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TI ROCHECHOUART, 8 novembre 2002

Nature : Décision
Titre : TI ROCHECHOUART, 8 novembre 2002
Pays : France
Juridiction : Rochechouart (TI)
Demande : 02/000034
Décision : 120/02
Date : 8/11/2002
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 6/03/2002
Numéro de la décision : 120
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 121

TI ROCHECHOUART, 8 novembre 2002 : RG n° 02/000034 ; jugement n° 120/02

Publication : Site CCAB

 

Extraits : 1/ « Que dès lors, le tribunal avait le pouvoir, de soulever d'office les moyens de pur droit tirés de la méconnaissance des dispositions d'ordre public des articles L. 311-1 et suivants du Code de la Consommation et de le soumettre à la contradiction ».

2/ « Attendu que toute clause aggravant la situation de l'emprunteur par rapport aux prévisions du modèle-type applicable, constitue une irrégularité entraînant la déchéance du droit aux intérêts du prêteur […] ; Attendu qu'en l'espèce le contrat prévoit la possibilité pour le prêteur de résilier le contrat en cas d'inexactitude des renseignements confidentiels fournis ; Attendu qu'il est difficile de discerner en quoi une simple erreur relative à la situation familiale, professionnelle ou patrimoniale du débiteur constitue une faute contractuelle justifiant la résiliation du contrat alors qu'aux termes du modèle type, seule la défaillance de l'emprunteur est susceptible d'entraîner une telle sanction et la mise à sa charge des sommes prévues par les articles D. 311-11 et suivants du Code de la Consommation ; Que cette clause qui révèle l'abus de puissance économique, est une clause abusive qui aggrave très durement la situation de l'emprunteur par rapport au modèle-type ; Que, dès lors, la déchéance du droit aux intérêts est encourue de ce chef ».

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE ROCHECHOUART

JUGEMENT DU 8 NOVEMBRE 2002

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-02-000034. Arrêt n° 120/02. L'AN DEUX MILLE DEUX ET LE HUIT NOVEMBRE, A l'audience civile tenue publiquement au prétoire du TRIBUNAL D'INSTANCE DE ROCHECHOUART ; Sous la Présidence de M. F. NEBOUT, Juge d'Instance, assistée de Annie LONGELIN, Greffier ; LA DÉCISION SUIVANTE A ETE RENDUE, ENTRE :

 

DEMANDEUR(S) :

Société Anonyme C. venant aux droits de la SA C. SA

au capital de 333.917.227 Euros, inscrite au RCS de PARIS sous le n° B 542 097 902, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [adresse], représenté(e) par Maître Laurent BOUCHERLE, du barreau de LIMOGES, avocat postulant et plaidant par Maître Stéphane GAUTIER, du barreau de PARIS, d'une part

 

ET

 

DÉFENDEUR(S) :

Monsieur X.

le [date], demeurant [adresse], non comparant, ni représenté, d'autre part

 

A l'appel de la cause à l'audience du 13 septembre 2002, les parties entendues et les débats étant clos ; l'affaire a été mise en délibéré à l'audience du 8 novembre 2002.

Advenue ce jour, la décision suivante a été rendue :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Selon offre préalable acceptée le 3 mai 1994 la SA C. devenue la SA C. a consenti à Monsieur X. une ouverture de crédit d'un montant en capital de 1.524,49 Euros ouvrant droit pour la société de crédit à la perception d'intérêts au taux effectif global de 17,88 % calculés sur les sommes réellement empruntées.

Par acte du 6 mars 2002, la SA C., a fait assigner Monsieur X. afin d'obtenir, condamnation au paiement des sommes suivantes :

* 1.573,94 Euros pour solde du crédit,

* les intérêts conventionnels sur la somme de 1.464,19 Euros,

* 305 Euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement en date du 14 juin 2002 le tribunal a ordonné la réouverture des débats afin que les parties s'expliquent sur le moyen soulevé d'office tiré du défaut de preuve de la régularité du contrat de crédit et sur les conséquences qui peuvent en découler (articles 1315 du Code Civil, L. 311-8 à L. 311-13, R. 311-6 et R. 311-7 et L. 311-33 du Code de la Consommation), à savoir, l'existence d'une clause aggravant la situation de l'emprunteur par rapport aux prévisions de l'article L. 311-9 du Code de la Consommation, soit en l'espèce, la possibilité pour le prêteur de résilier le contrat en cas d'inexactitude des renseignements confidentiels fournis.

A l'audience de réouverture la SA C. par la voix de son conseil, Maître GAUTIER, a maintenu l'intégralité de ses demandes au motif d'une part, que le juge ne pouvait soulever d'office un moyen tiré d'une prétendue irrégularité du contrat, d'autre part que l'offre préalable contenait sans ambiguïté toutes les mentions exigées par le législateur et, enfin, que la cause querellée n'aggravait pas la situation de l'emprunteur dans la mesure où l'exigence d'une lettre recommandée ne constituait ni une indemnité, ni une sanction ; elle a, ajouté que l'article L. 311-33 du Code de la Consommation ne sanctionnait par la déchéance du droit aux intérêts que les irrégularités de l'offre préalable, qu'en l'espèce la nécessité d'un envoi en recommandé affectait simplement les modalités d'exécution du contrat de sorte que le tribunal, en prononçant une telle sanction, violerait, ensemble, les dispositions de l'article 6-1 de la CEDH qui interdit de sanctionner sans le support d'aucun texte et de l'article 7-1 qui prévoit que toute personne doit être en mesure de savoir avec un degré raisonnable de prévisibilité, si une action l'expose ou non à la répression prévue par un texte.

[minute page 3] Elle a demandé en outre que lui soit allouée la somme 460 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur l'office du Juge :

Attendu que, pour l'application de la directive n° 93/13 du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives, la Cour de justice des Communautés européennes a estimé que « l'objectif poursuivi par l'article 6 de la directive, qui impose aux États membres de prévoir que les clauses abusives ne liant pas les consommateurs, ne pourrait être atteint si ces derniers devaient se trouver dans l'obligation de soulever eux-mêmes le caractère abusif de telles clauses. [...] S'il est vrai que, dans nombre d'États membres, les règles de procédure permettent dans de tels litiges aux particuliers de se défendre eux-mêmes, il existe un risque non négligeable que, notamment par ignorance, le consommateur n'invoque pas le caractère abusif de la clause qui lui est opposée. Il s'ensuit qu'une protection effective du consommateur ne peut être atteinte que si le juge national se voit reconnaître la faculté d'apprécier d'office une telle clause » (CJCE, 27 juin 2000, Oceano : JCP G 2001, 10513, obs. G Plaisant et M. Carballo Fidalgo) ; que la généralité du principe dégagé par la Cour de justice des Communautés européennes doit être transposé à l'application de la directive relative au crédit à là consommation dont l'objet est identique ; qu'en effet l'impératif d'application de la protection du consommateur se heurte au même risque d'ignorance du consommateur de sorte qu'une protection efficace et conforme aux objectifs de la directive impose la possibilité pour le juge national de soulever d'office les éléments de droit applicables, qu'en réalité, l'efficacité du dispositif de protection ne peut être abandonnée à la sagacité du consommateur et à son habilité à se défendre en justice et ce d'autant plus que l'ignorance rend encore plus impérieuse l'application de la loi ;

Attendu par ailleurs en droit interne, qu'aux termes de l'article 6 du Code Civil, les parties ne peuvent pas déroger aux lois qui intéressent l'ordre public ; que l'article 1134 du Code Civil précise que seules les conventions légalement formées ont force obligatoire ; qu'en outre, le consommateur ne peut pas renoncer aux bénéfices des dispositions des articles L. 311-1 et suivants du Code de la Consommation qui sont d'ordre public en application de l'article L. 313-16 du même code ; que, dès lors, ce qui échappe à l'autonomie de la volonté ne saurait être obtenu grâce au silence, à l'ignorance ou au défaut de comparution de la partie que la loi [minute page 4] entend protéger, fût-ce contre elle-même ; qu'en application des articles 7, 12 et 16 du Nouveau Code de Procédure Civile, le tribunal peut dans le respect du principe du contradictoire, relever d'office les moyens de droit afin de trancher le litige conformément aux règles qui lui sont applicables ; qu'à cet égard il convient d'adopter la doctrine de M. CADIET qui soutient que « le juge doit donc relever d'office les moyens de droit qui lui paraissent applicables au litige, que ces moyens soient d'ordre public ou qu'ils ne le soient pas. C'est parce qu'ils sont des moyens de droit qu'ils sont obligatoires à l'égard du juge saisi, non parce qu'ils sont d'ordre public, cette qualification excluant seulement le pouvoir des parties d'en disposer. Cette obligation est imposée par la nature même de l'office du juge » (Droit judiciaire privé : Litec, 1998, 2ème éd., n°1133, p. 487) ; qu'en effet, l'application d'une loi d'ordre public découle de la nature même de cette norme et ne saurait donc être subordonnée à son invocation par l'une des parties ; que, de surcroît, en cas de défaillance du défendeur, l'article 472 du Nouveau Code de Procédure Civile fait obligation au juge de n'accueillir la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée ; que dès lors, le tribunal avait le pouvoir, de soulever d'office les moyens de pur droit tirés de la méconnaissance des dispositions d'ordre public des articles L. 311-1 et suivants du Code de la Consommation et de le soumettre à la contradiction ; qu'en procédant conformément à l'article 12 du Nouveau Code de Procédure Civile, à l'application de la règle de droit appropriée après avoir sollicité les observations des parties, le juge s'inscrit bien dans le cadre de l'impartialité prévue par l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme (V. en ce sens, J. NORMAND, RTD civ. 1996, p. 689) et assure en outre la prééminence du droit, objectif poursuivi par la dite Convention.

Qu'en outre, le consommateur ne peut pas renoncer aux bénéfice des dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation qui sont d'ordre public en application de l'article L. 313-16 du même code ;

Que dès lors, ce qui échappe à l'autonomie de la volonté ne saurait être obtenu grâce au silence, à l'ignorance ou au défaut de comparution de la partie que la loi entend protéger, fût-ce contre elle-même ;

Qu'en application des articles 7, 12 et 16 NCPC, le tribunal peut dans le respect du principe du contradictoire, relever d'office les moyens de droit afin de trancher le litige conformément aux règles de qui lui sont applicables ; qu'à cet égard il convient d'adopter la doctrine de M. Cadiet qui soutient que « le juge doit donc relever d'office les moyens de droit qui lui paraissent applicables au litige, que ces moyens soient d'ordre public ou qu'ils ne le soient pas. C'est parce qu'ils sont des moyens de droit qu'ils sont obligatoires à l'égard du juge saisi, non parce qu'ils sont [minute page 5] d'ordre public, cette qualification excluant seulement le pouvoir des parties d'en disposer. Cette obligation est imposée par la nature même de l'office du juge » (Droit judiciaire privé, Litec, 2° éd. 1998, n° 1133, p. 487) ; qu'en effet, l'application d'une loi d'ordre public découle de la nature même de cette norme et ne saurait donc être subordonnée à son invocation par l'une des parties ;

Que de surcroît, en cas de défaillance du défendeur, l'article 472 NCPC fait obligation au juge de n'accueillir la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée ;

Que dès lors le tribunal avait le pouvoir de soulever d'office les moyens de pur droit tirés de la méconnaissance des dispositions d'ordre public des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation et de le soumettre à la contradiction ; [N.B. : la présence des trois paragraphes qui précèdent, qui répètent un passage antérieur, est conforme à la minute]

 

II - Sur la demande principale :

A) Sur les irrégularités de l'offre :

Attendu que toute clause aggravant la situation de l'emprunteur par rapport aux prévisions du modèle-type applicable, constitue une irrégularité entraînant la déchéance du droit aux intérêts du prêteur (Civ. 1ère, 1er Décembre 1993, Bull. I, n° 354) ;

Attendu qu'en l'espèce le contrat prévoit la possibilité pour le prêteur de résilier le contrat en cas d'inexactitude des renseignements confidentiels fournis ;

Attendu qu'il est difficile de discerner en quoi une simple erreur relative à la situation familiale, professionnelle ou patrimoniale du débiteur constitue une faute contractuelle justifiant la résiliation du contrat alors qu'aux termes du modèle type, seule la défaillance de l'emprunteur est susceptible d'entraîner une telle sanction et la mise à sa charge des sommes prévues par les articles D. 311-11 et suivants du Code de la Consommation ;

Que cette clause qui révèle l'abus de puissance économique, est une clause abusive qui aggrave très durement la situation de l'emprunteur par rapport au modèle-type ;

Que, dès lors, la déchéance du droit aux intérêts est encourue de ce chef ;

[minute page 6]

B) Quant au montant de la créance :

Attendu que la déchéance du droit aux intérêts, qui est destinée à assurer le respect des règles protectrices instaurées par les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, en faveur de l'ensemble des consommateurs n'est absolument pas subordonnée à l'existence d'un préjudice quelconque ou d'un grief pour l'emprunteur (CA Paris, 27 octobre 1987, D. 87, IR, 249) ;

Qu'il s'ensuit que, conformément à l'article L. 311-33 du code de la consommation, le débiteur n'est tenu qu'au remboursement du seul capital restant dû, après déduction des intérêts réglés à tort (Cass. avis, 8 octobre 1993, D 1993, IR n° 48 ; Civ. 1ère, 30 mars 1994, D. 94, IR p. 101 ; Civ 1ère, 10 avril 1996, note T. Hassler déjà citée) ;

Que cette limitation légale de la créance du prêteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 311-30 du code de 1a consommation et l'article D. 311-11 du code de la consommation ;

Que la créance s'établit comme suit :

- capital emprunté depuis l'origine :       4.694,06 €

- sous déduction des versements :        5.570,18 €

Trop perçu :                 876,12 € ;

 

III - Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu'aucune considération tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne permet dé faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

 

IV - Sur les dépens :

Attendu que la partie succombante doit supporter les dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 7] PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL STATUANT PUBLIQUEMENT, PAR JUGEMENT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE ET EN PREMIER RESSORT,

Vu les articles L. 311-8 à L. 313-13 et L. 311-33 Consommation,

DÉCLARE la SA C. intégralement déchue du droit aux intérêts.

CONSTATE que la SA C. a été intégralement désintéressée.

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

CONDAMNE la SA C. à régler les dépens de l'instance.

AINSI JUGÉ ET PUBLIQUEMENT PRONONCÉ LES JOURS, MOIS, AN ET LIEU SUSDITS.

LE GREFFIER            LE JUGE

A. LONGELIN           M.F. NEBOUT