CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA TOULOUSE (3e ch. sect. 1), 3 février 2009

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (3e ch. sect. 1), 3 février 2009
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 3e ch. sect. 1
Demande : 07/04738
Date : 3/02/2009
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 21/09/2007
Numéro de la décision : 44
Imprimer ce document

 

CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1156

CA TOULOUSE (3e ch. sect. 1), 3 février 2009 : RG n° 07/04738 ; arrêt n° 44

Publication : Juris-Data n° 2009-000250

 

Extraits : 1/ « L'article L. 141-4 du code de la consommation issu de la loi du 3 janvier 2008 dispose que le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Vu l'article 2 du code civil.  Les lois relatives à la procédure sont d'application immédiate. Il en résulte, en substituant cette motivation à celle développée par le premier juge, que c'est à juste titre que ce dernier a soulevé d'office le moyen tiré du non respect des dispositions de l'article L. 311-9 du code de la consommation. »

2/ « Il convient d'ajouter que la clause contractuelle qui prévoit que le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte est révisable par Cofinoga doit être considérée comme étant une clause abusive car elle crée un avantage excessif au profit du prêteur en ce qu'il peut augmenter le montant du crédit en se dispensant d'émettre une nouvelle offre contenant les informations obligatoires imposées par la loi en privant l'emprunteur de son droit de rétractation. Cette clause doit donc être considérée comme non écrite. »

3/ « Vu l'article L. 311-37 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001. En l'absence d'un avenant augmentant dans des conditions régulières le montant du découvert initialement autorisé, le dépassement de ce découvert, dès lors qu'il n'a pas été ultérieurement restauré, manifeste la défaillance de l'emprunteur et constitue le point de départ du délai biennal de forclusion de l'action du prêteur (Cass. civ. 22 novembre 2007 : pourvoi n° 05-17848). La société COFINOGA aurait donc dû agir en paiement à l'encontre des débiteurs avant le mois de septembre 2001. Son action intervenue en mai 2006 est tardive et devra être considérée comme forclose. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, il convient de rejeter la demande en paiement de la société COFINOGA ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

TROISIÈME CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 3 FÉVRIER 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 07/04738. Arrêt n° 44. Décision déférée du 26 juin 2007 - Tribunal d’Instance de Toulouse - RG n° 06/001502.

 

APPELANT(E/S) :

SA COFINOGA

[adresse], représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET, avoués à la Cour, assistée de la SCP CATUGIER DUSAN BOURRASSET, avocats au barreau de TOULOUSE

 

INTIMÉ(E/S) :

Monsieur X.

Madame Y. épouse X.

[adresse], représentés par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cour, assistés de Maître Anne Hélène REDE, avocat au barreau de TOULOUSE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 janvier 2009 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. MOULIS, conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de : C. DREUILHE, président, M. MOULIS, conseiller, M.O. POQUE, conseiller.

Greffier, lors des débats : C. COQUEBLIN

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par C. DREUILHE, président, et par C. COQUEBLIN, greffier de chambre.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] FAITS ET PROCÉDURE :

Suivant offre préalable acceptée le 13 septembre 1998, la société COFINOGA a consenti à M. X. et à Mme Y. son épouse un crédit par découvert en compte d'un montant de 40.000 Francs, soit 6.097,96 €, au taux effectif global de 14,33 % l'an révisable et variable en fonction de l'utilisation du découvert.

Suite au paiement irrégulier des mensualités de remboursement à compter du mois d'octobre 2003, la déchéance du terme est intervenue le 16 février 2006.

Suivant exploit d'huissier en date du 29 mai 2006, la société COFINOGA a fait citer M. X. et Mme Y. devant le tribunal d'instance de Toulouse pour les voir condamner solidairement au paiement de la somme de 17.253,62 € avec intérêts au taux de 16,01 % sur la somme de 16.234,18 € à compter du 13 janvier 2006.

Par jugement en date du 3 octobre 2006, le tribunal d'instance de Toulouse a constaté que le montant du découvert accordé, assimilé par la jurisprudence à une nouvelle ouverture de crédit, a été dépassé à compter du mois de septembre 1999 sans que ne soit produite une nouvelle offre préalable.

Dès lors il a ordonné la réouverture des débats, invitant les parties à présenter leurs observations sur le moyen soulevé d'office et sur la sanction encourue.

Par jugement en date du 26 juin 2007, le tribunal d'instance de Toulouse, statuant sur le fond, a :

* déclaré recevable l'action en paiement de la société COFINOGA

* prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société COFINOGA à compter du mois de septembre 1999

* condamné solidairement M. X. et Mme Y. à payer à la société COFINOGA la somme de 3.002,66 € outre les intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2006

* débouté les parties du surplus de leurs demandes

* condamné in solidum les époux X. à supporter les dépens.

La société COFINOGA a relevé appel de cette décision le 21 septembre 2007 dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

L'ordonnance de clôture est en date du 5 janvier 2009.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Dans ses conclusions récapitulatives du 12 août 2008, la société COFINOGA demande de réformer le jugement et de condamner solidairement M. X. et Mme Y. à lui payer :

* la somme de 17.253,62 € augmentée des intérêts au taux de 16,01 % sur la somme principale de 16.234,18 € à compter du 13 février 2006

* la somme de 600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

[minute page 3] Elle expose tout d'abord que le juge ne pouvait soulever d'office le moyen tiré du non respect des dispositions du code de la consommation.

Elle ajoute que le dépassement a eu lieu en septembre 1999 et que les emprunteurs ne pouvaient le contester que jusqu'en septembre 2001, compte tenu du délai de forclusion de deux ans.

Elle précise qu'elle n'était pas tenue de présenter une nouvelle offre préalable lors de l'augmentation de la fraction disponible puisque celle ci pouvait évoluer contractuellement jusqu'à 21.342,86 €, que ce montant n'a jamais été dépassé et que la loi du 28 janvier 2005 qui prévoit que l'offre préalable est obligatoire pour toute augmentation du crédit ne saurait s'appliquer en l'espèce, compte tenu de la date du contrat.

Elle ajoute que si la clause figurant dans le contrat et permettant l'augmentation de la fraction disponible était jugée abusive ainsi que le demandent les intimés la seule sanction possible serait l'application des dispositions de l'article L. 311-33 du code de la consommation qui prévoient la déchéance du droit aux intérêts. Elle estime que l'utilisation faite par les débiteurs au-delà de cette fraction ne saurait constituer un incident de paiement susceptible de constituer le point de départ du délai de forclusion. En effet, selon elle, la défaillance de l'emprunteur, qui marque le point de départ du délai de forclusion de deux ans, ne peut être que le premier incident de paiement non régularisé et non l'utilisation faite par les débiteurs au-delà de la fraction disponible.

Les époux X. indiquent dans leurs conclusions du 27 juin 2008 qu'il convient à titre principal de débouter la société COFINOGA de l'ensemble de ses prétentions.

Subsidiairement, ils concluent à la confirmation du jugement et réclament 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir que le premier incident de paiement est constitué par le dépassement du crédit autorisé et que la clause contractuelle qui prévoit l'augmentation du capital prêté sans acceptation d'une nouvelle offre de l'emprunteur doit être considérée comme abusive, donc non écrite.

Ils en concluent que le dépassement étant intervenu en septembre 1999 l'action aurait dû être engagée par la société COFINOGA avant septembre 2001.

Ils exposent que la loi du 3 janvier 2008 a inséré un nouvel article L. 141-4 du code de la consommation qui prévoit que le juge peut soulever d'office toutes les dispositions de ce code dans les litiges nés de son application.

Ils avancent que la Cour de cassation a confirmé que l'augmentation du découvert constitue une nouvelle offre de crédit qui doit être conclue dans les termes de l'offre préalable. Ils en concluent qu'ils sont en droit de faire valoir la nullité de l'augmentation opérée en infraction aux règles des dispositions du code de la consommation, et donc de prétendre à la déchéance du droit aux intérêts.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 4] MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'office du juge :

L'article L. 141-4 du code de la consommation issu de la loi du 3 janvier 2008 dispose que le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application.

Vu l'article 2 du code civil.

Les lois relatives à la procédure sont d'application immédiate.

Il en résulte, en substituant cette motivation à celle développée par le premier juge, que c'est à juste titre que ce dernier a soulevé d'office le moyen tiré du non respect des dispositions de l'article L. 311-9 du code de la consommation.

 

Sur l'absence de nouvelle offre malgré l'augmentation du montant du crédit  utilisable à l'ouverture du compte :

Le montant du crédit utilisable à l'ouverture du compte était de 40.000 Francs, le montant maximum du découvert global pouvant être autorisé étant de 140.000 Francs.

Vu les articles L. 311-9 et L. 311-10 du code de la consommation.

Il ressort d'une jurisprudence bien établie (Civ. 1re, 8 novembre 2007) et antérieure à la modification législative du 28 janvier 2005 (Civ. 1re, 26 octobre 2004) que lorsque le montant initialement prévu lors de l'ouverture du compte a été augmenté la modification doit donner lieu à l'établissement d'une nouvelle offre.

Il ressort du document intitulé « reconstitution du compte permanent » que le montant du crédit a été régulièrement augmenté dès le mois de septembre 1999, et à plusieurs reprises par la suite.

Cette situation est confirmée par les documents d'information adressés par la société COFINOGA au mois de mai de chaque année à M. X. et desquels il ressort que le montant du découvert était de 70.000 Francs en 2000, de 80.000 Francs en 2001, de 15.244 € en 2002, de 18.000 € en 2004 et en 2005.

En l'espèce la société COFINOGA ne justifie pas avoir établi de nouvelles offres alors qu'il ressort de l'offre préalable d'ouverture de crédit acceptée le 13 septembre 1998 que le montant des mensualités et du taux d'intérêt évoluaient en fonction du montant du crédit accordé.

Or, et de façon constante, à compter du premier dépassement en septembre 1999, le montant du solde dû par les époux X. a toujours dépassé le plafond du montant du crédit initialement accordé.

Il convient d'ajouter que la clause contractuelle qui prévoit que le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte est révisable par Cofinoga doit être considérée comme étant une clause abusive car elle crée un avantage excessif au profit du prêteur en ce qu'il peut [minute page 5] augmenter le montant du crédit en se dispensant d'émettre une nouvelle offre contenant les informations obligatoires imposées par la loi en privant l'emprunteur de son droit de rétractation. Cette clause doit donc être considérée comme non écrite.

 

Sur les conséquences du non respect des dispositions du Code de la  consommation :

Vu l'article L. 311-37 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001.

En l'absence d'un avenant augmentant dans des conditions régulières le montant du découvert initialement autorisé, le dépassement de ce découvert, dès lors qu'il n'a pas été ultérieurement restauré, manifeste la défaillance de l'emprunteur et constitue le point de départ du délai biennal de forclusion de l'action du prêteur (Cass. civ. 22 novembre 2007 : pourvoi n° 05-17848).

La société COFINOGA aurait donc dû agir en paiement à l'encontre des débiteurs avant le mois de septembre 2001. Son action intervenue en mai 2006 est tardive et devra être considérée comme forclose.

Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, il convient de rejeter la demande en paiement de la société COFINOGA.

La décision rendue par le premier juge sera en conséquence infirmée.

En raison des circonstances de la cause et de la position des parties, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge des époux X. les frais irrépétibles exposés pour agir en justice et non compris dans les dépens.

La société COFINOGA qui succombe doit supporter les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme la décision entreprise ;

Déboute la société COFINOGA de l'ensemble de ses prétentions ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société COFINOGA aux dépens, dont distraction au profit de la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués, sur son affirmation de droit, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER            LE PRÉSIDENT