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CA NÎMES (ch. civ. 2 A), 6 mars 2003

Nature : Décision
Titre : CA NÎMES (ch. civ. 2 A), 6 mars 2003
Pays : France
Juridiction : Nimes (CA), 2e ch. civ. sect. A
Demande : 00/01867
Date : 6/03/2003
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Juris Data
Décision antérieure : TI NÎMES, 14 mars 2000
Numéro de la décision : 111
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1064

CA NÎMES (ch. civ. 2 A), 6 mars 2003 : RG n° 00/01867 ; arrêt n° 111

Publication : Juris-Data n° 222140

 

Extrait  : « La jurisprudence admet que l'assureur est en droit de déterminer exactement le risque qu'il garantit. Son obligation a pour contrepartie le paiement par l'assuré de primes dont le montant est calculé en fonction de l'importance du risque assuré. Le contrat de garantie des loyers impayés n'est nullement obligatoire et le consommateur reste libre de ne pas y adhérer si les garanties offertes lui paraissent insuffisantes. En l'espèce le montant de la prime était de 2,40 % du prix total du loyer, outre 0,60 % de frais de gestion. La demande d'adhésion de Madame X., signée par son fils Jean-Pierre, aujourd'hui partie au procès, expliquait clairement que la garantie était accordée aux nouveaux locataires, à la date du bail et que pour les locations en cours, la garantie n'était accordée que si les locataires étaient à jour de leur paiement et n'avaient pas fait l'objet d'incident de paiement ou de litige dans les 12 mois précédant la date d'effet de l'adhésion, et que la garantie prenait effet après une période probatoire de 3 mois consécutifs. Il en résulte nettement que l'assureur entendait écarter de sa garantie les locations où le bailleur était informé de l'existence de l'insolvabilité de son locataire, laquelle s'était manifestée dans les 12 mois précédents. La période probatoire de 3 mois permettait en outre de s'assurer de la bonne foi de l'adhérent. Les clauses d'exclusions tendent manifestement à éviter que le contrat d'assurance perde son caractère aléatoire. Elles ne constituaient aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du bailleur de bonne foi, qui subissait seulement une période de carence de 3 mois et bénéficiait des garanties souscrites dès le 4ème mois/pour l'avenir. Elles n'ont donc aucun caractère abusif, d'autant que l'adhérent est entièrement libre de ne pas souscrire. »          

 

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE 2 A

ARRÊT DU 6 MARS 2003

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 00/01867. Arrêt n° 111.

APPELANTE :

LA COMPAGNIE L'ÉQUITÉ SA

poursuites et diligences du Président de son Conseil d'Administration en exercice, domicilié en cette qualité au siège social [adresse], représentée par Maître Jacques D'EVERLANGE, avoué à la Cour, assistée de la TOURNIER ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de NIMES substituée par Maître MOYNARD, avocat.

 

INTIMÉS :

- Madame X.

née le […] en […] Décédée, représentée par la SCP POMIES - RICHAUD - ASTRAUD, avoués à la Cour

- SARL CABINET PETIT

prise en la personne de son Gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, [adresse], représentée par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour, assistée de la REINHARD-DELRAN, avocats au barreau de NIMES substituée par Maître SEBELLINI, avocat [minute page 2]

- Madame Y.

née le […] à […] représentée par la SCP ALDEBERT-PERICCHI, avoué à la Cour assistée de Maître Isabelle VOLLE, avocat au barreau de NIMES, (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro […] du […] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)

 

INTERVENANTS VOLONTAIRES :

- Monsieur X. agissant en sa qualité d'héritier de Mme X. Madame, décédée

né le […] à […], [adresse], représenté par la SCP POMIES - RICHAUD - ASTRAUD, avoués à la Cour, assisté de la SCP CASCIO-CASCIO, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Maître ZARKA, avocat

- Monsieur X. agissant en qualité d'héritier de Mme X., décédée

né le […] à […], [adresse], représenté par la SCP POMIES - RICHAUD - ASTRAUD, avoués à la Cour, assisté de la SCP CASCIO-CASCIO, avocats au barreau de MONTPELLIER substituée par Maître ZARKA, avocat

- Monsieur X. agissant en qualité d'héritier de Mme X., décédée

le […] à […], [adresse], [minute page 3] représenté par la SCP POMIES - RICHAUD - ASTRAUD, avoués à la Cour, assisté de la SCP CASCIO-CASCIO, avocats au barreau de MONTPELLIER substituée par Maître ZARKA, avocat

- Madame X. épouse Z. agissant en sa qualité d'héritière de Mme X. , décédée

née […] à […],  [adresse], représentée par la SCP POMIES - RICHAUD - ASTRAUD, avoués à la Cour, assistée de la SCP CASCIO-CASCIO, avocats au barreau de MONTPELLIER substituée par Maître ZARKA, avocat

- Mademoiselle X. agissant en sa qualité d'héritière de Mme X., décédée

née le […] à […]  [adresse], représentée par la SCP POMIES - RICHAUD - ASTRAUD, avoués à la Cour, assistée de la SCP CASCIO-CASCIO, avocats au barreau de MONTPELLIER substituée par Maître ZARKA, avocat

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 18 octobre 2002

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : M. Jean-Loup OTTAVY, Président, et Mme Catherine BRISSY-PROUVOST, Conseiller, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 786 du NCPC, sans opposition des avocats. Ils en ont rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

[minute page 4]

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. Jean-Loup OTTAVY, Président M. Gilles ROLLAND, Conseiller, Mme Catherine BRISSY-PROUVOST, Conseiller.

GREFFIER : Madame Mireille DERNAT, Premier Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS : à l'audience publique du 14 novembre 2002, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 décembre 2002, prorogé à celle de ce jour.

ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Jean-Loup OTTAVY, Président, à l'audience publique du 6 mars 2003.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La SA La Compagnie l'Equité, en abrégé l'Equité, a régulièrement relevé appel du jugement du Tribunal d'Instance de NIMES du 14 mars 2000 qui a considéré que les clauses de non garanties contenues dans le contrat d'assurance des loyers impayés inclus dans le contrat de groupe souscrit par la SARL Cabinet Petit, agence immobilière, pour le compte de la bailleresse, Madame X., étaient abusives et devaient être considérées comme non écrites, en application de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, et qui l'a condamnée, en conséquence, à payer à Madame X. au titre du contrat souscrit, les sommes de :

- 2.500 francs au titre du loyer impayé de septembre 1997,

- 40.352, 76 francs au titre des réparations locatives,

- 10.000 francs de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

[minute page 5] avec exécution provisoire à hauteur de 20.000 francs.

Par conclusions du 11 septembre 2001, l'Equité fait valoir que le contrat a été souscrit avec effet du 1er avril 1997, alors que Madame X. avait déjà adressé un commandement de payer à sa locataire, qu'ainsi et aux termes de l'article 4-1 des conventions spéciales, sa garantie ne pouvait être acquise, que le Cabinet Petit, spécialiste de l'immobilier, gérant de l'immeuble en litige, n'avait pu manquer d'en informer l'assurée.

Elle explique que faute d'assurance pour les loyers impayés, les détériorations commises ne pouvaient non plus être garanties. Elle conclut au débouté des demandes.

Subsidiairement l'Equité invoque la limite contractuelle de la garantie pour les détériorations, soit 10.431,28 francs.

Elle demande à être relevée et garantie de toutes condamnations par le Cabinet Petit qui a omis de prévenir l'assurée, à qui il a proposé le contrat, de l'exclusion encourue, d'autant que ce mandataire ne pouvait ignorer les incidents de paiement.

L'Equité demande ainsi la condamnation des héritiers de Madame X., conjointement, à lui payer 10.000 francs de dommages-intérêts pour procédure abusive et 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et à lui rembourser les 20.000 francs réglés au titre de l'exécution provisoire du jugement avec intérêts au taux légal à compter du jour du paiement.

Par conclusions du 27 février 2002, la SARL Cabinet Petit souligne le caractère abusif des clauses litigieuses qui procurent un avantage excessif à l'assureur, lequel reçoit les primes mais n'applique sa garantie qu'aux contrats exempts de risques. Cette société soutient que la locataire était à jour de ses loyers lors de la souscription de la police, pour avoir obtenu une aide du FSL équivalente à 5 mois de loyers. Elle fait valoir que l'imprimé d'adhésion ne prévoit nullement le délai de carence de 3 mois suivant la souscription. Elle se défend d'avoir commis la moindre faute, ayant respecté scrupuleusement les dispositions de l'article L. 140-4 du Code des Assurances, en remettant la notice à l'adhérent. D'autant qu'en l'espèce c'est elle qui percevait l'allocation logement. La bailleresse était parfaitement informée, comme elle l'a signé.

[minute page 6] Elle conteste devoir sa garantie à l'assureur en tant qu'assurée. Elle lui reproche de n'avoir pas vérifié dès l'adhésion que les conditions n'étaient pas remplies, et d'avoir attendu la déclaration de sinistre pour décliner sa garantie.

Elle conclut en conséquence à la confirmation du jugement, au rejet de toutes les demandes formées contre elle, et à la condamnation du succombant à lui payer 762,25 €.

Le 5 juin 2002, la locataire Y. conclut à sa mise hors de cause.

Les héritiers de Madame X., qui interviennent volontairement aux débats, par conclusions du 16 février 2001, critiquent les clauses invoquées par la compagnie d'assurances qu'ils jugent abusives comme éliminant tout risque pour l'assureur, confuses et nécessitant d'être interprétées, en faveur de celui qui a contracté l'obligation et demandent la confirmation du jugement attaqué.

A titre subsidiaire, au visa des articles 1126 et suivants et 1131 et suivants du Code Civil, ils invoquent la nullité de l'adhésion de leur mère, et la restitution des sommes perçues tant par la compagnie d'assurances que par le Cabinet Petit (prime et frais de gestion). Pour la faute commise par chacun d'eux : la compagnie d'assurances en lui laissant l'illusion d'être assurée et la société Cabinet Petit, mandataire tant de leur mère dont elle gérait l'immeuble, que de la Compagnie l'Equité, et en ayant manqué l'un et l'autre à leur obligation de renseignement et de conseil, ils leur réclament 52.852,76 francs de dommages-intérêts. En tout état de cause, ils demandent 10.000 francs HT au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

La jurisprudence admet que l'assureur est en droit de déterminer exactement le risque qu'il garantit. Son obligation a pour contrepartie le paiement par l'assuré de primes dont le montant est calculé en fonction de l'importance du risque assuré.

Le contrat de garantie des loyers impayés n'est nullement obligatoire et le consommateur reste libre de ne pas y adhérer si les garanties offertes lui paraissent insuffisantes.

[minute page 7] En l'espèce le montant de la prime était de 2,40 % du prix total du loyer, outre 0,60 % de frais de gestion.

La demande d'adhésion de Madame X., signée par son fils Jean-Pierre, aujourd'hui partie au procès, expliquait clairement que la garantie était accordée aux nouveaux locataires, à la date du bail et que pour les locations en cours, la garantie n'était accordée que si les locataires étaient à jour de leur paiement et n'avaient pas fait l'objet d'incident de paiement ou de litige dans les 12 mois précédant la date d'effet de l'adhésion, et que la garantie prenait effet après une période probatoire de 3 mois consécutifs.

Il en résulte nettement que l'assureur entendait écarter de sa garantie les locations où le bailleur était informé de l'existence de l'insolvabilité de son locataire, laquelle s'était manifestée dans les 12 mois précédents. La période probatoire de 3 mois permettait en outre de s'assurer de la bonne foi de l'adhérent.

Les clauses d'exclusions tendent manifestement à éviter que le contrat d'assurance perde son caractère aléatoire.

Elles ne constituaient aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du bailleur de bonne foi, qui subissait seulement une période de carence de 3 mois et bénéficiait des garanties souscrites dès le 4ème mois/pour l'avenir.

Elles n'ont donc aucun caractère abusif, d'autant que l'adhérent est entièrement libre de ne pas souscrire.

C'est à tort que ces clauses ont été considérées comme non écrites.

En l'espèce il n'est pas discuté qu'un commandement avait été délivré à la locataire en place, le 13 décembre 1996, qu'elle a obtenu une aide sociale pour s'acquitter de 5 mois de loyers, le 30 janvier 1997, que le contrat a été souscrit à compter du 1er avril 1997, alors qu'une relance était adressée le 4 juillet 1997 à la locataire pour le paiement des loyers de mai, juin et juillet 1997.

Il en résulte, aux termes de l'article 4-1 des conventions spéciales, que la location concernée ne pouvait faire l'objet d'une garantie des loyers, ni de la garantie des détériorations, qui ne constituait [minute page 8] qu'une annexe au contrat principal de la garantie des loyers, comme stipulé.

S'il est regrettable que Madame X. ait pu croire qu'elle était assurée, la faute en incombe au souscripteur du contrat de groupe, la SARL Petit, qui lui a proposé l'adhésion à ce contrat alors qu'elle ne pouvait ignorer, étant l'agent immobilier chargé de la gestion de l'immeuble, que les conditions de garantie n'étaient pas réunies. Elle incombe aussi à la compagnie d'assurances qui n'a pas vérifié dès la souscription/que les conditions d'adhésion étaient remplies.

De surcroît en tant que souscripteur - gestionnaire, la SARL Cabinet Petit avait l'obligation à l'égard de l'assureur d'établir un bordereau mensuel ou trimestriel signalant les lots assurés, ce qui ne pouvait que la conduire à exclure de cette catégorie le lot X., en application des conditions générales dont elle avait reconnu avoir reçu copie le 17 février 1997.

Seules ces fautes ont causé un préjudice à Madame X. constitué, non par la perte de garanties, dont elle ne démontre pas qu'elle aurait pu les obtenir auprès d'un autre assureur, mais par la désillusion découlant du refus de prise en charge de son sinistre, alors que le silence de la compagnie d'assurances et de son mandataire avait pu lui laisser croire que la compagnie acceptait de la garantir.

Le préjudice sera évalué, au vu des pièces produites, à la somme de 1.000 euros, payable par la SARL Cabinet Petit et la SA Compagnie l'Equité.

Par ailleurs l'erreur commise rend nul le contrat d'assurance. Aussi, tant la SA Compagnie l'Equité que la SARL Cabinet Petit rembourseront aux héritiers de Madame X. le montant des primes et des commissions perçues.

Le solde de la provision versée, en exécution du jugement déféré, sera restitué à la compagnie d'assurance par les héritiers X.

Il sera fait droit à l'unique demande d'Y., locataire, qui sera mise hors de cause sans frais ni dépens.

[minute page 9] En définitive la procédure diligentée n'apparaît abusive pour aucune des parties. Les demandes de dommages-intérêts de ce chef ne pourront prospérer.

Les héritiers de Madame X., la SA Compagnie l'Equité et la SARL Cabinet Petit succombent pour l'essentiel de leurs prétentions en cause d'appel. Ils supporteront chacun le tiers des entiers dépens, sans que l'équité ne commande de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à l'espèce.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré. Statuant à nouveau,

Constate la nullité du contrat d'assurance souscrit par Madame X..

Condamne la SA Compagnie l'Equité et la SARL Cabinet Petit à rembourser aux héritiers de Madame X. les sommes perçues au titre dudit contrat, et les condamne in solidum à leur payer 1.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Condamne les héritiers X. à rembourser à la SA Compagnie l'Equité le solde restant dû sur la provision allouée par le premier juge.

Met hors de cause Incarnation Y. sans frais ni dépens. Déboute les parties de leurs autres demandes.

Fait masse des entiers dépens qui seront supportés par tiers par les héritiers X. d'une part et par la SARL Cabinet Petit d'autre part, [minute page 10] et enfin par la SA Compagnie l'Equité, et qui seront recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Arrêt signé par Monsieur OTTAVY, Président et par Madame DERNAT, Premier Greffier présente lors du prononcé.