TI LILLE, 23 mars 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 1269
TI LILLE, 22 juin 2009 : RG n° 09-000285 ; jugt n° 285/09
(sur appel CA Douai (8e ch. sect. 1), 28 octobre 2010 : RG n° 09/08358)
Extraits : 1/ « Aux termes de l'article L. 141-4 du Code de la consommation, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application.
Un découvert en compte se prolongeant plus de trois mois cesse d'être une simple tolérance ou une facilité de caisse pour constituer une ouverture de crédit soumise aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du Code de la Consommation. Dès lors, à l'expiration de ce délai de trois mois, l'établissement bancaire doit soumettre à son client une offre préalable de crédit respectant les conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 du Code de la Consommation ou une mise en demeure d'avoir à couvrir le solde débiteur suivie, si elle reste sans effet, d'une clôture du compte.
A défaut, en vertu de l'article L. 311-33 de ce même code, le prêteur est déchu du droit aux intérêts, déchéance qui s'applique aux intérêts courus depuis la survenance du découvert et non simplement depuis l'expiation du délai de trois mois (avis de la Cour de cassation du 8 octobre 1993). »
2/ « De surcroît, la présence du bordereau est exigée par les modèles-types d'offres préalables fixés par les articles R. 311-6 et R. 311-7 du Code de la consommation. En outre, le prêteur pourrait très facilement en justifier si l'offre préalable avait réellement été émise en double exemplaire, ainsi que le prévoit l'article L. 311-8 du Code de la consommation, et si ces deux originaux étaient réellement identiques, ainsi qu'il résulte tant du texte susvisé que de l'article 1325 du Code civil.
A cet égard, il importe de rappeler qu'il appartient bien au prêteur, conformément à l'article 1315 du Code civil, de justifier de la régularité du bordereau de rétractation, qui doit comporter au recto et au verso les mentions requises par l'article R. 311-7 du Code de la consommation, en produisant son propre exemplaire.
Il est bien évident que la reconnaissance de l'emprunteur quant à la détention d'un exemplaire de l'offre doté d'un bordereau détachable ne saurait démontrer la régularité dudit bordereau. En effet la reconnaissance ou l'aveu de l'emprunteur ne peut porter que sur un élément de fait et non sur un point de droit, ainsi qu'il résulte des articles 1354 et suivants du Code civil. Dès lors, cette reconnaissance ne peut constituer la preuve de l'existence d'un contrat ou de sa régularité. »
TRIBUNAL D’INSTANCE DE LILLE
JUGEMENT DU 22 JUIN 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09-000285. Jugement n° 285/09.
DEMANDEURS :
Société La Caisse de CRÉDIT MUTUEL de ROUBAIX
[adresse], représenté(e) par Maître SION Yves, avocat du barreau de LILLE
DÉFENDEURS :
Monsieur X.
[adresse], comparant en personne
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Lorraine BIGOT
Greffier : Dominique DEBRUYNE
DÉBATS : Audience publique du : 9 février 2009
JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, rendu le 23 mars 2009, par Lorraine DIGOT, Président, assisté de Dominique DEBRUYNE, Greffier, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant acte sous seing privé du 18 janvier 2002, Monsieur X. a ouvert un compte de dépôt auprès de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de ROUBAIX (ci-après la Caisse).
En outre, suivant offre préalable émise et acceptée le 10 février 2005, la Caisse lui a consenti un prêt personnel d'un montant de 5.000 euros, remboursable en 48 mensualités, incluant les intérêts au taux nominal annuel de 7,75 %.
Enfin, suivant offre préalable émise et acceptée le 19 avril 2007, elle lui a consenti un crédit sous forme de découvert en compte, utilisable par fractions et assorti d'une carte de crédit, remboursable selon des échéances incluant des intérêts au taux effectif global annuel variable et dégressif en fonction du montant des sommes utilisées.
Monsieur X. ayant cessé de rembourser les échéances convenues et son compte présentant un solde débiteur persistant, la SA lui a adressé, par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 28 août 2008, une mise en demeure prononçant la déchéance du terme des prêts et la clôture du compte de dépôt rendant exigibles les sommes restant dues, en vain.
Par exploit d'huissier en date du 17 janvier 2009, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE ROUBAIX a fait citer Monsieur X. à comparaître devant le Tribunal de céans pour obtenir sa condamnation, assortie de l'exécution provisoire, à lui payer les sommes suivantes :
* 2.014,95 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 août 2008, au titre du solde débiteur du compte de dépôt,
* 1.328,31 euros avec intérêts au taux annuel de 7,75 % sur la somme de 1.172,69 euros à compter du 18 décembre 2008, au titre du solde du prêt personnel,
* 14.320,30 euros avec intérêts au taux annuel de 11,30 % sur la somme de 12.235,87 euros à compter du 18 décembre 2008, au titre du solde du crédit renouvelable,
* 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
A l'audience du 9 février 2009, les parties sont invitées à s'expliquer sur deux moyens suivants relevés d'office :
* les sanctions encourues en l'absence d'émission d'une offre de crédit malgré la persistance d'une solde débiteur pendant plus de trois mois sur le compte de dépôt,
* les sanctions attachées à l'irrégularité des offres de prêt ne comportant pas de bordereau de rétractation.
La Caisse sollicite le bénéfice de son acte introductif d'instance soutenant que le solde débiteur n'a pas duré plus de trois mois et faisant valoir, sur le second moyen, que :
[minute page 3]
* aucune disposition n'impose au prêteur de prouver la régularité du bordereau ni d'en remettre un doublé au juge ;
* aucune confusion, ne doit être faite entre le bordereau de rétractation et le contrat, distincts l'un de l'autre, l'obligation de conserver autant d'exemplaires que de contrats ne concernant pas le bordereau de rétractation ;
* l'emprunteur a reconnu rester en possession d'un exemplaire de l'offre doté du bordereau de rétractation.
Monsieur X. expose avoir des difficultés financières faisant suite à un divorce et ne pas être en mesure de proposer un paiement même échelonné de sa dette.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité :
Il ressort des pièces produites aux débats, en particulier de l'offre préalable et des historiques de compte, que la présente action en paiement a été engagée avant l'expiration d'un délai de deux années à compter des premiers incidents de paiement non régularisés, conformément aux prescriptions de l'article L. 311-37 du Code de la consommation.
En conséquence, la Caisse sera dite recevable en ses demandes.
Sur le solde débiteur du compte de dépôt :
La requérante démontre l'existence de l'obligation dont elle se prévaut en produisant la convention de compte bancaire signée le 18 janvier 2002, un historique de compte, et une mise en demeure.
Aux termes de l'article L. 141-4 du Code de la consommation, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application.
Un découvert en compte se prolongeant plus de trois mois cesse d'être une simple tolérance ou une facilité de caisse pour constituer une ouverture de crédit soumise aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du Code de la Consommation.
Dès lors, à l'expiration de ce délai de trois mois, l'établissement bancaire doit soumettre à son client une offre préalable de crédit respectant les conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 du Code de la Consommation ou une mise en demeure d'avoir à couvrir le solde débiteur suivie, si elle reste sans effet, d'une clôture du compte.
A défaut, en vertu de l'article L. 311-33 de ce même code, le prêteur est déchu du droit aux intérêts, déchéance qui s'applique aux intérêts courus depuis la survenance du découvert et non simplement depuis l'expiation du délai de trois mois (avis de la Cour de cassation du 8 octobre 1993).
[minute page 4] En l'espèce, l'historique de compte fait apparaître un solde débiteur à compter du 15 juin 2007 qui s'est prolongé plus de trois mois et n'a pas cessé de s'aggraver jusqu'à la clôture du compte en août 2008.
Or, la Caisse ne justifie de l'existence d'aucune offre préalable de crédit dans les termes rappelés ci-dessus.
Les intérêts portés au débit du compte pour une somme totale de 214,93 euros seront donc déduits [du] solde.
En outre, le créancier ne saurait prétendre au paiement de frais et pénalités liés aux incidents de paiement et ce, en application des dispositions de l'article L. 311-32 du Code de la consommation, les frais faisant partie des indemnités et coûts non prévus par les articles L. 311-29 à L. 311-31, qui ne peuvent donc être mis à la charge du débiteur défaillant.
Enfin, l'historique laisse apparaître le décompte de frais de relance liés au recouvrement de la créance.
Or, les stipulations de la convention d'ouverture de compte relativement à la prise de connaissance et à la remise des conditions tarifaires, ne peuvent déroger aux dispositions de l'article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 qui prévoient que ces frais restent à la charge du créancier.
Ces frais représentent une somme totale de 160,84 euros.
En conséquence, Monsieur X. sera condamné à payer à la Caisse la somme de 1.639,18 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 août 2008, date de réception de la lettre de mise en demeure.
Sur le prêt personnel et le crédit renouvelable :
En application des dispositions de l'article L. 141-4 du Code de la consommation, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application.
Or, aux termes de l'article L. 311-33 du Code de la consommation, le prêteur qui ne saisit pas l'emprunteur ou la caution d'une offre conforme aux dispositions d'ordre public des articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts.
L'article L. 311-34 du Code de la consommation incrimine le fait pour le prêteur d'omettre de « prévoir un formulaire détachable dans l'offre préalable » ce qui démontre bien que le bordereau détachable, qui selon l'article L. 311-15 est joint à l'offre préalable, fait bien partie intégrante de cet acte.
De surcroît, la présence du bordereau est exigée par les modèles-types d'offres préalables fixés par les articles R. 311-6 et R. 311-7 du Code de la consommation.
En outre, le prêteur pourrait très facilement en justifier si l'offre préalable avait réellement été émise en double exemplaire, ainsi que le prévoit l'article L. 311-8 du Code de la consommation, [minute page 5] et si ces deux originaux étaient réellement identiques, ainsi qu'il résulte tant du texte susvisé que de l'article 1325 du Code civil.
A cet égard, il importe de rappeler qu'il appartient bien au prêteur, conformément à l'article 1315 du Code civil, de justifier de la régularité du bordereau de rétractation, qui doit comporter au recto et au verso les mentions requises par l'article R. 311-7 du Code de la consommation, en produisant son propre exemplaire.
Il est bien évident que la reconnaissance de l'emprunteur quant à la détention d'un exemplaire de l'offre doté d'un bordereau détachable ne saurait démontrer la régularité dudit bordereau.
En effet la reconnaissance ou l'aveu de l'emprunteur ne peut porter que sur un élément de fait et non sur un point de droit, ainsi qu'il résulte des articles 1354 et suivants du Code civil.
Dès lors, cette reconnaissance ne peut constituer la preuve de l'existence d'un contrat ou de sa régularité.
Par ailleurs, le fait que l'emprunteur puisse se rétracter par tout moyen, y compris sur papier libre, n'a aucune incidence sur l'obligation pour le prêteur de remettre, avec l'offre préalable, un bordereau de rétractation régulier destiné à faciliter l'usage du délai de réflexion.
Enfin, le modèle-type de bordereau de rétractation fixé par l'article R. 311-7 du Code de la consommation impose la mention de la date d'expiration du délai de réflexion de l'offre.
A cet égard, le simple rappel des dispositions de l'article L. 311-15 du Code de la consommation est insuffisant puisqu'il ne permet pas à l'emprunteur de connaître les conditions de computation des délais, ni de prorogation lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé.
Ainsi, la seule indication du délai de sept jours peut induire l'emprunteur en erreur sur ses possibilités réelles d'exercice de la faculté de rétractation.
En l'espèce, les offres produites aux débats ne comportent pas de bordereau de rétractation.
Ce défaut de régularité est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts, l'article L. 311-13 du Code de la consommation prévoyant que les modèles-types, dont le respect est sanctionné par l'article L. 311-33, sont établis par décret, à savoir les articles R. 311-6 et R. 311-7.
Cette déchéance du droit aux intérêts, destinée à assurer le respect des règles protectrices instaurées par les articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation en faveur de l'ensemble des consommateurs, n'est pas subordonnée à l'existence d'un préjudice quelconque ou d'un grief pour l'emprunteur.
Il s'ensuit que, conformément à l'article L. 311-33 du Code de la consommation, le débiteur n'est tenu qu'au remboursement du seul capital restant dû, après déduction des intérêts réglés à tort.
[minute page 6] Cette limitation légale de la créance du prêteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de l'indemnité prévue par les articles L. 311-30 et D. 311-11 du Code de la consommation.
Dès lors, la créance de la Caisse s'établit comme suit
Au titre du prêt personnel :
* capital emprunté depuis l'origine : 5.000 euros
* sous déduction des versements : 4.707,12 euros
Au titre du crédit renouvelable :
* capital emprunté depuis l'origine : 14.766,75 euros
* sous déduction des versements : 5.250 euros
soit une somme totale de 9.809,63 euros au paiement de laquelle Monsieur X. sera condamné avec intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2008, date postérieure à la date de réception de la lettre de mise en demeure comme sollicité et conformément à l'article 1153 du Code civil.
Sur les autres demandes :
Succombant à l'instance, Monsieur X. sera condamné aux dépens.
Ni l'équité ni la situation respective des parties ne justifiant l'application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, les demandes formées de ce chef seront rejetées.
Aucune circonstance particulière ne justifie le prononcé l'exécution provisoire.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition du jugement au Greffe à la date indiquée à l'issue des débats en audience publique en application de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, contradictoirement et en premier ressort,
DIT la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de ROUBAIX recevable en ses demandes ;
CONDAMNE Monsieur X. à payer à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de ROUBAIX les sommes suivantes :
* 1.639,18 euros (mille six cent trente neuf euros et dix huit centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 28 août 2008, et jusqu'à complet paiement,
* 9.809,63 euros (neuf mille huit cent neuf euros et soixante trois centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2008, et jusqu'à complet paiement,
CONDAMNE Monsieur X. aux dépens ;
[minute page 7] DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.
Ainsi jugé et prononcé à LILLE, le 23 mars 2009, la minute étant signée par Mademoiselle DIGOT, Présidente, et Madame DEBRUYNE, Greffière, à laquelle cette minute a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
- 5716 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Loi du 3 janvier 2008
- 6083 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Permanence du Consentement - Consommateur - Droit de rétractation
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