CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

6125 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Suspension du contrat - Exception d’inexécution du professionnel

Nature : Synthèse
Titre : 6125 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Suspension du contrat - Exception d’inexécution du professionnel
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
Notice :
Imprimer ce document

 

CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6125 (10 juillet 2020)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CLAUSE

INEXÉCUTION DU CONTRAT - SUSPENSION DU CONTRAT

EXCEPTION D’INEXÉCUTION INVOQUÉE PAR LE PROFESSIONNEL

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

Présentation et rappel du droit commun. L’exception d’inexécution est un moyen de défense qui permet au débiteur, dans un contrat synallagmatique, comportant des obligations à la charge des deux parties, de refuser d’exécuter ses obligations, tant que son cocontractant n’exécute pas les siennes, dès lors qu’il appartenait à ce dernier de s’exécuter en premier. Longtemps absente du Code civil, elle est depuis l’ordonnance du 10 février 2016 régie - sommairement - par les nouveaux art. 1219 et 1220 C. civ. Selon le premier texte, « une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ». Le second offre une possibilité nouvelle de suspension lorsque l’inexécution n’est pas encore actuelle, mais qu’il est manifeste qu’elle ne se produira pas, à condition de notifier la suspension dans les meilleurs délais.

Le professionnel et le consommateur peuvent donc en principe en bénéficier tous les deux, mais les clauses imposées par les professionnels dans les contrats de consommation visent à en aménager le fonctionnement : du côté du consommateur, pour en interdire ou en restreindre son utilisation par celui-ci (V. Cerclab n° 6126) et du côté du professionnel, au contraire, pour tenter d’en élargir l’utilisation (V. ci-dessous et aussi Cerclab n° 6055).

Comparaison entre la suspension et la résolution. Le caractère abusif des clauses liées à l’utilisation de l’exception d’inexécution par le professionnel relève d’une typologie comparable à celle des clauses concernant la résiliation du contrat, d’autant plus que la suspension annonce souvent la rupture définitive du contrat.

La comparaison doit toutefois se faire en gardant à l’esprit une constante générale : la suspension du contrat est, sauf exception, une mesure moins grave que la résiliation, dès lors qu’elle n’est que temporaire et qu’au surplus elle peut permettre une régularisation de la situation évitant la disparition du contrat. En ce sens, d’ailleurs, une clause préalable autorisant la suspension peut supprimer le déséquilibre créé par une clause résolutoire jouant automatiquement dès le premier manquement (V. Cerclab n° 6129). § Certaines des décisions recensées évoquent explicitement cette idée. V. par exemple : TGI Nanterre (1re ch. A), 3 mars 1999 : RG n° 12166/97 ; Site CCA ; Cerclab n° 4012 ; D. Affaires 1999. 860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729 (téléphonie mobile ; n’est pas abusive la clause prévoyant la possibilité pour l’opérateur de suspendre la ligne si l’abonné manque à l’une quelconque de ses obligations, dès lors qu’une telle mesure ne revêt pas la même gravité qu’une mesure de résiliation, en ce qu’elle est temporaire et révocable et qu’elle peut être évitée par une régularisation de la situation par l’abonné) - TGI Nanterre (1re ch. A), 17 mars 1999 : RG n° 12004/98 ; Site CCA ; Cerclab n° 4013 ; D. Affaires 1999. 860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729 (téléphonie mobile ; la suspension à défaut d’avoir prévenu dans les huit jours l’opérateur de son changement d’adresse est une mesure temporaire et révocable, qui n’apparaît pas disproportionnée à la gravité du manquement) - TI Grenoble, 28 juin 2012 : RG n° 11-09-000872 ; site CCA ; Cerclab n° 4109 (crédit renouvelable ; n’est ni abusive, ni illicite, la clause qui prévoit la possibilité de suspendre le contrat, même en cas d’impayé partiel, dès lors qu’il est constant qu’une clause de résiliation en cas de non-paiement d’une seule mensualité n’est pas abusive et que la suspension est nécessairement moins grave qu’une résiliation) - CA Paris (pôle 5 ch. 5), 29 novembre 2012 : RG n° 09/22267 ; Cerclab n° 4061 (accès internet ; la sanction n’est qu’une suspension susceptible de régularisation).

Progressivité des sanctions. V. par exemple : TGI Paris, 12 février 2019 : RG n° 14/07224 ; Cerclab n° 8252 ; Juris-Data n° 2019-003111 (réseau social ; 2-e ; CGU n° 5 ; 2-g ; CGU n° 7 ; absence de caractère abusif des clauses autorisant la suppression de contenus contraires aux lois ou au contrat, mais condamnation de la clause rédigée de façon générale et abrupte, notamment en ce qu’elle ne fournit aucune garantie d'explications contradictoires pouvant être formées par l'utilisateur en cas de reproche à ce dernier d'utilisation délibérément inappropriée ou frauduleuse à partir de son compte et qu’elle ne comporte aucune progressivité dans le passage de la simple mesure de suspension à la mesure de cessation définitive de fourniture de services).

Professionnel devant s’exécuter en premier. Lorsque le professionnel ne peut utiliser l’exception d’inexécution, notamment parce qu’il lui appartient d’exécuter en premier son obligation, il n’est pas abusif qu’une autre clause vise à préserver ses droits. V. pour une illustration de cette idée : n’est pas abusive la clause pénale d’un contrat de fourniture de gaz prévoyant, qu’en cas de retard de paiement du client et après mise en demeure préalable, des pénalités de retard seront dues, l’absence de déséquilibre résultant du fait que le client peut retenir le paiement en cas de retard de livraison, alors qu’en cas de retard de paiement, le prestataire n’a pas de contrepartie.CA Versailles (3e ch.), 20 mai 2005 : RG n° 03/07266 ; arrêt n° 265 ; site CCA ; Cerclab n° 3945.

A. CLAUSES ABUSIVES EN RAISON DES MANQUEMENTS VISÉS

Clause autorisant une suspension sans inexécution. L’exception d’inexécution vise à protéger le débiteur d’une obligation en cas d’inexécution de l’obligation de son cocontractant. Les deux points importants sont donc que le débiteur doive s’exécuter en premier ou fournir en permanence une prestation et que l’obligation ne soit pas exécutée, ce qui autorise le créancier à suspendre l’exécution de sa propre obligation. En revanche, la cause de l’inexécution n’est pas prise en compte (comp. l’art. 1219 C. civ. précité, qui ne distingue pas) et l’exception peut jouer que celle-ci soit imputable au cocontractant défaillant ou à un cas de force majeure (V. Cerclab n° 6113).

En revanche, la suspension suppose nécessairement une inexécution. Pour des décisions déclarant abusives des clauses autorisant le professionnel à suspendre son obligation en l’absence de tout manquement du consommateur, V. par exemple : est abusive la clause qui autorise ainsi le fournisseur d’accès internet à suspendre l’exécution de ses obligations, que la connexion soit active (déconnexion après 17 ou 24 heures selon les contrats) ou inactive (déconnexion après une heure), dès lors que dans un contrat synallagmatique, une partie n’est autorisée à ne pas exécuter ses prestations que lorsque son cocontractant commet lui-même une violation de ses propres obligations, et que l’usage prolongé des services par l’abonné ne constitue pas une telle faute, alors que l’opérateur s’est engagé à assurer l’accès au réseau 24 h sur 24. TGI Nanterre (6e ch.), 9 février 2006 : RG n° 04/02838 ; Cerclab n° 3994.

Rappr. pour une clause illicite : est illicite, au regard de l’art. L. 113-5 C. assur., la clause prévoyant qu’au cas où le paiement de la prime annuelle est fractionné, le sinistre rend exigible les fractions de prime non encore échues, même si l'adhérent serait à jour de ses obligations ; ce mécanisme contractuel, qui subordonne l'indemnisation du sinistre au règlement de fractions de prime non encore échues, est d'autant plus paradoxal que ni la procédure de suspension des garanties de l'art. L. 113-3 C. assur., ni la procédure d'exclusion de l'art. 141-3 de ce même code n'ont été mises en œuvre. CA Grenoble (1re ch. civ.), 21 juin 2016 : RG n° 13/01940 ; Cerclab n° 5680 (« en cas de sinistre, il sera demandé le paiement intégral de la cotisation annuelle avant l'indemnisation du sinistre »), sur appel de TGI Grenoble, 8 avril 2013 : RG n° 10/03470 ; Dnd.

Clause autorisant une suspension pour un manquement légitimement justifié. L’inexécution du consommateur peut avoir parfois une cause justifiée (manquement fondé sur une clause abusive, inexécution du professionnel). § Pour l’idée, V. Recomm. n° 99-02/12 : Cerclab n° 2193 (téléphones portables ; considérant évoquant plusieurs griefs dont le fait que le consommateur peut avoir un motif légitime à l’inexécution). § Pour les juges du fond : TGI Nanterre (6e ch.), 9 février 2006 : RG n° 04/02838 ; Cerclab n° 3994 (accès internet ; si le défaut de paiement de l'abonnement constitue une violation d'une des obligations essentielles du client, et si le fournisseur doit être admis à se prévaloir de l'exception d'inexécution, la clause d’interruption du service en cas de non-paiement doit, afin d'assurer l'équilibre entre les intérêts des parties, notamment dans l'hypothèse où le non-paiement résulterait d'une contestation justifiée de la facture, prévoir que l'interruption des prestations ne peut intervenir qu'après une mise en demeure et un délai suffisant afin que l'intéressé puisse régulariser sa situation ou faire éventuellement connaître les motifs de son abstention de nature à faire obstacle à cette sanction). § N.B. L’hypothèse appelle deux remarques. D’une part, comme une inexécution pour force majeure autorise le jeu de l’exception d’inexécution, la stipulation n’est en l’espèce contestable que parce que le consommateur n’a commis aucun manquement et donc aucune inexécution. D’autre part, compte tenu de l’effet simplement suspensif de la mesure, la situation doit pouvoir se dénouer rapidement dès que le consommateur a fourni les justifications de sa position.

Rappr. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 30 mars 2018 : RG n° 15/08688 ; Cerclab n° 7532 (art. 11.1 ; absence de caractère abusif d’une clause de suspension se fondant sur des clauses qui n’ont pas été jugées abusives), infirmant TGI Paris, 24 février 2015 : RG n° 13/01136 ; Dnd.

Clause autorisant une suspension pour un manquement imprécis. Pour que le reproche fait au consommateur soit pertinent, encore faut-il que ce dernier ait une connaissance précise de ses engagements, sans quoi la clause dissimule en réalité une faculté de suspension discrétionnaire, jugée abusive (V. ci-dessous). § V. par exemple pour les juges du fond : est abusive la clause prévoyant pour les manquements de moindre gravité l’envoi d’un avertissement ou la suspension de l’abonnement jusqu’à régularisation, dès lors que la suspension n’est pas précédée d’un avertissement et que les manquements peu graves ne sont pas définis. TGI Nanterre (1re ch. sect. A), 2 juin 2004 : RG n° 02/03156 ; site CCA ; Cerclab n° 3993 (fourniture d’accès internet), confirmé par adoption de motifs par CA Versailles (1re ch. 1re sect.), 15 septembre 2005 : RG n° 04/05564 ; Cerclab n° 3146 ; Juris-Data n° 2005-283144 ; Lamyline. § Était abusive la clause de suspension et résiliation du contrat qui, en visant « notamment » des comportements, permettait d'étendre la sanction à des faits non visés, était imprécise contrairement aux prescriptions de l’ancien art. L. 121-83 devenu L. 224-30 C. consom. CA Versailles (1re ch. 1re sect.), 8 février 2019 : RG n° 17/05367 : Cerclab n° 8243 (art. 10.3 CG abon.), infirmant TGI Nanterre (pôle civ. ch. 7), 30 mai 2017 : RG n° 13/01009 ; Dnd. § Reste abusive la clause qui permet à l’opérateur un pouvoir d'appréciation discrétionnaire du « comportement raisonnable » de l’abonné, les notions de « comportement raisonnable » et « d'utilisation frauduleuse » étant ambigües. CA Versailles (1re ch. 1re sect.), 8 février 2019 : RG n° 17/05367 : Cerclab n° 8243 (art. 10.3 CG abon.), infirmant TGI Nanterre (pôle civ. ch. 7), 30 mai 2017 : RG n° 13/01009 ; Dnd. § V. aussi : CA Paris (pôle 5 ch. 6), 9 février 2018 : RG n° 16/03064 ; Cerclab n° 7433 (compte de dépôt ; clause n° 22 ; caractère abusif de la clause permettant la suspension du service en ligne sans préavis ou sans que soient listés les cas de figure susceptibles de motiver ce refus), confirmant TGI Paris, 8 décembre 2015 : RG n° 14/00309 ; Dnd.

Clause autorisant une suspension pour un manquement dans un autre contrat (suspension par « contagion »). L’utilisation de l’exception d’inexécution dans un contrat correctement exécuté par le consommateur, en raison d’une inexécution sur une autre convention, devrait encourir les mêmes reproches que pour les clauses de résiliation par contagion (sur ces clauses, V. Cerclab n° 6130 et Cerclab n° 6623 pour les contrats de crédit).

Les décisions recensées semblent plus tolérantes. V. par exemple : CA Paris (5e ch. A), 25 février 1998 : RG n° 96/00851 ; arrêt n° 82 ; Cerclab n° 1105 ; Juris-Data n° 021225 (contrat d’insertion publicitaire dans un annuaire téléphonique ; les parties, dans le respect de la liberté contractuelle, pouvant valablement convenir d’une connexité entre plusieurs contrats, la clause d’un contrat d’adhésion qui prévoit la suspension de l’exécution d’une obligation en raison du non paiement par le cocontractant du solde d’un contrat précédent, ayant de plus pour objet la même nature de prestation, ne caractérise ni un abus de puissance économique ni le caractère abusif de cette clause) - TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 30 septembre 2008 : RG n° 06/17792 ; jugt n° 5 ; Cerclab n° 4038 (absence de caractère abusif de la clause prévoyant que les abonnements souscrits par un abonné auprès de l’opérateur seront en partie dépendants les uns des autres et que le non-paiement par l’abonné pour l’un des contrats, pourra entraîner une restriction des prestations d’un autre abonnement ; même solution pour la suspension). § V. aussi, dans une hypothèse un peu différente : n’est pas abusive la clause permettant à l’opérateur de suspendre un nouveau contrat s’il découvre que l’abonné est débiteur à son égard dans le cadre d’autres conventions et obligeant l’abonné à régulariser la situation dans les huit jours, sous peine de résiliation. TGI Nanterre (1re ch. A), 3 mars 1999 : RG n° 12166/97 ; Site CCA ; Cerclab n° 4012 ; D. Affaires 1999. 860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729 (professionnel justifiant la clause par le souci d’éviter les fraudes, l’argument opposé par l’association, selon lequel le non-paiement pourrait être justifié, étant considéré comme visant une situation irréaliste, dès lors que, dans un environnement concurrentiel, le consommateur confronté à une difficulté l’opposant à son cocontractant, sera dissuadé de contracter à nouveau avec lui et se portera naturellement vers un autre opérateur).

Clause autorisant une suspension discrétionnaire par le professionnel. La clause la plus contestable est sans doute celle par laquelle le professionnel suspend discrétionnairement l’exécution de son obligation (compte tenu de l’effet temporaire d’une telle attitude, la sanction des conditions potestatives n’est pas applicable, même si les situations sont, dans l’esprit, assez comparables).

V. pour la Commission des clauses abusives : la Commission recommande d’éliminer les clauses permettant au preneur de suspendre temporairement le contrat pour une raison qu’il apprécie unilatéralement. Recomm. n° 80-01/3° : Cerclab n° 2144 (location d’emplacement publicitaire ; V. aussi le 5° visant les clauses accordant au professionnel le droit unilatéral de diminuer le prix, suspendre ou résilier le contrat). § La Commission recommande que soient éliminées les clauses permettant de réserver à la société concessionnaire la faculté de retirer à tout moment la carte à l’abonné, lorsque cette faculté n’est soumise à aucun motif légitime et adapté. Recomm. 95-01/3° : Cerclab n° 2163 (abonnement autoroutier). § La Commission recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de permettre au télésurveilleur de suspendre l’exécution de sa prestation de manière discrétionnaire ou sans en informer préalablement le consommateur. Recomm. n° 97-01/B-4 : Cerclab n° 2166 (considérant n° 8 ; clauses visées : clauses de suspension pour des causes qui ne sont pas clairement définies ou à la seule initiative du professionnel et sans information préalable du consommateur).

V. par exemple pour la Cour de cassation : est abusive la clause autorisant la banque à suspendre l’exécution de tout ou partie d’un service d’accès en ligne, sans aucun préavis ni formalités, en cas d’utilisation non conforme aux présentes conditions générales, notamment en cas de non-paiement de l’abonnement, dès lors que, par sa généralité et l’imprécision de la notion « d’utilisation non conforme », elle confère à la banque un pouvoir discrétionnaire de suppression d’un service prévu au contrat et crée ainsi un déséquilibre significatif au détriment du consommateur. Cass. civ. 1re, 23 janvier 2013 : pourvois n° 10-21177 et n° 10-22815 ; Cerclab n° 4187, rejetant le pourvoi contre CA Grenoble (1re ch. civ.), 18 mai 2010 : RG n° 07/04169 ; site CCA ; Cerclab n° 4157 (clause abusive dès lors que, par sa généralité et l'imprécision de la notion « d'utilisation non conforme » cette clause confère à la banque un pouvoir discrétionnaire de suppression d'un service prévu au contrat qui ne se justifie pas et crée un déséquilibre significatif au détriment du consommateur), confirmant TGI Grenoble (4e ch. civ.), 12 novembre 2007 : RG n° 05/03780 ; Cerclab n° 4158 (idem ; le jugement évoque aussi le fait que la formule générale peut couvrir des manquements de gravité très inégales, V. ci-dessous B).

V. par exemple pour les juges du fond : la clause qui réserve à l’agence matrimoniale la possibilité de suspendre le contrat si la conseillère estime que l’état psychologique de l’adhérent est momentanément peu propice aux rencontres est abusive en ce que l’appréciation de l’état psychologique de l’adhérent est nécessairement laissée à la discrétion du professionnel. TGI Rennes (1re ch. civ.), 21 janvier 2008 : RG n° 06/04221 ; Cerclab n° 3436, sur appel CA Rennes (1re ch. B), 30 avril 2009 : RG n° 08/00553 ; Cerclab n° 2506 (problème non examiné, l’appel étant limité à une autre clause). § V. aussi : TGI Nanterre (1re ch. A), 3 mars 1999 : RG n° 12166/97 ; Site CCA ; Cerclab n° 4012 ; D. Affaires 1999. 860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729 (téléphonie ; sont abusives les clauses prévoyant la faculté pour l’opérateur de retirer temporairement sa carte à l’abonné pour des raisons de sécurité et des impératifs liés aux conditions d’exploitation, avec effet immédiat et application du prix de l’utilisation du réseau public de télécommunication en cas d’utilisation irrégulière, dès lors qu’en l’absence de définition précise des « impératifs liés aux conditions d’exploitation », la décision de retrait est laissée à l’appréciation discrétionnaire de l’opérateur sans contrôle réel de l’abonné, que cette mesure ne prévoit aucun préavis permettant au consommateur de pallier ce retrait et qu’enfin le montant du prix et ses modalités de calcul ne sont pas spécifiés dans le contrat) - TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 21 février 2006 : RG n° 04/02910 et 04/08997 ; jugt n° 2 ; site CCA ; Cerclab n° 4024 (accès internet ; clause abusive autorisant le fournisseur à suspendre ou résilier le contrat de plein droit, sans préavis ni formalité judiciaire, en cas de retard ou d’incident de paiement, dès lors qu’elle accorde au fournisseur une faculté de résiliation discrétionnaire - N.B. sans doute parce que le professionnel est libre de l’invoquer ou pas - et que l’absence de préavis ne permet pas à l’usager de contester l’incident ; jugement semblant implicitement faire référence à l’absence de réciprocité ; clause omise par l’arrêt d’appel).

Clause autorisant une suspension pour tout manquement ou pour un manquement mineur. Comme pour les clauses résolutoires (V. Cerclab n° 6129), un des griefs fréquemment faits aux clauses relatives à la suspension du contrat par le professionnel concerne l’extension du procédé à des manquements d’importance secondaire, hypothèse comprise dans les stipulations courantes visant à sanctionner « tout manquement du consommateur ».

En droit commun, l’exigence d’un manquement suffisamment grave était déjà connue du droit antérieur à la réforme du Code civil et l’art. 1219 C. civ. l’évoque explicitement dans le régime supplétif de l’exception (« si cette inexécution est suffisamment grave »). Ce texte pourrait donc désormais servir de référence pour l’appréciation du déséquilibre.

Cependant, il convient d’ajouter qu’antérieurement, en droit commun, l’exception d’inexécution devait aussi être proportionnée au manquement et un refus d’exécution total pouvait être contesté si l’inexécution n’était que partielle et ne compromettait pas l’ensemble du contrat. L’art. 1219 C. civ. n’évoque pas cette question et se contente d’une vision très simpliste des obligations des parties - « son obligation » - alors qu’un contrat est un ensemble structuré d’obligations souvent multiples. Il est tout à fait fréquent de retenir une partie du prix lorsqu’une obligation secondaire n’a pas été accomplie (ex. accessoire non livré). Il conviendra de déterminer si la jurisprudence antérieure sera conservée, en interprétant par exemple avec souplesse la référence à l’obligation comme ne visant pas nécessairement l’obligation principale.

* CJUE. Rappr. pour une clause différente, de déchéance du terme : la CJUE, qui ne contrôle pas directement le caractère abusif d’une clause, s’attache à définir la méthode devant être appliquée pour apprécier l’existence d’un déséquilibre significatif (Cerclab n° 5980). Dans ce cadre, elle a notamment indiqué que, s’agissant d’une clause relative à l’échéance anticipée, dans les contrats de longue durée, en raison de manquements du débiteur pendant une période limitée, il incombe au juge de renvoi de vérifier, notamment : 1/ si la faculté du professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l’inexécution par le consommateur d’une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, 2/ si cette faculté est prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave par rapport à la durée et au montant du prêt, 3/ si ladite faculté déroge aux règles applicables en la matière. CJUE (1re ch.), 14 mars 2013, Aziz / Caixa d’Estalvis de Catalunya, Tarragona i Manresa (Catalunyacaixa). : Aff. C-415/11 ; Rec. ; Cerclab n° 4978 (point n° 73 ; arrêt visant les points n° 77 et 78 des conclusions de l’avocate générale ; N.B. l’arrêt vise aussi la possibilité d’une régularisation, V. ci-dessous).

* Commission des clauses abusives. V. en ce sens pour la Commission des clauses abusives : la Commission recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de permettre la suspension sans préavis des services, en cas de manquement même mineur de l’abonné à l’une de ses obligations. Recomm. n° 99-02/12 : Cerclab n° 2193 (téléphones portables ; considérant évoquant plusieurs griefs : suspension inopinée et sans préavis pouvant être très préjudiciable, consommateur pouvant avoir un motif légitime à l’inexécution, manquements parfois bénins).

* Juges du fond. Dans le même sens pour les juges du fond : TI Avignon, 9 janvier 1981 : RG n° 146/80 et 168/80 ; jugt n° 5 ; Cerclab n° 30 (location d’emplacement publicitaire ; suppression d’une clause léonine créant un avantage excessif en permettant au professionnel locataire de suspendre unilatéralement et arbitrairement le contrat), sur appel CA Nîmes (2e ch.), 15 décembre 1983 : RG n° 81-812 ; arrêt n° 666 ; Cerclab n° 1078 (clause non discutée) - TGI Paris (1re ch. 1re sect.), 16 mars 1999 : RG n° inconnu ; Site CCA ; Cerclab n° 4023 ; D. Affaires 1999. 860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729 (téléphonie mobile ; est abusive la clause autorisant l’opérateur à sanctionner le moindre manquement de l’abonné à l’une quelconque de ses obligations par la privation immédiate et sans information préalable de tout le service fourni) - TGI Nanterre (1re ch. sect. A), 2 juin 2004 : RG n° 02/03156 ; site CCA ; Cerclab n° 3993 (fourniture d’accès internet ; est abusive la clause prévoyant pour les manquements de moindre gravité l’envoi d’un avertissement ou la suspension de l’abonnement jusqu’à régularisation, dès lors que la suspension n’est pas précédée d’un avertissement et que les manquements peu graves ne sont pas définis), confirmé par adoption de motifs par CA Versailles (1re ch. 1re sect.), 15 septembre 2005 : RG n° 04/05564 ; Cerclab n° 3146 ; Juris-Data n° 2005-283144 ; Lamyline - TGI Grenoble (4e ch. civ.), 12 novembre 2007 : RG n° 05/03780 ; Cerclab n° 4158 (convention de compte ; suspension du service en ligne quelle que soit la gravité du motif : en vertu de l'ancien art. 1184 C. civ. [rappr. 1224 nouveau], l'inexécution par l'une des parties de quelques-uns de ses engagements n'affranchit pas nécessairement l'autre de toutes ses obligations et il convient de déterminer d'après les circonstances si cette inexécution est suffisamment grave pour entraîner pareil résultat ; la banque n'apparaît dès lors pas fondée à invoquer l'exception d'inexécution pour suspendre tout ou partie de ses prestations pour tout défaut de paiement de son client).

V. cependant en sens contraire : n’est pas abusive la clause prévoyant la possibilité pour l’opérateur de suspendre la ligne si l’abonné manque à l’une quelconque de ses obligations, dès lors qu’une telle mesure ne revêt pas la même gravité qu’une mesure de résiliation, en ce qu’elle est temporaire et révocable et qu’elle peut être évitée par une régularisation de la situation par l’abonné, d’autant plus que la clause prévoit un mécanisme protecteur de mise en demeure préalable avec un délai de régularisation. TGI Nanterre (1re ch. A), 3 mars 1999 : RG n° 12166/97 ; Site CCA ; Cerclab n° 4012 ; D. Affaires 1999. 860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729 (téléphonie mobile ; absence de caractère abusif de la clause autorisant le professionnel à suspendre, puis résilier le contrat faute de régularisation dans les huit jours, lorsque l’abonné n’envoie pas les pièces justificatives banales : l’abonné doit exécuter le contrat de bonne foi en permettant à son cocontractant de l’identifier et de préparer la mise en place du paiement des prestations sans qu’il soit nécessaire de lui adresser un rappel ou une mise en demeure - N.B. cette mise en demeure était prévue en l’espèce ; tribunal estimant par ailleurs, contrairement à l’association, que l’absence de notification d’un changement d’adresse ou de compte bancaire ne sont pas des inexécutions bénignes dès lors qu’elles se rattachent directement à son obligation essentielle de payer ses communications). § Absence de caractère abusif d’une clause autorisant l’opérateur à suspendre le contrat dans des cas correspondant à des manquements de l’abonné à ses obligations, une telle mesure n’étant pas du domaine de l’arbitraire et pouvant être arrêtée dès lors que l’abonné régularise sa situation. TGI Nanterre (1re ch. A), 17 mars 1999 : RG n° 12004/98 ; Site CCA ; Cerclab n° 4013 ; D. Affaires 1999. 860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729 (téléphonie mobile).

Clause autorisant une suspension pour tout manquement du consommateur justifié par un manquement du professionnel. Est abusive la clause autorisant l’entrepreneur à cesser les travaux en cas de défaut de paiement non régularisé, dès lors qu’elle interdit de fait au maître de l’ouvrage de critiquer utilement une éventuelle malfaçon ou une non conformité des travaux aux documents contractuels et l’oblige à recourir à justice. CA Grenoble (2e ch. civ), 17 mars 1997 : RG n° 3930/95 ;Cerclab n° 3105 (N.B. 1 la clause était irréprochable dans sa mise en œuvre, un retard de vingt jours après l’appel de fonds étant suivi d’une mise en demeure par LRAR accordant un nouveau délai de trois jours pour régulariser ; N.B. 2 l’arrêt rappelle le droit de l’entrepreneur de contester judiciairement un refus de paiement injustifié, mais refuse d’inverser les rôles, la clause aggravant la disparité économique déjà existante entre les parties), confirmant TGI Grenoble, 6 juillet 1995 : Dnd.

Clause abusive en raison de l’atteinte aux droits et libertés du consommateur. La Commission des clauses abusives recommande que soient supprimées des contrats de stockage en libre-service les clauses ayant pour objet ou pour effet de permettre au professionnel, en cas d’incident de paiement, d’interdire au non-professionnel ou au consommateur d’accéder librement à ses biens. Recom. n° 16-01/26 : Boccrf ; Cerclab n° 6653 (considérant n° 26 ; argument : clauses conduisant à priver le non-professionnel ou le consommateur, du libre accès aux biens entreposés, entravant ainsi son droit de propriété).

Clauses non abusives : clause obligeant à mentionner un motif, judiciairement contrôlable. Pour des illustrations en matière bancaire : n’est pas abusive la clause selon laquelle la banque peut à tout moment, en motivant sa décision, demander au titulaire du compte et/ou à son mandataire, la restitution du chéquier en sa possession par courrier adressé au client ou au mandataire au domicile indiqué par lui, dès lors qu’elle prévoit la motivation de la demande de restitution du chéquier justifiant les raisons et l’urgence de cette mesure et, partant, met le consommateur en mesure d’en contester le bien fondé, ce qui prévient suffisamment tout arbitraire. Cass. civ. 1re, 28 mai 2009 : pourvoi n° 08-15802 ; Bull. civ. I, n° 110 ; Cerclab n° 2842, rejetant le pourvoi contre CA Paris (15e ch. B), 3 avril 2008 : RG n° 06/00402 ; Cerclab n° 4180 (version initiale abusive ; nouvelle version valable, dès lors qu’il ne peut pas être imposé à la banque de préciser dans la clause tous les cas de demande de restitution des chéquiers). § Ne présente pas un caractère abusif la clause selon laquelle la banque peut refuser ou suspendre par décision motivée la délivrance de formules de chèques, notamment en cas d’interdiction d’émettre des chèques ou d’anomalies de fonctionnement du compte qui lui serait imputable, sans que la clôture du compte soit nécessaire, dès lors que le refus doit être motivé, de sorte qu’elle met le consommateur en mesure d’en contester le bien-fondé. Cass. civ. 1re, 23 janvier 2013 : pourvois n° 10-28397 et n° 11-11421 ; Cerclab n° 4186, rejetant sur ce point le pourvoi contre CA Grenoble (1re ch. civ.), 22 novembre 2010 : RG n° 09/02931 ; Cerclab n° 2932 (clause non abusive, conforme à l’art. L. 131-71 CMF qui autorise le banquier à refuser de délivrer au titulaire d’un compte, les formules de chèques autres que celles qui sont remises pour un retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou une certification, à condition de motiver sont refus ; le décret n° 2001-45 du 17 janvier 2001 devenu l’art. D. 312-5 CMF, relatif au service bancaire de base mentionné à l’art. L. 312-1 alinéa 3 et 4 CMF).

Clauses non abusives : autres illustrations. Pour une illustration : CA Paris (pôle 2 ch. 2), 17 octobre 2014 : RG n° 13/09619 ; Cerclab n° 4906 (transport aérien ; absence de caractère abusif de la clause autorisant le transporteur à refuser l’embarquement du passager qui n’a pas respecté l’ordre des coupons et qui refuse de payer un complément tarifaire), confirmant TGI Bobigny, 26 avril 2013 : RG n° 09/06829 ; Dnd, pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 26 avril 2017 : pourvoi n° 15-18970 ; arrêt n° 496 ; Cerclab n° 6849.

B. CLAUSES ABUSIVES EN RAISON DU RÉGIME DE LA SUSPENSION

Clauses supprimant toute mise en demeure ou préavis. Même si les conséquences sont moins graves qu’une clause résolutoire et que la suspension permet justement au consommateur de régulariser la situation, certaines décisions jugent souhaitable un avertissement préalable du consommateur.

* CJUE. Rappr. pour une clause différente, de déchéance du terme : dans le cadre de sa démarche visant à définir la méthode devant être appliquée pour apprécier l’existence d’un déséquilibre significatif, sans contrôle elle-même ce caractère abusif, la CJUE a estimé, s’agissant d’une clause relative à l’échéance anticipée, dans les contrats de longue durée, en raison de manquements du débiteur pendant une période limitée, qu’il incombe au juge de renvoi de vérifier, notamment si le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l’application d’une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt. CJUE (1re ch.), 14 mars 2013, Aziz / Caixa d’Estalvis de Catalunya, Tarragona i Manresa (Catalunyacaixa). : Aff. C-415/11 ; Rec. ; Cerclab n° 4978 (point n° 73 ; arrêt visant les points n° 77 et 78 des conclusions de l’avocate générale ; V. aussi ci-dessus pour le caractère essentiel de l’obligation inexécutée et la gravité du manquement). § N.B. En visant la possibilité pour le consommateur de régulariser la situation dans le cadre de l’appréciation d’un déséquilibre significatif, la position de la CJUE pourrait être retenue comme un indice fort en faveur de la condamnation des clauses supprimant l’exigence d’une mise en demeure, sauf justification particulière.

* Cour de cassation. Est abusive la clause autorisant la banque à suspendre l’accès à un service en ligne pour tout défaut de paiement des sommes dues au titre des prestations et services fournis, dès lors que les modalités de cette suspension sans préavis, ni formalités, ne permettent pas au consommateur de régulariser sa situation. Cass. civ. 1re, 23 janvier 2013 : pourvois n° 10-21177 et n° 10-22815 ; Cerclab n° 4187, rejetant le pourvoi contre CA Grenoble (1re ch. civ.), 18 mai 2010 : RG n° 07/04169 ; site CCA ; Cerclab n° 4157, adoptant les motifs de TGI Grenoble (4e ch. civ.), 12 novembre 2007 : RG n° 05/03780 ; Cerclab n° 4158 (en vertu de l'ancien art. 1184 C. civ., l'inexécution par l'une des parties de quelques-uns de ses engagements n'affranchit pas nécessairement l'autre de toutes ses obligations et il convient de déterminer d'après les circonstances si cette inexécution est suffisamment grave pour entraîner pareil résultat ; la banque n'apparaît dès lors pas fondée à invoquer l'exception d'inexécution pour suspendre tout ou partie de ses prestations pour tout défaut de paiement de son client ; surtout, au vu de l'ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom., cette clause qui permet, en cas de défaut de paiement, à la banque de suspendre ses prestations sans préavis ni formalités apparaît manifestement déséquilibrée eu égard à sa généralité et à son imprécision, dès lors que le défaut de paiement peut ne concerner qu'une prestation accessoire, et que surtout, en ne prévoyant aucune information préalable, y compris par tous moyens, de la banque à son client, elle prive celui-ci d'une part de la possibilité de régulariser immédiatement la situation et d'autre part, de fournir une justification, qui peut s'avérer valable, à ce défaut de paiement).

* Commission des clauses abusives. V. pour la Commission des clauses abusives : Recomm. n° 85-01/A-8° : Cerclab n° 2176 (fourniture d’eau ; recommandation que la fermeture d’un branchement à l’initiative du service des eaux soit obligatoirement précédée d’une mise en demeure préalable notifiée à l’abonné) - Recomm. n° 97-01/B-4 : Cerclab n° 2166 (télésurveillance ; considérant n° 8 ; recommandation de l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de permettre au télésurveilleur de suspendre l’exécution de sa prestation de manière discrétionnaire ou sans en informer préalablement le consommateur).

* Juges du fond. Dans le même sens pour les juges du fond, V. par exemple : TA Orléans (1re ch.), 20 décembre 2002 : req. n° 99-1674 ; Cerclab n° 3066 (caractère abusif de l’interruption pour refus de l’abonné de laisser procéder à une intervention sur le réseau sans mise en demeure préalable), sur appel CAA Nantes (4e ch.), 29 décembre 2005 : req. n° 03NT00250 ; Cerclab n° 2883 (illégalité non discutée en appel) - TGI Nanterre (1re ch. sect. A), 2 juin 2004 : RG n° 02/03156 ; site CCA ; Cerclab n° 3993 ; précité (fourniture d’accès internet ; est abusive la clause, prévoyant certes une suspension de huit jours jusqu’à la mise à jour effective des informations, mais qui n’est pas non plus précédée d’une mise en demeure et qui est suivie d’une résiliation de plein droit, le professionnel ne pouvant se dispenser de l’avertissement préalable par le biais d’un email enjoignant à son abonné de régulariser sa situation et précisant les sanctions possibles ; jugement estimant également que les manquements peu graves ne sont pas définis et que le motif doit être mentionné pour que sa gravité puisse être contrôlée au regard de la résiliation- TGI Nanterre (6e ch.), 9 février 2006 : RG n° 04/02838 ; Cerclab n° 3994 (accès internet ; si le défaut de paiement de l'abonnement constitue une violation d'une des obligations essentielles du client, et si le fournisseur doit être admis à se prévaloir de l'exception d'inexécution, la clause d’interruption du service en cas de non-paiement doit, afin d'assurer l'équilibre entre les intérêts des parties, notamment dans l'hypothèse où le non-paiement résulterait d'une contestation justifiée de la facture, prévoir que l'interruption des prestations ne peut intervenir qu'après une mise en demeure et un délai suffisant afin que l'intéressé puisse régulariser sa situation ou faire éventuellement connaître les motifs de son abstention de nature à faire obstacle à cette sanction) - TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 21 février 2006 : RG n° 04/02910 et 04/08997 ; jugt n° 2 ; site CCA ; Cerclab n° 4024 (est abusive la clause autorisant le fournisseur à suspendre ou résilier le contrat de plein droit, sans préavis ni formalité judiciaire, en cas de retard ou d’incident de paiement, dès lors qu’elle accorde au fournisseur une faculté de résiliation discrétionnaire et que l’absence de préavis ne permet pas à l’usager de contester l’incident ; jugement semblant implicitement faire référence à l’absence de réciprocité ; clause omise par l’arrêt d’appel) - TI Lorient, 19 mai 2011 : RG n° 11-11-000266 ; Cerclab n° 7033 (vente aux enchères sur internet ; caractère abusif, en application de l’art. R. 132-2-4° C. consom., de la clause autorisant l’exploitant à suspendre le compte sans préavis) - CA Douai (8e ch. sect. 1), 3 décembre 2015 : RG n° 14/07122 ; Cerclab n° 5422 (crédit renouvelable ; clause permettant de suspendre le droit à découvert sans préavis pour des motifs autres que le défaut de paiement ; clause abusive et illicite : déchéance des intérêts), sur appel TI Lens, 25 août 2014 : RG n° 11-14-0528 ; Dnd.

* Clause prévoyant une mise en demeure. V. inversement pour des clauses jugées non abusives, notamment en raison du fait qu’elles prévoient une mise en demeure : une procédure de fermeture du branchement en cas de non-paiement des redevances, qui est précédée d’une mise en demeure, ne contrevient pas aux recommandations de la Commission des clauses abusives et n’est pas abusive. TA Orléans (1re ch.), 20 décembre 2002 : req. n° 99-1674 ; Cerclab n° 3066, confirmé par CAA Nantes (4e ch.), 29 décembre 2005 : req. n° 03NT00250 ; Cerclab n° 2883 (reprise des motifs du jugement ; N.B. les deux décisions interprètent la clause de résiliation dans un sens non abusif, en estimant que la procédure de résiliation en cas de récidive doit respecter la même procédure et donc être précédée d’une mise en demeure). § Absence de caractère abusif de la clause autorisant le service, après une première tentative infructueuse de relevé du compteur, à procéder à la fermeture du branchement dès lors que celle-ci est précédée d’une mise en demeure de permettre l’accès dans les quinze jours. TA Orléans (1re ch.), 20 décembre 2002 : précité, sur appel CAA Nantes (4e ch.), 29 décembre 2005 : précité (rejet de la demande au seul motif que l’abonné ne peut utilement invoquer une recommandation de la commission qui n’a pas de caractère obligatoire). § V. aussi : TGI Nanterre (1re ch. A), 3 mars 1999 : RG n° 12166/97 ; Site CCA ; Cerclab n° 4012 ; D. Affaires 1999. 860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729 (téléphonie mobile ; mesure de suspension temporaire et révocable, pouvant être évitée par une régularisation de la situation par l’abonné, d’autant plus que la clause prévoit un mécanisme protecteur de mise en demeure préalable avec un délai de régularisation) - CA Paris (pôle 5 ch. 5), 29 novembre 2012 : RG n° 09/22267 ; Cerclab n° 4061 (accès internet ; n’est pas abusive la clause prévoyant la possibilité d’une suspension des services en cas de manquement grave ou persistant du client à l’une de ses obligations ou en cas de retard ou défaut de paiement non justifié, huit jours après une mise en demeure restée sans effet, dès lors qu’une telle disposition constitue l’application de la théorie juridique classique des conséquences du défaut d’exécution par l’une des parties de ses obligations nées du contrat et que la sanction n’est qu’une suspension susceptible de régularisation), confirmant TGI Paris (4e ch. 1re sect.), 15 septembre 2009 : RG n° 07/12483 ; jugt n° 2 ; Cerclab n° 3185.

* Clause prévoyant un préavis sans mise en demeure. V. aussi pour une clause laissant un délai au consommateur pour s’exécuter, mais sans prévoir de mise en demeure : n’est pas abusive la clause imposant à l’abonné de prévenir l’opérateur de son changement d’adresse, dès lors que le contrat d’abonnement est un contrat synallagmatique qui doit être exécuté de bonne foi par l’abonné dont l’obligation essentielle est de payer sa consommation et de fournir au prestataire de services les éléments nécessaires pour percevoir ce paiement, que le délai de huit jours prévu pour avertir le cocontractant d’un renseignement essentiel à la bonne exécution du contrat apparaît raisonnable en raison de la banalité de la démarche à accomplir et que la mesure de suspension, temporaire et révocable, qui sanctionne son inobservation n’apparaît pas disproportionnée à la gravité du manquement. TGI Nanterre (1re ch. A), 17 mars 1999 : RG n° 12004/98 ; Site CCA ; Cerclab n° 4013 ; D. Affaires 1999. 860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729 (téléphonie mobile).

Forme de l’avertissement. Compte tenu de l’obligation faite au client de signaler son changement d’adresse, il n’est pas abusif de prévoir que la suspension n’interviendra qu’après l’envoi d’une mise en demeure, sans préciser que celle-ci devra être réalisée par lettre recommandée avec avis de réception. CA Paris (pôle 5 ch. 5), 29 novembre 2012 : RG n° 09/22267 ; Cerclab n° 4061 (accès internet ; opérateur invoquant le coût que représenterait l’obligation d’envoyer des lettres recommandées et la distorsion de concurrence qui en résulterait vis-à-vis des autres opérateurs), infirmant TGI Paris (4e ch. 1re sect.), 15 septembre 2009 : RG n° 07/12483 ; jugt n° 2 ; Cerclab n° 3185. § Rappr. : rejet de l’exigence générale d’une lettre recommandée avec accusé de réception avant la restriction de services de téléphonie mobile, formulée par une association de consommateurs, qui serait inadaptée dans certaines hypothèses, telle l’utilisation de mobile volé, et contraire aux intérêts du consommateur. TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 30 septembre 2008 : RG n° 06/17792 ; jugt n° 5 ; Cerclab n° 4038.

Charge de la preuve de la mise en demeure. La charge de la preuve de la mise en demeure contractuellement prévue pèse en cas de contestation sur le professionnel. TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 30 septembre 2008 : RG n° 06/17792 ; jugt n° 5 ; Cerclab n° 4038 (téléphonie mobile).

Limites : suspension en cas de motif grave. La suppression de toute mise en demeure ou préavis est justifiée lorsque le professionnel peut invoquer l’urgence de la suspension, compte tenu notamment de la nécessité de respecter les obligations professionnelles qui s’imposent à lui ou les intérêts de tiers, notamment d’autres contractants (pour la prise en compte des autres clients, V. Cerclab n° 6038 ; pour le respect des contraintes juridiques, Cerclab n° 6043).

V. pour la Commission des clauses abusives : la dispense de mise en demeure avant une interruption de la fourniture d’eau ne doit être admise que dans le cas où une telle mesure est le seul moyen d’éviter des dommages aux installations, de protéger les intérêts légitimes des autres abonnés ou de faire cesser un délit. Recomm. n° 85-01/A-8° : Cerclab n° 2176 (considérant n° 11 ; les exceptions ne justifient qu’une interruption à titre conservatoire).

V. pour les juges du fond : n’est pas abusive la clause autorisant l’opérateur à suspendre immédiatement l’accès aux services en cas de violation de la loi notamment en matière d’ordre public et de bonnes mœurs, ou d’agissements perturbant le réseau, dès lors que les cas visés ne peuvent être limitativement énumérés et que l’application immédiate est nécessaire pour protéger le réseau et l’ensemble des abonnés. TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 30 septembre 2008 : RG n° 06/17792 ; jugt n° 5 ; Cerclab n° 4038. § Absence de caractère abusif de la clause autorisant l’émetteur de la carte à supprimer l’option de paiement différé en cas de décès, d'incapacité juridique, d'incidents de paiement ou de fonctionnement du compte (saisie...), dès lors que l’art. R. 132-2-4° qui présume abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet de reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable, reconnaissent au professionnel la possibilité de rapporter la preuve contraire de l'absence de caractère abusif de la clause, en cas de motif légitime et à condition que soit mise à la charge de ce professionnel l'obligation d'en informer la contractante immédiatement ; tel est le cas en l’espèce, la clause n’accordant pas à l’émetteur de faculté discrétionnaire, lequel justifie d’un motif légitime, compte tenu de l'ampleur du découvert non autorisé et du comportement général du client qui s'est abstenu de répondre aux messages d'alerte de sa banque, et d’une information immédiate du client. CA Amiens (1re ch. civ.), 18 décembre 2018 : RG n° 16/00932 ; Cerclab n° 7852 (carte bancaire avec option de paiement différé en trois fois sans frais ; absence de prise en compte de l’arrêt de la Cour de cassation du 23 janvier 2013, pourvois n° 10-21177 et 10-22815, qui vise l’hypothèse différente de la clause autorisant le débit immédiat après suppression de l’option), sur appel de TI Laon, 18 janvier 2016 : Dnd. § N’est pas abusive et n’est pas contraire à l’ancien art. R. 132-2-4° [R. 212-1-4°] C. consom. la clause autorisant l’opérateur, après avoir informé le client par tous moyens, à restreindre l’accès aux services ou à supprimer des messages du client, pour des cas graves dans lesquels l’utilisateur enfreint la réglementation ou met en œuvre des procédés de nature à entraver le fonctionnement du service d’internet, situations dans lesquelles une intervention d’urgence se justifie. CA Paris (pôle 5 ch. 5), 29 novembre 2012 : RG n° 09/22267 ; Cerclab n° 4061 (contrat à durée indéterminée après la période initiale ; cas visés : spamming, mail bombing, propagation de virus et vers, abus d’usage occasionnant le blacklistage de la société par une autre fournisseur d’accès à internet ou mise en cause de la société dans une action contentieuse ; il est légitime que la liste ne soit pas limitative), confirmant TGI Paris (4e ch. 1re sect.), 15 septembre 2009 : RG n° 07/12483 ; jugt n° 2 ; Cerclab n° 3185 (opérateur tenu de veiller à l’intérêt de la collectivité des abonnés, l’urgence liée au trouble apporté à l’ensemble des abonnés commandant de ne pas différer l’intervention du fournisseur d’accès). § V. aussi : CA Paris (pôle 5 ch. 11), 30 mars 2018 : RG n° 15/08688 ; Cerclab n° 7532 (téléphonie mobile ; absence de caractère abusif de la suspension immédiate de l’accès internet en cas de « violation des dispositions légales, notamment en matière d'ordre public et de bonnes mœurs, ou en cas d'agissements de nature à perturber le réseau de l’opérateur ou le réseau Internet » ; art. 11.2), confirmant TGI Paris, 24 février 2015 : RG n° 13/01136 ; Dnd.

Conséquences financières de la suspension : maintien du coût du contrat. V. pour un contrat d’abonnement : le maintien de la facturation pendant la suspension du contrat n'a pas pour effet de créer au profit de l'opérateur un avantage indu, dès lors que le contrat est maintenu en contrepartie de la facturation jusqu'à la régularisation de la situation ayant entraîné la suspension. CA Versailles (1re ch. 1re sect.), 8 février 2019 : RG n° 17/05367 : Cerclab n° 8243 (art. 9 CG BlackBerry ; même solution pour l’art. 8.2.2. et 8.2.3 CG abon. : compte tenu de la suspension de la ligne, aucun usage inhabituel ou excessif n'est possible), infirmant TGI Nanterre (pôle civ. ch. 7), 30 mai 2017 : RG n° 13/01009 ; Dnd. § V. aussi : Absence de caractère abusif de la clause prévoyant le maintien de la facturation pendant la période de suspension qui a pour contrepartie le maintien du contrat d'abonnement et le maintien de certaines prestations et qui n’est donc pas sans cause. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 30 mars 2018 : RG n° 15/08688 ; Cerclab n° 7532 (art 11.5 ; arrêt notant au surplus que deux des cas visés concernent en fait une restriction et non une suspension des services), confirmant TGI Paris, 24 février 2015 : RG n° 13/01136 ; Dnd. § Pour un contrat d’enseignement : nécessité d’éliminer les clauses prévoyant que le prix est dû ou que les sommes versées d’avance ne seront pas remboursées même si l’élève ne peut suivre l’enseignement, pour quelque cause que ce soit : décès, maladie, etc. Recomm. n° 91-01 : Cerclab n° 2159 (établissements d’enseignement ; considérant n° 5 et 6 ; élève empêché par suite d’une maladie ou d’un décès).

V. pour une clause condamnée en raison de l’imprécision du motif et de l’indétermination du montant dû par le consommateur. TGI Nanterre (1re ch. A), 3 mars 1999 : RG n° 12166/97 ; Site CCA ; Cerclab n° 4012 ; D. Affaires 1999. 860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729 (téléphonie mobile ; retrait temporaire de la carte entraînant l’application du prix de l’utilisation du réseau public de télécommunication, sans que le montant de ce prix et ses modalités de calcul ne soient spécifiés dans le contrat).