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CA LYON (6e ch. civ.), 10 novembre 2004

Nature : Décision
Titre : CA LYON (6e ch. civ.), 10 novembre 2004
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 6e ch. civ.
Demande : 03/04346
Date : 10/11/2004
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Legifrance
Décision antérieure : TI LYON, 2 juin 2003
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1132

CA LYON (6e ch. civ.), 10 novembre 2004 : RG n° 03/04346

Publication : Legifrance ; Lamyline

Extrait  « Attendu que la société Dumez Rhône Alpes, dont le certificat constitue le seul mode de preuve de la cause légitime du retard de livraison, a été choisie par la seule SCI Le Parc Saint Louis pour assurer la maîtrise d’œuvre de la construction de l'immeuble vendu à Monsieur X. ; Attendu que Monsieur X. invoque à juste titre l'intérêt que le maître d’œuvre peut avoir de justifier le retard de livraison par des « causes légitimes » puisque lui-même est tenu de respecter les délais d'exécution à l'égard du maître d'ouvrage ; Attendu que s'agissant des intempéries, qui constituent la cause principale du retard puisque le certificat de la société Dumez Rhône Alpes mentionne 75 jours d'intempéries, le contrat ne comporte aucune définition comme par exemple celle donnée par l'article L. 731-2 du Code du travail sur l'indemnisation des travailleurs du bâtiment et des travaux publics privés d'emploi par suite d'intempéries ; Qu'il ne prévoit pas non plus la production de documents justificatifs (déclarations par les entreprises des jours d'intempéries, indemnisations perçues des caisses de congés payés pour les intempéries, bulletins délivrés par Météo France, etc.) ni aucun moyen de contrôle ou de contestation de la part de Monsieur X. ; Attendu que la clause du document d'information qui renvoie à un certificat établi par le maître d’œuvre pour l'appréciation des événements constituant une cause légitime de retard de livraison présente donc un caractère abusif et doit être réputée non écrite ».

 

COUR D’APPEL DE LYON

SIXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2004

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° R.G. : 03/04346. Affaire : Demande tendant à obtenir la livraison de la chose ou à faire sanctionner le défaut de livraison.

Décision déférée : Décision du Tribunal d'Instance de LYON du 2 juin 2003 - (R.G. : 2001/2738). Nature du recours : APPEL.

 

APPELANT :

Monsieur X.

Demeurant [adresse], représenté par Maître BARRIQUAND, Avoué, assisté par Maître SERTELON, Avocat, (TOQUE 719)

 

INTIMÉE :

SCI FONTAINES LE PARC SAINT LOUIS

Siège social : [adresse], représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, Avoués assistée par Maître GUITTET, Avocat, (TOQUE 228)

 

Instruction clôturée le 27 avril 2004. Audience de plaidoirie du 7 octobre 2004. [minute page 2]

LA SIXIEME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, composée lors des débats et du délibéré de : - Monsieur LECOMTE, Président - Madame DUMAS, Conseiller - Monsieur CONSIGNY, Conseiller, assistés lors des débats tenus en audience publique par Madame SENTIS, Greffier,

a rendu l'ARRÊT contradictoire suivant prononcé à l'audience publique du 10 NOVEMBRE 2004, par Monsieur LECOMTE, Président, qui a signé la minute avec Madame SENTIS, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte authentique du 28 juillet 1999 la société civile immobilière « Fontaine le Parc Saint-Louis » (ci-après la SCI) a vendu à Monsieur X. un immeuble en état futur d'achèvement situé à Fontaine sur Saône (Rhône), [adresse], et dont la livraison devait intervenir au cours du 4ème trimestre 2000 sauf survenance d'un cas de force majeure ou d'une cause légitime de suspension du délai de livraison telle qu'énoncée dans le document d'information.

Le 11 juin 2001, Monsieur X. a fait constater par huissier de justice l'inachèvement des travaux et l'absence de livraison. La réception est intervenue avec réserves le 28 juin 2001.

Par acte d'huissier signifié le 24 juillet 2001 il a fait assigner la SCI en paiement de la somme de 36.000 Francs de dommages intérêts pour le retard de livraison, de la somme de 10.000 Francs pour le préjudice complémentaire et de la somme de 15.000,00 Francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 2 juin 2003, le tribunal d'instance de Lyon a débouté Monsieur X. de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à la SCI la somme de 700 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur X. a interjeté appel de ce jugement.

* * * * *

[minute page 3] Dans ses dernières conclusions déposées le 6 novembre 2003, Monsieur X. demande à la Cour de :

- réformer le jugement du 2 juin 2003 ;

- dire et juger que la clause, aux termes de laquelle la SCI Fontaines Le Parc Saint Louis peut apporter la preuve des intempéries, grèves ou inondations par une simple attestation du maître dœuvre est une clause abusive, conformément à l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;

- constater que la livraison qui devait intervenir au cours du 4ème trimestre 2000 n'est intervenue que le 28 juin 2001 après sommation d'huissier ; que le retard de livraison est au minimum de 6 mois ;

- dire et juger que le préjudice direct de Monsieur X. s'élève à la somme de 5.488,16 € outre la somme de 1.525 € au titre des désagréments annexes ; lui allouer 2.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; condamner la SCI aux dépens avec distraction au profit de Maître BARRIQUAND, avoué.

Monsieur X. considère principalement que la clause relative à la preuve des causes légitimes de suspension du délai de livraison est abusive puisqu'elle est prévue dans un contrat conclu entre la SCI, professionnel de l'immobilier, et un consommateur et qu'elle résulte d'une simple attestation établie par un cocontractant de la SCI qui peut lui-même être responsable de retards.

Il prétend également que les documents produits par la SCI pour justifier le retard de livraison ne permettent de justifier que 121 des 180 jours de retard.

Enfin il affirme que les modifications sollicitées concernent la mise en place d'une baignoire douche, la suppression d'une cloison entre les WC et la salle de bains, la suppression d'une porte et le déplacement de prises électriques ;

Que ces demandes ne sont à l'origine d'aucun retard puisqu'elles ont été formées le 25 avril 2000, 14 mois avant la date de livraison, alors que rien n'était en place.

* * * * *

Dans ses dernières écritures déposées le 4 février 2004 la SCI Fontaines Le Parc Saint Louis conclut à la confirmation du jugement et conteste le caractère abusif de la clause litigieuse dès lors que les parties ont désigné d'un commun accord le maître d’œuvre d'exécution pour attester des causes de suspension du délai de livraison.

Elle sollicite la condamnation de Monsieur X. à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et sa condamnation aux dépens distraits au profit de la SCP AGUIRAUD et NOUVELLET, avoués.

[minute page 4] La SCI prétend que Monsieur X. a bénéficié, au moment de la conclusion du contrat, des dispositions protectrices prévues par l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation et des garanties attachées à la nature authentique de l'acte de vente.

Elle ajoute que Monsieur X. ne rapporte pas la preuve que le vendeur professionnel :

- bénéficie de l'existence d'un déséquilibre significatif,

- détermine si la chose livrée est conforme au contrat,

- bénéficie d'un droit exclusif d'interprétation d'une clause,

que le maître d’œuvre d'exécution, en l'espèce la société DUMEZ RHONE ALPES est une personne morale distincte du vendeur.

Elle rappelle que les travaux supplémentaires sollicités le 25 avril 2000 ont nécessité l'intervention de 5 entreprises différentes et ont perturbé les délais et les plannings d'intervention.

Elle conteste les justificatifs produits par Monsieur X. pour établir son préjudice (attestation de Madame Z. non conforme aux exigences de l'article 202 du nouveau Code de procédure civile, contrat de bail mentionnant un loyer de 624,04 € n'ayant pas date certaine).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu que selon le document d'information annexé au contrat de vente sont « considérées notamment comme causes légitimes de suspension du délai de livraison, les intempéries, la grève, qu'elle soit générale, particulière au bâtiment et à ses industries annexes ou spéciales aux entreprises travaillant sur le chantier, le règlement judiciaire des ou de l'une des entreprises effectuant des travaux, les injonctions administratives ou judiciaires de suspendre ou d'arrêter les travaux (à moins que celles-ci ne soit fondées sur des fautes ou négligences imputables au vendeur), les troubles résultant d'hostilité, révolution, cataclysme, incendie ou accidents de chantier » ;

Attendu que le document d'information prévoit également que « pour l'appréciation des événements ci-dessus évoqués, les parties, d'un commun accord, déclarent s'en rapporter dès à présent à un certificat établi par le maître d’œuvre ayant lors de la survenance d'un quelconque de ces événements, la direction des travaux. » ;

Attendu qu'aux termes de l'article L.132-1 du Code de la consommation :

« Dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat...

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du Code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant au moment de la conclusion du contrat à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même [minute page 5] qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.

Les clauses abusives sont réputées non écrites...» ;

Attendu que la société Dumez Rhône Alpes, dont le certificat constitue le seul mode de preuve de la cause légitime du retard de livraison, a été choisie par la seule SCI Le Parc Saint Louis pour assurer la maîtrise d’œuvre de la construction de l'immeuble vendu à Monsieur X. ;

Attendu que Monsieur X. invoque à juste titre l'intérêt que le maître d’œuvre peut avoir de justifier le retard de livraison par des « causes légitimes » puisque lui-même est tenu de respecter les délais d'exécution à l'égard du maître d'ouvrage ;

Attendu que s'agissant des intempéries, qui constituent la cause principale du retard puisque le certificat de la société Dumez Rhône Alpes mentionne 75 jours d'intempéries, le contrat ne comporte aucune définition comme par exemple celle donnée par l'article L. 731-2 du Code du travail sur l'indemnisation des travailleurs du bâtiment et des travaux publics privés d'emploi par suite d'intempéries ;

Qu'il ne prévoit pas non plus la production de documents justificatifs (déclarations par les entreprises des jours d'intempéries, indemnisations perçues des caisses de congés payés pour les intempéries, bulletins délivrés par Météo France, etc.) ni aucun moyen de contrôle ou de contestation de la part de Monsieur X. ;

Attendu que la clause du document d'information qui renvoie à un certificat établi par le maître d’œuvre pour l'appréciation des événements constituant une cause légitime de retard de livraison présente donc un caractère abusif et doit être réputée non écrite ;

Attendu que la SCI invoque le retard provoqué par les travaux modificatifs sollicités par Monsieur X. le 25 avril 2000 ;

Mais attendu que ces travaux sont de faible importance puisqu'ils portent sur la mise en place d'une baignoire douche avec déplacement de la prise électrique, la pose de 3 prises électriques dans le cellier, la mise en place d'un écoulement et d'une alimentation eau froide dans le cellier, le déplacement de la prise TV dans le séjour, le déplacement d'un radiateur dans le séjour, la suppression d'une cloison entre les W.C. et la salle de bains et la suppression d'une porte ;

Que surtout ces modifications ont été commandées plus de 8 mois avant la date prévue pour la livraison de l'immeuble vendu ;

Que la SCI qui invoque ces travaux pour justifier une partie du retard ne produit aucune pièce permettant de contrôler l'état d'avancement du chantier à la date du 25 avril 2000 et les perturbations entraînées dans le planning d'intervention des différents corps de métier ;

[minute page 6] Attendu que pour justifier son préjudice découlant d'un retard de livraison de 6 mois, Monsieur X. produit une lettre du 5 mars 2002 par laquelle Madame Y. déclare avoir dû renoncer à louer l'appartement de Monsieur X. à compter du 1er janvier 2001 pour un loyer mensuel de 914,69 € ;

Qu'il produit également un contrat de location de cet appartement en date du 1er juillet 2001 pour un loyer de 4.100,00 Francs (625,04 €) et le tableau d'amortissement d'un prêt de 91.469 € remboursable à compter du 15 avril 2004 par des échéances mensuelles de 704,42 € ;

Attendu que les règles édictées par l'article 202 du nouveau Code de procédure civile régissant la forme des attestations ne sont pas prescrites à peine de nullité ; qu'en l'espèce aucun élément sérieux ne permet de mettre en doute les déclarations de Madame Y. ;

Attendu qu'au vu de ces éléments, le préjudice de Monsieur X., découlant directement du retard de livraison de son appartement, sera entièrement réparé par le paiement d'une somme de 3.900,00 € à laquelle il convient d'ajouter les frais de constat d'huissier de justice du 11 juin 2000 ;

Attendu qu'au titre des frais de défense exposés par Monsieur X. la SCI Fontaines Parc Saint Louis devra lui payer une indemnité qui sera équitablement fixée à la somme de 1.200 € ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Reçoit l'appel de Monsieur X.,

Infirme le jugement du 2 juin 2003,

Déclare abusive et par suite non écrite la clause suivante : « pour l'appréciation des événements ci-dessus évoqués, les parties, d'un commun accord, déclarent s'en rapporter dès à présent à un certificat établi par le maître d’œuvre ayant lors de la survenance d'un quelconque de ces événements, la direction des travaux.»,

Condamne la SCI Fontaine le Parc Saint Louis à payer à Monsieur X. :

- la somme de trois mille neuf cents euros (3.900,00 €) en réparation du préjudice découlant du retard de livraison de l'appartement acquis en état futur d'achèvement, outre les frais du constat d'huissier de justice en date du 11 juin 2001 ;

- la somme de mille deux cents euros (1.200,00 €) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

[minute page 7] Condamne la SCI Fontaine le Parc Saint Louis aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître BARRIQUAND, avoué, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.