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CA PARIS (5e ch. sect. B), 30 mars 1995

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (5e ch. sect. B), 30 mars 1995
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 5e ch. sect. B
Demande : 93-24116
Date : 30/03/1995
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 21/10/1993
Décision antérieure : T. COM. MONTEREAU, 20 juillet 1993
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1294

CA PARIS (5e ch. sect. B), 30 mars 1995 : RG n° 93-24116, n° 94-17543 et n° 95-1318

Publication : Juris-Data n° 021356

 

Extrait  : « Considérant que l'activité professionnelle d'un artisan ne se limite pas à la simple mise en œuvre de ses connaissances techniques que l'artisan gère une entreprise ; qu'il doit avoir la compétence nécessaire pour prendre les initiatives de gestion indispensables telles que le recours à l'assistance d'un comptable ou d'un conseil en organisation de son activité professionnelle ; que Monsieur X. ne remet d'ailleurs pas en cause le contrat « étude et diagnostic » pour lequel il avait aussi fait l'objet d'un démarchage ; Qu'artisan boulanger démarché sur le lieu de son activité professionnelle par une entreprise proposant de l'aider à organiser cette activité, Monsieur X. n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs ».           

 

COUR D’APPEL DE PARIS

CINQUIÈME CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 30 MARS 1995

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° Répertoire Général : R.G. n° 93-24116, n° 94-17543 et n° 95-1318. Date de l’ordonnance de clôture : 20 janvier 1995.

Sur appel d'un jugement du Tribunal de Commerce de MONTEREAU du 20 juillet 1993 92- 1550, Mr Girault président. Premier arrêt – au fond.

 

PARTIES EN CAUSE :

1°) Monsieur X.

demeurant [adresse], Appelant, Représenté par la SCP Fisselier Chiloux Boulay, avoué, Assistée de Maître Camoin, avocat.

2°) La Compagnie Française des Conseils Indépendants

Société en nom collectif, dont le siège [adresse], en liquidation judiciaire,

2°) Maître Pinon

demeurant [adresse], es-qualité d'administrateur judiciaire de la société CFCI, Intimée et intervenant, Représentés par la SCP Menard Scelle Millet, avoué

3°) Maître PELLEGRINI

demeurant [adresse], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société CFCI, Intervenant forcé, Représenté par la SCP Menard Scelle Millet, avoué, Assistée de Maître Godest, avocat.

 

COMPOSITION DE LA COUR Lors du délibéré : Président : Monsieur LECLERCQ ; Conseillers : Messieurs BOUCHE et LE FEVRE

[minute page 2] GREFFIER : Madame Laissac

MINISTÈRE PUBLIC : auquel le dossier a été communiqué

DÉBATS : à l'audience publique du 1er mars 1995, Monsieur LE FEVRE conseiller chargé du rapport a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés. Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement par Monsieur LECLERCQ, président, lequel a signé la minute avec Madame LAISSAC, greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Au début du mois de novembre 1990 Monsieur X., artisan boulanger à [ville], a été démarché sur les lieux de son activité professionnelle par la société Compagnie Française des Conseils Indépendants ci-après appelée CFCI. Il a commandé à cette société une « étude diagnostic » d'un coût de 7.250 francs hors taxes puis un « programme d'intervention » en vue d'améliorer la gestion de son entreprise d'une durée de 150 heures au coût horaire de 987 francs hors taxes.

Monsieur X. a protesté à la réception d'une facture du 16 novembre 1990 d'un montant de 38.628,70 francs toutes taxes comprises censés correspondre à trente six heures d'intervention, a interrompu le « programme » et n'a réglé que 8.629,20 francs. Il a invoqué notamment les dispositions de la loi du 22 décembre 1972 sur la protection des consommateurs en matière de démarchage.

Par jugement du 20 juillet 1993 rendu sur opposition à une ordonnance d'injonction de payer du 1er juin 1992 le Tribunal de commerce de MONTEREAU a condamné Monsieur X. à payer à la société CFCI 30.000 francs avec intérêts de droit à compter du 1er juin 1992 et a ordonné l'exécution provisoire de cette condamnation.

Monsieur X. a fait appel par acte du 21 octobre 1993. La société a été mise en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire le 1er décembre 1994 et Maître PELLEGRINI nommé mandataire liquidateur.

[minute page 3]

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Par conclusions signifiées les 19 novembre 1993, 7 septembre et 29 décembre 1994 Monsieur X. demande à la Cour d'infirmer le jugement, de fixer sa créance sur la société CFCI à 8629,20 francs en principal avec intérêts de droit du 20 juillet 1993 au 7 avril 1994, d'y ajouter 10 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Il soutient qu'il doit bénéficier de la protection de la loi du 22 décembre 1972 dont aucune des dispositions n'a été respectée par la société CFCI, car les prestations proposées par démarchage étaient marginales par rapport à son activité principale dans laquelle elles ne s'intégraient pas, que ces prestations échappaient totalement à sa compétence professionnelle qu'elles étaient imprécises et « faisaient double emploi avec une activité d'expert comptable et apparaissent comme une escroquerie pure et simple » ; il justifie de ce qu'il a déclaré une créance de 8.629,20 francs en principal et de 10 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile le 24 juin 1994 ;

La société CFCI a constitué avoué le 16 novembre 1993. Assignés en intervention forcée Maître PINON, administrateur du redressement judiciaire, et Maître PELLEGRINI, représentant des créanciers, ont constitué à leur tour le même avoué le 2 septembre 1994. Ni la société CFCI ni Maîtres PINON et PELLEGRINI, seul désormais habilité à le faire en tant que mandataire liquidateur, n'ont conclu ;

Maître PELLEGRINI s'est fait représenter toutefois à l'audience par un avocat qui a sollicité, sans déposer de conclusions en ce sens, le rabat de l'ordonnance de clôture qui avait été rendue le 20 janvier 1995 en l'absence de demande de report de la date de clôture notifiée aux parties. L'avocat de Monsieur X. s'est opposé à cette demande et au renvoi de l'affaire. Il n'existait aucune raison de faire droit à la demande de réouverture de la procédure de mise en état au surplus irrégulièrement présentée. L'avocat de Maître PELLEGRINI a en conséquence sollicité la confirmation du jugement en soutenant que la loi du 22 décembre 1972 n'était pas applicable au démarchage litigieux.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI, LA COUR,

Considérant que l'activité professionnelle d'un artisan ne se limite pas à la simple mise en œuvre de ses connaissances techniques que l'artisan gère une entreprise ;

[minute page 4] qu'il doit avoir la compétence nécessaire pour prendre les initiatives de gestion indispensables telles que le recours à l'assistance d'un comptable ou d'un conseil en organisation de son activité professionnelle ; que Monsieur X. ne remet d'ailleurs pas en cause le contrat « étude et diagnostic » pour lequel il avait aussi fait l'objet d'un démarchage ;

Qu'artisan boulanger démarché sur le lieu de son activité professionnelle par une entreprise proposant de l'aider à organiser cette activité, Monsieur X. n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs ;

Mais considérant que « l’autorisation d'intervention » qui tient lieu de contrat, stipule à l'article 8 des conditions générales que « le client a la possibilité de mettre un terme à tout moment » à l'intervention de la société CFCI et qu'il a pour obligation en ce cas de régler « les honoraires correspondant aux prestations effectuées » ; que la facture du 16 novembre 1990 dont la société CFCI demande paiement, chiffre les prestations à 38.629,20 francs toutes taxes comprises sur la base de 33 heures d'intervention fournies les 15 et 16 novembre 1990 au tarif horaire de 987 francs hors taxes ;

Considérant que le terme « prestations effectuées » ne peut s'entendre que d'un apport positif pour le client et non de la simple élaboration d'un « plan de travail » dont la société CFCI parait s'être contentée pour justifier sa première facture ; que la rédaction de ce document aurait du précéder la conclusion du contrat ; qu'en qualifiant l'opération d'escroquerie, Monsieur X. conteste toutefois la réalité et la qualité des prestations alléguées ;

Considérant que le « programme » d'intervention « était défini par la lettre d'autorisation dans les termes particulièrement imprécis suivants : « maîtrise de gestion et rentabilité amélioration de la production », prévision et contrôle de trésorerie » ;

Qu'un « plan de travail » manuscrit daté du 15 novembre 1990 censé détailler les objectifs et moyens de l'intervention de la société CFCI se borne à des généralités telles que « le but est de faire des budgets à partir d'objectifs et de constater (sic) les résultats aux prévisions » ; qu'il comporte des remarques inadaptées à une boulangerie pâtisserie artisanale disposant de trois salariés, telles que « il n'y a aucune planification, pas de projet d'entreprise, pas de gestion prévisionnelle » ou « l'entreprise est dépourvue des outils de gestion nécessaires… tels que méthode de calcul et de contrôle [minute page 5] des coûts, gestion prévisionnelle, prévision et contrôle de trésorerie »... ; que les objectifs sont mentionnés en des termes si imprécis qu'ils n'ont pas de signification ; qu'en fin de compte les seules réelles prestations de la société CFCI sont une suggestion de «  réaménagement du bureau » pour faciliter « le déroulement de la mission » et « regrouper la totalité des documents administratifs » et l'établissement d'une banale situation de trésorerie manuscrite que tout artisan doit être capable d'établir lui même ;

Considérant que la société CFCI n'avait fourni en définitive aucune prestation réellement utile lorsque Monsieur X. a mis un terme à sa mission ainsi qu'il en avait le droit ; que l'imprécision du contrat, proposé à la signature de Monsieur X. ne lui permettait pas de se rendre compte autrement qu'en cours d'exécution de l'inanité des engagements de la société CFCI et de la parfaite inutilité pour son entreprise de l'intervention de la société CFCI ;

Qu'il n'est pas concevable enfin que 33 heures aient été nécessaires à trois intervenants pour aboutir à un résultat aussi inconsistant d'autant que le tarif horaire de 987 francs hors taxes ne peut correspondre qu'à l'intervention d'un personnel particulièrement compétent et à des prestations de grande qualité ;

Considérant qu'en accusant la société CFCI d'avoir commis « une escroquerie pure et simple » et en incriminant un « scénario d'intervention d'une efficacité et d'une rapidité remarquables dont la première étape est une étude diagnostic », Monsieur X. en vient à se placer sur le seul terrain sur lequel il est fondé à demander l'annulation du contrat, le vice de son consentement ;

qu'il ne demande toutefois pas l'annulation de la partie « étude et diagnostic » ni la répétition ou l'incorporation à la fixation de créance de la somme de 7.250 francs réglée à ce titre ;

Considérant qu'il résulte des constatations opérées sur les documents émanant de la société CFCI que Monsieur X. a été victime d'un dol ; qu'il convient d'annuler le contrat ainsi que cela est sollicité, c'est à dire sans remettre en cause la phase initiale d'étude, et d'ordonner la restitution demandée de l'acompte de 8.629,20 francs versé ;

Considérant qu'il est équitable d'accorder à Monsieur X. la somme de 5.000 francs au titre de ses frais irrépétibles ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 6] PAR CES MOTIFS :

Constate que la mission de Maître PINON a pris fin,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Fixe à 8.629,20 francs avec intérêts au taux légal du 20 juillet 1993 à l'ouverture de la procédure collective la créance de Monsieur X. à inscrire au passif de la société Compagnie Française des Conseils Indépendants,

Condamne Maître Pellegrini es qualité à payer à Monsieur X. 5.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne Maître PELLEGRINI es qualité de mandataire liquidateur aux dépens de première instance et d'appel,

Admet la société civile professionnelle Fisselier-Chiloux-Boulay, titulaire d'un office d'avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.