CA NÎMES (1re ch. civ.), 7 décembre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10638
CA NÎMES (1re ch. civ.), 7 décembre 2023 : RG n° 22/01769
Publication : Judilibre
Extraits : 1. « Le premier juge a déclaré ces conditions générales inopposables au motif que les contrats versés aux débats ne comportaient qu'une seule page, le recto, dans lequel il est mentionné que la société SBI s'engage à fournir les prestations qui figurent au verso dans nos conditions générales... ».
Devant la cour, la société SBI 84 produit la page recto et verso des contrats. La cour constate qu'au verso des contrats de maintenance figure les conditions générales, écrites en caractères suffisamment lisibles, claires et compréhensibles contrairement à ce que plaide l'intimée. Ces conditions générales sont donc opposables à la cocontractante laquelle, au recto du contrat, a apposé sa signature sous la mention suivante : « Le soussigné déclare avoir pris connaissance des conditions générales figurant au verso et les accepte sans réserves ». Les clauses relatives à la durée du contrat et à l'indemnité de résiliation sont donc opposables à l'association OGEC Saint-Jean Baptiste de La Salle. »
2/ « L'association OGEC Saint-Jean-Baptiste de La Salle a certes une activité professionnelle dès lors qu'elle dispense un enseignement général à des élèves de la maternelle à la terminale qui lui règlent des frais de scolarité en contrepartie ainsi qu'en atteste le compte de résultat versé aux débats. Néanmoins, une personne morale est considérée comme un non-professionnel au sens du code de la consommation lorsqu'elle conclut un contrat n'ayant pas de rapport direct avec sa propre activité professionnelle. La maintenance de photocopieurs n'ayant pas de rapport direct avec son activité d'enseignement, l'intimée doit être considérée comme un non-professionnel dans ses relations avec la société SBI 84.
L'article R. 132-2 du code de la consommation, disposition applicable aux contrats litigieux souscrits en octobre et décembre 2015, dispose : « Dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et du deuxième alinéas de l'article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : 3° Imposer au non-professionnel ou au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné ; 8° Soumettre la résolution ou la résiliation du contrat à des conditions ou modalités plus rigoureuses pour le non-professionnel ou le consommateur que pour le professionnel ».
Au regard des dispositions susvisées, la clause insérée à l'article 8.3 des contrats litigieux sont présumé. En effet, elle soumet la résiliation du contrat à des conditions plus rigoureuses pour le non-professionnel dès lors qu'elle est acquise « en l'absence d'un minimum de facturation »", (article 8.3) ou « en cas de non utilisation du matériel » (article 8.4 in fine) autrement dit si le nombre de photocopies réalisées par le non-professionnel est inférieur à un volume minimum laissé à la discrétion du professionnel puisque non fixé dans les conditions générales : elle soumet donc le cocontractant du prestataire à une obligation d'effectuer un volume minimum de photocopies décidé unilatéralement par le prestataire créant ainsi un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Cette clause par ailleurs met à la charge du non-professionnel qui n'exécute pas cette obligation une indemnité tout-à-fait dissuasive car il aura à payer une indemnité très supérieure au prix des copies effectivement réalisées, l'indemnité étant égale à 95% de la moyenne de la facturation depuis le début du contrat jusqu'à son expiration. A titre d'exemple, pour le n°8420152508-35, l'appelante multiplie le nombre de trimestres restant à courir (4), avec la moyenne de copies noir et blanc et couleur et y ajoute le coût de l'abonnement (571,50) et réclame une indemnité de 2 606,04 euros. Comme il y a trente-six contrats et autant d'indemnités de résiliation, la facture totale est très élevée.
Quoique la société SBI justifie dans une formule générale insérée in fine dans la clause litigieuse que cette obligation et cette indemnité sont la juste contrepartie des moyens mis en place pour procurer à son cocontractant une prestation de qualité, elle n'apporte pas de preuve contraire pour renverser la présomption selon laquelle la clause litigieuse crée un déséquilibre significatif entre les parties et revêt un caractère abusif.
Cette clause sera donc réputée non écrite et la société SBI sera déboutée de sa demande tendant au règlement de la somme de 64.591,33 euros au titre des indemnités de résiliation des contrats conclus avec l'Ogec Saint Jean-Baptiste de La Salle. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 7 DÉCEMBRE 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/01769. N° Portalis DBVH-V-B7G-IOGI. Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 25 avril 2022, R.G. n° 21/00665.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, Mme Isabelle DEFARGE, Présidente de chambre, Mme Séverine LEGER, Conseillère
GREFFIER : Mme Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS : A l'audience publique du 24 octobre 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 30 novembre 2023 prorogé au 7 décembre 2023. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
SAS SBI 84
[Adresse 1], [Localité 2] (FRANCE), Représentée par Maître Nolwenn ROBERT de la SELAS PVB AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER, Représentée par Maître Sophie MEISSONNIER-CAYEZ de la SELAS PVB AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
Association OGEC SAINT JEAN BAPTISTE DE LA SALLE
[Adresse 3], [Localité 2], Représentée par Maître Perrine CORU de la SARL PERRINE CORU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON
ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 7 décembre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
L'association OGEC Saint Jean Baptiste de la Salle, organisme de gestion de l'enseignement catholique, a conclu avec la SAS SBI 84, société de bureautique et d'informatique, trente six contrats de maintenance de photocopieurs signés les 1er octobre 2015, le 30 juin 2015 et le 16 décembre 2015. Les contrats stipulent que la rémunération du prestataire est calculée en fonction du nombre de copies effectuées sur le matériel concerné et que la facturation sera trimestrielle
En application des dispositions du code des marchés publics et de la commande publique entré en vigueur le 1er avril 2019, l'association OGEC a procédé à un appel d'offre.
La SAS SBI 84 n'ayant pas été retenue comme attributaire du marché, et sa cliente l'ayant informé qu'elle n'utilisait plus son matériel, elle a procédé à la résiliation de l'ensemble des contrats précités à la date du 24 octobre 2019 et réclamé à sa cliente la restitution du matériel et des consommables ainsi que des indemnités de résiliation d'un montant total de 64.591,33 euros
Par acte du 4 mars 2021, la SAS SBI 84 a assigné l'association OGEC Saint-Jean Baptiste de Lasalle devant le tribunal judiciaire d'Avignon en règlement des indemnités de résiliation.
Par jugement contradictoire du 25 avril 2022, le tribunal judiciaire d'Avignon a :
- débouté la SAS SBI 84 de l'intégralité de ses demandes ;
- débouté l'association OGEC Saint Jean Baptiste de la Salle de sa demande reconventionnelle en remboursement des indexations sous astreinte ;
- condamné la SAS SBI 84 à payer à l'association OGEC Saint Jean Baptiste de la Salle la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SAS SBI 84 aux dépens ;
- rappelé que la présente décision est revêtue de l'exécution provisoire.
Le tribunal a considéré que les conditions générales stipulant le règlement d'une indemnité de résiliation dont la société SBI 84 réclame l'application n'ont pas été portées à la connaissance de sa cocontractante et ne lui sont pas opposables. Il a écarté la demande d'annulation des contrats formée à titre reconventionnel par l'OGEC Saint Jean Baptiste de La Salle au motif que les dispositions des articles L. 1111-1 et suivants du code de la commande publique n'étaient pas applicables aux contrats conclus.
Par déclaration du 20 mai 2022, la SAS SBI 84 a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 29 juin 2023, la cour a ordonné la réouverture des débats et invité l'intimée à justifier qu'elle était majoritairement financée par l'Etat ou les collectivités locales.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS :
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 10 octobre 2022, la SAS SBI 84 demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement et, statuant à nouveau, de :
A titre principal,
- condamner l'Association OGEC à lui payer la somme de 64.591,33 euros TTC augmentée des intérêts contractuels égaux à trois fois le taux d'intérêt légal,
A titre subsidiaire,
- condamner l'association OGEC à lui payer la somme de 33.478,60 euros TTC augmentée des intérêts contractuels égaux à trois fois le taux d'intérêt légal,
En tout état de cause,
- condamner l'association OGEC à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- rejeter l'ensemble des demandes formées par l'Association OGEC.
- condamner l'association OGEC à payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société SBI 84 soutient que sa cocontractante ne peut refuser de payer les indemnités de résiliation contractuellement prévues dans les conditions générales de vente, lesquelles sont pleinement opposables à l'association puisque conformes au dispositions de l'article 1119 du Code Civil. Elle estime par ailleurs que l'intimée ne saurait invoquer la nullité des contrats litigieux en l'absence de texte prévoyant une telle sanction pour la violation des règles de passation des marchés publics par les organismes d'enseignement catholique.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 10 octobre 2022, l'association OGEC, intimée, demande à la cour de :
A titre principal,
- prononcer la nullité des contrats la liant avec la société SBI,
- débouter la société SBI de ses demandes,
A titre subsidiaire,
- juger inopposables les conditions générales des contrats et notamment les clauses relatives à la durée et à la résiliation,
- juger que les contrats souscrits sont à durée indéterminée,
- juger illicites les clauses relatives à la résiliation du contrat,
- débouter la société SBI de ses demandes,
A titre infiniment subsidiaire,
- débouter la société SBI de ses demandes comme étant infondées et injustifiées,
En tout état de cause,
- condamner la société SBI à lui rembourser toutes les indexations réalisées à tort sur l'ensemble des contrats depuis leur signature, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir et a minima la somme reconnue de 22.855,48 euros,
- ordonner l'exécution provisoire,
- condamner la société SBI à payer à l'OGEC la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée considère que les contrats litigieux sont nuls car contraires aux règles de passation des marchés public telles que prévues aux articles L. 1111-1 et suivants du code de la commande publique et révèlent par ailleurs un délit de favoritisme au sens de l'article 432-14 du code pénal.
L'appelante ne produisant pas les conditions générales des contrats, elle ne saurait solliciter l'application des clauses relatives à l'indemnité de résiliation et à la durée des contrats qui doivent être réputés conclus pour une durée indéterminée. L'intimée s'estime fondée à soulever à titre subsidiaire le caractère abusif des conditions générales de vente et à titre plus subsidiaire encore à solliciter le rejet de la demande en paiement en l'état de ses incohérences et erreurs de calcul.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la nullité des contrats :
L'OGEC Saint-Jean Baptiste de La Salle a soulevé la nullité des contrats conclus avec la société SBI au motif qu'étant un organisme de gestion de l'enseignement catholique, elle participe à l'accomplissement des missions de service public de l'enseignement et qu'elle était dès lors soumise aux règles de passation des marchés publics à la date à laquelle ont été conclus les contrats litigieux.
Elle en déduit que tous les contrats conclus avec la société SBI en infraction aux articles L 1111-1 et suivants du code de la commande publique sont illicites et par voie de conséquence nuls.
Le tribunal a écarté la nullité des contrats litigieux au motif que les OGEC n'ont été qualifiés de pouvoirs adjudicateurs par la chambre commerciale de la Cour de cassation que le 7 mars 2018, soit postérieurement à la conclusion des contrats litigieux, et qu'à supposer qu'elle soit qualifiée de pouvoir adjudicateur, l'OGEC Saint-Jean Baptiste de la Salle n'invoque par ailleurs aucune disposition légale sanctionnant par la nullité les contrats conclus en violation des règles de la commande publique.
La société SBI, appelante, soutient en premier lieu que dans l'hypothèse où l'Ogec Saint-Jean Baptiste de La salle serait qualifiée de pouvoir adjudicateur, il aurait commis une faute en s'abstenant de respecter ses obligations de publicité et de mise en concurrence préalable avant de conclure les contrats litigieux. Elle estime qu'elle n'a pas à supporter les conséquences de la faute de son cocontractant, se prévaut de l'adage « nemo auditur propriam tupitudinem allegans » et soutient qu'il serait inéquitable que l'Ogec puisse invoquer une nullité dont il serait lui-même à l'origine. Elle fait valoir en second lieu qu'aucune disposition légale ne sanctionne de nullité la passation d'un marché en violation des obligations de publicité et de mise en concurrence préalable.
L'OGEC Saint-Jean Baptiste de La Salle rappelle que les juridictions administratives considèrent comme nuls les contrats passés alors que le pouvoir adjudicateur n'a pas respecté les obligations de publicité et de mise en concurrence préalable et que la conclusion d'un contrat dans de telles conditions caractérise le délit de favoritisme prévu et réprimé par l'article 432-14 du code pénal. L'intimé considère que les contrats litigieux sont illicites pour avoir été conclus sans publicité et mise en concurrence préalable et sont nuls en application de l'article 1128 du code civil.
Quand elles sont qualifiées de pouvoirs adjudicateurs, les associations d'intérêt général sont tenues d'appliquer pour leurs propres marchés les règles de la commande publique, à savoir la publicité et la mise en concurrence préalable.
Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 applicable au présent litige, sont qualifiés de pouvoirs adjudicateurs :
« 1° Les organismes de droit privé ou les organismes de droit public autres que ceux soumis au code des marchés publics dotés de la personnalité juridique et qui ont été créés pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, dont :
a) Soit l'activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics ou à la présente ordonnance ;
b) Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics ou à la présente ordonnance ;
c) Soit l'organe d'administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics ou à la présente ordonnance ... ».
Pour être qualifié de pouvoir adjudicateur, l'organisme de droit privé doit donc remplir deux critères cumulatifs, le premier étant la satisfaction spécifique des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, le second étant le lien de dépendance avec un pouvoir adjudicateur (État ou collectivité locale) au travers soit de son financement, soit du contrôle de sa gestion, soit de la désignation des membres composant son organe d'administration et de direction.
L'Ogec Jean-Batiste de La Salle remplit le premier critère requis par la disposition précitée : participant à la réalisation des objectifs et à l'accomplissement des missions de service public de l'enseignement définis par le code de l'éducation, elle a bien été créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel et commercial et elle y satisfait effectivement (Cour de cassation, chambre commerciale, 7 mars 2018 n°16-138).
L'Ogec Saint Saint Jean-Baptiste de La Salle remplit le second critère, celui de la dépendance à un pouvoir adjudicateur, requis par l'article 3 de l'ordonnance du 6 juin 2005. En effet, contrairement à ce qu'affirme l'intimée, l'arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation du 7 mars 2018 n'a pas énoncé que l'Ogec concerné avait la qualité de pouvoir adjudicateur : il a au contraire cassé l'arrêt de la cour d'appel qui l'avait retenu en affirmant péremptoirement que ses ressources se composaient majoritairement de contributions, subventions et participations versées par l'Etat et les collectivités locales. Si la cour de cassation a suivi l'argumentation de la cour d'appel sur le premier critère- satisfaction spécifique des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial -, elle lui a reproché de ne pas avoir vérifié concrètement si elle remplissait le second critère.
Invitée dans le cadre de la réouverture des débats à justifier soit qu'elle est financée majoritairement par l'Etat et/ou les collectivités locales, soit que sa gestion est soumise au contrôle d'un pouvoir adjudicateur soit que son organe d'administration, de direction et de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié est désignée par un pouvoir adjudicateur, l''OGEC Saint-Jean Baptiste de La Salle a produit une pièce n°69 : il s'agit du compte de résultat détaillé pour l'exercice comptable clos le 31 août 2022. Dans ses produits d'exploitation figurent les cotisations des membres de l'OGEC (16.929), les ventes de prestations de service (enseignement, restauration, hébergement, droits d'inscription, sorties pédagogiques... 3.862.209), les produits de tiers financeurs (aides à l'emploi, forfait externat État, Région, Département, subventions diverses... d'un montant de 2.502.211 euros).
L'Ogec Saint-Jean Baptiste de La Salle ne démontre donc pas qu'elle est un pouvoir adjudicateur. En effet, le caractère majoritaire du financement public signifie « plus de la moitié », d'une part, et les versements effectués par l'État et/ou les collectivités locales sont considérés comme des financements publics à condition de ne pas représenter la rémunération d'une prestation spécifique, tels que les forfaits d'externat qui représentent la majorité des produits de tiers financeurs perçus par l'association Ogec Saint-Jean Baptiste de La Salle.
Le premier juge l'a donc à juste titre déboutée de sa demande d'annulation des contrats fondée sur la violation des règles de passation de la commande publique.
Sur l'inopposabilité des conditions générales des contrats :
Dans les conditions générales des contrats litigieux est insérée un article 8 intitulé « dénonciation et résiliation » sur lequel la société SBI 84 fonde sa demande de paiement d'indemnité de résiliation.
Le premier juge a déclaré ces conditions générales inopposables au motif que les contrats versés aux débats ne comportaient qu'une seule page, le recto, dans lequel il est mentionné que la société SBI s'engage à fournir les prestations qui figurent au verso dans nos conditions générales... ».
Devant la cour, la société SBI 84 produit la page recto et verso des contrats.
La cour constate qu'au verso des contrats de maintenance figure les conditions générales, écrites en caractères suffisamment lisibles, claires et compréhensibles contrairement à ce que plaide l'intimée. Ces conditions générales sont donc opposables à la cocontractante laquelle, au recto du contrat, a apposé sa signature sous la mention suivante : « Le soussigné déclare avoir pris connaissance des conditions générales figurant au verso et les accepte sans réserves ».
Les clauses relatives à la durée du contrat et à l'indemnité de résiliation sont donc opposables à l'association OGEC Saint-Jean Baptiste de La Salle.
Sur la qualification de clause abusive appliquée à l'article 8.3 des contrats de maintenance :
Les contrats stipulent que la rémunération du prestataire est calculée en fonction du nombre de copies effectuées sur le matériel concerné et que la facturation est trimestrielle à partir du relevé compteur adressé par le client.
L'article 8.3 des contrats de maintenance souscrits par l'Ogec Saint Jean-Baptiste de La Salle est rédigé en ces termes :
« En cas de résiliation anticipée du fait du client, SBI exigera le versement d'une indemnité contractuelle égale à 95% du montant total des facturations minimales trimestrielles hors taxes qui auraient été dues jusqu'à l'expiration de la durée de l'engagement du client. En l'absence d'un minimum de facturation, SBI exigera le versement d'une indemnité contractuelle égale à 95 % de la moyenne de la facturation depuis le début du contrat jusqu'à l'expiration du délai d'engagement du client...ces dispositions constituent la juste compensation des moyens mis en place préalablement par SBI pour assurer un service de maintenance de qualité ».
L'intimée soutient que cette clause, présumée abusive par l'article R. 212-2, 3° et 8° du code de la consommation, doit être réputée non écrite. Selon elle, l'OGEC n'a aucune activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole de sorte qu'elle n'est pas un professionnel.
L'appelante réplique que l'Ogec Jean-Baptiste de La salle, établissement d'enseignement privé, ne peut pas être considérée comme un non-professionnel dès lors que la location de photocopieurs et leur maintenance est en lien direct avec son activité professionnelle, l'enseignement. Elle en déduit que l'intimée ne peut bénéficier de la protection des dispositions du code de la consommation.
L'association OGEC Saint-Jean-Baptiste de La Salle a certes une activité professionnelle dès lors qu'elle dispense un enseignement général à des élèves de la maternelle à la terminale qui lui règlent des frais de scolarité en contrepartie ainsi qu'en atteste le compte de résultat versé aux débats. Néanmoins, une personne morale est considérée comme un non-professionnel au sens du code de la consommation lorsqu'elle conclut un contrat n'ayant pas de rapport direct avec sa propre activité professionnelle. La maintenance de photocopieurs n'ayant pas de rapport direct avec son activité d'enseignement, l'intimée doit être considérée comme un non-professionnel dans ses relations avec la société SBI 84.
L'article R. 132-2 du code de la consommation, disposition applicable aux contrats litigieux souscrits en octobre et décembre 2015, dispose : « Dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et du deuxième alinéas de l'article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de :
3° Imposer au non-professionnel ou au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné ;
8° Soumettre la résolution ou la résiliation du contrat à des conditions ou modalités plus rigoureuses pour le non-professionnel ou le consommateur que pour le professionnel ».
Au regard des dispositions susvisées, la clause insérée à l'article 8.3 des contrats litigieux sont présumé. En effet, elle soumet la résiliation du contrat à des conditions plus rigoureuses pour le non-professionnel dès lors qu'elle est acquise « en l'absence d'un minimum de facturation »", (article 8.3) ou « en cas de non utilisation du matériel » (article 8.4 in fine) autrement dit si le nombre de photocopies réalisées par le non-professionnel est inférieur à un volume minimum laissé à la discrétion du professionnel puisque non fixé dans les conditions générales : elle soumet donc le cocontractant du prestataire à une obligation d'effectuer un volume minimum de photocopies décidé unilatéralement par le prestataire créant ainsi un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Cette clause par ailleurs met à la charge du non-professionnel qui n'exécute pas cette obligation une indemnité tout-à-fait dissuasive car il aura à payer une indemnité très supérieure au prix des copies effectivement réalisées, l'indemnité étant égale à 95% de la moyenne de la facturation depuis le début du contrat jusqu'à son expiration. A titre d'exemple, pour le n°8420152508-35, l'appelante multiplie le nombre de trimestres restant à courir (4), avec la moyenne de copies noir et blanc et couleur et y ajoute le coût de l'abonnement (571,50) et réclame une indemnité de 2 606,04 euros. Comme il y a trente-six contrats et autant d'indemnités de résiliation, la facture totale est très élevée.
Quoique la société SBI justifie dans une formule générale insérée in fine dans la clause litigieuse que cette obligation et cette indemnité sont la juste contrepartie des moyens mis en place pour procurer à son cocontractant une prestation de qualité, elle n'apporte pas de preuve contraire pour renverser la présomption selon laquelle la clause litigieuse crée un déséquilibre significatif entre les parties et revêt un caractère abusif.
Cette clause sera donc réputée non écrite et la société SBI sera déboutée de sa demande tendant au règlement de la somme de 64.591,33 euros au titre des indemnités de résiliation des contrats conclus avec l'Ogec Saint Jean-Baptiste de La Salle.
Sur le remboursement des indexations :
Le tribunal a débouté l'association OGEC Saint-Jean-Baptiste de la Salle de sa demande au motif que la demande n'était pas chiffrée.
En appel, l'intimée sollicite a minima la somme de 22.855,48 euros, montant des indexations injustifiées que la société SBI 84 aurait reconnu avoir réclamées.
La somme de 22.855,48 euros correspond à la différence entre le prix initial des copies et le prix augmenté de l'indexation. Si l'appelante a effectué ce calcul, elle n'a pas pour autant reconnu avoir facturé à tort ses prestations au prix indexé au lieu du prix initial.
La révision annuelle du prix unitaire de la copie étant expressément prévu dans les conditions générales (article 7 - révision du prix) et la cliente ayant réglé les factures litigieuses sans en contester le montant, le tribunal a débouté à juste titre l'association Ogec Saint-Jean Baptiste de La Salle de sa demande reconventionnelle.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les dépens seront supportés par la société SBI 84, partie perdante.
Il est équitable de la condamner à payer à l'association OGEC Saint-Jean Baptiste de La Salle la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société SBI 84 aux dépens,
La condamne à payer à l'association OGEC Saint-Jean Baptiste de La Salle la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
- 5896 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Objet du contrat - Importance du contrat
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale
- 5948 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation par type d’activité
- 6389 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs - Acceptation et opposabilité des clauses
- 6430 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Prestations de services - Illustrations