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CA PARIS (pôle 4 ch. 1), 9 février 2024

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 1), 9 février 2024
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 22/08780
Date : 9/02/2024
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 29/04/2022
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10805

CA PARIS (pôle 4 ch. 1), 9 février 2024 : RG n° 22/08780

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « En l'espèce, il est constant que Mme X., à l'inverse de la SCI Saint Ouen Chemin du Landy, n'est pas une professionnelle de la promotion immobilière ;

L'article L. 212-1 du code de la consommation précité est donc applicable aux clauses du contrat du 3 août 2017 par lequel Mme X. a acquis un appartement en l'état futur d'achèvement auprès de la SCI Saint Ouen Chemin du Landy ;

Ce contrat du 3 août 2017 stipule en page 52 : « III Délai d'exécution des travaux. Le vendeur s'oblige à mener les travaux de telle manière que les ouvrages et les éléments définis ci-dessus soient achevés et livrés au plus tard le 30 septembre 2019, sauf survenance d'un cas de force majeure et ou plus généralement d'une cause légitime de suspension du délai de livraison. Seront considérées comme causes légitimes de suspension du délai de livraison les évènements suivants : [15 causes] Pour l'appréciation des évènements, ci-dessus évoqués, les parties, d'un commun accord, déclarent s'en rapporter dès à présent à un certificat établi par le maître d'œuvre ayant la direction des travaux, sous sa propre responsabilité, auquel seront joints, le cas échéant, les justificatifs convenus ci-dessus. S'il survenait un cas de force majeure ou une cause légitime de suspension du délai de livraison, l'époque prévue pour l'achèvement serait différée d'un temps égal à celui pendant lequel l'événement considéré aurait mis obstacle directement ou par ses répercussions à la poursuite des travaux, majoré d'un mois » ;

Concernant l'analyse du paragraphe précisant « Pour l'appréciation des évènements, ci-dessus évoqués, les parties, d'un commun accord, déclarent s'en rapporter dès à présent à un certificat établi par le maître d'« œuvre ayant la direction des travaux, sous sa propre responsabilité, auquel seront joints, le cas échéant, les justificatifs convenus ci-dessus », si l'évènement relatif aux « intempéries et phénomènes climatiques » est limité à « ceux retenus par le maître d'œuvre », ce qui permet au maître d'œuvre d'apprécier et de ne retenir que les situations d'intempéries qui nécessitent réellement l'arrêt du chantier, il n'en est pas de même des autres évènements pour lesquels le maître d'œuvre ayant la direction des travaux est uniquement chargé d'établir « un certificat » décrivant l'événement, sans avoir à apprécier si cet événement nécessite réellement l'arrêt du chantier ;

Aussi il convient de considérer que cette clause crée un déséquilibre significatif, au détriment de Mme X., en ce qu'elle prive de sa substance l'obligation de livrer le bien à une date déterminée, puisque :

- d'une première part, elle ne présente aucune garantie pour Mme X. que l'évènement allégué, au titre duquel le retard de livraison n'est pas indemnisé, empêche la poursuite des travaux puisque les caractéristiques de ces évènements ne sont pas soumises aux conditions de la force majeure et ne sont même pas déterminées précisément ni même soumises à l'appréciation du maître d'œuvre, excepté concernant les intempéries,

- d'une deuxième part, elle énonce 15 évènements, soit un nombre important de situations dont les limites ne sont pas déterminées, susceptibles d'être présentées à Mme X., alors qu'elle n'est pas une professionnelle de la promotion immobilière,

- d'une troisième part, elle prévoit que lorsque l'un de ces évènements survient, la suspension du délai est majorée d'un mois, sans aucune garantie que la poursuite des travaux soit réellement empêchée pendant cette durée ;

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a : - dit abusive la clause contractuelle conclue entre les parties en ce qu'elle prévoit 15 causes de suspension légitime de report de la date de délivrance et le report d'un mois en cas de survenance d'un tel évènement, - réputé ces dispositions non écrites ».

2/ « - pour 41 jours ouvrés, représentant « trois mois de report contractuel pour désorganisation du chantier », soit un mois pour chaque événement (intempéries, grève, crise sanitaire) :

La SCI Saint Ouen Chemin du Landy fonde ces 41 jours uniquement sur la majoration d'un mois prévue dans la clause contractuelle ; or selon l'analyse ci-avant, cette clause est réputée non écrite ; la société ne produit aucune pièce démontrant la désorganisation du chantier occasionnée par les intempéries et la grève, ni que cette désorganisation avait les caractéristiques de la force majeure et nécessitait un délai d'un mois pour y remédier ; concernant l'événement relatif à la crise sanitaire, il a déjà été pris en compte ci-avant un délai pour la réorganisation du chantier et il n'est pas justifié qu'un délai supplémentaire ait été nécessaire ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 1

ARRÊT DU 9 FÉVRIER 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/08780 (14 pages). N° Portalis 35L7-V-B7G-CFYK5. Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 avril 2022 - Tribunal judiciaire de BOBIGNY - RG n° 20/09070.

 

APPELANTE :

SCI Saint Ouen Chemin du Landy

immatriculée au RCS de Lille sous le numéro XXX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 3], [Adresse 3], Représentée par Maître Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050 assistée de Maître Muguette ZIRAH RADUSZYNSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1032

 

INTIMÉE :

Madame X.

 née le [date] à [Localité 5], [Adresse 1], [Adresse 1], [Adresse 1], [Adresse 1], Représentée et assistée de Me Max TINTIGNAC, avocat au barreau de PARIS

 

PARTIE INTERVENANTE :

SA NEXITY GRAND PARIS (précédemment FEREAL)

immatriculée au RCS de Paris sous le numéro YYY, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 2], [Adresse 2], [Adresse 2], Assignation devant la cour d'appel de Paris en date du 26 août 2022 à personne habilitée conformément à l'article 658 du CPC

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 novembre 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nathalie BRET, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre, Nathalie BRET, conseillère, Catherine GIRARD- ALEXANDRE, conseillère

Greffier, lors des débats : Dorothée RABITA.

ARRÊT : - réputé contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour initialement prévue le 19 janvier 2024 prorogée au 9 février 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Marylène BOGAERS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte authentique du 3 août 2017, Mme X. a acquis, auprès de la SCI Saint Ouen Chemin du Landy, société filiale du groupe Nexity, un appartement en l'état futur d'achèvement, qui devait être livré au plus tard le 30 septembre 2019.

La réalisation des travaux a été confiée à la société Eiffage Construction Résidentiel.

Mme X. a pris possession du bien le 30 juillet 2020.

Le 15 octobre 2020, Mme X. a fait assigner la SCI Saint Ouen et la société Féreal, véritable vendeur selon elle, devant le tribunal judiciaire de Bobigny, en indemnisation de son préjudice lié au retard pris par le projet.

Le 29 janvier 2021, les sociétés Saint Ouen et Féreal ont assigné en garantie la société

Eiffage Construction Résidentiel.

Le 6 mai 2021, les deux affaires ont été jointes.

Par jugement du 6 avril 2022, le tribunal judiciaire de Bobigny a statué ainsi :

- Dit irrecevable la demande de la société Eiffage Construction Résidentiel de dire nulle l'assignation à elle délivrée,

- Dit abusive la clause contractuelle conclue entre les parties en ce qu'elle prévoit 15 causes de suspension légitime de report de la date de délivrance et le report d'un mois en cas de survenance d'un tel évènement, répute ces dispositions non écrites,

- Condamne la SCI Saint Ouen Chemin du Landy à payer à Mme X. les sommes de :

* 2.775,40 € en réparation de son préjudice matériel,

* 5.000 € en réparation de son préjudice moral,

- Rappelle que les intérêts sont dus à compter du présent jugement,

- Déboute pour le surplus,

- Déboute Mme X. de sa demande à l'encontre de la société Féreal,

- Déboute la SCI Saint Ouen Chemin du Landy de son appel en garantie à l'encontre de la société Eiffage Construction Résidentiel,

- Condamne la SCI Saint Ouen Chemin du Landy à payer à Mme X. la somme de 4.800 € et celle de 2.000 € à la société Eiffage Construction Résidentiel en application de 1'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la SCI Saint Ouen Chemin du Landy aux dépens,

- Rappelle que 1'exécution provisoire est de droit.

La SCI Saint Ouen Chemin du Landy a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 29 avril 2022, à l'encontre de Mme X.

Par acte d'huissier du 26 août 2022, Mme X. a fait assigner en appel provoqué la société Nexity Grand Paris anciennement société Féreal.

La société Eiffage Construction Résidentiel n'est pas partie en cause d'appel.

La procédure devant la cour a été clôturée le 15 novembre 2023.

 

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions en date du 7 novembre 2023, par lesquelles la SCI Saint Ouen Chemin du Landy, appelante, et la société Nexity Grand Paris, intimée provoquée, invitent la cour à :

Vu les articles 1134 et suivants du code civil,

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- Dit abusive la clause contractuelle conclue entre les parties en ce qu'elle prévoit 15 causes de suspension légitime de report de la date de délivrance et le report d'un mois en cas de survenance d'un tel événement, répute ces dispositions non écrites,

- Condamné la SCI Saint Ouen Chemin du Landy à payer à Mme X. les sommes de :

* 2.775,40 € en réparation de son préjudice matériel,

* 5.000 € en réparation de son préjudice moral,

* 4.800 € en application de l'article 700 du cpc,

* et en tous les dépens,

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- Débouté Mme X. de sa demande à l'encontre de la société Féreal,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

- Déclarer hors de cause la société Nexity Grand Paris venue aux droits de la société Féreal,

- Dire la clause de suspension du délai de livraison du contrat de Vefa de Mme X. non abusive et applicable,

A défaut,

- Dire que les causes de retard invoquées par la SCI Saint Ouen Chemin du Landy lui sont étrangères,

- Débouter Mme X. de ses demandes contre la société Nexity Grand Paris,

- Débouter Mme X. de toute demande relative au report de la livraison,

- Réformer le jugement en ce qu'il a alloué à Mme X. la somme de 5.000 € au titre de son préjudice moral et 2.775,40 € au titre de son préjudice matériel, et 4.800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- La débouter de ces chefs de demandes,

- Condamner Mme X. à rembourser à SCI Saint Ouen Chemin du Landy la somme de 12.575,40 € versée en exécution du jugement rendu, avec intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2022,

- Condamner Mme X. à verser à la SCI Saint Ouen Chemin du Landy la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Mme X. en tous les dépens ;

[*]

Vu les conclusions en date du 2 novembre 2023 par lesquelles Mme X., intimée, invite la cour à :

Vu les articles 548, 551, et 909 du Code de procédure civile

- Confirmer le jugement rendu le 6 avril 2022 en ce qu'il a statué par les chefs suivants :

* Dit abusive la clause contractuelle conclue entre les parties en ce qu'elle prévoit 15 causes de suspension légitime de report de la date de délivrance et le report d'un mois en cas de survenance d'un tel événement, répute ces dispositions non écrites,

* Condamne, sur le principe, la SCI Saint Ouen Chemin du Landy à indemniser Mme X. de son retard,

* Condamne la SCI Saint Ouen Chemin du Landy à payer à Mme X. la somme de 4.800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* Condamne la SCI Saint Ouen Chemin du Landy aux dépens,

- Infirmer le jugement rendu le 6 avril 2022 en ce qu'il a statué par les chefs suivants :

* Condamne, sur le quantum, la SCI Saint Ouen Chemin du Landy à payer à Mme X. les sommes de : 2.775,40 € en réparation de son préjudice matériel, 5.000 € en réparation de son préjudice moral,

* Déboute Mme X. de sa demande à l'encontre de la société Féreal (devenue Nexity Grand Paris),

Et, statuant à nouveau :

- Dire que la société Nexity Grand Paris SA (anciennement Féreal SA) a engagé sa responsabilité extra contractuelle et doit être tenue responsable in solidum avec le maître d'ouvrage, la SCI Saint Ouen Chemin du Landy, pour le retard illégitime dans la livraison du bien immobilier objet du contrat vefa,

- Fixer à 304 le nombre de jours calendaires de retard illégitime dans la livraison du bien immobilier objet du contrat vefa,

- Fixer à 56,10 € par jour calendaire de retard le préjudice subi par Mme X., - Condamner, en conséquence, la SCI Saint Ouen Chemin du Landy et la société Nexity Gran Paris SA (anciennement Féreal SA), solidairement, à verser à Mme X. la somme de 17.055,90 € pour l'indemnisation de son préjudice lié au retard, dont 5.355,90 € de préjudice financier et 11.700 € de préjudice moral, avec intérêt au taux légal à compter du 6 avril 2022,

En tout état de cause :

- Débouter la SCI Saint Ouen Chemin du Landy et la société Féreal SA de leurs demandes, - Condamner la SCI Saint Ouen Chemin du Landy et la société Féreal SA, in solidum à verser à Mme X. la somme de 11.800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la SCI Saint Ouen Chemin du Landy et la société Féreal SA, in solidum, aux entiers dépens ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;

Au préalable, il convient de préciser que le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a :

- Dit irrecevable la demande de la société Eiffage Construction Résidentiel de dire nulle l'assignation à elle délivrée,

- Débouté la SCI Saint Ouen Chemin du Landy de son appel en garantie à l'encontre de la société Eiffage Construction Résidentiel,

- Condamné la SCI Saint Ouen Chemin du Landy à payer la somme de 2.000 € à la société Eiffage Construction Résidentiel en application de 1'article 700 du code de procédure civile,

- Rappelé que 1'exécution provisoire est de droit ;

 

Sur la validité de la clause litigieuse :

Mme X. estime que la clause d'exonération du contrat de vente est abusive et doit être réputée non écrite, au motif qu'elle vide de sa substance l'obligation essentielle du débiteur et crée un déséquilibre significatif entre les parties, permettant au vendeur de facto de se dégager de toute responsabilité, en ce qu'elle regroupe 15 cas de causes de retard légitime en sus des cas de force majeure, qu'elle s'en remet à l'appréciation du maître d'œuvre alors que celui-ci, la société Féreal, n'est pas un tiers neutre, et prévoit un délai excessif d'un mois pour chaque évènement décorrélé de la réalité du chantier ;

Aux termes de l'article 1601-1 du code civil, « La vente d'immeubles à construire est celle par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat.

Elle peut être conclue à terme ou en l'état futur d'achèvement » ;

Aux termes de l'article 1170 du même code, « Toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite » ;

Aux termes de l'article L. 212-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date du contrat du 3 août 2017, « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ... » ;

En l'espèce, il est constant que Mme X., à l'inverse de la SCI Saint Ouen Chemin du Landy, n'est pas une professionnelle de la promotion immobilière ;

L'article L. 212-1 du code de la consommation précité est donc applicable aux clauses du contrat du 3 août 2017 par lequel Mme X. a acquis un appartement en l'état futur d'achèvement auprès de la SCI Saint Ouen Chemin du Landy ;

Ce contrat du 3 août 2017 stipule en page 52 :

« III Délai d'exécution des travaux

Le vendeur s'oblige à mener les travaux de telle manière que les ouvrages et les éléments définis ci-dessus soient achevés et livrés au plus tard le 30 septembre 2019, sauf survenance d'un cas de force majeure et ou plus généralement d'une cause légitime de suspension du délai de livraison.

Seront considérées comme causes légitimes de suspension du délai de livraison les évènements suivants :

- les grèves qu'elles soient générales (particulières au secteur du Bâtiment et à ses industries annexes ou à ses fournisseurs) ou spéciales aux entreprises travaillant sur le chantier, ou à leurs sous-traitants, ou encore aux professions dont l'activité dépend de celle-ci et notamment au secteur socioprofessionnel des transports ;

- les intempéries et phénomènes climatiques retenus par le maître d'œuvre et justifiés par les relevés de la station météorologique la plus proche du chantier ;

- le redressement ou la liquidation judiciaires des ou de l'une des entreprises effectuant les travaux ou encore de leurs fournisseurs, ou sous-traitants ;

- la défaillance des ou de l'une des entreprises effectuant les travaux ou encore de leurs fournisseurs ou sous-traitants (la justification sera apportée par le vendeur à l'acquéreur au moyen de la production de la copie de toute lettre recommandée AR adressée par le maître d'œuvre à l'entrepreneur défaillant) ;

- la recherche ou la désignation d'une nouvelle entreprise se substituant à l'une ou aux entreprise(s) défaillante(s), en redressement ou en liquidation judiciaires ;

- les injonctions administratives ou judiciaires de suspendre totalement ou partiellement le chantier ou d'arrêter les travaux ;

- la recherche et/ou la découverte de vestiges archéologiques dans le terrain d'assiette ainsi que toutes prescriptions ordonnées par les services administratifs compétents en matière d'archéologie ;

- la découverte de zones de pollution ou de contaminations des terrains d'assiette de l'opération ou d'anomalies du sous-sol telles que notamment présence ou résurgence d'eau, nature hétérogène du terrain aboutissant à des remblais spéciaux ou à des fondations spécifiques ou à des reprises en sous œuvre des immeubles voisins et plus généralement tous éléments dans le sous-sol susceptibles de nécessiter des travaux non programmés complémentaires et nécessitant un délai complémentaire pour leur réalisation;

- les troubles résultant d'hostilité, attentats, cataclysmes, accidents de chantier, incendies, inondations ;

- le retard de l'administration dans la délivrance des autorisations nécessaires au bon déroulement du chantier ;

- les retards imputables aux compagnies concessionnaires (ERDF, compagnie des eaux, France Télécom, etc.), à l'aménageur ou à la collectivité locale en charge des travaux de voirie et de réseaux divers en vue de la desserte de l'Immeuble ;

- les vols, dégradations, actes de vandalisme dont le chantier et les entreprises y intervenant seraient les victimes, les délais nécessaires au réapprovisionnement du chantier et à la reprise des dommages ainsi causés ;

- les difficultés d'approvisionnement ;

- l'incidence de la demande de travaux complémentaires ou modificatifs par l'acquéreur ;

- les retards de paiement de l'acquéreur dans le règlement des appels de fonds concernant tant la partie principale du prix et des intérêts de retard, que celle correspondant aux options, aux éventuels travaux supplémentaires ou modificatifs.

Pour l'appréciation des évènements, ci-dessus évoqués, les parties, d'un commun accord, déclarent s'en rapporter dès à présent à un certificat établi par le maître d'œuvre ayant la direction des travaux, sous sa propre responsabilité, auquel seront joints, le cas échéant, les justificatifs convenus ci-dessus.

S'il survenait un cas de force majeure ou une cause légitime de suspension du délai de livraison, l'époque prévue pour l'achèvement serait différée d'un temps égal à celui pendant lequel l'événement considéré aurait mis obstacle directement ou par ses répercussions à la poursuite des travaux, majoré d'un mois » ;

Concernant l'analyse du paragraphe précisant « Pour l'appréciation des évènements, ci-dessus évoqués, les parties, d'un commun accord, déclarent s'en rapporter dès à présent à un certificat établi par le maître d'« œuvre ayant la direction des travaux, sous sa propre responsabilité, auquel seront joints, le cas échéant, les justificatifs convenus ci-dessus », si l'évènement relatif aux « intempéries et phénomènes climatiques » est limité à « ceux retenus par le maître d'œuvre », ce qui permet au maître d'œuvre d'apprécier et de ne retenir que les situations d'intempéries qui nécessitent réellement l'arrêt du chantier, il n'en est pas de même des autres évènements pour lesquels le maître d'œuvre ayant la direction des travaux est uniquement chargé d'établir « un certificat » décrivant l'événement, sans avoir à apprécier si cet événement nécessite réellement l'arrêt du chantier ;

Aussi il convient de considérer que cette clause crée un déséquilibre significatif, au détriment de Mme X., en ce qu'elle prive de sa substance l'obligation de livrer le bien à une date déterminée, puisque :

- d'une première part, elle ne présente aucune garantie pour Mme X. que l'évènement allégué, au titre duquel le retard de livraison n'est pas indemnisé, empêche la poursuite des travaux puisque les caractéristiques de ces évènements ne sont pas soumises aux conditions de la force majeure et ne sont même pas déterminées précisément ni même soumises à l'appréciation du maître d'œuvre, excepté concernant les intempéries,

- d'une deuxième part, elle énonce 15 évènements, soit un nombre important de situations dont les limites ne sont pas déterminées, susceptibles d'être présentées à Mme X., alors qu'elle n'est pas une professionnelle de la promotion immobilière,

- d'une troisième part, elle prévoit que lorsque l'un de ces évènements survient, la suspension du délai est majorée d'un mois, sans aucune garantie que la poursuite des travaux soit réellement empêchée pendant cette durée ;

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a :

- dit abusive la clause contractuelle conclue entre les parties en ce qu'elle prévoit 15 causes de suspension légitime de report de la date de délivrance et le report d'un mois en cas de survenance d'un tel évènement,

- réputé ces dispositions non écrites ;

 

Sur les jours de retard justifiant une indemnisation :

Mme X. estime le retard illégitime, sur toute la période entre le 30 septembre 2019 au 30 juillet 2020, correspondant à 10 mois soit 304 jours calendaires ;

La SCI Saint Ouen Chemin du Landy oppose que le retard entre le 30 septembre 2019 et le 30 juillet 2020, correspondant à 209 jours ouvrés, est entièrement justifié par les cas de force majeure et/ou causes légitimes de suspension de délai de livraison prévus au contrat de vente ;

 

Sur le moyen relatif à la reconnaissance de responsabilité :

Mme X. estime que par application de l'article 1383 du code civil, la reconnaissance écrite par la société venderesse dans sa lettre du 6 avril 2020 constitue un aveu extrajudiciaire de sa responsabilité s'agissant de 95 jours calendaires ;

La SCI Saint Ouen Chemin du Landy oppose que ce courrier ne vaut pas reconnaissance de responsabilité car il n'a été adressé qu'à titre purement commercial, que la déclaration ne peut être retenue comme constituant un aveu que si elle porte sur des points de fait et que Mme X. ne peut se prévaloir du protocole qu'elle n'a pas signé ;

Aux termes de l'article 1383 du code civil, « L'aveu est la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques.

Il peut être judiciaire ou extrajudiciaire » ;

En l'espèce, les deux courriers du 6 avril 2020 (pièce 13), adressés à Mme X. pour le compte de la SCI Saint Ouen Chemin du Landy, précisent :

- concernant le courrier ayant pour objet « informations complémentaires protocole d'accord » :

« Nous vous prions de trouver ci-joint la lettre protocole pour l'indemnisation des jours de retards non justifiés par les intempéries. Cette lettre est à nous retourner signée avec la mention « bon pour accord » afin que nous puissions procéder au paiement. Nous avons basé le calcul de ces indemnités sur une date de livraison au 31 mai 2020 pour l'ensemble des logements. La situation sanitaire dans laquelle nous nous trouvons suspend les délais annoncés, cette période d'arrêt d'activité ne fera pas l'objet d'indemnisation complémentaire »,

- concernant le courrier ayant pour objet « protocole d'accord sur le retard de livraison » :

« Aux termes de l'acte de vente, la livraison de votre bien était prévue au 30/09/2019 au plus tard, sous réserve de la survenance de causes légitimes de suspension de délai ...

Vous trouverez le tableau récapitulatif détaillé des intempéries ... soit un cumul de 108 jours ouvrés ...

Compte tenu de la date de signature de votre acte de vente, intervenue le 3/8/2017, les intempéries applicables et arrêtées au 29/2/2020 s'élèvent à 107 jours ouvrés, ce qui reporterait contractuellement la date de livraison au 26/02/2020.

La livraison de votre bien étant prévue le 31/05/2020, le retard de livraison non justifié par les intempéries s'établit donc à 95 jours calendaires ...

Nous vous proposons de vous verser à titre d'indemnité de retard forfaitaire ...la somme de 2.670,20 € ' (28,11€ d'indemnité journalière x 95 jours = 2.670,45 €) ;

Le fait que Mme X. n'ait pas signé le protocole d'accord n'empêche pas d'analyser les courriers proposant un tel protocole ;

Compte tenu des termes de ces courriers, il convient, en application de l'article 1383 du code civil, de considérer que sur la période du 30 septembre 2019 au 31 mai 2020, la SCI Saint Ouen Chemin du Landy reconnaît pour vrai un fait, au sens de l'article 1383 précité, soit un retard de livraison de 95 jours calendaires, qui ne relève pas des causes légitimes de suspension de délai contractuelles, sachant que ce fait est de nature à produire contre cette société des conséquences juridiques, à savoir l'obligation d'indemniser Mme X. du préjudice résultant du défaut de livraison à la date convenue ;

Ainsi il y a lieu de retenir que la SCI Saint Ouen Chemin du Landy reconnaît un retard de livraison de 95 jours calendaires, entre le 30 septembre 2019 et le 31 mai 2020, qui donne droit à indemnisation de Mme X. ;

 

Sur le retard de livraison :

Aux termes de l'article 1611 du code civil, « Dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu » ;

Aux termes de l'article 1218 du code civil, « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.

Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1 » ;

La force majeure est un événement imprévisible, irrésistible et extérieur aux parties ;

En l'espèce, compte tenu de l'analyse ci-avant qui a réputé non écrites les dispositions contractuelles relatives aux causes de suspension légitime de report de la date de livraison, il y a lieu d'étudier si les 209 jours ouvrés de retard entre le 30 septembre 2019 et le 30 juillet 2020 (correspondant au global à 304 jours calendaires ou 10 mois) sont justifiés par la force majeure ;

Ces 209 jours ouvrés ont été l'objet, selon la SCI Saint Ouen Chemin du Landy, des événements suivants :

- pour 86 jours ouvrés entre le 3 août 2017 et le 27 septembre 2019, les « intempéries » :

La SCI Saint Ouen Chemin du Landy produit une attestation de l'entreprise Agate Addime (pièce 5), certifiant être un bureau spécialisé qui fournit des relevés intempéries pour le suivi météorologique des chantiers, les attestations intempéries établies par l'entreprise Agate Addime, au vu des relevés du poste Météo France placé à Paris-Monsouris, et précisant des « journées classées intempéries » en indiquant qu'elles correspondent à « pluies supérieures à 10 mm et/ou rafales supérieures à 60 km/h (grue à tour) et/ou températures inférieures à zéro » (pièce 4) et les attestations du maître d'œuvre d'exécution (pièce 4), dans lesquelles il comptabilise 83 jours ouvrés depuis le 16 juin 2017, correspondant aux « journées classées intempéries » selon les attestations de l'entreprise Agate Addime ;

Il n'est produit aucune pièce confirmant que ces intempéries, événement extérieur aux parties, étaient imprévisibles et irrésistibles et de nature à constituer une force majeure ; dans ses attestations, le maître d'œuvre se contente de comptabiliser le nombre de « journées classées intempéries » par l'entreprise Agate Addime et n'émet aucune appréciation de nature à déterminer si ces intempéries justifiaient l'arrêt total de tout le chantier ;

Ainsi la SCI Saint Ouen Chemin du Landy ne démontrant pas que ces 86 jours ouvrés de retard soient justifiés par la force majeure, il convient de considérer qu'ils donnent droit à indemnisation ;

- pour 20 jours ouvrés entre le 5 décembre 2019 et le 6 janvier 2020, une « grève d'ampleur nationale qui a perturbé les transports, a empêché les ouvriers de se rendre sur les chantiers et a perturbé les livraisons de matériaux » :

La SCI Saint Ouen Chemin du Landy produit une attestation du maître d'œuvre du 27 janvier 2020 (pièce 6) « Nous subissons depuis le 5 décembre 2019 des conditions exceptionnelles quant à l'exécution de nos travaux sur notre opération dues aux mouvements de grève nationale. Nous vous alertons sur le fait que les circonstances actuelles constituent un cas de force majeure qui ont fortement perturbé et rendent quasi impossible le bon avancement des travaux dans les délais initialement prévus. Les impacts en découlant vous seront communiqués dès que la grève sera terminée et qu'il sera possible d'en apprécier les conséquences » ; il n'est produit aucune pièce permettant à la cour d'apprécier si la grève alléguée des transports comportait des circonstances remplissant les conditions de la force majeure ; il n'est pas justifié des transports concernés par la grève ni la nature des perturbations des transports qui auraient justifié l'arrêt total du chantier ; il n'est pas produit d'éléments sur « les impacts en découlant (de la grève) » qui devaient, selon l'attestation ci-avant, être communiqués dès que la grève serait terminée ;

Ainsi la SCI Saint Ouen Chemin du Landy ne démontrant pas que ces 20 jours ouvrés de retard soient justifiés par la force majeure, il convient de considérer qu'ils donnent droit à indemnisation ;

- pour 62 jours ouvrés, entre le 16 mars 2020 et le 16 juin 2020, la « crise sanitaire liée au covid, incluant du 17 mars 2020 au 10 mai 2020 l'interdiction des déplacements, du 11 mai 2020 au 16 juin 2020, le temps passé pour réorganiser le travail, la réduction des effectifs pour respecter la distanciation sociale » :

Il convient de considérer qu'il est justifié que cet événement qui a les caractéristiques de la force majeure, extérieur aux parties, imprévisible et irrésistible, a empêché le chantier de continuer, en ce qu'il a interdit les déplacements du 16 mars 2020 au 10 mai 2020 et a nécessité une période du 11 mai 2020 au 16 juin 2020 pour la réorganisation du chantier en prenant en compte les règles de distanciation sociale ; il y a lieu en conséquence de retenir 62 jours ouvrés de retard justifiés par la force majeure qui ne donnent pas droit à indemnisation ;

- pour 41 jours ouvrés, représentant « trois mois de report contractuel pour désorganisation du chantier », soit un mois pour chaque événement (intempéries, grève, crise sanitaire) :

La SCI Saint Ouen Chemin du Landy fonde ces 41 jours uniquement sur la majoration d'un mois prévue dans la clause contractuelle ; or selon l'analyse ci-avant, cette clause est réputée non écrite ; la société ne produit aucune pièce démontrant la désorganisation du chantier occasionnée par les intempéries et la grève, ni que cette désorganisation avait les caractéristiques de la force majeure et nécessitait un délai d'un mois pour y remédier ; concernant l'événement relatif à la crise sanitaire, il a déjà été pris en compte ci-avant un délai pour la réorganisation du chantier et il n'est pas justifié qu'un délai supplémentaire ait été nécessaire ;

Ainsi la SCI Saint Ouen Chemin du Landy ne démontrant pas que ces 41 jours ouvrés de retard soient justifiés par la force majeure, il convient de considérer qu'ils donnent droit à indemnisation ;

Ainsi les jours de retard qui remplissent les conditions de la force majeure et ne donnent pas droit à une indemnisation s'élèvent à 62 jours ouvrés entre le 16 mars 2020 et le 16 juin 2020, ce qui correspond à 94 jours calendaires ;

Les jours de retard qui ne remplissent pas les conditions de la force majeure et qui donnent droit à indemnisation, sur la période entre le 30 septembre 2019 au 30 juillet 2020, s'élèvent à 147 jours ouvrés (86 + 20 + 41 = 209 - 62), soit 210 jours calendaires (304 - 94) ;

Il y a lieu de constater que le retard de livraison de 95 jours calendaires, entre le 30 septembre 2019 et le 31 mai 2020, pour lequel la SCI Saint Ouen Chemin du Landy a reconnu le droit à indemnisation de Mme X., selon l'analyse ci-avant, est inclus dans ces 210 jours calendaires ;

Il convient donc de retenir 210 jours calendaires qui donnent droit à indemnisation de Mme X., ce qui représente 30 semaines ou 6 mois et 27 jours ;

Sur les responsabilités

Sur la responsabilité de la SCI Saint Ouen Chemin du Landy

Aux termes de l'article 1601-1 du code civil, 'La vente d'immeubles à construire est celle par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat.

Elle peut être conclue à terme ou en l'état futur d'achèvement' ;

Le vendeur doit être condamné dès lors que l'acquéreur subit un préjudice en raison du défaut de délivrance dans le délai convenu, sauf s'il est démontré que le retard est imputable à l'acquéreur ;

En l'espèce, il ressort de l'analyse ci-avant un retard dans la livraison de l'appartement, non imputable à l'acquéreur et ne relevant pas de la force majeure, à hauteur de 147 jours ouvrés ;

Aussi la responsabilité contractuelle de la SCI Saint Ouen Chemin du Landy, venderesse, est engagée à l'égard de Mme X. et la SCI Saint Ouen Chemin du Landy est tenue d'indemniser Mme X. de son préjudice au titre de ce retard dans la livraison de l'appartement ;

 

Sur la responsabilité de la société Nexity Grand Paris précédemment société Féreal :

Mme X. estime que la responsabilité extracontractuelle de la société Nexity Grand Paris précédemment société Féreal est engagée à son égard, du fait de son immixtion de facto dans la réalisation du projet et donc dans le retard pris par celui-ci ; elle estime sur le fondement de l'article 1156 du code civil que cette société a créé une apparence trompeuse propre à lui faire croire qu'elle était aussi son cocontractant et qu'elle s'est rendue complice de l'inexécution de la SCI Saint Ouen Chemin du Landy ;

Aux termes de l'article 1156 du code civil, « L'acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté.

Lorsqu'il ignorait que l'acte était accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs, le tiers contractant peut en invoquer la nullité.

L'inopposabilité comme la nullité de l'acte ne peuvent plus être invoquées dès lors que le représenté l'a ratifié » ;

En l'espèce, il ressort des éléments du dossier que la SCI Saint Ouen Chemin du Landy et la société Féreal, devenue la société Nexity Grand Paris, ont des liens juridiques ;

En effet, selon le procès-verbal des décisions unanimes des associés en date du 11 février 2020 (pièce 5), les associés de la SCI Saint Ouen Chemin du Landy sont la société Nexity Logement, la société George V Gestion et la société Féreal ;

Selon l'extrait Kbis de la SCI Saint Ouen Chemin du Landy, au 11 août 2022 (pièce 20), d'une part les gérants non associés sont les sociétés Nexity Régions IV et Nexity Région X et d'autre part les sociétés Nexity Logement, George V Gestion et Féreal figurent parmi les associés indéfiniment responsables ;

Au surplus, il est constant que la SCI Saint Ouen Chemin du Landy est la venderesse et le maître d'ouvrage de l'opération de construction et que la société Féreal, devenue la société Nexity Grand Paris, est intervenue en tant que maître d'oeuvre d'exécution de l'opération de construction ;

Toutefois il n'y a pas d'élément au dossier justifiant que la société Féreal, devenue la société Nexity Grand Paris, ait créé une apparence trompeuse qui ait pu faire légitimement croire à Mme X. que cette société était son cocontractant ;

En effet, si le contrat de vente en l'état futur d'achèvement, au bénéfice de Mme X., mentionne le nom de « Nexity » c'est uniquement en ce qu'il précise en page 3 que le vendeur, la SCI Saint Ouen Chemin du Landy, est représenté par un clerc de notaire, 'en vertu des pouvoirs conférés par la gérante de la société Nexity Régions IV, considérée en sa qualité de co-gérante de la SCI Saint Ouen Chemin du Landy, aux termes d'une décision unanime des associés du 21 novembre 2013" ; l'identité du vendeur est clairement précisée en page 2 de cet acte sous le titre « Identification des parties : Vendeur : la société dénommée SCI Saint Ouen Chemin du Landy ... » et cet acte ne permet pas de penser que Mme X. a pu croire que la société Nexity était son cocontractant ;

Si les courriers adressés à Mme X. (pièces 6, 7, 8, 9, 12, 13), ont pour entête « Nexity », pour signature 'Service Clients Grand Paris relationclient-grandparis@nexity.fr' et mentionnent en bas de page 'Féreal', il n'y a pas de confusion possible pour Mme X. sur le fait que l'auteur du courrier est bien la SCI Saint Ouen Chemin du Landy, venderesse, puisqu'il est clairement mentionné en entête des courriers « Pour le compte de la SCI Saint Ouen Chemin du Landy" ;

Concernant les courriels adressés à Mme X., relatifs au retard de la réalisation du projet immobilier, l'adresse de l'expéditeur, soit '[Courriel 4]' (pièces 10 et 11), est insuffisante à justifier qu'elle a pu faire croire à Mme X. que la société Nexity était elle-même la société venderesse et non qu'elle agissait au nom de la SCI Saint Ouen Chemin du Landy, venderesse, ce d'autant plus que ces mails ont été envoyés postérieurement au contrat et aux courriers ci-énoncés ;

Dans les attestations relatives au retard de la réalisation de l'ensemble immobilier (pièce 2), la société Féreal se présente sans ambiguïté comme « maître d'œuvre d'exécution pour la réalisation de l'ensemble immobilier sis à Saint-Ouen, dont la SCI Saint Ouen Chemin du Landy est le maître d'ouvrage » ;

Ainsi Mme X. ne démontrant pas que la société Féreal, devenue la société Nexity Grand Paris, a adopté un comportement ou adressé des courriers qui lui ont fait légitimement croire que cette société avait les pouvoirs du vendeur, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme X. de ses demandes à l'encontre de cette société ;

 

Sur la réparation des préjudices de Mme X. :

Mme X. sollicite, au titre du retard sur toute la période entre le 30 septembre 2019 et le 30 juillet 2020, correspondant à 10 mois soit 304 jours calendaires, la somme de 17.055,90 € pour l'indemnisation de son préjudice lié à ce retard, dont 5.355,90 € de préjudice financier (loyer, gardiennage et surplus de frais d'énergie pendant 10 mois) et 11.700 € de préjudice moral ;

En l'espèce, selon l'analyse ci-avant, Mme X. peut prétendre à une indemnisation sur une période de 210 jours calendaires, représentant 30 semaines ou 6 mois et 27 jours ;

 

Sur le préjudice financier :

Le préjudice financier de Mme X. est justifié ainsi :

- le contrat de location du 29 mars 2010 et une quittance de juin 2020 (pièce 15), mentionnant un loyer et des charges mensuels de 490,55 € : il est justifié que le retard de livraison indemnisable a occasionné des frais de loyer d'un autre appartement pendant 6 mois et 27 jours (6,9 mois) et il convient de retenir au titre du préjudice la somme de 3.384,79 € (490,55 x 6,9),

- une facture de 162 € du 31 juillet 2020 pour le gardiennage des éléments de cuisine pendant les 6 semaines précédent le 31 juillet 2020 (pièce 16) : il est justifié que le retard de livraison indemnisable a occasionné des frais de gardiennage des éléments de cuisine et il convient de retenir au titre du préjudice la somme de 162 €,

- une facture d'énergie du 22 mai 2020 de 76,18 € par mois (914,20 € par an) et une facture d'énergie du 12 juillet 2021 de 32 € par mois (384,01 € par an) : il est justifié que le retard de livraison indemnisable a occasionné un surplus de facture d'énergie pendant 6 mois et 27 jours et il convient de retenir au titre du préjudice la somme de 304,84 € (6,9 x (76,18 - 32)) ;

Le préjudice financier s'élève donc à 3.851,63 € (3.384,79 + 162 + 304,84) ;

 

Sur le préjudice moral

Mme X. estime avoir subi un préjudice moral d'une part au titre de la déception due au retard de 10 mois de livraison qu'elle calcule en fonction de la valeur du bien (5.000 € = 1,90% x 264.000 € de valeur du bien) et d'autre part au titre de l'inconfort de son séjour dans un bien de standing largement inférieur qu'elle calcule en fonction de la différence de loyer (6.700 € = 10 mois x 670 € de différence de loyer) ;

En l'espèce, il convient de considérer que Mme X. a subi un préjudice moral en devant séjourner pendant 6 mois et 27 jours dans un bien de standing inférieur qu'il y a lieu d'évaluer à la somme de 5.000 € ;

En conséquence, le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné la SCI Saint Ouen Chemin du Landy à payer à Mme X. la somme de 2.775,40 € en réparation de son préjudice matériel, augmentée des intérêts à compter du jugement ;

Et il y a lieu de condamner la SCI Saint Ouen Chemin du Landy à payer à Mme X. la somme de 3.851,63 € en réparation de son préjudice matériel, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2022, date du jugement ;

Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la SCI Saint Ouen Chemin du Landy à payer à Mme X. la somme de 5.000 € en réparation de son préjudice moral, augmentée des intérêts à compter du jugement ;

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

La SCI Saint Ouen Chemin du Landy, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à Mme X. la somme supplémentaire de 6.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par la SCI Saint Ouen Chemin du Landy ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement, excepté en ce qu'il a condamné la SCI Saint Ouen Chemin du Landy à payer à Mme X. la somme de 2.775,40 € en réparation de son préjudice matériel, augmentée des intérêts à compter du jugement ;

Statuant sur le chef réformé et y ajoutant,

Condamne la SCI Saint Ouen Chemin du Landy à payer à Mme X. la somme de 3.851,63 € en réparation de son préjudice matériel, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2022 ;

Condamne la SCI Saint Ouen Chemin du Landy aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à Mme X. la somme supplémentaire de 6.000 € par application de l'article 700 du même code en cause d'appel ;

Rejette la demande de la SCI Saint Ouen Chemin du Landy au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER                                                       LA PRÉSIDENTE