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CA BORDEAUX (1re ch. sect. B), 21 novembre 2005

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (1re ch. sect. B), 21 novembre 2005
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 03/01955
Date : 21/11/2005
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 31/03/2003
Décision antérieure : TI BORDEAUX, 8 novembre 2002
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1034

CA BORDEAUX (1re ch. sect. B), 21 novembre 2005 : RG n° 03/01955

Publication : Juris-Data n° 293490

 

Extrait : « Le premier juge a exactement retenu que l'appelant n'avait pas accepté la modification de son contrat d'abonnement pour une raison tenant aux nouvelles modalités de report du temps de consommation imposées par l'intimée. Il ressort de ce qui a été exposé ci-dessus que ces nouvelles modalités pouvaient être objectivement considérées par l'appelant, eu égard à une pratique téléphonique dont il n'a pas à rendre compte, comme lui étant moins favorables dès lors que le nouveau système interdisait une libre utilisation des 4 heures bimestrielles souscrites et que le report proposé, même non limité dans le temps, impliquait le paiement d'une nouvelle redevance mensuelle de 10 Francs. Ces nouvelles modalités modifiaient à l'évidence et de manière substantielle le contrat liant les parties. En tout état de cause, les avis et recommandations de la commission des clauses abusives ne comportent aucun caractère normatif et la société intimée ne pouvait et ne peut s'en prévaloir pour légitimer la modification contractuelle dont elle a pris seule l'initiative. Elle ne peut davantage se fonder sur les stipulations de l'article 10 des conditions générales du contrat alors que la modification imposée a eu pour effet principal de changer le mode de facturation et secondairement seulement, non pas de modifier la tarification initiale, mais d'imposer une nouvelle redevance non prévue au contrat initial, ce qui est tout autre chose. Ainsi, il doit être admis à la suite du premier juge que la société intimée a, quand bien même prétendait elle agir dans l'intérêt de son client, modifié unilatéralement le contrat souscrit par l'appelant dont la bonne foi présumée est certes critiquée, mais n'est pas valablement remise en cause. Cette modification unilatérale de l'économie d'un contrat souscrit pour une durée indéterminée est contraire aux dispositions de l'article 1134 du code civil. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2005

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de rôle : 03/01955. Nature de la décision : AU FOND. [minute page 2] Rendu par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2005, par Monsieur Alain PREVOST, Conseiller, en présence de Madame Armelle FRITZ ; Greffier,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B, a, dans l'affaire opposant :

 

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité française, pilote de ligne, demeurant [adresse], Représenté par Maître Patrick LE BARALER, Avoué à la Cour, et assisté de Maître Jennifer SALLES, substituant Maître Christian DUBARRY, Avocats au barreau de BORDEAUX. Appelant d'un jugement rendu le 8 novembre 2002 par le Tribunal d'Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 31 mars 2003,

 

À :

LA SA ORANGE FRANCE, (anciennement dénommée France TELECOM MOBILES)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [adresse], Représentée par la SCP Corine ARSENE-HENRY et Pierre LANCON, Avoués Associés à la Cour, et assistée de Maître Christine MAZE, Avocat au barreau de BORDEAUX, Intimée,

 

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue, en audience publique le 26 septembre 2005 devant : Monsieur Louis MONTAMAT, Président, Monsieur Pierre-Louis CRABOL Conseiller, Monsieur Alain PREVOST, Conseiller, Madame Armelle FRITZ. Greffier, Et qu'il en a été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] Monsieur X. et la SA Orange France sont liés par un contrat d'abonnement téléphonique « Itinéris » souscrit le 28 septembre 1999 et comportant acceptation de conditions générales établies en avril 1999, Le forfait « Loft » 2 heures mensuelles choisi par l'intéressé impliquait, selon l'article 12-2 des conditions générales, l'établissement d'une facturation bimestrielle, et, selon le document de tarification en vigueur au 1er septembre 1999, le cumul sur les deux mois du temps de communication, ce système permettant une utilisation à son gré des 4 heures bimestrielles. Ces conditions ont été régulièrement appliquées jusqu'à ce que, conformément aux recommandations de la commission des clauses abusives en date du mois de juillet 1999, de nouvelles conditions d'abonnement ont été mises en vigueur au mois de mars 2000 qui prévoyaient une facturation mensuelle. Ces nouvelles conditions comportaient une option de report des minutes non consommées d'un mois sur l'autre au prix de 10 Francs par mois. Aux termes d'une lettre du 20 septembre 2000, monsieur X. ne s'est pas opposé à l'établissement d'une facturation mensuelle, mais a demandé le maintien des conditions antérieures de report des heures non consommées. Il s'est peu après opposé au paiement du service de report des minutes non consommées. Par courrier du 21 juin 2001 il a demandé le rétablissement de la facturation bimestrielle initiale et a refusé la proposition de rupture sans frais du contrat.

Le tribunal d'instance de Bordeaux saisi du différend a, par jugement contradictoire du 8 novembre 2002, condamné la SA Orange France à fournir à monsieur X. une facturation conforme aux dispositions contractuelles souscrites au début du mois d'octobre 1999 qui prévoyaient le bénéfice d'un report du temps de communication mensuel non utilisé sur deux mois sans règlement d'un surcoût, ceci pour la période allant de février 2000 inclus au 4 octobre 2001. La SA Orange France a en outre été condamnée à payer une somme de 100 € à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 300 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur X. a interjeté appel de ce jugement par déclaration déposée au greffe de la cour le 31 mars 2003. Il a sollicité l'inscription de l'affaire au rôle et a conclu.

La SA Orange France a constitué avoué et conclu.

[minute page 4] Suivant ses conclusions signifiées et déposées le 9 mars 2004, l'appelant demande de dire son appel recevable et bien fondé, de réformer partiellement le jugement et de condamner la société Orange France, prise en la personne de son représentant légal, à poursuivre et exécuter correctement la convention, notamment l'article 12-2 prévoyant une facturation bimestrielle avec report du temps non utilisé sur le deuxième mois, ceci sous astreinte de 7,62 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, et à lui verser une somme de 1.524 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive. Il demande par ailleurs que la société Orange France soit déboutée de toute demande reconventionnelle et condamnée à lui payer une indemnité de 1.524 € sur te fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Selon ses conclusions signifiées et déposées le 18 décembre 2003, la société intimée et appelante incidente, demande au visa de l'article 1134 du code civil et de l'obligation de bonne foi qui en résulte, d'infirmer le jugement et de statuer à nouveau en rejetant les demandes, fins et conclusions de l'appelant principal et en l'en déboutant. Visant cette fois l'article 1382 du code civil, elle demande de condamner l'appelant principal à lui payer une somme de 500 € à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est du 12 septembre 2005.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION :

L'appel principal qui a été régulièrement interjeté dans le délai prescrit, est recevable en la forme. L'appel incident est également recevable en la forme.

Le premier juge a exactement retenu que l'appelant n'avait pas accepté la modification de son contrat d'abonnement pour une raison tenant aux nouvelles modalités de report du temps de consommation imposées par l'intimée.

Il ressort de ce qui a été exposé ci-dessus que ces nouvelles modalités pouvaient être objectivement considérées par l'appelant, eu égard à une pratique téléphonique dont il n'a pas à rendre compte, comme lui étant moins favorables dès lors que le nouveau système interdisait une libre utilisation des 4 heures bimestrielles souscrites et que le report proposé, même non limité dans le temps, impliquait le paiement d'une nouvelle redevance mensuelle de 10 Francs. Ces nouvelles modalités modifiaient à l'évidence et de manière substantielle le contrat liant les parties.

[minute page 5] En tout état de cause, les avis et recommandations de la commission des clauses abusives ne comportent aucun caractère normatif et la société intimée ne pouvait et ne peut s'en prévaloir pour légitimer la modification contractuelle dont elle a pris seule l'initiative.

Elle ne peut davantage se fonder sur les stipulations de l'article 10 des conditions générales du contrat alors que la modification imposée a eu pour effet principal de changer le mode de facturation et secondairement seulement, non pas de modifier la tarification initiale, mais d'imposer une nouvelle redevance non prévue au contrat initial, ce qui est tout autre chose.

Ainsi, il doit être admis à la suite du premier juge que la société intimée a, quand bien même prétendait elle agir dans l'intérêt de son client, modifié unilatéralement le contrat souscrit par l'appelant dont la bonne foi présumée est certes critiquée, mais n'est pas valablement remise en cause. Cette modification unilatérale de l'économie d'un contrat souscrit pour une durée indéterminée est contraire aux dispositions de l'article 1134 du code civil.

S'agissant d'un contrat à durée indéterminée (cf. l'article 6 des conditions générales et une période minimale de 24 mois), sa rupture pouvait résulter de l'accord des parties, mais pouvait tout aussi bien résulter de la volonté d'une seule d'entre elles sous réserve de respecter un préavis et de ne pas être abusive. La société intimée n'a pas cru devoir notifier une telle rupture et se doit, l'abus par elle dénoncé n'étant aucunement établi, de poursuivre sa prestation correspondant à l'abonnement téléphonique aux conditions initiales, sauf celle tenant à la facturation mensuelle acceptée par l'appelant. Il n'est cependant pas nécessaire de prononcer l'astreinte sollicitée pour parvenir à une exécution dont rien ne permet de présumer qu'elle sera refusée.

En tout état de cause, la modification unilatérale du contrat a préjudicié à l'appelant qui est fondé en sa demande de réparation. Le premier juge lui a accordé une somme de 100 € à titre de dommages et intérêts, mais il doit être tenu compte de la poursuite dans le temps des effets de cette modification, de la résistance de l'intimée et des préjudices financiers et de jouissance qui en sont nécessairement découlés. Le préjudice causé ne sera complètement réparé dans toutes ses composantes que par l'allocation d'une somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts.

La mauvaise foi de l'appelant n'est par contre aucunement établie et la société intimée sera déboutée de toutes ses prétentions à son encontre.

Enfin, l'équité commande d'allouer en appel à l'intimé une indemnité de 800 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

[minute page 6] Les dépens de l'appel seront intégralement supportés par la société intimée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare les appels principal et incident recevables en la forme,

Au fond :

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a limité au 4 octobre 2001 la condamnation à fournir une facturation selon les modalités contractuelles initiales et a ainsi retenu un rythme bimestriel et sauf en ce qu'il a fixé à 100 € le montant des dommages et intérêts alloués,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Dit que la condamnation à fournir une facturation selon les modalités contractuelles initiales n'est pas limitée dans le temps et doit être mensuelle au regard de l'accord donné par monsieur X.,

Condamne la société Orange France à payer à monsieur X. une somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts,

[minute page 7] Y ajoutant :

Condamne la société Orange France à payer à monsieur X. une indemnité de 800 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Déboute les parties des autres demandes,

Condamne la société Orange France aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de Maître Patrick LE BARAZER, Avoué à la Cour, dans les termes de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Signé par Monsieur Louis MONTAMAT, Président, et par Madame Armelle FRITZ, Greffière.