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CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 28 février 2008

Nature : Décision
Titre : CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 28 février 2008
Pays : France
Juridiction : Amiens (CA), 1re ch. sect. 1
Demande : 07/01155
Date : 28/02/2008
Nature de la décision : Avant dire droit
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 9/03/2007
Numéro de la décision : 117
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1237

CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 28 février 2008 : RG n° 07/01155 ; arrêt n° 117

Publication : Juris-Data n° 358170

 

Extrait : « Il résulte de l'article 472 du nouveau Code de procédure civile que le défaut de comparution du défendeur ne dispense pas le juge d'avoir à apprécier la régularité, la recevabilité et le bien fondé des demandes dont il est saisi. Il convient donc de rappeler qu'aux termes de l'article L. 132-1, alinéa 1er, du Code de la consommation, « […] ». Il résulte par ailleurs de la directive CEE n° 93/13 du 5 avril 1993, relative aux clauses abusives stipulées dans des contrats conclus avec des consommateurs, que le juge national doit pouvoir soulever d'office le caractère abusif d'une telle clause.

En l'espèce, il y a lieu d'observer qu'il est stipulé à l'article 6, alinéas 3 et 4, de l'offre préalable : « […] ». Il en résulte que le montant de crédit utilisable à l'ouverture du compte, qui a été fixé à 750 euros, pouvait être augmenté jusqu'à 10.000 euros, soit 13 fois plus, sans nécessité d'une nouvelle offre préalable.

Or, une telle clause permet de contourner le dispositif d'information et de réflexion de l'emprunteur, en détournant son attention des charges liées au remboursement du crédit et en le privant de la possibilité, qui est d'ordre public, de rétracter son acceptation, sans que cette aggravation de sa situation soit nécessairement compensée par l'avantage qu'il peut tirer de la mise à disposition d'une somme plus importante : elle crée donc à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Tel est d'ailleurs l'avis de la Commission des clauses abusives (avis n° 04-02 du 27 mai 2004) et de la Cour de cassation (10 juillet 2006).

Cette question est de nature à influer sur la solution du litige, puisque si la clause précitée devait être réputée non écrite, le montant maximum de l'ouverture de crédit serait toujours de 750 euros, de sorte que sa modification sans acceptation par Madame X. d'une nouvelle offre préalable pourrait être analysée en un incident de paiement non régularisé, et fonder la forclusion opposée par le premier juge.

Il convient toutefois, conformément à l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, de rouvrir les débats en invitant les parties à présenter leurs observations, le cas échéant, sur le moyen d'office tiré du caractère abusif de la clause précitée. »

 

COUR D’APPEL D’AMIENS

PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 07/01155 ; arrêt n° 117. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT-QUENTIN du 10 novembre 2006.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE :

SA FINAREF

[adresse], Représentée par la SCP MILLON - PLATEAU, avoués à la Cour et ayant pour avocat Maître Francis DEFFRENNES du barreau de LILLE

 

ET :

INTIMÉE :

Madame X.

née le [date] à [ville, [adresse], Assignée à sa personne suivant exploit de la SCP HOELLE Huissiers de Justice Associés à SAINT-QUENTIN en date du 3 juillet 2007 à la requête de la SA FINAREF. Non comparante.

 

DÉBATS : A l'audience publique du 21 décembre 2007 devant M. DAMULOT, Conseiller, entendu en son rapport, magistrat rapporteur siégeant, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du nouveau Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 février 2008.

GREFFIER : M. DROUVIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. Le Conseiller en a rendu compte à la Cour composée de : M. GRANDPIERRE, Président, Mme CORBEL et M. DAMULOT, Conseillers, [minute page 2] qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCÉ PUBLIQUEMENT Le 28 février 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ; M. GRANDPIERRE, Président, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

FAITS ET PROCÉDURE :

Par offre préalable acceptée le 19 mars 2002, la société Finaref a consenti à Madame X. une ouverture de crédit de 750 euros, utilisable par fractions et assortie d'une carte « Kangourou », au taux effectif global de 19,98 % l'an. Confronté à divers incidents de paiement, le prêteur s'est prévalu de la déchéance du terme, par une lettre recommandée datée du 29 avril 2006 et dont Madame X. a accusé réception le 3 mai suivant.

Par exploit du 4 juillet 2006, la société Finaref a fait assigner Madame X. devant le tribunal d'instance de Saint-Quentin afin d'avoir paiement, au titre du crédit précité, d'une somme de 5.515,73 euros, outre intérêts au taux de 16,83 % l'an depuis le 18 juin 2006.

Par jugement du 10 novembre 2006, réputé contradictoire, le Tribunal, après avoir invité à l'audience la demanderesse à s'expliquer sur les moyens d'office tirés de la forclusion biennale, du dépassement du découvert maximum autorisé, et de l'information annuelle de l'emprunteur, a déclaré Finaref irrecevable pour cause de forclusion, l'a déboutée de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et condamnée aux dépens.

Suivant déclaration reçue au greffe de la Cour le 9 mars 2007, la société Finaref a interjeté appel de ce jugement.

Elle demande à la juridiction de céans de le réformer en faisant droit à la demande principale en paiement qu'elle avait présentée en première instance et, accessoirement, en condamnant Madame X., outre aux dépens, à lui payer 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir que ce n'est pas le découvert maximal autorisé qui a été dépassé, mais le découvert utile ; qu'un tel dépassement ne constitue pas un incident de paiement ou une défaillance de l'emprunteur, et ne peut donc constituer le point de départ du délai de forclusion biennal prévu par l'article L.311-37 du Code de la consommation ; et qu'aucune nouvelle offre n'est nécessaire tant que le découvert maximum autorisé n'a pas été dépassé.

Assignée en application de l'article 908 du nouveau Code de procédure civile, par exploit du 3 juillet 2007 délivré à personne, Madame X. n’a pas constitué avoué.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] DISCUSSION :

Il résulte de l'article 472 du nouveau Code de procédure civile que le défaut de comparution du défendeur ne dispense pas le juge d'avoir à apprécier la régularité, la recevabilité et le bien fondé des demandes dont il est saisi.

Il convient donc de rappeler qu'aux termes de l'article L. 132-1, alinéa 1er, du Code de la consommation, « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». Il résulte par ailleurs de la directive CEE n° 93/13 du 5 avril 1993, relative aux clauses abusives stipulées dans des contrats conclus avec des consommateurs, que le juge national doit pouvoir soulever d'office le caractère abusif d'une telle clause.

En l'espèce, il y a lieu d'observer qu'il est stipulé à l'article 6, alinéas 3 et 4, de l'offre préalable : « A l'issue d'un délai de trois mois suivant la date d'ouverture du compte, le montant du crédit utilisable pourra évoluer par fractions successives, à votre demande ou sur proposition de Finaref, dans la limite du montant maximum de crédit autorisé, et sous réserve que vous ne vous trouviez pas dans l'une des conditions de suspension ou de résiliation visées à l'article 9 ci-après. Toute utilisation du compte au-delà du montant de crédit utilisable sera considérée comme une demande de mise à disposition supplémentaire de votre crédit utilisable ».

Il en résulte que le montant de crédit utilisable à l'ouverture du compte, qui a été fixé à 750 euros, pouvait être augmenté jusqu'à 10.000 euros, soit 13 fois plus, sans nécessité d'une nouvelle offre préalable.

Or, une telle clause permet de contourner le dispositif d'information et de réflexion de l'emprunteur, en détournant son attention des charges liées au remboursement du crédit et en le privant de la possibilité, qui est d'ordre public, de rétracter son acceptation, sans que cette aggravation de sa situation soit nécessairement compensée par l'avantage qu'il peut tirer de la mise à disposition d'une somme plus importante : elle crée donc à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Tel est d'ailleurs l'avis de la Commission des clauses abusives (avis n° 04-02 du 27 mai 2004) et de la Cour de cassation (10 juillet 2006).

Cette question est de nature à influer sur la solution du litige, puisque si la clause précitée devait être réputée non écrite, le montant maximum de l'ouverture de crédit serait toujours de 750 euros, de sorte que sa modification sans acceptation par Madame X. d'une nouvelle offre préalable pourrait être analysée en un incident de paiement non régularisé, et fonder la forclusion opposée par le premier juge.

Il convient toutefois, conformément à l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, de rouvrir les débats en invitant les parties à présenter leurs observations, le cas échéant, sur le moyen d'office tiré du caractère abusif de la clause précitée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, et avant dire droit,

[minute page 4] Ordonne la réouverture des débats en invitant les parties à présenter leurs observations éventuelles sur le moyen d'office tiré du caractère abusif de la clause stipulée à l'article 6 de l'offre acceptée par Madame X. le 19 mars 2002 ;

A cet effet, renvoie l'affaire à la conférence de mise en état du mercredi 2 avril 2008

Réserve les dépens.

LE GREFFIER                        LE PRÉSIDENT