CA LYON (3e ch. civ. sect. B), 15 novembre 2007

CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1208
CA LYON (3e ch. civ. sect. B), 15 novembre 2007 : RG n° 06/05870
Publication : Legifrance ; Lamyline
Extraits : 1/ « La cause d’une obligation s’apprécie à la date à laquelle elle a été souscrite. En l’espèce, le fait qu’après plusieurs mois d’utilisation le matériel loué est devenu inutile à la société ACTIS, pour des motifs qui sont totalement étrangers à la société KBC LEASE, ne lui permettait donc pas de se dégager de ses engagements souscrits pour une durée irrévocable de 48 mois. De surcroît dans un contrat synallagmatique, chaque obligation trouve sa cause dans l’obligation de l’autre contractant. Dans un contrat de location, la cause de l’obligation du locataire au paiement des loyers est la mise à disposition du matériel par le bailleur. Au sens de l’article 1131 du code civil, l’utilité pour le locataire du matériel loué ne constitue donc pas la cause de l’obligation souscrite. De plus admettre le contraire serait établir au profit du locataire une condition purement potestative. Enfin il n’est pas fait à la société KBC LEASE FRANCE d’autre reproche dans l’exécution des contrats que d’avoir refusé leur rupture avant le terme contractuel. En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a imputé la responsabilité de la résiliation des contrats à la société ACTIS. »
2/ « Ensuite, ayant souscrit les contrats de location pour les besoins de son activité commerciale, elle n’est pas fondée à se prévaloir des dispositions du code de la consommation sur les clauses abusives. »
COUR D’APPEL DE LYON
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION B
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 06/05870. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 6 juin 2006 - N° rôle : 2004j1548. Nature du recours : Appel.
APPELANTE :
Société ACTIS SAS
[adresse], représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour, assistée de Maître Catherine CHATEL, avocat au barreau de PARIS, substitué par Maître Florian LOYSEAU de GRANDMAISON, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Société KBC LEASE FRANCE SA
[adresse], représentée par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour, assistée de Maître Annie ALAGY, avocat au barreau de LYON, substitué par Maître Anne-Lise BERNARDI, avocat au barreau de LYON
Instruction clôturée le 5 octobre 2007.
Audience publique du 11 octobre 2007.
LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION B DE LA COUR D’APPEL DE LYON,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Madame Laurence FLISE, Président ; Madame Christine DEVALETTE, Conseiller ; Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller
DÉBATS : à l’audience publique du 11 octobre 2007, sur le rapport de Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Madame Joëlle POITOUX, Greffier
ARRÊT : CONTRADICTOIRE ; Prononcé publiquement le 15 novembre 2007, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Signé par Madame Laurence FLISE, Président, et par Madame Joëlle POITOUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Pour assurer la surveillance de ses locaux situés à LIMOUX, la société ACTIS, alors dénommée SDAC, a souscrit auprès de la société PROTECTION ONE plusieurs contrats d’abonnement de télésurveillance, et auprès de la société KBC LEASE FRANCE quatre contrats de location de matériels n° M 68720, M 83302, M 86152 et M 93672, en date respectivement des 28 juin 2000, 2 août 2001, 10 octobre 2001 et 13 mai 2001, d’une durée chacun de 48 mois, moyennant, pour chacun des contrats, le versement d’une mensualité unique, incluant d’une part la rémunération du prestataire, et de l’autre le loyer du matériel pris en location.
Par lettre du 31mars 2003, la société ACTIS a notifié à la société PROTECTION ONE la résiliation des contrats d’abonnement et de télésurveillance en raison de la fermeture de son site de LIMOUX. A compter du mois de mai 2003 elle a cessé le paiement des redevances.
En décembre 2003, la société KBC LEASE FRANCE a mis en demeure la société ACTIS de régler les sommes dues au titre des différents contrats.
Par lettre du 18 décembre 2003, la société ACTIS lui a répondu que les contrats avaient été résiliés par lettre du 31 mars 2003, et que les factures émises pour la période postérieure étaient dépourvues de cause.
Par assignation délivrée le 17 mai 2004 la société KBC LEASE FRANCE a fait citer la société ACTIS devant le tribunal de commerce de LYON afin de voir constater la résiliation des différents contrats de location et voir condamner la défenderesse :
* à lui payer :
- au titre du contrat n° 68720 la somme de 3.585,04 € TTC,
- au titre du contrat n° 83302 la somme de 10.175,02 € TTC,
- au titre du contrat n° 86152 la somme de 62.208,89 € TTC,
- au titre du contrat n° 93672 la somme de 56.561,30 € TTC,
outre une indemnité pour frais d’instance.
* à restituer le matériel sous peine d’astreinte de 150 € par jour de retard passé le délai de huit jours suivant la signification de la décision à intervenir.
Par jugement du 6 juin 2006, le tribunal de commerce a :
- constaté la résiliation des différents contrats aux torts de la société ACTIS,
- condamné la société ACTIS à payer à la société KBC LEASE FRANCE la somme de :
~ 2.691,19 € au titre du contrat n° 68720,
~ 7.502,55 € au titre du contrat n° 83302,
~ 34.552,29 € au titre du contrat n° 86152,
~ 33.641,71 € au titre du contrat n° 93672,
- débouté la société KBC LEASE FRANCE de sa demande en restitution des matériels,
- lui a alloué une indemnité pour frais d’instance,
- a prononcé l’exécution provisoire.
La société ACTIS a interjeté appel le 11 septembre 2006.
Dans ses dernières écritures déposées au greffe le 14 septembre 2006, et expressément visées par la Cour, elle demande la réformation du jugement en toutes ses dispositions, et le rejet des réclamations de la société KBC LEASE FRANCE :
- à titre principal, pour défaut de cause,
- à titre subsidiaire, en raison du caractère abusif de l’article 2.1 (durée irrévocable du contrat) et du caractère potestatif de l’article 10.3 du contrat de location (possibilité pour le bailleur d’exiger la restitution du matériel et la totalité des loyers non encore échus), donc de leur nullité.
A titre plus subsidiaire, elle sollicite la réduction de l’indemnité de résiliation.
En tout état de cause elle demande la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et une indemnité pour frais d’instance hors dépens.
Elle soutient que :
- son déménagement a privé les obligations de télésurveillance et de location relatives au site de LIMOUX de tout « objet de cause », aucune prestation ne pouvant plus y être exécutée, et c’est en raison de « la volonté acharnée de la société KBC LEASE FRANCE de continuer à exécuter un contrat, sans utilité pour son cocontractant, juridiquement sans cause ni objet, (qu’elle) a unilatéralement prononcé sa résiliation en considération de la gravité du comportement de son cocontractant »,
- que les clauses contractuelles relatives à l’indemnité de résiliation n’ont pas lieu à s’appliquer en cas de résiliation du contrat par le client en raison de la disparition de la cause de ses obligations.
Elle rappelle que la télésurveillance est sans rapport direct avec son activité, qui se situe dans le domaine des produits isolants, et se prévaut, au visa de l’article L. 132-1 du code de la consommation, du caractère abusif d’une part de la clause disant que la durée du contrat est fixe, indivisible et irrévocable et d’autre part de la clause relative à l’indemnité de résiliation.
A titre infiniment subsidiaire, elle se prévaut du caractère excessif de la clause pénale.
Elle dit relever des erreurs dans les calculs de la société KBC LEASE FRANCE.
Enfin elle indique que le 15 juin 2005, le matériel a été restitué à la société PROTECTION ONE, agissant comme mandataire de KBC LEASE FRANCE.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 26 septembre 2007, et expressément visées par la Cour, la société KBC LEASE FRANCE demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la résiliation des contrats aux torts du locataire, mais son infirmation quant au montant des condamnations prononcées.
Elle demande la condamnation de la société ACTIS à lui payer :
- concernant le contrat n° 68720 : la somme de 3.585,04 € TTC,
- concernant le contrat n° 83302 : la somme de 10.175,52 € TTC,
- concernant le contrat n° 86152 : la somme de 62.208,89 € TTC,
- concernant le contrat n° 93672 : la somme de 56.561,30 € TTC.
Subsidiairement, elle demande la condamnation de la société ACTIS à régler les échéances des contrats jusqu’à la date de la résiliation judiciaire de ces contrats, et en tout état de cause l’allocation d’une indemnité pour frais d’instance hors dépens.
Elle expose que lors de la formation des contrats, ceux-ci n’étaient pas dépourvus de cause, et que le déménagement ne démontre pas le défaut de cause, et d’autant moins que la société ACTIS a conservé le matériel jusqu’en 2005.
Elle soutient que les dispositions du code de la consommation ne s’appliquent pas en l’espèce, où la société ACTIS d’une part est une personne morale, et d’autre part a souscrit les contrats pour les besoins de son activité professionnelle.
Elle s’oppose à la réduction des sommes demandées, et soutient que l’exigibilité anticipée des loyers à échoir ne constitue pas une clause pénale, mais correspond à la réparation de son préjudice, au regard de la rentabilité escomptée par elle de l’opération.
Elle conteste les prétendues erreurs de calculs alléguées par la société ACTIS.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 octobre 2007.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
La cause d’une obligation s’apprécie à la date à laquelle elle a été souscrite.
En l’espèce, le fait qu’après plusieurs mois d’utilisation le matériel loué est devenu inutile à la société ACTIS, pour des motifs qui sont totalement étrangers à la société KBC LEASE, ne lui permettait donc pas de se dégager de ses engagements souscrits pour une durée irrévocable de 48 mois.
De surcroît dans un contrat synallagmatique, chaque obligation trouve sa cause dans l’obligation de l’autre contractant. Dans un contrat de location, la cause de l’obligation du locataire au paiement des loyers est la mise à disposition du matériel par le bailleur. Au sens de l’article 1131 du code civil, l’utilité pour le locataire du matériel loué ne constitue donc pas la cause de l’obligation souscrite. De plus admettre le contraire serait établir au profit du locataire une condition purement potestative.
Enfin il n’est pas fait à la société KBC LEASE FRANCE d’autre reproche dans l’exécution des contrats que d’avoir refusé leur rupture avant le terme contractuel.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a imputé la responsabilité de la résiliation des contrats à la société ACTIS.
Ensuite, ayant souscrit les contrats de location pour les besoins de son activité commerciale, elle n’est pas fondée à se prévaloir des dispositions du code de la consommation sur les clauses abusives.
Par ailleurs la société ACTIS ne démontre pas le caractère excessif de la clause pénale incluse dans chacun des contrats de location, prévoyant en cas de rupture avant terme aux torts du locataire le paiement à titre d’indemnité d’une somme égale au montant des loyers que le bailleur aurait encaissés si le bail s’était poursuivi jusqu’au terme convenu.
Enfin, il n’y a pas d’erreurs de calcul dans le compte des loyers impayés ou à échoir pour chacun des contrats. Ainsi pour le contrat no68720, les échéances impayées sont celles des mois de mai 2003 à décembre 2003 inclus, soit 8 échéances, et les échéances impayées celles des mois de janvier 2004 à juillet 2004 inclus, soit 7 échéances.
En conséquence, la Cour condamnera la société ACTIS à payer à la société KBC LEASE FRANCE :
- la somme de 3.585,04 € TTC au titre du contrat n° 68720,
- la somme de 10.175,52 € TTC au titre du contrat n° 83302,
- la somme de 62.208,89 € TTC au titre du contrat n° 86152,
- la somme de 56.561,30 € TTC au titre du contrat n° 93672.
ainsi qu’une somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il est constant que les matériels ont été restitués le 15 juin 2005.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme le jugement déféré quant au montant des condamnations prononcées ;
Condamne la société ACTIS à payer à la société KBC LEASE FRANCE :
- la somme de 3.585,04 € TTC au titre du contrat n° 68720,
- la somme de 10.175,52 € TTC au titre du contrat n° 83302,
- la somme de 62.208,89 € TTC au titre du contrat n° 86152,
- la somme de 56.561,30 € TTC au titre du contrat n° 93672,
outre intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2004.
Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions ;
Condamne la société ACTIS à payer à la société KBC LEASE FRANCE la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;
La condamne aux dépens qui seront distraits au profit de la SCP EVE ET JEAN-PIERRE DUTRIEVOZ, avoués, sur son affirmation de droit.
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