TJ BORDEAUX (7e ch. civ.), 17 janvier 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10663
TJ BORDEAUX (7e ch. civ.), 17 janvier 2024 : RG n° 20/02735
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « L’acte de vente instituait par ailleurs une pénalité de 1 % par mois en cas de retard de paiement de la part des acquéreurs. Cette pénalité n’est aucunement abusive dans son principe car relevant de la liberté contractuelle sous la réserve qui suit, ne créant aucun déséquilibre significatif et ne s’affranchissant d’aucune règle d’ordre public, peu important qu’aucun dispositif similaire ne sanctionne un éventuel retard de livraison dont les conséquences peuvent toujours être réparées, sous le contrôle du juge, en fonction des justifications produites.
Ce dispositif, qui certes n’excède pas le taux maximum de 12 % l’an déterminé par l’article R. 261-14 du code de la construction et de l’habitation, constitue cependant une clause pénale au sens de l’article 1231-5 du code civil en ce qu’il prévoit, forfaitairement et d’avance la réparation du préjudice du créancier ainsi que le fait à juste titre valoir la SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER. Ce taux de 12 % l’an est manifestement excessif au regard de la très faible inflation ayant existé jusqu’à l’été 2021 et il reste démesuré pour la période postérieure car il correspond au double du taux d’inflation.
En vertu du pouvoir modérateur conféré au juge par le texte sus visé, les pénalités de retard dues depuis le 23 novembre 2018, date d’exigibilité du solde du prix, seront ramenées à 8.000 euros, montant arrêté à la date du présent jugement, capitalisation comprise. »
2/ « La SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER prétend également au paiement de 156.792 euros en indemnisation du retard de livraison, ramenant subsidiairement cette demande à 3.965 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2020, date de notification de ses premières conclusions. Le vendeur, qui était tenu de respecter l’élément essentiel que constitue le délai de livraison contractuellement fixé au 30 septembre 2018, invoque la clause contractuelle de report du délai de livraison aux termes de laquelle, en cas de force majeure ou d'une cause légitime de suspension caractérisée par des événements énumérés de manière non exhaustive à l'acte et attestés par le maître d’œuvre, l'époque prévue pour l'achèvement serait différée d'un temps égal à celui pendant lequel l’événement considéré aura été justifié.
Contrairement à ce que soutient la SCCV L’ABSOLU PROMOTION, il n’existe pas de stipulation de doublement du délai de suspension. Aucune clause pénale n’est prévue et le préjudice doit donc être apprécié à l’aune des justificatifs produits.
La SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER conteste la légalité de ce dispositif conventionnel de suspension du délai de livraison qu’elle estime contraire à l’article L. 212-1 du code de la consommation en ce qu’il crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, dès lors qu’il limite les conséquences du retard. Or, cette clause ne contrevient à aucune règle d'ordre public et ne comporte aucun élément susceptible de créer un déséquilibre significatif des obligations nées du contrat, au détriment du consommateur qu'est l'acquéreur sans que l’utilisation de l’adverbe notamment permette de caractériser un abus quelconque car la preuve des événements suspensifs, énoncés de manière quasi complète, doit être rapportée par un courrier du maître d’œuvre dont la teneur est soumise à contrôle juridictionnel, les parties n’ayant pas décidé de s’en remettre par avance à ce document.
Le vendeur, produit une attestation du maître d‘œuvre d’exécution faisant état d’une suspension de 153 jours, soit 59 jours imputables à la liquidation judiciaire de la société EGI et 77 jours à celle de la société FL ENERGIES outre 17 jours consécutifs à la rupture du contrat de la société Espace Couleur. Le bien a donc été livré avec un retard théorique de 54 jours calendaires entre le 1er octobre et le 23 novembre 2018.
La société EGI a été placée en liquidation judiciaire le 10 mai 2017 soit antérieurement à la date de signature du contrat de vente le 14 juin 2017 de telle sorte que cet évènement ne peut avoir eu d’incidence sur un engagement de livraison postérieurement consenti par le vendeur qui le connaissait.
La liquidation judiciaire de la société FL ENERGIES a quant à elle été prononcée le 17 janvier 2018 et il en résulte une suspension de 77 jours, justifiée par la nécessité de pourvoir à son remplacement en cours de chantier.
Ce report légitime de délai, supérieur au retard théorique de 54 jours qu’il absorbe, conduit au rejet de ces demandes indemnitaires sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’impact de la résiliation du marché de la société ESPACES COULEURS unilatéralement prononcée par le maître d’ouvrage le 14 septembre 2018. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
SEPTIÈME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 17 JANVIER 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/02735. N° Portalis DBX6-W-B7E-UIXL. SUR LE FOND. 54 C.
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors des débats : Monsieur Gilles TOCANNE, Magistrat Honoraire Juridictionnel, magistrat rapporteur,
Lors du délibéré : Madame Anne MURE, Vice-Présidente, Madame Alice VERGNE, Vice-Présidente, Monsieur Gilles TOCANNE, Magistrat Honoraire Juridictionnel, magistrat rédacteur
Lors des débats : Madame Pascale BUSATO, Greffier,
Lors du prononcé : Monsieur Éric ROUCHEYROLLES, Greffier
DÉBATS : à l’audience publique du 22 novembre 2023, Monsieur Gilles TOCANNE, magistrat chargé du rapport, a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.
JUGEMENT : Contradictoire, En premier ressort, Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe
DEMANDERESSE :
SCCV L’ABSOLU PROMOTION
[Adresse 1], [Localité 4], représentée par Maître Sébastien BACH, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
DÉFENDERESSE :
SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER
[Adresse 3], [Localité 2], représentée par Maître Houssam OTHMAN-FARAH, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant et Maître Philippe CAETANO, de la SELARL MARCHE CAETANO, avocat au barreau de TULLE, avocat plaidant
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 14 juin 2017, la SCCV L’ABSOLU PROMOTION a vendu à la SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER, en état futur d’achèvement, les lots n° 7 et 29 au sein d’un ensemble immobilier dénommé Résidence L’ABSOLU, [Adresse 5].
Ce bien était livrable au plus tard le 30 septembre 2018, sauf cause légitime de suspension.
La livraison a été constatée par procès-verbal le 23 novembre 2018.
Se plaignant d'un impayé à hauteur de 27.800 euros correspondant au solde du prix d’achat, par acte du 23 mars 2020 la SCCV ABSOLU PROMOTION a saisi le tribunal judiciaire de Bordeaux d'une action en paiement dirigée contre la SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER.
Par ordonnance du 17 février 2023, le juge de la mise en état a, en application de l’article 1642-1 du code civil, déclaré irrecevables comme forcloses les demandes reconventionnelles soutenues au fond par la SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER aux fins de condamnation de la SCCV L’ABSOLU PROMOTION à réaliser sous astreinte des travaux consistant à régler l’ouverture des menuiseries extérieures des deux chambres, changer la porte de la chambre n°2, réparer le parquet de la chambre n°2, mettre en œuvre une trappe à côté du WC, poser le capot du volet roulant et réaliser les finitions de la canalisation des eaux pluviales.
Vu les conclusions récapitulatives notifiées le 11 mai 2023 par la SCCV L’ABSOLU PROMOTION,
Vu les conclusions récapitulatives notifiées le 28 mars 2023 par la SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER,
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 octobre 2023 et l'affaire fixée pour plaidoiries à l'audience du 22 novembre 2023, date à laquelle elle a été mise en délibéré à ce jour par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION.
I - SUR LES DEMANDES DE LA SCCV L’ABSOLU PROMOTION.
Aux termes de ses ultimes écritures, elle sollicite, sur le fondement des articles 1103, 1217, 1231-1 et 1236 du code civil, la condamnation de la défenderesse à lui payer les sommes de 27.800 euros au titre du solde du prix de vente, 15.707 euros au titre des pénalités de retard et 278 euros par mois jusqu’à complet paiement ainsi que 78.099,93 euros en réparation de son préjudice et 739 euros par mois jusqu’à complet paiement du prix de vente ou résiliation du bail locatif, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2019 et capitalisation par années entières outre 10.000 euros au titre des frais irrépétibles.
En application de l’article R. 261-1 du code de la construction et de l’habitation, l’immeuble vendu en état futur d’achèvement est réputé achevé lorsque sont exécutés les ouvrages et sont installés les éléments d’équipement indispensables à une utilisation du bien conforme à sa destination.
A l’inverse, conformément aux articles R 261-14 du code de la construction et de l’habitation et L 518-17 du code monétaire et financier, l’existence d’un défaut de conformité réel et suffisamment important pour porter atteinte à la destination de l’immeuble permet à l’acquéreur de ne pas payer le solde du prix normalement exigible à condition de le consigner unilatéralement auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations sauf accord différent ente les parties.
En l’espèce, la SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER a pris possession de l’immeuble le 23 novembre 2018 ainsi qu’il résulte du procès-verbal de livraison assorti de réserves mais n’a pas usé de cette faculté de consignation qui seule pouvait avoir un effet libératoire, observation étant faite qu’en outre l’action aux fins de levée de ces réserves a été déclarée forclose par l’ordonnance du juge de la mise en état du 17 février 2023.
Dans le respect de l’article R. 261-24 du code de la construction et de l’habitation, l’immeuble a de surcroît été déclaré achevé en octobre 2018 par le maître d’œuvre d’exécution, indépendant du vendeur, et le bien a été mis en location.
Le régime spécifique des articles 1642-1 et 1648 du code civil étant exclusif de tout autre, y compris des règles de droit commun des articles 1101 et 1604 du code civil, la SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER ne peut qu’être condamnée au paiement du solde de 27.800 euros sans que puissent être valablement opposés au vendeur des désordres objet d’une expertise en cours et relatifs aux parties communes qui ne remettent pas en cause l’habitabilité du logement.
Il ne peut lui être reproché de n’avoir pas choisi de solliciter la résolution du contrat et d’avoir accepté une remise des clés sans paiement intégral du prix.
L’acte de vente instituait par ailleurs une pénalité de 1 % par mois en cas de retard de paiement de la part des acquéreurs.
Cette pénalité n’est aucunement abusive dans son principe car relevant de la liberté contractuelle sous la réserve qui suit, ne créant aucun déséquilibre significatif et ne s’affranchissant d’aucune règle d’ordre public, peu important qu’aucun dispositif similaire ne sanctionne un éventuel retard de livraison dont les conséquences peuvent toujours être réparées, sous le contrôle du juge, en fonction des justifications produites.
Ce dispositif, qui certes n’excède pas le taux maximum de 12 % l’an déterminé par l’article R. 261-14 du code de la construction et de l’habitation, constitue cependant une clause pénale au sens de l’article 1231-5 du code civil en ce qu’il prévoit, forfaitairement et d’avance la réparation du préjudice du créancier ainsi que le fait à juste titre valoir la SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER.
Ce taux de 12 % l’an est manifestement excessif au regard de la très faible inflation ayant existé jusqu’à l’été 2021 et il reste démesuré pour la période postérieure car il correspond au double du taux d’inflation.
En vertu du pouvoir modérateur conféré au juge par le texte sus visé, les pénalités de retard dues depuis le 23 novembre 2018, date d’exigibilité du solde du prix, seront ramenées à 8.000 euros, montant arrêté à la date du présent jugement, capitalisation comprise.
Postérieurement, la somme de 27.800 euros, éventuellement réduite des versements effectués, ainsi que celle de 8.000 euros produiront intérêts au taux légal avec capitalisation par années entières dans les termes de l’article 1343-2 du code civil, le surplus de la demande étant rejeté car, sur la période antérieure à la présente décision, le capital ne peut cumuler des intérêts au taux légal avec une pénalité mensuelle conventionnelle de retard.
Il ne sera pas fait droit aux demandes en paiement des sommes de 78.099,93 euros en réparation du préjudice financier et de 739 euros par mois jusqu’à complet paiement du prix de vente ou résiliation du bail locatif.
La somme de 78.099,33 euros se décompose à hauteur de 5.000 euros au titre d’une résistance abusive, 31.715,93 euros au titre d’un préjudice économique et 41.384 euros au titre « des fruits indûment tirés du bien en location », prétentions soutenues au visa des articles 1217, 1231-1 et 1236 du code civil ainsi que de l’adage « bien mal acquis ne profite jamais ».
Sans s’arrêter à la maxime qui ne constitue pas un moyen de droit, il résulte des dispositions du code civil ci-dessus énoncées que les dommages et intérêts consécutifs à un retard de paiement sont limités à l’intérêt au taux légal et que des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire ne peuvent être accordés qu’en cas de mauvaise foi du débiteur.
D’autre part, l’article 1231-5 du code civil dispose que lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ou moindre sauf modération ou augmentation d’une pénalité manifestement excessive ou dérisoire.
Ces principes combinés doivent recevoir application car la SCCV L’ABSOLU PROMOTION soutient des prétentions indemnitaires ayant exclusivement vocation à réparer les conséquences du retard de paiement objet de son action.
La stipulation de pénalité au taux de 1% par mois contenue dans l’acte de vente n’est pas dérisoire et se trouve au contraire manifestement excessive ainsi que sus-mentionné. De manière générale, la demanderesse ne justifie pas d’un quelconque préjudice qui ne serait pas entré dans les prévisions de cette clause pénale.
En outre, elle ne démontre pas de mauvaise foi de la part de la SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER et qui ne saurait se déduire de sa seule condamnation à paiement.
Elle ne prouve pas davantage avoir subi un préjudice spécifique de 5.000 euros résultant du seul refus de paiement du solde du prix et qui se distinguerait des pénalités contractuelles de retard sans pour autant se confondre avec le préjudice économique allégué à concurrence de 31.715,93 euros.
A cet égard, ce dernier montant ne repose sur aucune justification que ne peut constituer la seule production d’un extrait global et très partiel du grand livre de l’année 2019 faisant apparaître un solde négatif de 31.716,93 euros dont les causes et surtout le détail comptable et financier sont inconnus.
Enfin, la perception d’un revenu locatif par la SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER en provenance d’un bien qu’elle n’a certes pas intégralement payé n’a causé aucun préjudice à la SCCV L’ABSOLU PROMOTION qui l’avait spontanément livré avec remise des clés et a discrétionnairement choisi de ne pas engager d’action résolutoire qui seule aurait pu lui permettre d’obtenir restitution des fruits.
Au surplus, l’acte de vente stipulait que l’acquéreur aurait la jouissance du bien dès son achèvement.
II - SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES DE LA SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER.
Elle persiste à solliciter la condamnation de la SCCV L’ABSOLU PROMOTION à réaliser sous astreinte les travaux consistant à régler l’ouverture des menuiseries extérieures des deux chambres, changer la porte de la chambre n° 2, réparer le parquet de la chambre n° 2, mettre en œuvre une trappe à côté du WC, poser le capot du volet roulant et réaliser les finitions de la canalisation des eaux pluviales et ce bien que ces demandes aient été déclarées irrecevables par l’ordonnance du juge de la mise en état du 17 février 2023, revêtue de l’autorité de la chose jugée en application des articles 480 et 794 du code de procédure civile.
Cette autorité, qui peut être relevée d’office ainsi qu’en dispose l’article 125 alinéa 2 du code de procédure civile, est caractérisée en l’espèce par la triple identité de parties, de cause et d’objet, le principe de concentration des moyens interdisant d’invoquer un fondement juridique différent, au demeurant inadapté car les articles 1642-1 et 1648 du code civil sont exclusifs de tout autre.
Cette demande est donc irrecevable.
La SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER prétend également au paiement de 156.792 euros en indemnisation du retard de livraison, ramenant subsidiairement cette demande à 3.965 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2020, date de notification de ses premières conclusions.
Le vendeur, qui était tenu de respecter l’élément essentiel que constitue le délai de livraison contractuellement fixé au 30 septembre 2018, invoque la clause contractuelle de report du délai de livraison aux termes de laquelle, en cas de force majeure ou d'une cause légitime de suspension caractérisée par des événements énumérés de manière non exhaustive à l'acte et attestés par le maître d’œuvre, l'époque prévue pour l'achèvement serait différée d'un temps égal à celui pendant lequel l’événement considéré aura été justifié.
Contrairement à ce que soutient la SCCV L’ABSOLU PROMOTION, il n’existe pas de stipulation de doublement du délai de suspension.
Aucune clause pénale n’est prévue et le préjudice doit donc être apprécié à l’aune des justificatifs produits.
La SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER conteste la légalité de ce dispositif conventionnel de suspension du délai de livraison qu’elle estime contraire à l’article L. 212-1 du code de la consommation en ce qu’il crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, dès lors qu’il limite les conséquences du retard.
Or, cette clause ne contrevient à aucune règle d'ordre public et ne comporte aucun élément susceptible de créer un déséquilibre significatif des obligations nées du contrat, au détriment du consommateur qu'est l'acquéreur sans que l’utilisation de l’adverbe notamment permette de caractériser un abus quelconque car la preuve des événements suspensifs, énoncés de manière quasi complète, doit être rapportée par un courrier du maître d’œuvre dont la teneur est soumise à contrôle juridictionnel, les parties n’ayant pas décidé de s’en remettre par avance à ce document.
Le vendeur, produit une attestation du maître d‘œuvre d’exécution faisant état d’une suspension de 153 jours, soit 59 jours imputables à la liquidation judiciaire de la société EGI et 77 jours à celle de la société FL ENERGIES outre 17 jours consécutifs à la rupture du contrat de la société Espace Couleur.
Le bien a donc été livré avec un retard théorique de 54 jours calendaires entre le 1er octobre et le 23 novembre 2018.
La société EGI a été placée en liquidation judiciaire le 10 mai 2017 soit antérieurement à la date de signature du contrat de vente le 14 juin 2017 de telle sorte que cet évènement ne peut avoir eu d’incidence sur un engagement de livraison postérieurement consenti par le vendeur qui le connaissait.
La liquidation judiciaire de la société FL ENERGIES a quant à elle été prononcée le 17 janvier 2018 et il en résulte une suspension de 77 jours, justifiée par la nécessité de pourvoir à son remplacement en cours de chantier.
Ce report légitime de délai, supérieur au retard théorique de 54 jours qu’il absorbe, conduit au rejet de ces demandes indemnitaires sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’impact de la résiliation du marché de la société ESPACES COULEURS unilatéralement prononcée par le maître d’ouvrage le 14 septembre 2018.
Quant à l’indemnisation d’un préjudice moral évalué à 5.000 euros, cette demande sera également rejetée en l’absence de démonstration d’une atteinte aux sentiments, à l’honneur, la réputation ou la considération de la SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER.
III - SUR LES AUTRES DEMANDES.
Il sera rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire par provision.
Il n’est pas inéquitable de laisser aux parties, qui subissent l’une et l’autre le débouté de la majeure partie de leurs prétentions, la charge des frais exposés pour leur défense et non compris dans les dépens qui seront supportés par la SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER, seule condamnée à paiement et donc partie perdante.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EN CONSÉQUENCE :
Le Tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
CONDAMNE la SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER à payer à la SCCV L’ABSOLU PROMOTION la somme de 27.800 euros au titre du solde du prix d’achat et la somme de 8.000 euros au titre des pénalités de retard, dit que ces sommes porteront elles-mêmes intérêt au taux légal à compter du prononcé du présent jugement, avec capitalisation par années entières,
DÉBOUTE la SCCV L’ABSOLU PROMOTION du surplus de ses demandes,
DÉCLARE la SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER irrecevable en ses demandes d’exécution sous astreinte des travaux consistant à régler l’ouverture des menuiseries extérieures des deux chambres, changer la porte de la chambre n°2, réparer le parquet de la chambre n°2, mettre en œuvre une trappe à côté du WC, poser le capot du volet roulant et réaliser les finitions de la canalisation des eaux pluviales,
DÉBOUTE la SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER de ses autres demandes,
RAPPELLE que le présent jugement est de droit exécutoire par provision,
REJETTE les demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SCI NAVES LAUBY IMMOBILIER aux dépens, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La présente décision est signée par Madame Anne MURE, Vice-Présidente, et Monsieur Éric ROUCHEYROLLES, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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