CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA PARIS (2e ch. sect. B), 2 juillet 1998

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (2e ch. sect. B), 2 juillet 1998
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 2e ch. civ. sect. B
Demande : 96/17667
Date : 2/07/1998
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Décision antérieure : TGI CRETEIL (5e ch. civ.), 15 avril 1996
Imprimer ce document

 

 CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1100

CA PARIS (2e ch. sect. B), 2 juillet 1998 : RG n° 96/17667

Publication : Juris-Data n° 022298

 

Extrait : « Considérant que la société COFOR n'est pas fondée à prétendre que la stipulation dans la promesse de vente selon laquelle l'indemnité d'immobilisation devait être placée en Sicav de trésorerie au profit du seul promettant que la vente se réalise ou non, présenterait un caractère léonin conférant au promettant une position économiquement dominante ; qu'en effet les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives ne sont pas applicables aux contrats conclus entre professionnels ayant un rapport direct avec leur activité ; que tel est le cas en l'espèce, la signature d'une promesse de vente de biens immobiliers destinés à la réalisation d'une opération immobilière ayant un rapport direct avec l'activité de la société COFOR Construction ».

 

COUR D’APPEL DE PARIS

DEUXIÈME CHAMBRE  SECTION B

ARRÊT DU 2 JUILLET 1998

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général : 96/17667 Pas de jonction. Décision dont appel : Jugement rendu le 15 avril 1996 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de CRETEIL 5ème Ch. RG n° : 94/10373.

Date ordonnance de clôture : 7 mai 1998. Nature de la décision : CONTRADICTOIRE. Décision : CONFIRMATION.

 

APPELANTE :

LA SOCIETE COFOR CONSTRUCTIONS

SA ayant son siège […] représentée par Maître THEVENIER, avoué assistée de Maître FEDDAL, avocat

 

INTIMÉE :

LA SCI ANIKERCO

prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège […] représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoué assistée de Maître MASSIS, avocat

[minute page 2]

INTIMÉE :

LA SCP ESCARGELTIL AURAIX

prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège […] représentée par la SCP FAURE-ARNAUDY, avoué assistée de la SCP KUHN, avocat

 

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats : Madame SCHOENDOERFFER, conseiller rapporteur, a entendu les plaidoiries en présence de Monsieur LAURENT-ATTHALIN, conseiller, les avocats ne s'y étant pas opposés, puis elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré;

Lors du délibéré : PRÉSIDENT : Madame TROCHAIN - CONSEILLER : Madame SCHOENDOERFFER - CONSEILLER : Monsieur LAURENT ATTHALIN

DÉBATS : A l'audience publique du 5 JUIN 1998

GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt Madame FLOTTERER

ARRÊT : Contradictoire.

Prononcé publiquement par Madame SCHOENDOERFFER, Conseiller, en l'absence du Président empêché, laquelle a signé la minute avec Madame FLOTTERER, Greffier.

[minute page 3] La Cour statue sur l'appel de la société COFOR CONSTRUCTIONS du jugement rendu le 15 AVRIL 1996 par le Tribunal de Grande Instance de CRETEIL dans le litige qui l'oppose à la société ANIKERCO et à la SCP W. LAURAIX, titulaire d'un office notarial à VITRY.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS et PROCÉDURE :

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, la Cour se réfère expressément à la décision querellée.

Il suffit de rappeler qu'aux termes d'un acte reçu par Maître W. le 18 février 1993, la société ANIKERCO a promis de vendre à la société COFOR CONSTRUCTIONS un ensemble immobilier situé à VITRY, sous différentes conditions suspensives et notamment celle de l'obtention du permis de construire. La société COFOR a versé à Maître W., en qualité de séquestre, la somme de 1.140.000 Francs à titre d'indemnité d'immobilisation.

Le délai de réalisation était fixé au 18 novembre 1993.

Le 15 et le 17 juin la société COFOR a déposé deux permis de construire enregistrés sous les numéros 2048 et 2050.

Le 18 novembre, à la demande de la société COFOR, le délai de validité de la promesse de vente a été prorogé au 31 décembre.

A cette date la vente n'a pas été réalisée.

Le 26 septembre 1994, la société ANIKERCO a assigné la société COFOR et l'office notarial aux fins de faire constater la carence de la société COFOR, constater que la condition suspensive est réputée réalisée, constater que l'indemnité d'immobilisation lui est acquise et dire que cette somme porte intérêts à compter du 1er janvier 1994.

C'est dans ces conditions que le jugement dont appel a dit que l'indemnité d'immobilisation était acquise à la société ANIKERCO, dit qu'elle portera intérêt à compter du jugement, dit que l'office notarial devra se dessaisir de cette somme entre les mains de la société ANIKERCO, condamné la société COFOR à payer à la société ANIKERCO la somme de [minute page 4] 10.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile.

 

PRÉTENTIONS et MOYENS DES PARTIES :

La société COFOR conclut à l'infirmation du jugement ;

Elle expose, concernant le dossier du permis de construire n° 2050, qu'elle a eu, le 23 novembre 1993, confirmation de l'hostilité des services de l'urbanisme à son projet puisqu'elle avait déposé son dossier le 17 juin, l'avait complété le 16 juillet et le 23 septembre et que c'est seulement le 4 octobre qu'il a été transmis à la Commission de Sécurité qui a rendu un avis le 23 novembre, la mettant dans l'impossibilité de respecter le délai de la promesse. Elle ajoute que le service de l'Urbanisme a exigé des précisions inhabituelles qui ne peuvent dénoter une carence de la société, que le fait qu'après l'avis défavorable de la Commission Départementale de Sécurité le 23 novembre, des documents supplémentaires aient été demandés, ne peut être considéré comme démontrant une volonté d'échec de la société COFOR, et c'est par erreur que les premiers juges ont retenu que la production de l'agrément prévu à l'article L. 510-1 du code de l'urbanisme, avec la demande de permis de construire, constituait une condition de recevabilité de la demande de permis de construire, alors que l'article R. 421-3 ne précise pas à quelle date l'agrément doit être produit.

En outre, le permis de démolir, bien qu'il ne soit pas visé dans les conditions suspensives mentionnées dans la promesse, n'a été donné que le 1er janvier 1994, alors qu'aucun grief sérieux n'a été fait à la société COFOR.

Concernant le permis n° 2048, la société reproche au Tribunal d'avoir également retenu que l'agrément devait être joint à la demande de permis de construire et que cela constituait une condition de recevabilité de la demande.

La société COFOR fait valoir qu'il est ainsi prouvé qu'elle n'a mis aucun obstacle à la réalisation des conditions.

Elle expose encore que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas exigé de la société ANIKERCO qu'elle rapporte la preuve de la réalisation de toutes les conditions suspensives et en particulier la quatrième relative à l'obtention de renseignements et certificats d'urbanisme.

[minute page 5] Enfin, la société COFOR soutient que la clause de la promesse de vente autorisant la société ANIKERCO à placer le montant de l'indemnité d'immobilisation en SICAV de trésorerie au profit du promettant présente un caractère léonin et confère à ce dernier une position économiquement dominante. Par son attitude fautive, la société ANIKERKO lui a causé un préjudice qu'elle évalue à la somme de 150.000 Francs.

Elle sollicite 50.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile.

 

La société ANIKERKO conclut à la confirmation du jugement dont elle s'approprie les motifs.

Elle sollicite 100.000 Francs à titre de dommages et intérêts et 50.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile.

 

La SCP W. AURAIX s'en rapporte à justice.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

CECI EXPOSÉ, LA COUR :

Considérant que la promesse de vente comportait une septième condition suspensive intitulée « obtention d'un arrêté de lotir ou d'un permis de construire » ; qu'il était stipulé que la promesse était faite sous la condition que le bénéficiaire obtienne soit un arrêté de lotir, soit un permis de construire, que pour bénéficier de cette condition, le bénéficiaire s'engageait à déposer les demandes nécessaires avant le 17 juin, que les demandes soient conformes aux prescriptions et limites fixées par le Plan d'occupation des sols, que l'arrêté de lotir ou le permis de construire devraient être purgés du recours des tiers et que le bénéficiaire s'engageait à constater dans les dix jours ouvrés de l'obtention de l'arrêté de lotir ou du permis de construire l'affichage en mairie et sur le terrain de l'existence desdites autorisations par huissier ;

Considérant qu'il résulte d'une lettre de la Mairie de VITRY SUR SEINE adressée à la société COFOR le 22 mars 1994 qu'à la date du 31 décembre 1993, la demande de permis de construire n° 2050 était en cours d'instruction et que la demande N° 2048 avait été accordée le 30 décembre 1993 ;

[minute page 6] Considérant que la société COFOR soutient essentiellement, à propos du permis n° 2050, avoir été victime d'une hostilité de la municipalité qui, de façon inhabituelle, lui a réclamé à plusieurs reprises des pièces complémentaires et est à l'origine de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée d'obtenir un permis de construire dans les délais prévus par la promesse de vente ;

Considérant qu'il convient de relever d'abord en ce qui concerne les deux dossiers 2050 et 2048 que la société COFOR a attendu presque quatre mois pour déposer les demandes de permis de construire alors qu'elle disposait à l'origine un délai de neuf mois pour obtenir les permis de construire, ; que l'expert consulté par la société COFOR a estimé que ce délai était extrêmement juste et qu'il était impératif que les projets aient reçu préalablement un accord de principe des services concernés pour l'instruction des dossiers, ce qui n'était pas le cas ;

Considérant, sur le dossier n° 2050, qu'il résulte des correspondances adressées par la municipalité à la société COFOR que le 6 juillet 1993, il lui a été indiqué que sa demande était incomplète et qu'elle devait fournir outre différents plans, un justificatif qu'elle n'était pas soumise à agrément au sens de l'article R. 510-1 du code de l'urbanisme ; que le 29 juillet et le 28 septembre, la municipalité a fait savoir à la société COFOR que son dossier était incomplet, lui a réclamé différentes pièces et notamment l'agrément précité ;

Que la société COFOR n'a en réalité sollicité cet agrément que le 20 juillet et l'a obtenu le 24 septembre ; qu'en outre, elle a sollicité le 4 octobre une extension de cet agrément que le ministère de l'équipement a accordé le 2 décembre soit moins d'un mois avant l'expiration du délai de la promesse de vente, alors que la production de cet agrément constitue une condition de recevabilité de la demande de permis de construire ;

Qu'il apparaît ainsi qu'au début du mois d'octobre 1993, la société COFOR par sa propre négligence n'avait pas encore mis la municipalité en mesure de procéder à l'instruction de son dossier ;

Que c'est finalement le 4 octobre que la municipalité lui a fait savoir que la décision lui serait notifiée avant le 1er janvier 1994, c'est à dire à une date telle, qu'à supposer que le permis eût été accordé, il n'aurait pas été purgé du recours des tiers avant le 31 décembre 1993 ;

[minute page 7] Considérant encore que si le 3 décembre 1993, les services de l'urbanisme ont réclamé des pièces complémentaires, la société COFOR n'a pas répondu à cette demande, ce qui a entraîné l'annulation du dossier ; que si, comme le prétend la société COFOR, la dernière demande de la municipalité était discutable, voir injustifiée, il demeure qu'elle n'a effectué aucune démarche pour que la demande de pièces soit réexaminée afin de lui permettre d'obtenir une décision favorable plus rapidement ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est par sa négligence que la société COFOR n'a pas été en mesure de justifier à la date du 31 décembre 1993 d'une décision administrative concernant la demande de permis de construire n° 2050 ;

Considérant, sur le permis de construire n° 2048, que si ce permis n'a été accordé que le 30 décembre 1993, et n'était purgé du recours des tiers à la date du 31 décembre 1993, c'est en raison de la seule négligence de la société COFOR qui n'a été en mesure de justifier un agrément au sens de l'article L. 510-1 du code de l'urbanisme que le 24 septembre 1994 et n'a mis en mesure la municipalité d'instruire sa demande qu'à partir de cette date ;

Considérant qu'il s'ensuit que les conditions suspensives tenant à l'obtention des permis de construire doivent être réputées acquises ;

Considérant enfin que c'est à celui qui se prévaut de l'absence de réalisation d'une condition suspensive pour se délier de son engagement et refuser de réaliser la vente, de préciser en quoi ces conditions ne se sont pas réalisées et qu'en l'espèce aucune indication concernant les six autres conditions suspensives et notamment celles relatives à l'absence de servitudes n'est fournie ;

Considérant que la société COFOR n'est pas fondée à prétendre que la stipulation dans la promesse de vente selon laquelle l'indemnité d'immobilisation devait être placée en Sicav de trésorerie au profit du seul promettant que la vente se réalise ou non, présenterait un caractère léonin conférant au promettant une position économiquement dominante ; qu'en effet les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives ne sont pas applicables aux contrats conclus entre professionnels ayant un rapport direct avec leur activité ; que tel est le cas en l'espèce, la signature d'une promesse de vente de biens immobiliers destinés à la réalisation d'une opération immobilière ayant un rapport direct avec l'activité de la société COFOR Construction ;

[minute page 8] Considérant qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il dit que l'indemnité d'immobilisation était acquise à la société ANIKERCO ;

Considérant qu'il ne résulte pas des éléments de la cause que la procédure ait été diligentée abusivement par la société COFOR et qu'elle ait de mauvaise foi abusé de son droit d'appel ; que dès lors la société ANIKERCO doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts fondée de ce chef ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société ANIKERCO les frais irrépétibles qu'elle a exposés et qu'il convient de lui allouer la somme de 10.000 Francs ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société COFOR CONSTRUCTIONS à payer à la société ANIKERCO la somme de 10.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile,

CONDAMNE la société COFOR CONSTRUCTIONS aux dépens,

ADMET les avoués concernés au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de procédure Civile.