TI SAINT-DIZIER, 8 novembre 2000
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 130
TI SAINT-DIZIER, 8 novembre 2000 : RG n° 00/000139 ; jugement n° 360/2000
(décision précédente TI Saint-Dizier, 30 août 2000 : RG n° 00/000139 ; jugement n° 255/2000)
Extraits : « Attendu que selon l'article 5 des conditions générales de location, restent à la charge du locataire dans tous les cas : - […] ; - les dommages causés aux parties inférieures et supérieures du véhicule » ; […] ; « Attendu que le contrat ne définit pas ce qu'il faut entendre par les termes « parties inférieures et supérieures du véhicule » ; Attendu qu'il est constant que tous les éléments composant un véhicule peuvent être arbitrairement rangés dans les parties inférieures ou dans les parties supérieures » ; […] ; « Attendu qu'en définitive, l'utilisation de cette clause équivaut pour le bailleur à majorer unilatéralement le montant de la franchise dans des proportions que le locataire n'est pas en mesure de déterminer à l'avance, y compris lorsqu'il n'est pas prouvé, comme c'est le cas en l'espèce, que le locataire est responsable de l'accident et des dégâts occasionnés au véhicule ;Que cette clause, qui crée un déséquilibre significatif en faveur de la société AUTORENT, doit être déclarée abusive ».
TRIBUNAL D’INSTANCE DE SAINT-DIZIER
JUGEMENT DU 8 NOVEMBRE 2000
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-00-000139. Jugement n° 360/2000.
ENTRE :
DEMANDEUR(S) :
La Société AUTORENT
[adresse], représenté(e) par Maître BEYNET, avocat au barreau de PARIS, d'une part
DEFENDEUR(S) :
Monsieur X.,
[adresse] comparant en personne, d'autre part
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Président : Y. BRISQUET
Greffier : G. COILLIOT
DÉBATS :Audience publique du 11 octobre 2000.
DÉCISION : contradictoire, en dernier ressort, prononcée publiquement le huit novembre deux mil.
[minute page 2]
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par déclaration reçue au greffe le 7 juin 2000, la société AUTORENT a demandé la convocation de Monsieur X. devant le présent tribunal aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 14.317,68 francs correspondant à la location d'un véhicule et au coût des réparations.
Les parties ont été convoquées par lettres recommandées avec avis de réception en date du 14 juin 2000 à l'audience du 5 juillet 2000.
* * *
Par jugement avant dire droit en date du 30 août 2000, le présent tribunal a ordonné la réouverture des débats et a invité la société AUTORENT à s'expliquer sur les points suivants :
- définition des termes « parties inférieures et supérieures du véhicule » ;
- prise en charge des bris de glace ;
- décompte du poste « divers remorquage ».
Le tribunal a en outre invité les parties à s'expliquer sur le caractère éventuellement abusif, au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, de la clause selon laquelle les dommages causés aux parties inférieures et supérieures du véhicule restent dans tous les cas à la charge du locataire.
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Lors de l'audience du 11 octobre 2000, la société AUTORENT, représentée par Maître BEYNET, a fait valoir que la clause litigieuse n'est pas abusive puisqu'elle n'exonère pas le bailleur de toute responsabilité et qu'elle s'analyse en une clause de partage de responsabilité.
Elle indique que les parties supérieures du véhicule comprennent les éléments de carrosserie situés de la base du pare brise jusqu'au toit du véhicule ainsi que les glaces et que les parties inférieures regroupent les organes du véhicule situés sous le châssis comme par exemple les traverses inférieures et supérieures, le berceau moteur ou les demi trains avant droit et gauche.
Elle souligne que les réparations sur le véhicule se chiffrent au total à la somme de 39.107,57 francs et que les sommes réclamées à Monsieur X., qui ne correspondent qu'au quart des réparations, distinguent les travaux aux parties [minute page 3] inférieures et supérieures.
Elle sollicite la condamnation de Monsieur X., sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement de la somme de 14.317,68 francs avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement.
La société AUTORENT demande également la condamnation de Monsieur X. au paiement de la somme de 6.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
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Monsieur X. conteste les sommes réclamées par la société AUTORENT en sus de la franchise de 8.000 francs et il considère que la clause relative aux dommages sur les parties inférieures et supérieures du véhicule est abusive compte tenu de son caractère imprécis.
Il refuse également de supporter les frais relatifs aux bris de glace et il conteste l'importance des frais de remorquage en proposant une somme de 1.200 francs à ce titre.
À l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré au 8 novembre 2000.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande principale :
Attendu que selon l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que Monsieur X. a été victime d'un accident de la circulation routière le 13 janvier 2000 alors qu'il conduisait un véhicule loué auprès de la société AUTORENT ;
Attendu que selon l'article 5 des conditions générales de location, restent à la charge du locataire dans tous les cas :
- les dégâts aux pneus et jantes ;
- les dommages causés aux parties inférieures et supérieures du véhicule ;
- les dégradations intérieures ;
- [minute page 4] l'utilisation de carburant non conforme ;
- les frais de remorquage consécutifs à un accident ;
Attendu que le contrat ne définit pas ce qu'il faut entendre par les termes « parties inférieures et supérieures du véhicule » ;
Attendu qu'il est constant que tous les éléments composant un véhicule peuvent être arbitrairement rangés dans les parties inférieures ou dans les parties supérieures ;
Attendu que l'expert désigné par la société AUTORENT pour chiffrer les dégâts occasionnés au véhicule à la suite de l'accident a évalué les postes « parties inférieures » et « parties supérieures » respectivement à 2.438,32 francs et à 4.820,38 francs, sans toutefois énoncer clairement les réparations contenues dans chacun de ces postes et sans définir la clé de répartition qu'il utilise ; qu'en outre, la société AUTORENT n'a pas été en mesure dans ses écritures déposées après réouverture des débats de donner une définition précise de ces parties mais seulement une indication globale ;
Attendu qu'il convient d'observer, même si la présente juridiction n'est pas liée par cet avis, que la commission des clauses abusives a préconisé, dans sa recommandation n° 96-02 du 14 juin 1996 (34°) relative aux locations de véhicules automobiles, l'élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de laisser à la charge du locataire, même s'il a souscrit un rachat de franchise, le coût des dommages relevés sur la « partie supérieure » du véhicule, sans préciser cette limitation dans la clause particulière du rachat de franchise ni préciser que la limitation n'interviendra qu'en cas de mauvaise appréciation du gabarit par le locataire ;
Attendu qu'en l'espèce, Monsieur X. n'a pas souscrit l'assurance complémentaire relative au rachat de la franchise d'un montant de 8.000 francs ; qu'il n'en demeure pas moins que la clause laissant à sa charge les dommages causés aux parties inférieures ou supérieures du véhicule s'ajoute à la franchise ;
Attendu que si la responsabilité du locataire peut parfaitement être admise lorsqu'il s'agit de sanctionner le non respect des indications routières relatives à la hauteur des véhicules ayant entraîné des dégradations des parties hautes d'un camion ou d'un véhicule surélevé, il n'en va pas de même en l'espèce ; qu'aucune explication convaincante n'est en effet avancée pour justifier l'application de cette clause en matière de véhicule de tourisme et plus particulièrement en ce qui concerne les parties inférieures ;
Attendu qu'en définitive, l'utilisation de cette clause équivaut pour le bailleur à majorer unilatéralement le montant [minute page 5] de la franchise dans des proportions que le locataire n'est pas en mesure de déterminer à l'avance, y compris lorsqu'il n'est pas prouvé, comme c'est le cas en l'espèce, que le locataire est responsable de l'accident et des dégâts occasionnés au véhicule ;
Que cette clause, qui crée un déséquilibre significatif en faveur de la société AUTORENT, doit être déclarée abusive ;
Attendu qu'aucune clause expresse ne permet d'imputer les bris de glace au locataire du véhicule ;
Qu'en revanche, la clause énoncée ci-dessus est claire en ce qui concerne les frais de remorquage consécutifs à un accident qui doivent par conséquent être imputés à Monsieur X. ; que sur ce point, la société AUTORENT a versé aux débats les factures établies par les garagistes et le défendeur n'a fait valoir aucun argument pertinent pour contester leur montant ;
Attendu que les sommes dues par Monsieur X. sont les suivantes :
- location du véhicule HT : 995,02 Francs
- franchise HT : 6.633,49 Francs
- Remorquage
* facture garage JAMROZ : 603,19 Francs
* facture garage des Œillets : 2.480,00 Francs
TOTAL HT : 10.711,70 Francs
TVA 20,60% : 2.206, 61 Francs
Carburant : 369,50 Francs
Péage : 172,00 Francs
TOTAL TTC : 13.459,81 Francs
Qu'après déduction de la somme de 8.000 francs qui a déjà été payée par le défendeur, Monsieur X. doit être condamné à payer la somme de 5.459, 81 francs avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
Sur l'exécution provisoire :
Attendu que le présent jugement, qui est prononcé contradictoirement et en dernier ressort, n'est pas susceptible de faire l'objet d'un appel ni d'une opposition ; qu'il convient donc de constater qu'il est exécutoire de droit ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la société AUTORENT la charge de ses frais irrépétibles ;
Attendu qu'il convient de condamner Monsieur X. aux dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement en dernier ressort,
DÉCLARE abusive et par conséquent non écrite la clause du contrat liant la société AUTORENT à Monsieur X. selon laquelle les dommages causés aux parties inférieures et supérieures du véhicule restent dans tous les cas à la charge du locataire ;
CONDAMNE Monsieur X. à payer à la société AUTORENT la somme de 5.459,81 francs, soit 832,34 euros, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
CONSTATE que le présent jugement est exécutoire de droit ;
LAISSE à la société AUTORENT la charge de ses frais irrépétibles ;
CONDAMNE Monsieur X. aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits.
- 5996 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Absence de caractère normatif
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