TI LYON (section NEUVILLE), 15 octobre 2001
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1082
TI LYON (section NEUVILLE), 15 octobre 2001 : RG n° 11-01-002285 ; jugement n° 296
(sur appel CA Lyon (6e ch. civ.), 5 novembre 2003 : RG n° 2002/00172)
Extrait : « Or, admettrait-on que Monsieur Y., qui utilisait effectivement le véhicule remis par la demanderesse pour les besoins de son activité professionnelle ne puisse se prévaloir des dispositions protectrices du Code de la Consommation… »
TRIBUNAL D’INSTANCE DE LYON
SECTION NEUVILLE
JUGEMENT DU 15 OCTOBRE 2001
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-01-002285. Jugement n° 296. Code n° 561.
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
JUGE : LACROIX François-Régis.
GREFFIER : LANGEVIN Jacqueline
DEMANDERESSE :
La SARL CICVP AUTO X.
dont le siège social est [adresse], Convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 juillet 2001, représentée par Mr. X. (Gérant)
DÉFENDEUR :
Monsieur Y.
demeurant [adresse], Convoqué par lettre recommandée en date du 3 juillet 2001 avec accusé de réception signé le 5 juillet 2001. Représenté par Maître SAUTEREL T 588, avocat au barreau de LYON.
* * *
Date de la première audience : 3 septembre 2001.
Date de la mise en délibéré : 3 septembre 2001.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 14 mai 2001, la SARL CLCVP AUTO X. a obtenu une ordonnance enjoignant à Monsieur Y. de lui payer un solde de 24.000 Francs sur la valeur d'un véhicule automobile MERCEDES, qui avait été prêté à celui-ci le 24 février 2000 et qui avait été volé et endommagé quelques jours plus tard, déduction faite d'une indemnité allouée par la SA d’Assurances LE CONTINENT.
Par lettre recommandée expédiée le 18 juin 2001, Monsieur Y. a formé opposition à cette ordonnance, qui lui a été signifiée le 22 mai 2001, mis en doute la valeur réelle du véhicule et conclu à l'inopposabilité des conditions de la convention de prêt sur lesquelles lui-même n'avait pu donner un assentiment exprès, faute d'avoir reçu des informations et renseignements complets et d'avoir fait précéder sa signature des mentions: « lu et approuvé-bon pour accord et subrogation » alors qu'il devait bénéficier des dispositions du Code de la Consommation.
La SARL CICVP AUTO X. a persisté dans ses prétentions initiales et formé des demandes additionnelles tendant au paiement d'une indemnité de 15.000 Francs, en dédommagement du préjudice subi et d'une contribution de 1.500 Francs à ses frais non compris dans les dépens, au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La demanderesse a précisé que la valeur du véhicule litigieux, normalement destiné à la vente, avait été fixée à la somme de 189.000 Francs et indiquée sur la convention de prêt, que l'expert désigné par l'assureur de Monsieur Y., qui avait fait transférer sur le véhicule prêté toutes les garanties de la police souscrite pour son ancien véhicule, jusqu'à la livraison du véhicule commandé par ailleurs, avait fixé à la somme de 170.000 Francs la valeur du véhicule dérobé, qu'une franchise de 5.000 Francs avait encore été appliquée par l'assureur, mais que Monsieur Y. n'avait jamais répondu à ses réclamations amiables, en dépit de l'engagement qu'il avait pris de répondre personnellement des dommages causés ou subis par le véhicule pendant toute la durée du prêt. Elle a rappelé que le défendeur avait bénéficié de plusieurs prêts gratuits successivement consentis sur des véhicules différents.
[minute page 3] Monsieur Y. s'est référé aux dispositions de l'article L. 111-1 du Code de la Consommation, pour faire grief à la SARL CICVP AUTO X. de ne pas avoir satisfait à son obligation générale d'information, à l'occasion de la conclusion d'un contrat de prêt de véhicule accessoirement à la commande d'un autre véhicule MERCEDES 230 SLK ; il s'est attaché ensuite à caractériser comme abusive au regard des dispositions de l'article L. 132-2 [N.B. conforme à la minute] du Code de la Consommation et de la recommandation n° 96-02 du 14 juin 1996 de la Commission des clauses abusives la clause aux termes de laquelle il devrait supporter le coût d'une remise en état du véhicule selon la seule estimation du bailleur ou de son mandataire.
Le défendeur a mis en demeure la SARL CICVP AUTO X. de justifier des diligences accomplies pour mettre en jeu l'assurance contractée par celle-ci auprès de GROUPAMA, en soulignant que l'article L. 121-4 du Code des Assurances autorise la souscription d'assurances couvrant un même risque par des personnes différentes. Il a ajouté que l'évaluation unilatéralement fixée à la somme de 189.000 Francs par la SARL CLCVP AUTO X. pour un véhicule acheté six mois plus tôt moyennant un prix de 185.000 Francs se justifiait d'autant moins que l'expert d'assurance avait pu retenir la cote argus fixée à la somme de 170.000 Francs et que la demanderesse avait elle-même accepté cette indemnisation comme satisfactoire.
Monsieur Y. s'est porté demandeur reconventionnel en paiement d'une indemnité de 15.000 Francs pour procédure abusive et d'une contribution de 10.000 Francs à ses frais de représentation dans l'instance sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Il est de jurisprudence constante que la mise à disposition d'un bien mobilier ou immobilier, accessoirement au contrat par lequel les parties s'étaient initialement liées et qui gouverne l'essentiel de leurs relations, ne peut constituer un prêt à usage, dans la mesure où les obligations stipulées sont indissociables les unes des autres (Cass.1ère civ., 28 février 1989 : Bull. civ. I, n°100, p. 64 et 8 juin 1999 : Bull. civ. I, n°192, p.126).
[minute page 4] En l'espèce, et conformément aux dispositions des articles 1156 et 1161 du Code Civil, il apparaît indubitable que la SARL CICVP. AUTO X., qui avait promis à Monsieur Y. de lui livrer en avril 2000 le véhicule automobile MERCEDES 230 CLK cabriolet commandé par celui-ci le 19 janvier 2000, a fourni à celui-ci dès le 14 février 2000 un véhicule LAND ROVER indispensable à son activité, dans l'intervalle de temps compris entre la date de reprise de son ancien véhicule BMW et le terme du délai de livraison, de telle sorte que la commune intention des parties, indépendamment du sens littéral de l'intitulé donné aux actes litigieux, ne pouvait être de se placer sous le régime d'un commodat, caractérisé pour l'essentiel par la gratuité du service rendu.
Or, admettrait-on que Monsieur Y., qui utilisait effectivement le véhicule remis par la demanderesse pour les besoins de son activité professionnelle ne puisse se prévaloir des dispositions protectrices du Code de la Consommation, il n'en demeure pas moins que l'article 1163 du Code Civil ne permet d'envisager, dans le cadre des stipulations relatives à la responsabilité du détenteur précaire en cas de dommages causés ou subis par le véhicule, que les clauses sur lesquelles il paraît que les parties se sont proposé de contracter : Monsieur Y. s'était engagé à subroger la SARL CICVP AUTO X. dans ses droits sur toute indemnité concernant les dommages subis par ce véhicule, après avoir fait transférer les garanties de la police d'assurance couvrant les risques relatifs à son ancien véhicule.
En revanche, nonobstant l'indication d'une valeur unilatéralement donnée par la SARL CICVP AUTO X., il ne peut être considéré comme une certitude que celui-ci se serait engagé à garantir le paiement d'un solde permettant de compléter l'indemnité allouée par son assureur jusqu'à concurrence de la valeur ainsi déclarée : s'agissant d'une somme supérieure au seuil de 5.000 Francs fixé par le décret n° 80-533 du 15 juillet 1980, il n'est reçu aucune preuve outre le contenu à l'acte, conformément à l'article 1341 du Code Civil et l'article 1162 du même Code doit encore jouer en faveur de Monsieur Y. qui a contracté l'obligation litigieuse.
[minute page 5] Il s'ensuit que la SARL CICVP AUTO X. doit être déboutée de ses prétentions, dans la mesure où elle devait supporter le risque de la perte du véhicule gracieusement remis à l'acquéreur d'un autre véhicule commandé en attente de livraison, en l'absence de faute commise par Monsieur Y., conformément à la règle générale énoncée à l'article 1302 du Code Civil. Utilisatrice d'imprimés standard, dont il lui appartenait d'analyser plus finement le sens et la portée de stipulations formulées en termes généraux insusceptibles d'interprétation extensive, la SARL CICVP AUTO X. s'est encore imprudemment aventurée dans une action en justice préjudiciable pour Monsieur Y., de telle sorte que les dispositions de l'article 32-1 du Nouveau Code de Procédure Civile doivent trouver à s'appliquer : en réparation d'un préjudice de caractère essentiellement moral, en l'absence d'élément justifiant de pertes ou de manque à gagner, le défendeur peut se voir allouer une indemnité de 1.000 Francs.
Enfin, les frais de représentation de Monsieur Y. dans l'instance peuvent être fixés à la somme de 5.000 Francs, en considération des développements de l'affaire.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ;
DÉBOUTE la SARL CICVP AUTO X. de ses demandes tendant au paiement par Monsieur Y. d'un complément sur la valeur du véhicule automobile mis à sa disposition et endommagé avant sa restitution et au paiement d'indemnités supplémentaires ;
DIT que la SARL CICVP AUTO X. doit verser à Monsieur Y. une indemnité de mille francs (1.000 francs) compensatrice du préjudice moral occasionné par une action abusive et supporter les dépens, ainsi que les frais de représentation du défendeur dans l'instance fixés à la somme de cinq mille francs (5.000 francs).
Le Greffier. Le Juge.
- 5839 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Nature du contrat : contrat unilatéral
- 5878 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : besoins de l’activité
- 5933 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Véhicules et engins