CA NANCY (1re ch. civ.), 11 mars 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10792
CA NANCY (1re ch. civ.), 11 mars 2024 : RG n° 23/01781
Publication : Judilibre
Extrait : « Pour justifier d'une contestation sérieuse faisant obstacle à la compétence du juge des référés, Monsieur X. fait valoir qu'il a été mal conseillé au moment du choix de son forfait téléphonique et que les conditions générales sont illisibles et abusives.
S'agissant de l'inadaptation du forfait, il soutient avoir été induit en erreur et mal conseillé, car il souhaitait pouvoir faire usage de son téléphone sans restriction à l'étranger. Néanmoins, aucun opérateur ne propose la prestation envisagée, à savoir un forfait non limité à l'international pour un prix fixe et le document contractuel communiqué à Monsieur X. mentionne de manière très apparente que l'usage de l'internet est illimité en France métropolitaine et qu'il donne lieu à facturation en dehors de cette zone géographique.
Sur la prise de connaissance des conditions tarifaires, leur lecture ne présente pas de difficulté et la taille de la police utilisée (3 mm) est parfaitement lisible.
Enfin, concernant l'existence de clauses abusives au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation, Monsieur X. ne stigmatise aucune clause en particulier, mais pointe le tarif pratiqué à l'étranger alors que le forfait est qualifié « d'illimité ». Néanmoins cet article, tout comme l'article 1170 du code civil, énonce que l'appréciation du déséquilibre significatif nécessaire à ce qu'une clause soit écartée ne porte pas sur l'adéquation du prix à la prestation offerte.
Il sera par ailleurs observé que Monsieur X. a demandé le déblocage à l'international de son forfait le 17 novembre 2020 et il a utilisé son téléphone depuis l'étranger en novembre 2020 et en décembre 2020. Les factures adressées qui distinguent les consommations dans le forfait des consommations hors forfait comprennent pour celle du mois de novembre et décembre 2020 la facturation de 191,86 et de 196,82 euros pour de la navigation web en zone 1.
En conséquence, Monsieur X. n'oppose aucune contestation sérieuse à la demande de la SAS Bouygues Telecom Business Distribution.
Aucune faute n'étant caractérisée à la charge de la SAS Bouygues Telecom Business Distribution, Monsieur X. sera débouté de sa demande de dommages-intérêts. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 11 MARS 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/01781. N° Portalis DBVR-V-B7H-FHEW. Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé - Tribunal judiciaire d'EPINAL, R.G. n° 23/00035, en date du 5 juillet 2023.
APPELANT :
Monsieur X.
domicilié [Adresse 1], Représenté par Maître Alain CHARDON, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
SAS BOUYGUES TELECOM BUSINESS DISTRIBUTION
prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 2], Représentée par Maître Alain BÉGEL de la SELARL BGBJ, avocat au barreau d'EPINAL, avocat postulant, Plaidant par Maître Elise GOGET, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 22 janvier 2024, en audience publique devant la Cour composée de : Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, chargée du rapport, Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire, qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 mars 2024, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 11 mars 2024, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte du 23 février 2023, la SAS Bouygues Telecom Business Distribution (anciennement dénommée Euro-Information Telecom - EIT) a fait assigner en référé Monsieur X. devant le président du tribunal judiciaire d'Épinal, sur le fondement des articles 835 et suivants du code de procédure civile, 1103, 1104, 1194, 1302, 1227, 1229, 1344 du code civil, afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 81.278,19 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 1er février 2023, à titre provisionnel.
Par ordonnance contradictoire du 5 juillet 2023, le président du tribunal judiciaire d'Épinal a :
- condamné Monsieur X. à payer, à titre provisionnel, la somme de 81.278,19 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance,
- débouté Monsieur X. de sa demande de dommages et intérêts,
- débouté Monsieur X. de sa demande de délai de paiement,
- condamné Monsieur X. aux dépens,
- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le juge a relevé que la facturation des communications de Monsieur X., qui n'en contestait pas l'existence, était conforme aux stipulations contractuelles applicables entre les parties dès lors que Monsieur X. avait reconnu avoir pris connaissance et accepté les conditions générales de service ainsi que la brochure des tarifs en vigueur en signant l'avenant au contrat le 5 octobre 2018.
Le juge a constaté que si la présentation du forfait Efficio, à la page 3 des conditions générales de service, indiquait que le « web illimité » s'appliquait en France Métropolitaine, rien ne laissait penser que cela s'appliquait à l'étranger. Au contraire, il a observé que le tarif applicable à ce forfait pour une utilisation à l'international, d'une majoration de 15,40 euros/Mo en zone 3, était mentionné aux pages 14 et 16 des mêmes conditions générales.
Il a considéré par ailleurs que la contestation tirée de l'existence de clauses abusives n'apparaissait pas sérieuse au motif que d'une part, Monsieur X. n'indiquait pas précisément quelles clauses présentaient, selon lui, un caractère abusif, que d'autre part, l'appréciation du déséquilibre significatif ne portait pas sur l'adéquation du prix à la prestation conformément à l'article 1171 du code civil.
De la même manière, le juge a considéré que la contestation tirée du manquement de l'opérateur téléphonique à son obligation de conseil et d'information ne présentait pas de caractère sérieux au motif que la simple lecture des conditions générales de service permettait à Monsieur X. de connaître les tarifs applicables à l'usage d'internet depuis l'étranger, et en particulier depuis un pays situé dans la zone 3 ; qu'aucune disposition légale ou contractuelle n'imposait à l'opérateur téléphonique d'adresser un message d'alerte à Monsieur X., de ralentir ou bloquer les communications internet à partir d'un certain seuil de communication ; que Monsieur X. avait expressément sollicité un forfait à l'international sans blocage le 16 novembre 2020 et déjà réglé une facture datée du 30 novembre 2020 portant notamment sur une navigation Web hors forfait depuis un pays étranger situé dans la zone tarifaire 1 ; qu'il ne pouvait donc ignorer que son option internationale avait fait l'objet d'un déblocage et que les communications internet depuis un pays étranger (hors Union Européenne et Suisse) donnaient lieu à une facturation supplémentaire hors forfait ; que Monsieur X. ne justifiait pas d'une autre offre contractuelle qui aurait été plus adaptée à sa situation personnelle et professionnelle ; qu'enfin, aucun des forfaits présentés dans les conditions générales de service ne proposait une offre 'Web illimité' comprenant les communications internet depuis un pays situé en zone 3.
Enfin, le juge a estimé que Monsieur X. ne fournissait aucun élément tendant à prouver l'existence de manœuvres dolosives et trompeuses de la part de la SAS Bouygues Telecom Business Distribution et qu'il ne justifiait pas de sa situation financière, en particulier de sa capacité à régler sa dette dans un délai de deux années, pour se voir accorder un délai de paiement.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 11 août 2023, Monsieur X. a relevé appel de cette ordonnance.
[*]
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 20 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur X. demande à la cour, sur le fondement des articles L. 211-1 et L. 212-1 du code de la consommation, de :
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,
Y faisant droit,
- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 5 juillet 2023 par le président du tribunal judiciaire d'Epinal en ce qu'elle :
* l'a condamné à payer, à titre provisionnel, la somme de 81278,19 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance,
* l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts,
* l'a débouté de sa demande de délais de paiement,
* l'a condamné aux dépens,
* l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- constater le caractère trompeur de la dénomination du contrat souscrit,
- dire et juger que la taille de la police de caractères utilisée pour la rédaction des conditions générales de services est illisible,
- dire et juger que la SAS Bouygues Telecom (EIT-CIC Mobile) a manqué à son devoir de conseil et de transparence envers lui sur le choix du contrat et sur l'étendue des options et de leur coût,
En conséquence,
- débouter la SAS Bouygues Telecom Business Distribution de l'ensemble de ses demandes,
À titre subsidiaire,
- ramener à de plus justes proportions le montant des consommations réclamé qui ne pourrait en aucun cas excéder trois fois le forfait mensuel à savoir : 2 mois x (3x 54,99) = 329,94 euros,
À titre infiniment subsidiaire,
En cas de condamnation au paiement d'une somme dépassant le montant susvisé,
- lui accorder les plus larges délais de paiement,
En tout état de cause,
- débouter la SAS Bouygues Telecom Business Distribution ses demandes plus amples ou contraires,
- condamner la SAS Bouygues Telecom Business Distribution au paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi résultant des manœuvres dolosives et trompeuses de l'opérateur téléphonique arguant de clauses abusives,
- condamner la SAS Bouygues Telecom Business Distribution à la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel,
- condamner la SAS Bouygues Telecom Business Distribution aux entiers dépens de première instance et d'appel, en disant que ces derniers pourront être recouvrés directement par Maître Alain Chardon, avocat au Barreau de Nancy, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 27 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS Bouygues Telecom Business Distribution demande à la cour, sur le fondement des articles 835 et suivants du code de procédure civile, des articles 1103, 1104, 1194, 1302, 1227, 1229 et 1344 du code civil, de :
- la juger recevable et bien fondée en ses demandes avec toutes conséquences de droit,
À titre principal,
- condamner Monsieur X. à lui payer la somme provisionnelle de 81.278,19 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 1er février 2023,
En tout état de cause,
- débouter Monsieur X. de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
[*]
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 4 décembre 2023.
L'audience de plaidoirie a été fixée le 22 janvier 2024 et le délibéré au 11 mars 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur X. le 20 novembre 2023 et par la SAS Bouygues Telecom Business Distribution le 27 octobre 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 4 décembre 2023 ;
Un contrat d'abonnement téléphonique à forfait bloqué a été souscrit le 23 mars 2013.
Par avenant du 5 décembre 2018, Monsieur X. a converti le forfait téléphonique souscrit en un forfait « Efficio Web illimité », avec une option internationale blocage Web, moyennant un coût mensuel de 54,98 euros, remise de 5 euros non déduite.
Les conditions d'utilisation relatives au forfait Efficio figurent en pages 3 et 21 des conditions générales au 10 septembre 2018, dont Monsieur X. a reconnu avoir eu connaissance lors de la souscription de l'avenant le 5 octobre 2018. Elles mentionnent de manière apparente que les usages en France métropolitaine sont illimités - et donc sans surcoût -, mais que les usages en Union européenne, département d'outre-mer et Suisse sont hors forfait et soumis à une tarification particulière et que les autres utilisations de l'internet mobile « hors usages » sont surtaxées.
Le tarif applicable à l'étranger hors Suisse, outre-mer et Europe est indiqué en page 16 de ce document, il est 15,40 euros le MegaOctet.
L'option internationale, permettant d'utiliser le téléphone depuis une destination non incluse dans le forfait nécessite, pour l'usage du réseau web, de désactiver dans l'espace client l'option internationale blocage web (page 18).
La SAS Bouygues Telecom Business Distribution demande le paiement de trois factures de novembre 2021 à janvier 2022, ainsi que l'indemnité de rupture de contrat.
La facture de novembre 2021 s'élève à 3.796,60 euros dont 3.746,02 euros de navigation Web en zone 3 et celle de décembre 2021 à 77.357,45 euros dont 77.307,47 euros de navigation Web en zone 3. Celle de janvier 2022 s'élève au montant du forfait (49,98 euros).
L'usage du réseau web à l'étranger pendant la période en cause est reconnue.
Pour justifier d'une contestation sérieuse faisant obstacle à la compétence du juge des référés, Monsieur X. fait valoir qu'il a été mal conseillé au moment du choix de son forfait téléphonique et que les conditions générales sont illisibles et abusives.
S'agissant de l'inadaptation du forfait, il soutient avoir été induit en erreur et mal conseillé, car il souhaitait pouvoir faire usage de son téléphone sans restriction à l'étranger. Néanmoins, aucun opérateur ne propose la prestation envisagée, à savoir un forfait non limité à l'international pour un prix fixe et le document contractuel communiqué à Monsieur X. mentionne de manière très apparente que l'usage de l'internet est illimité en France métropolitaine et qu'il donne lieu à facturation en dehors de cette zone géographique.
Sur la prise de connaissance des conditions tarifaires, leur lecture ne présente pas de difficulté et la taille de la police utilisée (3 mm) est parfaitement lisible.
Enfin, concernant l'existence de clauses abusives au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation, Monsieur X. ne stigmatise aucune clause en particulier, mais pointe le tarif pratiqué à l'étranger alors que le forfait est qualifié « d'illimité ». Néanmoins cet article, tout comme l'article 1170 du code civil, énonce que l'appréciation du déséquilibre significatif nécessaire à ce qu'une clause soit écartée ne porte pas sur l'adéquation du prix à la prestation offerte.
Il sera par ailleurs observé que Monsieur X. a demandé le déblocage à l'international de son forfait le 17 novembre 2020 et il a utilisé son téléphone depuis l'étranger en novembre 2020 et en décembre 2020. Les factures adressées qui distinguent les consommations dans le forfait des consommations hors forfait comprennent pour celle du mois de novembre et décembre 2020 la facturation de 191,86 et de 196,82 euros pour de la navigation web en zone 1.
En conséquence, Monsieur X. n'oppose aucune contestation sérieuse à la demande de la SAS Bouygues Telecom Business Distribution.
Aucune faute n'étant caractérisée à la charge de la SAS Bouygues Telecom Business Distribution, Monsieur X. sera débouté de sa demande de dommages-intérêts.
S'agissant de sa demande de délai de paiement sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil, Monsieur X. ne justifie pas de sa situation financière et n'explique pas comment il sera en mesure de payer en deux ans les sommes mises sa charge. Il convient donc d'écarter cette demande.
L'ordonnance de référé sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.
Monsieur X., qui succombe en son recours, sera en conséquence condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à payer la somme de 1.000 euros à la SAS Bouygues Telecom Business Distribution sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et débouter de sa propre demande sur ce fondement.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme l'ordonnance rendue le 5 juillet 2023 par le juge des référés d'Epinal en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur X. aux dépens d'appel,
Condamne Monsieur X. à payer la somme de 1.000 euros (MILLE EUROS) à la SAS Bouygues Telecom Business Distribution sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Le déboute de sa demande de ce chef.
Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en six pages.