire droit à la demande subsidiaire de Mme X. tendant à assortir la somme allouée au titre de la garantie, des intérêts au taux légal courant à compter du 1er août 2017, date de l'assignation.
Dès lors que la garantie de la société GENERALI n'est recherchée qu'à titre subsidiaire par Mme X., dans l'hypothèse où la cour aurait fait application de la clause d'exclusion de garantie, ou de celle de limitation de la garantie, il n'y a pas lieu d'examiner les demandes formées par Mme X. à l'encontre de cette société, au titre de la garantie responsabilité civile du fonds. Le jugement est confirmé sur ce point.
Il en est de même des demandes formées par Mme X. à l'encontre de la société MERCADE & ESCIA dont la responsabilité n'est recherchée qu'en l'absence de mobilisation des garanties des compagnies d'assurance HISCOX et GENERALI à son profit. Le jugement est confirmé sur ce point.
La cour examinera ci-dessous les demandes formées par la société CMC, à l'encontre de la société MERCADE & ESCIA en tant que de besoin.
3) Sur le recours en garantie de la société HISCOX à l'encontre de la société CMC :
Le tribunal a condamné la société CMC à garantir la société HISCOX des condamnations prononcées à son encontre, en ce compris celles au titre des intérêts, de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
La société HISCOX sollicite la confirmation du jugement sur ces points, en exposant que la responsabilité de la société CMC est engagée en sa qualité de dépositaire de l'œuvre d'art et d'employeur du salarié dont la négligence a provoqué la perte de celle-ci.
La société CMC sollicite l'infirmation de ces chefs en précisant que le fonds n'a pas vocation à prendre en charge les intérêts de retard ainsi que les dépens et les frais irrépétibles de l'instance, sans développer de moyen sur ce point.
Comme l'a exactement rappelé le tribunal, il résulte des articles 1927, 1932 et 1933 du code civil que le dépositaire n'est exonéré de son obligation de restituer la chose que lorsqu'il rapporte la preuve de l'absence de faute ou de négligence de sa part.
En l'espèce, la société CMC qui ne conteste d'ailleurs pas davantage en appel qu'elle ne l'a fait devant les premiers juges, formellement, sa responsabilité ne rapporte pas cette preuve, alors même qu'il ressort des circonstances du sinistre rappelées précédemment que la disparition de l'œuvre résulte de la négligence de son salarié qui n'a pas apporté à son transport tout le soin nécessaire.
Le jugement est ainsi confirmé en ce qu'il a condamné la société CMC à garantir la société HISCOX des condamnations prononcées à son encontre, comprenant les intérêts de retard ainsi que les dépens et les frais irrépétibles de l'instance.
4) Sur le recours en garantie de la société HISCOX à l'encontre de la société GENERALI :
A titre subsidiaire, en cas de condamnation à indemniser intégralement Mme X., la société HISCOX demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de garantie à l'encontre de GENERALI, et sa condamnation in solidum avec le Fonds à la relever indemne de toute condamnation, en principal et frais annexes.
GENERALI lui oppose cependant à juste titre l'exclusion de garantie stipulée en page 11 des conditions générales pour activité autre que celle indiquée aux dispositions particulières, soit au cas d'espèce l'activité de transport, activité qui n'a pas été déclarée dès lors que les conditions particulières du constat font uniquement mention des « seules activités » exercées par le propre personnel de l'entreprise ou par ses sous-traitants, suivantes : « organisation de manifestations et d'évènements publics tels que vernissages, expositions, projection de films, concerts, rassemblant un public variant entre 100 et 1000 personnes ».
GENERALI fait valoir par ailleurs à juste titre que les dommages résultant d'une opération de transport ou de tout acte juridique se rattachant à l'exécution d'un contrat de transport sont expressément exclus en page 12 des conditions générales, exclusion reprise dans la garantie spécifique « biens confiés ».
Le jugement est confirmé en ce qu'il n'a pas retenu la garantie de GENERALI au profit de la société HISCOX.
5) Sur le recours en garantie de la société CMC à l'encontre de la société GENERALI :
Le tribunal a débouté la société CMC de sa demande de garantie formée à l'encontre de la société GENERALI.
La société CMC demande l'infirmation du jugement sur ce point, en faisant notamment valoir que, s'agissant d'une police de type « tout sauf », le transport hors des locaux n'est pas exclu pour les biens prêtés, et que l'exclusion de garantie invoquée par GENERALI lui est inopposable dès lors que l'œuvre de BRASSAI avait été remise au Fonds en vue de l'exposer, donc pour « réaliser son travail/activité » au sens du contrat, et non pour « exécuter » un travail sur l'œuvre.
GENERALI demande la confirmation du jugement en faisant notamment valoir que, s'agissant au cas d'espèce d'un 'bien confié' au sens du contrat souscrit pour une activité bien précise d'organisation de manifestations et d'évènements publics, la garantie dommage applicable est une garantie spécifique (clause XBS) qui déroge à une exclusion générale des biens confiés, clause comportant une exclusion applicable au transport de ces biens, qui s'inscrit dans le cadre de la RC Générale (comme en atteste le tableau de garantie) et ne peut être rattachée à la 'RC Exploitation' qui constitue la responsabilité du fait d'un site ou d'un local ni à la 'RC Après livraison', garanties autonomes qui ne peuvent se substituer l'une à l'autre.
GENERALI fait valoir que cette clause est opposable à tout demandeur en garantie, et à titre subsidiaire, que cette garantie est limitée à la somme de 80.000 euros, outre la franchise stipulée à hauteur de 3.200 euros maximum.
La police « responsabilité civile des entreprises » souscrite par la société CMC auprès de la société GENERALI mentionne en introduction que ce contrat est établi suivant le principe dit 'garantie tout sauf, c'est à dire que tous dommages entrant dans le cadre des activités déclarées aux dispositions particulières sont garantis, à la seule exception de ceux exclus par le contrat'.
Ce contrat comporte en page 12, parmi les exclusions applicables sauf contrat spécifique, l'exclusion des conséquences dommageables et frais suivants : (...) « Les dommages matériels et/ou immatériels en résultant, causés (...) aux biens confiés et/ou prêtés consécutifs à une disparition, un vol ou tentative de vol (...) Lorsque ces biens se trouvent dans vos locaux et/ou dans un rayon de 100 mètres ».
Ce contrat comporte en outre en page 4/6 des conditions particulières, une extension de garantie intitulée « CLAUSE XBS-DOMMAGES AUX BIENS » rédigée comme suit :
« Par dérogation aux exclusions des dispositions générales, sont garantis les dommages matériels et les dommages immatériels qui en résultent directement, causés aux biens prêtés ou confiés et/ou immeubles existants qui vous sont confiés afin d'effectuer un travail, lorsque ces dommages résultent ou non de l'exécution de ce travail ».
Cette clause est immédiatement suivie de la stipulation suivante :
« Outre les exclusions mentionnées aux dispositions générales, sont exclues les conséquences :
- du transport, de la manutention de ces biens confiés, hors de vos locaux ».
Les conditions particulières contiennent enfin en page 4/6 une clause dénommée « CLAUSE LIBRE 1 » contenant une extension de garantie au titre de la « RESPONSABILITE CIVILE EXPLOITATION » rédigée comme suit :
« Sont couvertes les conséquences pécuniaires de la Responsabilité Civile de l'Assuré lorsqu'elle est recherchée en raison de dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs à un dommage corporel ou matériel garanti, causés à autrui, dans le cadre des activités désignées ci-avant, du fait :
- De l'Assuré ou de toute personne dont il doit répondre, salariée ou non, prenant part aux activités de l'Assuré ; (…) ».
Les conditions particulières comportent en page 5/6 sous l'intitulé « 3 - EXCLUSIONS », la stipulation suivante :
« Outre les exclusions mentionnées aux dispositions générales ne sont pas couverts :
- les dommages causés au cours du transport, de la manutention de ces biens confiés, hors des locaux occupés par l'assuré ».
Le glossaire stipulé en page 6 des conditions générales définit les biens confiés comme étant les « biens mobiliers ou immobiliers appartenant à autrui, sur lesquels vous êtes chargé d'effectuer votre travail » et les biens prêtés comme étant les « biens mobiliers appartenant à autrui et qui vous sont prêtés en vue de réaliser votre travail ».
Le tableau de garantie figurant en page 3/6 des conditions particulières prévoit quant à lui une garantie « dommages matériels et immatériels en résultant causés aux biens mobiliers confiés ou prêtés », à hauteur de 80.000 euros par sinistre, avec une franchise de 10 % des dommages, d'un minimum de 320 euros et d'un maximum de 3.200 euros.
Par courriel du 5 avril 2017, GENERALI a fait savoir qu'elle refusait de garantir le sinistre au titre de la garantie « responsabilité civile » en invoquant l'exclusion contractuelle « des conséquences du transport des biens confiés, hors des locaux ».
Comme rappelé précédemment, la clause litigieuse figure en page 4 des dispositions particulières du contrat, signées par la société CMC, représentée par Mme X. Elle est libellée certes avec une typographie similaire au reste de la police mais en caractère gras et est formelle et limitée en ce qu'elle est énoncée en tête d'une liste d'exclusions, formalisée dans un bloc avec un retrait de marge, de façon limitative et en des termes dénués d'ambiguïté, permettant à l'assuré à partir de faits et circonstances précis de connaître l'étendue de sa garantie, de sorte qu'elle est opposable à la société CMC, contrairement à ce que celle-ci soutient.
En outre, si la clause XBS s'intitule « dommages aux biens confiés », elle vise indistinctement les dommages causés « aux biens meubles prêtés ou confiés », de sorte que la cour ne peut suivre la société CMC lorsqu'elle soutient que la clause d'exclusion qui suit immédiatement, lui serait inapplicable dès lors qu'elle vise uniquement « ces biens confiés », alors même qu'il est constant que la société CMC était dépositaire des œuvres aux fins d'organiser notamment des expositions.
Comme le tribunal l'a relevé, même si l'organisation de vernissages et d'expositions implique le transport des œuvres exposées, il s'agit, compte tenu de la nature des biens en cause, d'opérations complexes qui doivent être adaptées au cas par cas ce qui justifie la souscription de polices spécifiques.
Le sinistre ayant eu lieu à l'occasion du transport de l'œuvre confiée à la société CMC, en dehors des locaux de la société CMC, la garantie « biens confiés » souscrite par la société CMC ne couvre pas les dommages subis par Mme X.
C'est ainsi à juste titre que GENERALI fait valoir que la police d'assurance souscrite par la société CMC auprès de la société GENERALI ne peut être mobilisée au titre de la garantie « biens confiés », applicable à son recours fondé sur sa condamnation prononcée en sa qualité de dépositaire, compte tenu de l'exclusion des dommages causés à l'occasion du transport des biens confiées.
Les garanties responsabilités civiles exploitation et responsabilité civile après livraison n'ont quant à elle pas vocation à être mobilisées, tant pas leur objet, que du fait de la clause d'exclusion visant les dommages causés au cours du transport, de la manutention de ces biens confiés, hors des locaux occupés par l'assuré.
Le jugement est ainsi confirmé en ce qu'il a débouté la société CMC de sa demande de garantie formée à l'encontre de la société GENERALI.
6) Sur le recours de la société CMC à l'encontre de la société MERCADE, en sa qualité d'agent général, pour le contrat GENERALI :
Le tribunal a estimé qu'il n'y avait pas lieu d'examiner les demandes formulées à l'encontre de la société MERCADE par la société CMC, à titre très subsidiaire et non motivée. Elles figurent parmi celles rejetées in fine dans son dispositif.
Subsidiairement, en cas de non garantie ou de garantie partielle de la part de GENERALI du fait des clauses d'exclusion ou de plafond de garantie que cet assureur invoque, la société CMC entend engager sa responsabilité au visa de l'article L. 511-1-III du code des assurances.
Elle fait ainsi grief à la société MERCADE ET CIE, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société MERCADE & ESCHA de ne pas l'avoir suffisamment mise en garde, et de lui avoir fait souscrire une police inadéquate, dès lors que sa garantie responsabilité comporte une clause d'exclusion relative aux transports de biens appartenant à autrui, alors que le Fonds n'est propriétaire d'aucune œuvre d'art et que son activité - parfaitement connue de la société MERCADE - comprend l'organisation d'expositions.
Elle estime que la société MERCADE, mandataire de GENERALI, a ainsi commis une faute de nature à engager la responsabilité de la société GENERALI vis-à-vis du Fonds ouvrant droit à réparation sur le fondement de la perte de chance ne pouvant être inférieure à 90 % du préjudice subi, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation soit le 1er août 2017.
Dans l'hypothèse où il ne devait pas être intégralement garanti par son assureur du fait du contrat, le Fonds sollicite la condamnation de la société GENERALI à lui verser la somme de :
- 239.400 euros, en cas de recours favorablement accueilli de la société HISCOX, supposant une indemnisation de Mme X. à hauteur de 266.000 euros et l'application de la clause d'exclusions « transport des biens confiés » ;
- 167.400 euros, en cas de recours favorablement accueilli de la société HISCOX, supposant une indemnisation de Mme X. à hauteur de 266.000 euros et l'application du plafond « dommage matériel aux biens confiés » ;
- 12.000 euros en cas de recours favorablement accueilli de la société HISCOX, supposant une indemnisation de Mme X. à hauteur de 15.000 euros et l'application de la clause d'exclusion « transport des biens confiés ».
La société MERCADE réplique que le jugement doit être confirmé en ce qu'il n'a pas retenu de condamnation à son encontre.
GENERALI, qui s'associe sur ce point aux arguments développés par la société MERCADE conteste toute responsabilité de son mandataire, et subsidiairement demande la garantie du cabinet MERCADE (anciennement dénommée MERCADE et ESCIA) de toutes condamnations prononcées à son encontre.
Comme l'expose à bon droit la société MERCADE en sa qualité d'agent général, au vu des pièces produites, et plus particulièrement des conditions et clauses d'exclusion de garantie du contrat responsabilité civile des entreprises GENERALI analysées ci-dessous, souscrit par son intermédiaire, la société CMC échoue à rapporter la preuve d'une faute de nature à engager la responsabilité de la société MERCADE.
En effet, comme analysé ci-dessus, le contrat souscrit par le Fonds est un contrat « tout sauf », « c'est-à-dire que tous les dommages entrant dans le cadre des activités déclarées aux Dispositions Particulières sont garantis, à la seule exception de ceux exclus par le contrat ».
L'objet des garanties est de garantir « les conséquences pécuniaires de votre Responsabilité Civile lorsqu'elle est recherchée en raison des dommages corporels, matériels et/ou immatériels causés à autrui, y compris à vos clients, du fait des activités de l'entreprise déclarées aux dispositions Particulières sous réserve des exclusions prévues au contrat ».
L'activité déclarée par l'assurée est la suivante : « organisation de manifestations et d'événements publics tels que : vernissages, expositions, projection de films, concerts. Rassemblant un public variant entre 100 et 1000 personnes ».
Comme le font valoir les sociétés MERCADE et GENERALI, le but de cette police est donc de garantir les dommages causés au tiers au cours des « manifestations » et des « événements publics tels que : vernissages, expositions, projection de films, concerts ».
Cette garantie existe et à été donnée à concurrence de 8.000.000 euros tous dommages confondus avec des sous plafonds.
Ce contrat (tous sauf) prévoit en page 12 des conditions générales que sont exclus « les dommages matériels et/ou immatériels en résultant, causés (…) aux biens confiés et/ou prêtés consécutifs à une disparition un vol ou une tentative de vol, un acte de vandalisme, un incendie, une explosion, à l'action de l'eau, lorsque ces biens se trouvent dans vos locaux et/ou dans un rayon de 100 mètres ».
Cependant, compte tenu du fait que le Fonds est chargé de présenter les œuvres appartenant à Mme X., le cabinet MERCADE a proposé une dérogation à cette exclusion sous forme d'une clause dénommée « CLAUSE XBS - DOMMAGES AUX BIENS CONFIES » qui prévoit : « Par dérogation aux exclusions des Dispositions Générales, sont garantis les dommages matériels et les dommages Immatériels qui en résultent directement, causés aux biens meubles prêtés ou confiés et/ou immeubles existants qui vous sont confiés afin d'effectuer un travail, lorsque ces dommages résultent ou non de l'exécution de ce travail ».
Était cependant prévue l'exclusion : « Des conséquences : - du transport, de la manutention de ces biens confiés, hors de vos locaux ».
Pour les motifs exposés ci-dessus, la cour estime que cette clause est valable.
Cette exclusion se justifie au demeurant en ce que :
- l'organisation de « vernissages, expositions, projection de films, concerts » consiste à organiser avec des professionnels ayant recours à des transporteurs si nécessaire ces évènements ;
- la garantie de chaque transport doit donner lieu à une analyse spécifique compte tenu des valeurs transportées, des emballages et du matériel utilisé pour ce transport.
Or, comme le fait valoir la société MARCADE, il n'est pas démontré qu'un assureur aurait accepté de garantir le transport d'une œuvre de 266.000 euros dans les conditions dans lesquelles le sinistre est survenu, à savoir de façon mal arrimée sur un diable tiré par une personne qui de ce fait tournait le dos à l'œuvre confiée, échappant ainsi à sa surveillance.
La société MERCADE n'est par ailleurs pas utilement contredite lorsqu'elle explique que généralement, dans le cadre des conventions conclues entre les parties (propriétaires des œuvres ou organisateur agissant pour le compte du propriétaire et galeries ou musées) sont prévues contractuellement les conditions du transport et la charge de la souscription de l'assurance.
Par ailleurs, la cour estime que le contrat soumis à la signature du Fonds était clair et les garanties données adaptées à l'activité déclarée, dès lors que :
- la garantie de la responsabilité civile professionnelle du Fonds a été souscrite pour les activités déclarées ;
- l'extension BIENS CONFIES a été proposée et acceptée ;
- l'exclusion des risques du transport est claire et figure dans les conditions particulières signées par l'assuré après en avoir pris connaissance.
En outre, le Fonds ne prétend ni ne justifie avoir demandé de revoir cette exclusion, ou avoir déclaré à l'agent général se charger des transports des œuvres d'une valeur de plus de 15 millions d'euros éventuellement à l'aide d'un diable tiré.
Enfin, le Fonds ne justifie pas avoir questionné la compagnie ou l'intermédiaire sur les garanties transports pour les expositions faites. Or, cela incombe à tout organisateur.
Dès lors que le Fonds n'avait pas à être mieux éclairé sur les conditions, limites et clauses d'exclusion de la garantie, en présence de clauses claires et compréhensibles, aucune faute ne peut être reprochée à la société MERCADE.
Le jugement est en conséquence confirmé sur ce point également.
L'examen de la demande formée par GENERALI subsidiairement aux fins d'être garantie par le cabinet MERCADE est dès lors sans objet.
7) Sur la demande en paiement de prime :
Le tribunal a condamné Mme X. à payer à la société HISCOX la somme de 13.361,48 euros au titre de la portion de prime correspondant à la période antérieure à la résiliation du contrat et ordonné la compensation de cette condamnation avec celle de la société HISCOX (limitée à 15.000 euros).
La société HISCOX sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné Mme X. à lui payer la prime d'assurance mais son infirmation en ce qu'il a fixé ce montant à la somme de 13.361,48 ; elle réclame le paiement de la prime due pour l'échéance du 7 octobre 2016 au 6 octobre 2017, soit la somme de 30.477,83 euros en soutenant que le contrat prévoit le paiement d'une prime annuelle non fractionnée, l'assureur est en droit d'exiger le paiement de l'intégralité de la prime échue et impayée, que la notion de cause a disparu du droit des obligations depuis l'ordonnance du 10 février 2016 et que le contrat stipule qu'en cas de résiliation pour non-paiement de la prime l'intégralité de la prime reste acquise à l'assureur, qui justifie d'un préjudice en ce que l'absence de respect du délai de résiliation par Mme X. et le refus de paiement de la cotisation d'assurance exigible due par elle ont, empêché toute prévisibilité sur l'absence de maintien pour l'avenir de la prime due au titre de ce contrat.
Mme X. sollicite la confirmation du jugement sur le principe, le quantum et la compensation, en répliquant que la société HISCOX ayant elle-même résilié à compter du 15 mars 2017 le contrat (qui était entré en vigueur par tacite reconduction le 6 octobre 2016), sa demande est abusive et se trouve dépourvue de cause pour la période postérieure où la garantie n'était plus due, de sorte que le montant de la prime doit être ramené à 13.361,48 euros correspondant au calcul suivant ;
- portion de prime concernée : période entre le 6 octobre 2016 et le 15 mars 2017 (date de résiliation), soit, 160 jours, soit 43,83 % de l'année ;
- 43,84% x 30.477,83 euros (prime réclamée) =13.361,48 euros.
Elle ajoute que la clause invoquée par l'assureur figure parmi celles qui sont « de manière irréfragable présumées abusives » au sens de l'article R. 212-1 du code la consommation (applicable en l'espèce puisque le contrat a été reconduit le 6 octobre 2016 et que le texte est entré en vigueur le 1er juillet 2016), de sorte qu'elle doit être déclarée non écrite.
Comme l'a relevé le tribunal, les conditions générales du contrat prévoient en page 11 :
« En cas de non-paiement d'une prime, d'un complément ou d'une fraction de prime dans les 10 jours de son échéance, nous pouvons, sans renoncer à la prime que vous nous devez et dans les conditions prévues à l'article L 113-3 du Code des Assurances :
* suspendre la garantie dans les 30 jours,
* résilier le contrat 10 jours après l'expiration du délai de 30 jours.
La portion de prime afférente à la période non courue nous reste acquise à titre d'indemnité ».
Il est constant que la prime n'a pas été réglée à son échéance, pour la période du 7 octobre 2016 au 6 octobre 2017.
Par lettre recommandée du 3 février 2017, la société HISCOX a ainsi mis en demeure Mme X. de régler la prime en cause, le courrier rappelant les dispositions des articles L. 113-3 et R. 113-2 du code des assurances.
En l'absence de paiement, bien qu'aucune lettre recommandée en attestant ne soit versée au débat et que la résiliation ne soit pas automatique à l'issue des délais précités, il n'est pas contesté que le contrat a été résilié par l'assureur, 40 jours plus tard, soit à compter du 15 mars 2017, comme en atteste le courriel du 13 juin 2017 de la société HISCOX au conseil de Mme X., faisant état de cette résiliation mais aussi de la possibilité de « rétablir la situation » avec le paiement de la prime due et « remise en vigueur de la police ».
Contrairement à ce que soutient la société HISCOX, si la réforme opérée par l'ordonnance du 10 février 2016 a supprimé la notion de cause parmi les conditions de validité des contrats (ancien article 1131), l'article 1128 nouveau n'exigeant plus que le consentement des parties, leur capacité de contracter et un contenu licite et certain pour qu'un contrat soit valide, ses fonctions essentielles ont été maintenues par l'ordonnance, de sorte que cette réforme ne vient nullement mettre un terme au fait que la résiliation met fin, à compter de sa date, à l'obligation de l'assuré de payer les primes qui se trouvent dès lors dépourvues de cause.
Par ailleurs, l'article R. 212-1 du code de la consommation qu'invoque Mme X. liste les clauses abusives qui sont interdites au sens de l'article L. 212-1 du même code, dans les contrats conclus entre professionnel et consommateur, en ce qu'elles créent un déséquilibre significatif au détriment du consommateur.
Les « clauses noires » sont reconnues de manière irréfragable, comme abusives et les « clauses grises » sont présumées abusives, la charge de la preuve pèse sur le professionnel, celui-ci devant alors apporter la preuve de leur caractère non abusif en cas de litige.
Les clauses interdites ou reconnues abusives sont réputées non écrites.
Parmi les « clauses noires » figurent celles ayant pour objet ou effet « de contraindre le non-professionnel ou le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n'exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d'un bien ou son obligation de fourniture d'un service », ce qui correspond au cas d'espèce.
Dès lors, elle doit être réputée non écrite.
Sans qu'il soit nécessaire d'analyser le préjudice que la conservation de la portion de prime permettait selon l'assureur d'indemniser, le jugement est confirmé en ce qu'il a limité la condamnation de Mme X. à la portion de prime correspondant à la période antérieure à la résiliation du contrat, soit la somme de 13.361,48 euros.
Compte tenu de la solution retenue par la cour, et conformément à la demande de Mme X., au sujet de laquelle la société HISCOX ne formule aucune observation, il convient d'ordonner la compensation de cette somme avec la somme mise à la charge de la société HISCOX, portée en cause d'appel à hauteur de la somme principale de 266.000 euros.
8) Sur les demandes annexes :
Au regard de l'issue du litige, la société HISCOX et la société CMC, parties perdantes, seront condamnées in solidum aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit des avocats qui en ont fait la demande, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Il convient, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de mettre à la charge de la société HISCOX une partie des frais non compris dans les dépens et exposés par Mme X. à l'occasion de la première instance et de l'instance d'appel. Elle sera condamnée à lui payer la somme de 3.000 euros à ce titre en cause d'appel, s'ajoutant à celle ordonnée par le tribunal, dont la décision est confirmée sur les frais irrépétibles et les dépens.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a dit que la société CMC devra garantir la société HISCOX des condamnations prononcées à son encontre au titre des frais irrépétibles et des dépens, la cour prononçant cette même garantie en cause d'appel.
Enfin, le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné Mme X. et la société CMC à payer à la société GENERALI et à la société MERCADE la somme de 2.500 euros chacune, la cour prononçant la même condamnation en cause d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
statuant en dernier ressort, contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a condamné la société HISCOX SA à payer à Mme X. la somme de 15.000 euros au titre du sinistre survenu le 1er septembre 2016 ;
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant :
Condamne la société HISCOX SA à payer à Mme X. la somme de 266.000 euros au titre du sinistre survenu le 1er septembre 2016, somme augmentée des intérêts au taux légal courant à compter du 1er août 2017 ;
Condamne Mme X. à payer à la société HISCOX SA la somme de 13.361,48 euros au titre de la prime du contrat n°FFA0140076 ;
Ordonne la compensation entre cette condamnation et celle prononcée à l'encontre de Mme X. au profit de la société HISCOX SA à hauteur de la somme de 13.361,48 euros au titre de la prime du contrat n°FFA0140076 ;
Condamne la société CMC FONDS de DOTATION A X. DITE
« Z.. » à garantir la société HISCOX SA de toutes les condamnations prononcées à son encontre tant au titre de la garantie qu'au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
Déboute la société CMC FONDS de DOTATION A X. DITE « Z.. » de sa demande de condamnation de la société MERCADE en sa qualité d'agent général, pour la souscription du contrat GENERALI ;
Condamne la société HISCOX SA à payer à Mme X. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme X. et la société CMC FONDS de DOTATION A X. DITE « Z.. » à payer à la société GENERALI et à la société MERCADE & ESCIA la somme de 2.500 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum la société HISCOX SA et la société CMC FONDS de DOTATION A X. DITE « Z.. » aux dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile par les avocats qui en ont fait la demande ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE