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CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 13 septembre 2023

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 13 septembre 2023
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 6
Demande : 22/06425
Date : 13/09/2023
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 28/03/2022
Référence bibliographique : 6088 (acceptation des conditions générales, clause apparente), 6010 (indices, indifférence de l’exécution effective), 6051 (imprudence du consommateur), 6054 (clause de garantie, solidarité), 9752 (1171 C. civ., carte bancaire)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10414

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 13 septembre 2023 : RG n° 22/06425 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Ainsi le premier juge à partir de ces constatations a pu à raison retenir, en particulier : - que tant sur le bulletin de souscription que dans les conditions générales, l'engagement solidaire de l'utilisateur de la carte, aux côtés de la société qui l'a souscrite, figure en caractères très apparents et très lisibles,

- que M. X., qui allègue n'avoir pas compris les termes de cet engagement solidaire, tout en indiquant sur le bulletin de souscription être client d'un établissement bancaire depuis 25 ans et être principal dirigeant de deux sociétés à la date de la souscription de la carte en litige, était en mesure de recueillir les conseils lui permettant de comprendre la teneur de l'engagement contesté à la date de la souscription,

- que M. X. ne peut sérieusement soutenir que la clause de solidarité querellée n'était pas apparente en ce qu'il fallait lire tout le contrat pour en déceler la teneur dans la mesure où étant lui-même principal dirigeant de deux sociétés à la date de souscription de la carte litigieuse, son activité le prédisposait par nature à procéder à une lecture intégrale des contrats engageant les personnes morales dont il était le mandataire,

- que de surcroît, si M. X. prétend n'avoir paraphé ni signé aucune convention de compte en l'espèce, un tel argument est dénué de pertinence en ce que les dépenses effectuées au moyen de la carte en litige devaient être débitées sur le compte de la société STH 255 et non sur le compte personnel de M. X. »

2/ « 3. Enfin, M. X. fait valoir que la clause de solidarité est abusive au regard de l'article 1171 du code civil, qui dispose : « Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ».

M. X., considérant que la convention constitue un contrat d'adhésion en ce compris la clause de solidarité, le signataire engagé solidairement en vertu de ce contrat ne tirant aucun avantage en contrepartie de cet engagement, puisque la carte ne peut être utilisée que pour des besoins professionnels, soutient que la clause de solidarité avec la personne morale est de nature à engendrer une obligation totalement disproportionnée à la charge de son représentant, personne physique. Il n'existe aucun plafond en faveur du signataire ni aucune adéquation avec sa capacité de remboursement. La société American Express Carte France a ainsi consenti un découvert de plusieurs centaines de milliers d'euros envers une personne physique sans s'assurer de sa solvabilité, aucune déclaration ni fiche patrimoniale n'ayant été recueillie dans le cas présent. L'information sur les conséquences de la solidarité est en outre totalement insuffisante, les clauses s'y rapportant étant noyées parmi d'autres ce qui ne permet pas d'assurer une parfaite transparence du contrat.

Comme relevé par le tribunal, essentiellement, « M. X. identifie le « déséquilibre significatif » dans la disproportion entre les dépenses effectuées, d'un montant définitif de 207.000 euros qu'il qualifie de découvert consenti par la société American Express. »

Le premier juge indique aussi que « dans le bulletin de souscription, il (M. X.) fait état d'un revenu annuel brut personnel de 130 000 euros » de sorte qu'au regard de ce montant de revenus, déclaré par M. X., il n'apparaît aucune « disproportion » qui serait née des dépenses effectuées au moyen d'une carte accréditive dont M. X. pouvait surveiller l'évolution au regard de sa qualité de mandataire de la société STH 255. »

Ainsi, comme jugé par le tribunal, M. X. ne démontre pas que la clause de solidarité litigieuse a provoqué, à son détriment, un déséquilibre significatif et sa demande tendant à voir réputer cette clause non écrite doit être rejetée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 6

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/06425 (8 pages). N° Portalis 35L7-V-B7G-CFRSR. Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 mars 2022 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 20/10057.

 

APPELANT :

Monsieur X.

[Adresse 2], [Localité 3], Représenté par Maître Valérie DUTREUILH, avocat au barreau de PARIS, toque : C0479, Ayant pour avocat plaidant Maître Pierre-Olivier BONNE, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

SA AMERICAN EXPRESS CARTE FRANCE

[Adresse 4], [Localité 5], Non représentée (Signification de la déclaration d'appel en date du 31 mai 2022 - PV de signification à personne morale a été dressé le 31 mai 2022)

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : M. Marc BAILLY, Président de chambre, M. Vincent BRAUD, Président, MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère.

Greffier, lors des débats : Madame Yulia TREFILOVA

ARRÊT : - REPUTÉ CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Yulia TREFILOVA, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 28 mars 2022, M. X. a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 25 mars 2022, qui l'a condamné à payer à la société American Express Carte France, la somme de 207.000 euros outre intérêts au taux légal, et l'a condamné aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

Bien que régulièrement intimée, la société American Express Carte France n'a pas constitué avocat.

La procédure d'appel a été clôturée le 9 mai 2023.

[*]

Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 20 mai 2022 l'appelant présente ainsi ses demandes à la cour :

« Vu le jugement du Tribunal Judiciaire de PARIS en date du 25 mars 2022,

Vu les articles 1153 et 1154, 1171, 1231-1, 1310-1, 1343-5 et 1353 du Code Civil,

Vu l'article L. 314-8 du Code Monétaire et Financier,

Vu les arguments soulevés et les pièces à l'appui,

Il est demandé à la Cour d'Appel de Paris de :

- Recevoir Monsieur X. en son appel et ses conclusions,

Et le disant bien fondé,

- Infirmer le jugement querellé,

En conséquence,

À titre principal,

- Débouter en conséquence la société AMERICAN EXPRESS de toutes ses demandes, fins et prétentions,

À titre subsidiaire,

- Condamner la société AMERICAN EXPRESS au paiement de la somme de 207.000 € à titre de dommages et intérêts,

À titre infiniment subsidiaire,

- Consentir à Monsieur X. 24 mois de délais de paiement,

En tout état de cause,

- Condamner la requérante au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner la requérante aux entiers dépens. »

[*]

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelant, à ses conclusions précitées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Selon les énonciations du jugement déféré, non contestées :

- Le 9 février 2018 M. X. a signé un formulaire de demande de carte accréditive « Pro Air France KLM - American Express Platinum », indiquant sur ce document agir en qualité de représentant de la société par actions simplifiée STH 255, dont les références du compte bancaire figurent sur le formulaire comme étant le compte à débiter au titre des dépenses effectuées au moyen de ladite carte.

- Par jugement du 10 septembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société STH 255, et le 17 septembre 2019, la société American Express Carte France a déclaré au passif de cette liquidation, une créance d'un montant de 207.000 euros.

- Par courrier en date du 15 octobre 2019, le conseil de la société American Express Carte France a mis en demeure M. X. de lui payer la somme de 207.000 euros correspondant à des dépenses effectuées et non honorées au moyen de la carte « Pro Air France KLM - American Express Platinum » délivrée le 9 février 2018.

- Saisi par la société American Express Carte France d'une demande en paiement d'une provision correspondant à cette dernière somme, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, par ordonnance du 9 juin 2020, a déclaré n'y avoir lieu à statuer par voie de référé, l'existence d'une créance non sérieusement contestable n'étant pas démontrée.

- C'est dans ces conditions que par acte d'huissier de justice daté du 14 octobre 2020, la société American Express Carte France a fait assigner M. X. en paiement de la somme de 207.000 euros.

Comme en première instance, M. X. soutient qu'il s'est engagé exclusivement en qualité de mandataire de la société STH 255 et non à titre personnel, que la société American Express Carte France ne rapporte pas la preuve d'une obligation solidaire à sa charge, et qu'à tout le moins la clause de solidarité est abusive. Il formule à titre reconventionnel une demande de dommages et intérêts pour manquement de la société American Express Carte France à son « devoir d'information et de mise en garde ».

 

I. Sur l'engagement contractuel :

1 - Pour contester se trouver engagé à titre personnel, M. X. se fonde sur les dispositions de l'article 1154 du code civil, qui dispose que : « Lorsque le représentant agit dans la limite de ses pouvoirs au nom et pour le compte du représenté, celui-ci est seul tenu de l'engagement ainsi contracté. Lorsque le représentant déclare agir pour le compte d'autrui mais contracte en son propre nom, il est seul engagé à l'égard du cocontractant ».

Comme en première instance M. X. soutient avoir signé l'engagement relatif à la carte « Pro Air France KLM - American Express Platinum » en qualité de représentant légal de la société STH 255 et pour le compte de celle-ci, et non pour son compte personnel. Il indique que le bulletin de souscription mentionne le RIB de la société STH 255, et que les dépenses effectuées au moyen de la carte portent soit sur des frais de la société STH 255, soit sur ses déplacements professionnels, en sorte que seule la société est engagée, et non lui-même, par application de l'article 1154 du code civil.

M. X. souligne que les dépenses effectuées par le moyen de la carte « Pro Air France KLM - American Express Platinum » l'ont été pour l'équipe de tournage de la société STH 255 à Abidjan, outre les déplacements professionnels de M. X., soit dans le cadre de son mandat social, au nom et pour le compte de la société, quand bien même serait-il titulaire de la carte. Il précise qu'il était par ailleurs titulaire, à titre personnel, d'une carte « Air France KLM - American Express Platinum » qu'il a utilisée pour ses propres dépenses et ce pour des montants bien plus modestes que ceux payés au moyen de la carte dédiée à l'activité de la société STH 255 ; selon M. X., l'existence de cette carte personnelle démontre qu'il a bien signé la convention relative à la carte « Pro Air France KLM - American Express Platinum » en sa qualité de représentant légal de la société STH 255, et non pour son usage personnel.

En première instance, à l'argument selon lequel M. X. n'aurait signé la demande de carte que pour le compte de la société STH 255, la société American Express Carte France répliquait que le défendeur a signé la demande à un double titre, d'une part, en qualité de représentant de l'entreprise seul habilité à demander la délivrance d'une telle carte, et d'autre part, en qualité de titulaire de la carte seul habilité à l'utiliser, la qualité de signataire ne recelant aucune ambiguïté en ce que le contrat comporte une double rubrique afférente à ce point, l'une portant sur l'entreprise, l'autre sur la personne physique utilisatrice, celle-ci étant en outre solidaire de celle-là dans le règlement des relevés mensuels.

Liminairement il sera fait observer que le contrat litigieux n'est pas versé aux débats - M. X. faisant simplement référence à la pièce n°1 produite en première instance par la société American Express Carte France, laquelle n'est pas comparante en appel.

Selon les énonciations du jugement, le bulletin de souscription du 9 février 2018 comporte une rubrique « Informations sur l'entreprise » mentionnant notamment la dénomination sociale : « STH 255 », l'adresse de l'entreprise : « [Adresse 1] », et l'activité de cette entreprise : « Production ». Ce bulletin de souscription comporte une seconde rubrique relative aux « Informations personnelles concernant le signataire de la demande de carte, représentant l'entreprise », indiquant notamment que devra figurer sur la carte les prénom et nom : « X. », domicilié « [Adresse 2] ». En bas du bulletin de souscription figurent les références du compte bancaire sur lequel devront être prélevées les dépenses effectuées au moyen de la carte, ce compte étant celui de la société STH 255 ouvert dans les comptes du Crédit du Nord.

Il est constant que la société American Express Carte France devant le premier juge n'a pas contesté que le bulletin de souscription a été rempli et signé par M. X. au nom de la société STH 255, ni que les dépenses effectuées au moyen de la carte « Pro Air France KLM - American Express Platinum » devait être prélevées sur le compte bancaire de la société STH 255 et non sur le compte personnel de M. X.

C'est donc à raison que le premier juge a pu écrire : « Il résulte des éléments qui précèdent que Monsieur X. a souscrit la carte pro au nom de la société STH dont il était le PDG à la date du bulletin de souscription, étant observé que conformément au mécanisme d'utilisation de la carte accréditive, il en était l'utilisateur effectif, les dépenses effectuées par le truchement de ce moyen de paiement devant être débitées sur le compte de la société STH. »

2. En second lieu, M. X. soutient qu'il n'est pas démontré qu'il se trouve engagé solidairement avec la société STH 255, la solidarité, comme il est prévu à l'article 1310 du code civil, ne se présumant pas.

Comme devant le premier juge, M. X. conteste la clause de solidarité, d'abord en ce que sa rédaction serait très lacunaire, ne précisant ni l'objet de la solidarité, ni son bénéficiaire, qui pourrait être tout aussi bien la compagnie Air France KLM, et la clause figurant dans les conditions générales n'étant pas très visible, dans la mesure où il faut les lire en intégralité pour un découvrir l'existence. Ensuite, il y a contradiction entre les termes de la convention et ceux de l'article 1154 du code civil. Enfin, M. X. n'a signé ni paraphé la convention de compte, qui ne lui est dès lors pas opposable.

Selon les énonciations du jugement, en première instance la société American Express Carte France affirmait que la clause de solidarité figure non seulement sur la demande de carte signée par M. X., mais encore en page 6 des conditions générales que le signataire reconnait avoir lues et acceptées avant sa signature. Elle ajoutait que la clause de solidarité figure en caractères suffisamment gros et lisibles pour en permettre une lecture aisée, ne véhiculant aucune contradiction, en sorte que c'est avec mauvaise foi que M. X. prétend n'avoir pas compris les termes du contrat.

Il résulte des énonciations du jugement « ce qui doit être considéré comme fait matériellement constant, en l'absence de toute critique sérieuse de la part de M. X. sur ce point » que le bulletin de souscription en date du 9 février 2018 stipule : « Le signataire de la demande de Carte, représentant de l'Entreprise, reconnaît être solidaire de l'Entreprise à titre principal pour le paiement de l'ensemble des Transactions », qu'en outre, en page 6 de la « Convention relative à la Carte à débit différé American Express », produisant ses effets à compter du 1er janvier 2015, il est indiqué : « Concernant la Carte Business et la Carte PRO AF KLM, le signataire personne physique de la demande de carte est responsable solidairement à titre personnel avec vous (la personne morale) du paiement, à la date d'exigibilité, de tous les débits sur le Compte effectués par vous et par tout Titulaire de Carte supplémentaire, ce qui signifie que nous pouvons exiger de votre part ou du signataire personne physique de la demande de carte, le paiement de la totalité du solde dû sur une Carte Business ou Carte PRO AF KLM. Chaque Titulaire de Carte supplémentaire est également solidairement responsable avec vous du paiement à notre profit à la date d'exigibilité de toutes les Transactions sur le Compte effectuées par le Titulaire de Carte Supplémentaire ».

Ainsi le premier juge à partir de ces constatations a pu à raison retenir, en particulier :

- que tant sur le bulletin de souscription que dans les conditions générales, l'engagement solidaire de l'utilisateur de la carte, aux côtés de la société qui l'a souscrite, figure en caractères très apparents et très lisibles,

- que M. X., qui allègue n'avoir pas compris les termes de cet engagement solidaire, tout en indiquant sur le bulletin de souscription être client d'un établissement bancaire depuis 25 ans et être principal dirigeant de deux sociétés à la date de la souscription de la carte en litige, était en mesure de recueillir les conseils lui permettant de comprendre la teneur de l'engagement contesté à la date de la souscription,

- que M. X. ne peut sérieusement soutenir que la clause de solidarité querellée n'était pas apparente en ce qu'il fallait lire tout le contrat pour en déceler la teneur dans la mesure où étant lui-même principal dirigeant de deux sociétés à la date de souscription de la carte litigieuse, son activité le prédisposait par nature à procéder à une lecture intégrale des contrats engageant les personnes morales dont il était le mandataire,

- que de surcroît, si M. X. prétend n'avoir paraphé ni signé aucune convention de compte en l'espèce, un tel argument est dénué de pertinence en ce que les dépenses effectuées au moyen de la carte en litige devaient être débitées sur le compte de la société STH 255 et non sur le compte personnel de M. X.

3. Enfin, M. X. fait valoir que la clause de solidarité est abusive au regard de l'article 1171 du code civil, qui dispose : « Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ».

M. X., considérant que la convention constitue un contrat d'adhésion en ce compris la clause de solidarité, le signataire engagé solidairement en vertu de ce contrat ne tirant aucun avantage en contrepartie de cet engagement, puisque la carte ne peut être utilisée que pour des besoins professionnels, soutient que la clause de solidarité avec la personne morale est de nature à engendrer une obligation totalement disproportionnée à la charge de son représentant, personne physique. Il n'existe aucun plafond en faveur du signataire ni aucune adéquation avec sa capacité de remboursement. La société American Express Carte France a ainsi consenti un découvert de plusieurs centaines de milliers d'euros envers une personne physique sans s'assurer de sa solvabilité, aucune déclaration ni fiche patrimoniale n'ayant été recueillie dans le cas présent. L'information sur les conséquences de la solidarité est en outre totalement insuffisante, les clauses s'y rapportant étant noyées parmi d'autres ce qui ne permet pas d'assurer une parfaite transparence du contrat.

Comme relevé par le tribunal, essentiellement, « M. X. identifie le « déséquilibre significatif » dans la disproportion entre les dépenses effectuées, d'un montant définitif de 207.000 euros qu'il qualifie de découvert consenti par la société American Express. »

Le premier juge indique aussi que « dans le bulletin de souscription, il (M. X.) fait état d'un revenu annuel brut personnel de 130 000 euros » de sorte qu'au regard de ce montant de revenus, déclaré par M. X., il n'apparaît aucune « disproportion » qui serait née des dépenses effectuées au moyen d'une carte accréditive dont M. X. pouvait surveiller l'évolution au regard de sa qualité de mandataire de la société STH 255. »

Ainsi, comme jugé par le tribunal, M. X. ne démontre pas que la clause de solidarité litigieuse a provoqué, à son détriment, un déséquilibre significatif et sa demande tendant à voir réputer cette clause non écrite doit être rejetée.

N'étant pas discuté que la créance de la société American Express Carte France, déclarée à la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société STH 255, s'élève à un montant de 207.000 euros, M. X., solidairement engagé, sera condamné au paiement de cette somme augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 octobre 2019.

 

II. Sur la demande de dommages et intérêts de M. X. :

Pour réclamer la somme de 207.000 euros à titre de dommages et intérêts pouvant venir en compensation avec d'éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, M. X. se prévaut, à titre subsidiaire, de la responsabilité de la société American Express Carte France, arguant de la disproportion de son engagement en tant que coobligé solidaire, le découvert consenti par la société American Express étant exorbitant faute pour cette société d'avoir rempli son devoir d'information et de mise en garde.

C'est à bon droit que le tribunal a jugé que le manquement à l'obligation d'information et de mise en garde dont se prévaut M. X. se déploie au profit des emprunteurs et de leurs cautions solidaires. Or en l'espèce M. X. ne forme sa demande ni en qualité de co-emprunteur, ni en qualité de caution solidaire de la société STH 255.

L'appelant affirme pourtant (mais sans justifier sa position par la moindre référence textuelle ou jurisprudentielle) que les règles dégagées par la jurisprudence sont transposables aux coobligés solidaires, traités dans les mêmes conditions par le Livre VI du code de commerce. En substance, il reproche à la société American Express Carte France de n'avoir pris aucune précaution pour s'informer sur la solvabilité de M. X., et ce alors qu'il n'est précisé aucun plafond pour l'ouverture du crédit. Compte tenu de l'ambiguïté des documents contractuels M. X. n'a pas été en mesure d'apprécier toutes les conséquences de sa signature, dont il n'a fait la découverte qu'à la réception de l'assignation en paiement. Il est certain que s'il avait été mieux informé, M. X. aurait refusé de s'engager solidairement avec la société STH 255, n'ayant jamais eu les moyens de payer les dettes sociales aux lieu et place de celle-ci. De plus la société American Express Carte France a commis une faute dans la gestion de l'encours : elle aurait pu limiter ou révoquer l'autorisation de crédit octroyée à M. X. dès lors que celui-ci évoluait dans des proportions dangereuses et engendrait des impayés. Le découvert consenti, supérieur à 200.000 euros, était hors de proportion avec les revenus de M. X.

En toute hypothèse, l'obligation de mise en garde n'est due qu'à une personne non avertie, ce que n'est manifestement pas M. X., qui se prévaut d'une expérience de plusieurs années dans le domaine de la production audiovisuelle, étant gérant de la société STH 255 mais également de la société Froggies Media, qui avait une activité similaire.

Au surplus le tribunal a souligné, et sans être contredit formellement sur ce point : « De plus, c'est à tort que Monsieur X. affirme qu'aucune déclaration ni fiche de renseignements patrimoniale n'a été remplie dans la mesure où le bulletin de souscription qu'il a complété le 9 février 2018 renseigne un revenu annuel brut, comme indiqué plus avant, d'un montant de 130.000 euros. »

Quant au devoir d'information, il a été vu supra que les stipulations contractuelles sont parfaitement claires et univoques. Aussi c'est à bon droit que le tribunal a jugé : « En outre, Monsieur X. n'est pas fondé à se prévaloir d'une information insuffisante quant à l'utilisation de la carte, étant acquis aux débats que les conditions générales du contrat carte pro ont été portées à sa connaissance, le contrat précisant notamment l'absence de plafond des dépenses effectuées au moyen de cette carte et les modalités précises de règlement des dépenses. »

Le jugement est confirmé en ce que le tribunal a rejeté comme étant non fondée, la demande indemnitaire de M. X.

 

III. Sur la demande de délai de paiement :

M. X. expose être incapable de faire face au paiement de la somme qui lui est réclamée, rappelant la liquidation judiciaire impécunieuse de la société STH 255, et se dit de ce fait bien fondé à solliciter un délai de paiement de 24 mois.

En application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge, peut dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Néanmoins cet aménagement n'est envisageable que si son montant le permet eu égard aux facultés contributives du débiteur et si les propositions faites pour son apurement permettent à celui-ci de s'en acquitter dans le respect des droits du créancier.

L'appelant ne produisant aucun justificatif utile à l'appui de sa demande, la cour ne dispose d'aucun élément d'appréciation sur sa situation financière actuelle.

De plus, il ne formule aucune proposition concrète de paiement, ni ne présente de perspectives qui lui permettraient d'apurer sa dette au terme d'un délai de deux ans.

Dans ces conditions la demande de délais de paiement de M. X. ne peut qu'être rejetée, et le jugement déféré, confirmé de ce chef.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. X. qui échoue dans ses demandes, supportera la charge des dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant dans les limites de l'appel,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant :

DÉBOUTE M. X. de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. X. aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT