CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 7 décembre 2023

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 7 décembre 2023
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 4e ch. civ.
Demande : 20/03345
Date : 7/12/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 6/08/2020
Référence bibliographique : 5850 (domaine, notion de consommateur, compétence), 5912 (domaine, démarrage de l’activité), 5937 (domaine, financement de l’activité), 5716 (relevé d’office)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 10627

CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 7 décembre 2023 : RG n° 20/03345 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « La cour de céans, par son arrêt du 6 avril 2023, a invité les parties à présenter leurs observations éventuelles sur le caractère abusif ou non de la clause précisant que les prêts deviendraient exigibles en capital, intérêts, frais, commissions et accessoires notamment à défaut de paiement à bonne date par l'emprunteur d'une quelconque somme due au prêteur dans les 8 jours de la réception d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par le prêteur à l'emprunteur, ce au visa des arrêts de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 22 mars 2023, n° 21-16476 et 21-16044.

Ce faisant, la cour a fait abstraction du caractère professionnel des prêts consentis par la banque à M. X., lequel rend inopérant l'application des arrêts précités à l'espèce, rendus au visa de l'article L. 132-1 ancien du code de la consommation. Or, cette législation relative aux clauses abusives est applicable uniquement dans les relations entre non-professionnels et professionnels, non comme en l'espèce entre deux professionnels. Ce moyen est nécessairement dans les débats même si les parties n'ont pas expressément conclu, s'engouffrant ensuite de la cour dans l'erreur d'appréciation commise dans son arrêt précédent en considérant que M. X. était profane dans ses rapports avec la banque, n'ayant aucune compétence ou qualification particulière en matière financière, appréciation d'importance s'agissant de l'obligation de mise en garde mais étrangère à l'application de la législation sur les clauses abusives gouvernée par le code de la consommation.

M. X. a souscrit le 25 mars 2015 un prêt professionnel de 6.000 € destiné à l'achat d'un véhicule dans le cadre de son activité professionnelle, alors de paysagiste, puis deux crédits le 10 décembre 2015 de montants respectifs de 25.000 € et 10.000 €, destinés à l'achat d'une entreprise de pompes funèbres. C'est ensuite de l'apparition d'échéances impayées que la banque, faisant application des stipulations contractuelles, lui a adressé le 18 avril 2018 une mise en demeure de régulariser les échéances échues impayées et le solde du compte de dépôt à vue détenu dans ses livres pour un total de 5.285,86 €, l'informant du recouvrement judiciaire à défaut de régularisation. Puis, par lettre recommandée du 4 mai 2018, la banque a confirmé l'acquisition de la déchéance du terme et exigé le paiement de la somme de 32.429,03 € au titre des prêts et du solde débiteur du compte de dépôt à vue.

Ce faisant, la banque a procédé à une exacte application des stipulations contractuelles énoncées au titre de la déchéance du terme prévoyant l'exigibilité de plein droit du prêt à défaut de paiement d'une somme quelconque à bonne date huit jours après réception d'une lettre recommandée avec accusé de réception.

Les créances afférentes aux prêts sont dès lors toutes exigibles par application de cette clause qui ne peut être remise en cause par la voie de la législation afférente aux clauses abusives. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 7 DÉCEMNRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/03345. N° Portalis DBVK-V-B7E-OU44. Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 janvier 2020, Tribunal judiciaire de Rodez – R.G. n° 18/01061.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [Date naissance 2] à [Localité 1], de nationalité Française, [Adresse 4], [Localité 1], Représenté par Maître Célia VILANOVA substituant Maître Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020/XXX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

 

INTIMÉE :

Crcam Nord Midi Pyrénées - Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées

Société coopérative à capital et personnel variable RCS XXX représentée par son représentant légal en exercice domicilié es-qualité au siège social, [Adresse 3], [Localité 5], Représentée par Maître Gilles ARGELLIES substituant Maître Emily APOLLIS de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, ayant plaidé pour Maître Laurent PARDAILLE, avocat au barreau de l'AVEYRON

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 octobre 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de : M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, M. Philippe BRUEY, Conseiller, Mme Marie-José FRANCO, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRÊT : - contradictoire ; - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; - signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 25 mars 2015, la banque Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées (Crcam ou le prêteur ci-après) a consenti à M. X. un crédit d'un montant de 6.000 € remboursable en 48 mensualités, destiné à l'achat d'un véhicule dans le cadre de son activité professionnelle.

Le 10 décembre 2015, la banque a consenti à M. X. deux nouveaux prêts remboursables en 84 mensualités, d'un montant respectif de 25.000 € et de 10.000 €, destinés à financer une nouvelle activité, à savoir l'ouverture d'une entreprise de pompes funèbres.

Parallèlement à ces prêts, M. X. a ouvert un compte de dépôt à vue dans les livres de la Crcam.

Suite à la défaillance de M. X., la banque l'a mis en demeure, par courrier en date du 18 avril 2018, de régulariser sous huitaine les échéances impayées ainsi que le solde débiteur du compte à vue.

Par courrier recommandé en date du 4 mai 2018 demandant le paiement de la somme totale de 32.429,03 €, la banque a prononcé la déchéance du terme.

C'est dans ce contexte que par acte du 15 octobre 2018, la banque a fait assigner M. X. en paiement devant le tribunal de grande instance de Rodez.

Par jugement assorti de l'exécution provisoire en date du 31 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Rodez a :

- condamné M. X. à verser à la Crcam les sommes suivantes :

* 2.375,03 € assortie des intérêts au taux conventionnel de 2,70 % sur la somme de 2.326,23 € à compter du 4 mai 2018 (en exécution du premier prêt) ;

* 20.388,87 € assortie des intérêts au taux conventionnel de 2,15 % sur la somme de 20.108 € à compter du 4 mai 2018 (en exécution du second) ;

* 8.269,19 € assortie des intérêts au taux conventionnel de 2,95 % sur la somme de 8.101,75 € à compter du 4 mai 2018 (en exécution du troisième).

* 1.858, 95 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2018 (au titre du solde débiteur du compte de dépôt) ;

- débouté M. X. de ses demandes de dommages et intérêts au titre du manquement de la banque à son devoir de mise en garde et de conseil, de remboursement des intérêts perçus au-delà des intérêts au taux légal, d'octroi d'un différé ou d'un délai de paiement et d'imputation des échéances reportées en priorité sur le capital ;

- rejeté le surplus des demandes ;

- condamné M. X. à verser à la Crcam la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le 6 août 2020, M. X. a relevé appel de tous les chefs de ce jugement.

Par arrêt en date du 6 avril 2023, la cour d'appel de Montpellier, avant dire droit, a :

- ordonné la réouverture des débats ;

- invité les parties à présenter leurs observations éventuelles sur le caractère abusif ou non de la clause précisant que les prêts deviendraient exigibles en capital, intérêts, frais, commissions et accessoires notamment à défaut de paiement à bonne date par l'emprunteur d'une quelconque somme due au prêteur dans les 8 jours de la réception d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par le prêteur à l'emprunteur ;

- dit que l'appelant devra conclure sur ce point au plus tard le 11 mai 2023 et l'intimé au plus tard le 7 juin 2023 ;

- renvoyé la cause et les parties à l'audience collégiale du 17 octobre 2023 ;

- dit que la présente décision vaut convocation ;

- dans cette attente, sursoit à statuer sur toutes les demandes et prétentions des parties et réserve les dépens

 

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 9 octobre 2023, M. X. demande en substance à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions, rejeter toute demande tendant à rendre exigible la somme de 32.429,03 €, déclarer irrecevable toute demande de la banque ainsi que son action en paiement, faute de déchéance du terme préalable valable et confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déclaré comme emprunteur profane, et, ce faisant :

- Condamner la banque à lui payer une indemnité de 32.891,04 € à titre de dommages-intérêts correspondant au montant total des condamnations sollicitées à son encontre,

- Juger que les créances réciproques viendront en compensation l'une de l'autre et que la banque doit être déchue de son droit aux intérêts en raison de la faute commise, tel que le manquement au devoir de mise en garde, à défaut, que le taux et le quantum des intérêts sera largement diminué.

- Rejeter les demandes du crédit agricole.

- A titre subsidiaire, réformer le jugement en ce qu'il l'a condamné à des intérêts au taux conventionnel, substituer le taux légal au taux conventionnel depuis la date du prêt et condamner le crédit agricole à lui rembourser l'ensemble des intérêts perçus au-delà du taux d'intérêt légal rétroactivement depuis le début des contrats et statuer ce que de droit sur les mérites de la créance alléguée par la banque et ordonner la compensation des créances réciproques.

- En tout état de cause, lui accorder un différé de paiement de deux ans et prescrire que « les sommes correspondantes aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital » ou, a minima, lui accorder un échelonnement de paiement sur 24 mois.

- En toutes hypothèses, prononcer l'irrecevabilité des demandes formulées à titre subsidiaire par la Crcam, exonérer M. X. du paiement de la somme principale demandée par la Crcam, allouer à l'avocat C. une somme, qui ne saurait être inférieure à 2.000 €, au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que M. X. aurait exposé s'il n'avait pas été bénéficiaire de l'aide juridictionnelle et condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de l'avocat soussigné par application de l'article 699 du code de procédure civile et condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de l'avocat soussigné par application de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 2 octobre 2023, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi Pyrénées demande en substance à la cour de :

- Confirmer le jugement, et de débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- A titre subsidiaire, de le condamner à lui payer les sommes de :

* 2.362,09 €, outre intérêts au taux conventionnel de 2,70 % en sus à compter du 6 juin 2023 jusqu'à complet paiement au titre du prêt de 6.000 €,

* 20.851,30 €, outre intérêts au taux conventionnel de 2,15 % en sus à compter du 6 juin 2023 jusqu'à complet paiement au titre du prêt de 25.000 €,

* 8.730,91 € outre intérêts au taux conventionnel de 2,95 % en sus à compter du 6 juin 2023 jusqu'à complet paiement au titre du prêt de 10.000 €,

Confirmer le jugement pour le surplus et débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- Y ajoutant, le condamner à lui payer une somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

[*]

Vu l'ordonnance de clôture en date 16 janvier 2023.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la déchéance du terme des crédits :

La cour de céans, par son arrêt du 6 avril 2023, a invité les parties à présenter leurs observations éventuelles sur le caractère abusif ou non de la clause précisant que les prêts deviendraient exigibles en capital, intérêts, frais, commissions et accessoires notamment à défaut de paiement à bonne date par l'emprunteur d'une quelconque somme due au prêteur dans les 8 jours de la réception d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par le prêteur à l'emprunteur, ce au visa des arrêts de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 22 mars 2023, n° 21-16476 et 21-16044.

Ce faisant, la cour a fait abstraction du caractère professionnel des prêts consentis par la banque à M. X., lequel rend inopérant l'application des arrêts précités à l'espèce, rendus au visa de l'article L. 132-1 ancien du code de la consommation.

Or, cette législation relative aux clauses abusives est applicable uniquement dans les relations entre non-professionnels et professionnels, non comme en l'espèce entre deux professionnels. Ce moyen est nécessairement dans les débats même si les parties n'ont pas expressément conclu, s'engouffrant ensuite de la cour dans l'erreur d'appréciation commise dans son arrêt précédent en considérant que M. X. était profane dans ses rapports avec la banque, n'ayant aucune compétence ou qualification particulière en matière financière, appréciation d'importance s'agissant de l'obligation de mise en garde mais étrangère à l'application de la législation sur les clauses abusives gouvernée par le code de la consommation.

M. X. a souscrit le 25 mars 2015 un prêt professionnel de 6.000 € destiné à l'achat d'un véhicule dans le cadre de son activité professionnelle, alors de paysagiste, puis deux crédits le 10 décembre 2015 de montants respectifs de 25.000 € et 10.000 €, destinés à l'achat d'une entreprise de pompes funèbres.

C'est ensuite de l'apparition d'échéances impayées que la banque, faisant application des stipulations contractuelles, lui a adressé le 18 avril 2018 une mise en demeure de régulariser les échéances échues impayées et le solde du compte de dépôt à vue détenu dans ses livres pour un total de 5.285,86 €, l'informant du recouvrement judiciaire à défaut de régularisation.

Puis, par lettre recommandée du 4 mai 2018, la banque a confirmé l'acquisition de la déchéance du terme et exigé le paiement de la somme de 32.429,03 € au titre des prêts et du solde débiteur du compte de dépôt à vue.

Ce faisant, la banque a procédé à une exacte application des stipulations contractuelles énoncées au titre de la déchéance du terme prévoyant l'exigibilité de plein droit du prêt à défaut de paiement d'une somme quelconque à bonne date huit jours après réception d'une lettre recommandée avec accusé de réception.

Les créances afférentes aux prêts sont dès lors toutes exigibles par application de cette clause qui ne peut être remise en cause par la voie de la législation afférente aux clauses abusives.

La créance de la banque est certaine liquide et exigible et n'est pas remise en cause dans son détail tel qu'arbitré par le premier juge. La cour confirmera les condamnations prononcées en première instance au titre des sommes principales dues en vertu des contrats de prêt.

 

Sur le solde débiteur du compte de dépôt à vue :

M. X. conteste l'exigibilité du solde réclamé à hauteur de 1.858,95 € au motif que la banque ne produit pas de convention de compte, seul document prévu à l'article L.312-1-1 du code monétaire et financier dans sa version applicable à l'espèce qui permettrait de déterminer si le solde débiteur devient exigible de plein droit, comme se limite à le soutenir la banque, sans plus de conditions ou de mesures préventives préalables.

La cour constate toutefois que par courrier du 1er février 2017, la banque l'informait de son refus de payer toutes opérations qui aggraveraient le solde débiteur du compte puis que par courriers recommandés des 18 octobre 2017 et 8 février 2018, elle procédait à la clôture du compte en transmettant le dossier au contentieux à défaut de régularisation dans les 60 jours.

Le solde du compte débiteur de compte de dépôt à vue, dont l'ouverture n'est pas contredite, a donc bien été rendu exigible et le jugement sera confirmé en ce qu'il porte condamnation à ce titre.

 

Sur le manquement au devoir de conseil et de mise en garde :

M. X. fait valoir, pour obtenir la condamnation indemnitaire de la banque à lui payer des dommages et intérêts au titre d'une perte de chance équivalente au montant des condamnations prononcées et compensation, la faute de la banque qui a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde en le laissant s'endetter au titre des trois prêts, ce que la banque conteste en produisant les éléments de son analyse lui ayant permis d'apprécier la capacité de remboursement de M. X. qu'elle considère comme emprunteur averti.

A cet égard, il convient de reprendre l'appréciation portée par la cour dans son arrêt du 6 avril 2023 sur le caractère profane de M. X. dans ses rapports avec la banque, n'ayant aucune compétence ou qualification particulière en matière financière, empruntant pour l'achat d'un véhicule d'occasion pour l'exercice de sa profession de paysagiste puis pour la création d'une petite entreprise de pompes funèbres, tous métiers qui ne lui conféraient pas de connaissances particulières dans le domaine bancaire ou des affaires, peu important que M. X. ait pu être assisté d'un expert- comptable dans des fonctions étrangères à la souscription du prêt.

M. X. étant emprunteur non averti, la banque est débitrice envers lui d'un devoir de mise en garde dont il lui incombe de rapporter la preuve de son exercice.

Il est de jurisprudence constante que la banque dispensatrice de crédit, qui n'a pas à s'immiscer dans les affaires de son client pour apprécier l'opportunité des opérations auxquelles elle procède, n'est tenue, en cette seule qualité, non d'une obligation de conseil quant à l'opportunité économique de l'opération envisagée envers les emprunteurs, sauf si elle en a pris l'engagement, mais seulement d'une obligation d'information sur les caractéristiques du prêt qu'elle leur propose de souscrire afin de leur permettre de s'engager en toute connaissance de cause et d'une obligation de mise en garde en s'assurant de leurs capacités de remboursement.

L'examen du respect de son obligation par la banque doit être réalisé, prêt par prêt, en l'état de la situation des parties à la date de leur souscription.

En mars 2015, lorsqu'il contracte un prêt pour l'acquisition d'un véhicule d'occasion pour les besoins de son exercice professionnel, M. X. est paysagiste depuis huit ans. Pour la délivrance de ce prêt, la banque produit une étude complète « marché des professionnels » dont il ressort, examinée de concert avec la fiche de 'décision crédit', qu'elle lui a accordé ce crédit de 6.000 € en prenant en compte : la composition du foyer familial de 4 personnes, dont deux enfants de 11 et 13 ans, d'un patrimoine immobilier de 200.000 € financé par un crédit en cours d'amortissement par mensualités de 668 €, un total des revenus mensuels de 2.517 € pour un taux de charge de 31,4 % avec un revenu disponible de 1.727 €. Elle analysait la situation de M.X. en soulignant que si M. X. avait eu des difficultés à trouver sa clientèle à la création de l'entreprise en 2008, ce n'était plus le cas depuis qu'il s'était spécialisé en 2013 dans l'assainissement. Elle commentait une gestion rigoureuse de son compte par M. X. qui disposait d'une épargne pro sur livret A.

De telles pièces permettent de considérer que M. X. s'est engagé en toute connaissance de cause sur les caractéristiques du prêt de 6.000 € et que la banque s'est assurée de sa capacité de remboursement en procédant à une étude exhaustive des revenus et charges du foyer et de l'activité économique pour le financement de laquelle le prêt était sollicité dans une perspective caractérisée de développement de l'activité. Au demeurant, il résulte des conclusions de M. X. que les difficultés économiques qu'il a rencontrées sont apparues en lien avec l'activité ultérieure de pompes funèbres lorsque la commune a autorisé l'installation d'une entreprise concurrente.

Aucune faute de la banque n'est établie dans le respect de ses obligations lors de ce premier crédit dès lors que les capacités de remboursement de M. X. étaient adaptées.

En décembre 2015, M. X. va souscrire deux crédits de montants plus importants, respectivement de 25.000 € et de 10.000 €, destinés l'un à l'achat du fonds de commerce de l'EIRL Val Causses, entreprise de pompes funèbres dont il était jusqu'alors sous-traitant, l'autre pour le financement de la trésorerie.

Ces prêts, respectivement remboursables par échéances de 343,72 € et e 141,05 € augmentaient alors le taux de charge de manière conséquente puisqu'il passait de 31,4% à (2.845 €/790 € + 343,72 € + 141,05 €) à 44,8 %. La banque n'en a pas tenu compte dans son étude complète des « marchés professionnels », laquelle est restée établie sur la base des revenus et charges antérieurs, accordant au demeurant les crédits sur l'avis favorable d'un conseiller non identifié.

La banque, au regard du risque d'endettement excessif, excédant la norme communément admise du tiers des revenus disponibles, était débitrice d'une obligation de mise en garde qu'elle ne justifie pas avoir satisfaite auprès de M. X. d'une quelconque manière.

La perte de chance de ne pas contracter ainsi générée, laquelle ne peut être appréciée à hauteur de la totalité de la créance restant due, le sera à hauteur de 80 % des condamnations prononcées au titre de ces deux prêts, soit 22.926,80 €, arrondis à 23.000 €.

La compensation avec les sommes dues par M. X. à la banque s'impose.

S'agissant de la demande de privation de la banque de son droit aux intérêts contractuels en considération de son manquement à son devoir de mise en garde, y faire droit reviendrait à sanctionner doublement la banque pour une seule et même faute, sans application proportionnelle et raisonnable. Il n'y sera pas fait droit.

S'agissant de la demande tendant à voir substituer le taux de l'intérêt légal au taux conventionnel avec restitution des intérêts échus calculés de manière rétroactive depuis le début du contrat, au motif que le TAEG serait erroné en ce qu'il ne prend pas en compte les assurances décès, perte d'autonomie et ITT, la sanction s'en trouverait dans la déchéance du droit aux intérêts, et non comme formulé en l'espèce, dans la substitution d'un taux à un autre. La demande sera d'autant plus rejetée qu'il n'est en rien démontré que l'erreur conduise à un taux réel inférieur de plus d'une décimale en application des dispositions de l'article R.313-1 du code de la consommation alors en vigueur.

S'agissant des délais de paiement, la situation économique respective des parties et la possibilité pour M. X. de s'acquitter du solde de sa dette dans le délai de deux ans que la juridiction peut lui octroyer à cette fin conduisent à faire droit à sa demande de délais dans les termes du dispositif.

Chaque partie succombant partiellement dans ses prétentions, chacune supportera la moitié des dépens de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant contradictoirement

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné M. X. à verser à la Crcam les sommes suivantes :

> 2.375,03 € assortie des intérêts au taux conventionnel de 2,70 % sur la somme de 2.326,23 € à compter du 4 mai 2018 (en exécution du premier prêt) ;

> 20.388,87 € assortie des intérêts au taux conventionnel de 2,15 % sur la somme de 20.108 € à compter du 4 mai 2018 (en exécution du second) ;

> 8.269,19 € assortie des intérêts au taux conventionnel de 2,95 % sur la somme de 8.101,75 € à compter du 4 mai 2018 (en exécution du troisième) ;

> 1.858, 95 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2018 (au titre du solde débiteur du compte de dépôt) ;

L'infirme sur le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la Crcam à payer à M. X. la somme de 23.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquements à son devoir de mise en garde,

Ordonne la compensation entre les créances respectives des parties,

Après compensation, dit que M. X. pourra se libérer de sa dette par 24 mensualités égales, la première à intervenir dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, les suivantes à intervalles réguliers.

Dit qu'à défaut de paiement à la date ainsi déterminée, M. X. sera déchu du bénéfice de ces délais huit jours suivant l'expiration d'une mise en demeure par lettre recommandée restée infructueuse.

Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples.

Condamne chaque partie au paiement de la moitié des dépens de première instance et d'appel.

Dit qu'en application de l'article 43 de la loi du 10 juillet 1991, la Crcam sera tenue de rembourser au Trésor Public la moitié des frais avancés par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

Le Greffier                                        Le Président